Monsieur [Ae] [W] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.
Monsieur [G] [W] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 septembre 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 mars 2022, Monsieur [G] [W] demande l'infirmation du jugement et la condamnation solidaire de la société WRA et de l'Ags à lui payer 23'376'euros de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 20'000'euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution du Plan de Sauvegarde de l'Emploi, ainsi qu'une indemnité pour frais de procédure de 2'000'euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes .
Au soutien de ses demandes, Monsieur [G] [W] expose que :
- le motif économique du licenciement n'est pas valable, faute de motivation suffisante de la lettre de licenciement concernant le périmètre légal du secteur d'activité ;
- les intimés ne produisent aucun élément probant quant à la réalité du motif économique du licenciement, au niveau du secteur d'activité Division Cabines du groupe auquel appartient l'entreprise ;
- les difficultés de l'entreprise ont pour origine le comportement frauduleux de ses dirigeants ;
- le motif économique allégué manque de clarté et est mal situé dans le temps, sans comparaison étayée avec la concurrence, alors que les moyens du groupe sont importants et le secteur d'activité Division Cabines florissant ;
- l'obligation légale individuelle de reclassement a été méconnue, aucune offre de reclassement interne en France n'ayant été faite et les informations fournies ne permettaient pas de se positionner pour le reclassement à l'étranger ;
- le Plan de sauvegarde de l'emploi n'a pas été exécuté ; il n'a bénéficié d'aucune proposition d'emploi de la part de la cellule de reclassement.
A titre subsidiaire, Monsieur [W] fait observer que le Plan de Sauvegarde de l'Emploi fait application des critères légaux pour établir l'ordre des départs. Il relève que si l'employeur avait justement pris en compte sa situation familiale (deux enfants), il aurait bénéficié de 7 points et non pas 6, et n'aurait donc pas été affecté par le licenciement.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 novembre 2021, la société WRA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Tim, demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes de Monsieur [Ae] [W], de dire qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de l'Ags sur les modalités de l'avance des sommes dues, conformément aux dispositions de l'
article L.3253-20 du code du Travail🏛 et subsidiairement, de réduire 'à de plus justes proportions' le quantum des indemnisations sollicitées en fonction de l'ancienneté. Elle fait valoir que :
- la lettre de licenciement est suffisamment motivée sur le périmètre légal du secteur d'activité ;
- la réalité des difficultés économiques est avérée, la situation étant objectivement catastrophique, tant pour le groupe que pour l'entreprise, la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de TIM le confirmant ;
- la preuve d'une attitude intentionnelle et frauduleuse des dirigeants de l'entreprise n'est pas établie et les fautes ayant pu être commises ne sont pas la cause des difficultés économiques ;
- l'obligation de reclassement a été respectée, tant sur le plan interne qu'externe ;
- Monsieur [G] [W] ne rapporte pas la preuve du préjudice que lui aurait causé l'inexécution alléguée du plan de sauvegarde de l'emploi ;
- le bénéfice de subsidiarité, sollicité par l'Ags n'est pas fondé, puisque l'entreprise ne fait pas l'objet d'une procédure de sauvegarde, et ne dépend pas de la compétence de la présente juridiction.
Le liquidateur judiciaire expose enfin les critères d'ordre de départ retenus pour déterminer l'ordre des départs, dont la charge de famille. Il justifie par ailleurs le recours au critère de l'assiduité pour apprécier les compétences professionnelles des salariés dans ce cadre.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 février 2022, l'Ags soulève l'incompétence de la présente juridiction au profit du juge administratif, pour trancher toute demande découlant de la contestation du contenu du Plan de Sauvegarde de l'Emploi et à titre subsidiaire, l'irrecevabilité des demandes tendant à critiquer le contenu du PSE au regard du principe de l'autorité de la chose jugée. Elle demande par ailleurs la confirmation du jugement, le rejet des demandes de Monsieur [Ae] [W] et à titre subsidiaire, la réduction du montant des dommages et intérêts qui seraient accordés.
L'Ags demande également que les conséquences financières indemnitaires des éventuelles fautes des dirigeants lui soient déclarées inopposables, qu'il soit en tout état de cause fait application des limites légales de sa garantie, ainsi que des dispositions de l'
article L.3253-20 du Code du Travail🏛.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 avri
l 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
* * *
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la compétence de la juridiction prud'homale
La loi du 14 juin 2013 a prévu que le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi qui doit être établi en cas de licenciement d'au moins dix salariés sur une période de trente jours est fixé par un accord collectif majoritaire ou, à défaut, par un document élaboré par l'employeur. En vertu de l'
article L. 1233-57-1 du code du travail🏛, cet accord ou ce document est transmis à l'autorité administrative pour validation ou homologation. Selon l'
article L.1235-7-1 de ce code, les litiges relatifs à la décision de validation ou d'homologation relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, sans que l'accord collectif, le document élaboré par l'employeur, le contenu du plan de sauvegarde de l'employeur, les décisions prises par l'administration au titre de l'
article L.1233-57-5 de ce code🏛 ni la régularité de la procédure de licenciement collectif ne puissent faire l'objet d'un litige distinct.
