Jurisprudence : TA Montpellier, du 18-08-2022, n° 2203814


Références

Tribunal Administratif de Montpellier

N° 2203814


lecture du 18 août 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2022, M. A B, représenté par Me Chavrier, demande au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 :

1°) de suspendre l'exécution de la convention d'occupation du domaine public signée le 24 janvier 2022 entre la commune de Mauguio-Carnon et la société " Lino Aurélien " ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Mauguio-Carnon le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Il soutient que :

Sur la recevabilité :

- il justifie d'un intérêt à agir en sa qualité de concurrent évincé et sa requête n'est pas tardive à défaut d'accomplissement des mesures de publicité appropriées ;

Sur l'urgence :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que l'attribution du droit d'occupation à son concurrent le prive d'un chiffre d'affaires annuel de 20 004 euros et de l'exploitation du fonds de commerce qu'il a constitué ; la convention en litige porte ainsi atteinte de manière grave et immédiate à sa situation financière ;

Sur le doute sérieux quant à la validité de la convention contestée :

- la convention litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques🏛 en ce qu'elle a été conclue sans respecter les conditions de mise en concurrence préalables à la désignation d'un nouvel exploitant de l'emplacement litigieux ; en effet elle a été signée le 24 janvier 2022, soit avant la date de clôture de réception des offres fixée au 26 janvier 2022 à 12h00 par le cahier des clauses particulières ;

- la commune a irrégulièrement modifié le début de la période d'exploitation sur la convention litigieuse ;

- l'offre de la société " Lino Aurélien " aurait dû être écartée comme irrecevable dès lors que son dossier de candidature ne comportait pas un extrait du registre du commerce ou des métiers de moins de trois mois alors en outre que cette société n'exploite aucune activité de vente ambulante de restauration à emporter ;

- par ailleurs l'offre de M. B n'a pas été dûment analysée dès lors que le rapport d'analyse des offres comporte un descriptif erroné de l'esthétique de son camion pizza tandis que l'offre de son concurrent ne comportait aucun descriptif visuel permettant d'apprécier l'insertion du véhicule dans le site.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, la commune de Mauguio-Carnon, représentée par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dans la mesure où :

le recours au fond en contestation de la validité de la convention litigieuse est tardif dès lors qu'il a été introduit après l'expiration du délai de deux mois à compter de la réalisation des mesures de publicité appropriées, soit en l'espèce la décision municipale du 28 mars 2022 ayant fait l'objet d'un affichage en mairie ;

le requérant ne justifie pas d'un intérêt légitime à agir dès lors qu'il occupe sans droit ni titre l'emplacement attribué au titre de ladite convention ;

- à titre subsidiaire, les conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 ne sont pas remplies dès lors que :

l'urgence ne saurait être caractérisée dès lors que le requérant se maintient irrégulièrement sur le domaine public et ne démontre pas être dans l'impossibilité d'exercer son activité sur un autre emplacement ;

aucun des moyens soulevés n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la convention contestée.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête enregistrée le 01 juillet 2022 sous le n° 2203402 par laquelle M. B demande l'annulation de la convention conclue entre la commune de Mauguio-Carnon et la société " Lino Aurélien ".

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Le président du Tribunal a désigné M. Goursaud, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :

- le rapport de M. Goursaud, juge des référés,

- les observations de Me Chavrier, représentant M. B, qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

- et celles de Me Euzet, représentant la commune de Mauguio-Carnon, qui a repris les éléments de son mémoire en défense.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

M. B a produit le 17 août 2022 des pièces complémentaires.

Considérant ce qui suit :

1. M. B est titulaire d'une convention d'occupation du domaine public signée le 19 janvier 2018 avec la commune de Mauguio-Carnon et mettant à sa disposition, pour une durée d'un an renouvelable trois fois, l'emplacement situé rue du Grau à Carnon Plage en vue d'exploiter une activité de camion pizza. Cette convention étant arrivée à échéance, la commune a publié le 6 janvier 2022 un avis d'appel à candidature pour l'exploitation de cet emplacement et, par arrêté municipal du 28 janvier 2022, a autorisé M. B à poursuivre son activité jusqu'au 28 février 2022. M. B a participé à cette mise en concurrence. Par un courrier du 21 mars 2022, le maire de Mauguio-Carnon l'a informé que sa candidature n'avait pas été retenue. Par la présente requête, M. B, candidat évincé, demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛, la suspension de l'exécution de la convention d'occupation du domaine public signée le 24 janvier 2022 entre la commune de Mauguio-Carnon et la société " Lino Aurélien ".

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛 : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ".

3. Tout tiers à une convention d'occupation du domaine public susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité de celle-ci, et peut l'assortir d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative🏛, à la suspension de son exécution lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

4. Pour établir l'urgence à suspendre l'exécution de la convention d'occupation du domaine public en litige, M. B soutient que la perte de cet emplacement sur lequel il exerce son activité de restauration à emporter depuis janvier 2018 va le priver des ressources qu'il tire de cette activité. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de la police municipale en date du 18 juillet 2022, que M. B continue d'y exercer son activité sans aucun titre l'y autorisant. Par ailleurs, si le requérant fait valoir qu'il subirait une perte de revenus équivalent à 792 euros par mois ce qui, compte tenu du salaire de son épouse, des prestations familiales et sociales perçues par le couple et des charges fixes du foyer, aboutirait à un reste à vivre de seulement 91,25 euros par mois, il ne l'établit pas en se bornant à produire un " Bilan des revenus avec et sans camion pizza 2021 " et un état des " dépenses camion Allégria 2021 " rédigés par ses soins ainsi qu'un avis d'imposition sur les revenus de 2020. Enfin, si la nouvelle convention conclue met un terme à l'activité de M. B sur l'emplacement concerné, elle ne le prive pas irrémédiablement de la possibilité d'exercer une activité commerciale, alors en outre que le requérant ne justifie pas avoir vainement tenté de rechercher d'autres emplacements pour l'exercice de son activité de restauration à emporter ambulante ni s'être heurté à des refus d'autorisation. Par suite, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que les effets de la convention en litige sur la situation financière de M. B et de sa famille soient de nature à caractériser une urgence justifiant que son exécution soit suspendue sans attendre le jugement de la requête au fond, alors en tout état de cause que la suspension de l'exécution de cette convention n'aurait pas pour effet de rendre M. B titulaire d'une autorisation et serait donc sans effet sur l'absence de droit du requérant au maintien sur l'emplacement qu'il occupait auparavant.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin ni de statuer sur les fins de

non-recevoir opposées par la commune de Mauguio-Carnon ni de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la validité de la convention en litige, que les conclusions de M. B tendant à la suspension de l'exécution de cette convention doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mauguio-Carnon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B la somme que la commune de Mauguio-Carnon demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1 : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Mauguio-Carnon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B, à la société " Lino Aurélien " et à la commune de Mauguio-Carnon.

Fait à Montpellier, le 17 août 2022.

Le juge des référés,

F. Goursaud

La greffière,

C. Touzet

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 18 août 2022.

La greffière,

C. Touzet00

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