En vertu des
articles L.1233-57-2 et L.1233-57-3 du code du travail🏛, le contrôle de la régularité de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel ainsi que des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi incombe à l'autorité administrative, lors de sa décision de validation ou d'homologation.
Le juge judiciaire est pour sa part compétent pour apprécier la réalité du motif économique allégué par l'employeur ainsi que le respect de son obligation de reclassement.
En l'espèce, contrairement à ce que prétend l'Ags, Monsieur [G] [W] ne critique ni le contenu du plan de sauvegarde, ni les mesures de reclassement intégrées, ni les critères d'ordre retenus mais seulement la motivation de la lettre de licenciement, la réalité du motif économique, le respect de l'obligation de reclassement, ainsi que l'exécution du Plan de sauvegarde de l'emploi.
La présente juridiction est donc compétente pour connaître du litige.
Sur le motif économique du licenciement
Aux termes de l'
article L.1233-3 du code du travail🏛, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
La réorganisation de l'entreprise en vue de sauvegarder la compétitivité pour prévenir des difficultés économiques à venir constitue un motif valable de licenciement économique.
Cependant, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques s'apprécient au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise.
En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'
article L.1233-16 du code du travail🏛, est ainsi rédigée :
«'Notre entreprise se trouve dans une situation désastreuse et sans l'aide financière considérable apportée par notre actionnaire, nous aurions dû déposer le bilan. Ces lourdes difficultés affectent la compétitivité de l'ensemble du groupe et le plan de sauvegarde de l'emploi négocié constitue une mesure indispensable pour tenter de sauvegarder la compétitivité de la division cabine.
En effet, nos clients de véhicules de chantier, y compris notre client principal CATERPILLAR, ont été contraints de réduire drastiquement leur carnet de commande et d'internaliser la production de cabines du fait de leurs propres difficultés économiques.
Ces changements ont engendré une diminution du carnet de commande des recettes de plus de 50% : en effet, alors qu'entre 2011 et 2012, TIM produisait plus de 40'000 cabines générant un chiffre d'affaires d'un montant de 176,5 millions d'euros, TIM n'a réalisé pour l'année fiscale écoulée, qu'un chiffre d'affaires d'un montant de 92,7 millions d'euros. Le résultat d'exploitation est lui en perte de 9,3 millions d'euros.
En outre, notre client C vient encore de réduire lourdement ses commandes et le chiffre d'affaires de l'exercice en cours sera une nouvelle fois nettement inférieur à celui de l'année précédente.
Or, sur la même période, les charges relatives aux salaires sont restées relativement stables oscillant entre 32 et 28 millions d'euros.
Avec les charges salariales actuelles, TIM SGS perd de l'argent chaque mois. L'actionnaire de TIM SGS soutient notre entreprise de façon considérable afin de maintenir la continuité d'exploitation de TIM SGS et ce, dans l'espoir que les conditions de marché s'améliorent.
Préoccupés par les difficultés économiques avérées de la société, les représentants des salariés de l'entreprise ont lancé une procédure d'alerte pour interpeller les organes de direction, afin qu'un expert indépendant soit désigné. L'expert a rendu son rapport le 12 avril 2015, soulignant la nécessité de mettre urgemment en œuvre des mesures pour adapter la structure de coûts fixes à la réalité du nouveau marché. Les commissaires aux comptes ont également confirmé que TIM était maintenue en activité uniquement grâce à son actionnaire qui a injecté plus de plus de 30 millions d'euros dans le capital lors de ces deux dernières années afin que les salariés et créanciers puissent être payés.
Une amélioration du carnet de commandes de TIM dans un futur proche étant totalement illusoire, TIM a demandé et obtenu une seconde autorisation pour pratiquer du chômage partiel entre les mois d'octobre 2016 et avril 2017. Dans l'intervalle, un plan de licenciement collectif doit être mis en œuvre afin de retrouver un seuil de rentabilité crédible et attirer de nouveaux clients pour de nouveaux projets. A l'heure actuelle, TIM perd entre 500'000 et un million d'euros par mois.
L'un de nos principaux concurrents français a ouvert la voie en employant seulement 350 salariés pour fabriquer 20'000 cabines par an, ce qui crée un besoin d'adaptation sans précédent de nos coûts fixes afin de maintenir notre capacité à rester sur le territoire français sur le long terme, à concourir de manière fructueuse et à conserver ainsi notre position de leader sur le marché.
La décision de la Grande-Bretagne de sortir de l'Union européenne et l'impact de cette mesure sur le taux de change entre la Livre Sterling et l'Euro, événements intervenus an cours des consultations du Comité d'Entreprise, viennent encore aggraver le manque de compétitivité de notre site, qui exporte une portion importante de sa production vers la Grande-Bretagne.
Enfin, notre ancienne filiale Carwall, qui travaille presque exclusivement pour le site CATERPILLAR à Gosselies en Belgique, est frappée de plein fouet par la récente décision de ce groupe de fermer ce site, ce qui fragilise encore davantage la division cabine de notre groupe'».
Monsieur [G] [W] ne conteste pas la réalité des difficultés économiques rencontrées par la société TIM elle-même.
Par ailleurs, les parties s'entendent sur le fait que le secteur d'activité du groupe, au niveau duquel les difficultés économiques doivent s'apprécier, est constitué par la division 'Cabines' de ce groupe.
La société WRA ne conteste pas le fait, allégué par Monsieur [G] [W], que ce groupe était composé, outre de la société TIM elle-même, des sociétés Carwall en Belgique, Systems en Allemagne, Wels en Autriche, Vyskov en République Tchèque, Banovce en Slovaquie, ainsi que d'une autre société située en Roumanie.
La société WRA expose que le groupe Fritzmeier a largement soutenu TIM, qui était déficitaire depuis de nombreuses années, que c'est ce groupe entier qui rencontrait de graves difficultés, notamment à cause du Brexit et de la nouvelle politique de Caterpillar qui a annoncé des fermetures de sites, que la société Carwall située en Belgique, a d'ailleurs fait l'objet d'une procédure collective qui a été ouverte le 20 décembre 2016.
Elle ne produit toutefois aucun élément relatif à la situation économique de la division 'cabine' des sociétés du groupe mais seulement le rapport des administrateurs judiciaires de la société TIM, établi le 9 mars 2017, mentionnant que les effectifs de la division 'cabine' des sociétés du groupe représentaient au total 708 salariés pour les filiales belge et française et 1'251 salariés pour les autres filiales, ce dont il résulte qu'une part importante de l'activité considérée était exercée par ces dernières.
De son côté, Monsieur [G] [W] produit le rapport rédigé le 18 juillet 2016 par le Cabinet d'expertise comptable Diagoris, qui avait été désigné par le Comité d'entreprise de la société TIM dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi et qui relève que le chiffre d'affaires de la division 'Cabines' du Groupe Fritzmeier, qui représente 71'% de son chiffre d'affaires total, a été de 311'M€ en 2012-2013, de 322'M€ en 2013-2014 et de 337'M€ en 2014-2015, ce qui représente des taux de croissance respectifs de 3,5'% et de 4,7'%, que son résultat d'exploitation a doublé en deux ans, que plusieurs filiales présentaient un chiffre d'affaires supérieur au budget, que le taux d'endettement du groupe correspond aux standards et qu'en ce qui concerne les prévisions pour les années suivantes, le chiffre d'affaires de la division concernée devrait se maintenir puis augmenter.
Les intimés ne produisent aucun élément de nature à contredire utilement ces éléments précis.
Il résulte de ces considérations que la réalité des difficultés économiques alléguées, au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartenait l'entreprise, n'est pas avérée.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a estimé que le licenciement comportait une cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens développés à cet égard.
Sur les conséquences du licenciement
L'entreprise comptant plus de dix salariés, Monsieur [G] [W], qui avait plus de deux ans d'ancienneté, a droit à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l'
article L. 1235-3 du code du travail🏛 dans sa rédaction alors applicable au litige, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.
Au moment de la rupture, Monsieur [G] [W], âgé de 36 ans, comptait plus de 6 ans d'ancienneté.
En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 1948 euros.
Il a retrouvé un emploi à la suite de son licenciement.
Au vu de cette situation, du montant de la rémunération et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d'évaluer son préjudice à 12000'euros.
L'entreprise ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, cette somme ne doit pas donner lieu à condamnation mais à fixation à son passif.
Enfin, sur le fondement de l'
article L.1235-4 du code du travail🏛, il convient de condamner le liquidateur judiciaire ès qualité à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de trois mois.
Sur l'exécution du Plan de sauvegarde de l'emploi
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard, Monsieur [G] [W] expose qu'il n'a reçu aucune proposition d'emploi de la part de la cellule de reclassement et que cette inexécution du plan l'a privé d'une chance de retrouver un emploi, rapidement, pendant la période de reclassement et donc éviter toute période de chômage.
Cependant, il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui causé par le licenciement lui-même et qui est réparé par l'indemnité allouée à cet égard.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
Sur la garantie de l'Ags
Aux termes de l'
article L.3253-20 du code du travail🏛, si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L.3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L.3253-14.
Dans le cas d'une procédure de sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée. Ces institutions peuvent contester, dans un délai déterminé par décret en Conseil d'État, la réalité de cette insuffisance devant le juge-commissaire. Dans ce cas, l'avance des fonds est soumise à l'autorisation du juge-commissaire.
En l'espèce, l'entreprise n'ayant pas fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, mais de liquidation judiciaire, seul le premier alinéa susvisé est applicable.
Sur les frais hors dépens
Sur le fondement des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, il convient de condamner la société WRA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société TIM, à payer à Monsieur [Ae] [W] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 500 euros.