CIV. 2 CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 6 juin 2013
Cassation
Mme FLISE, président
Arrêt no 898 F-P+B
Pourvoi no E 12-20.062
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Patrick Z, domicilié Asnières-sur-Seine,
contre l'arrêt rendu le 3 avril 2012 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. Christian Y, domicilié Burie,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 avril 2013, où étaient présents Mme Flise, président, M. Pimoulle, conseiller rapporteur, Mme Bardy, conseiller, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pimoulle, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Z, l'avis de M. Mucchielli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article 40 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 221-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que toute demande tendant à la condamnation du défendeur à l'exécution d'une obligation de faire constitue en elle-même une demande indéterminée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à l'occasion d'un changement de direction survenu à la tête d'une société, M. Z et M. Y, respectivement directeur financier et directeur général, étaient convenus de se répartir de manière égalitaire les actions de la société que la précédente direction avait promis de leur céder en récompense de leurs efforts et de leur implication dans le développement de l'entreprise ; que M. Z, ayant appris que M. Y avait acquis 125 000 actions de la société en s'abstenant de l'informer de cette cession, a assigné ce dernier devant un tribunal d'instance aux fins de lui voir enjoindre, sous astreinte, de donner l'ordre de transfert à son profit de 62 500 actions de la société ; que M. Z a relevé appel du jugement, qualifié de rendu en dernier ressort, qui l'avait débouté de ses demandes ;
Attendu que, pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que, devant le tribunal, le demandeur avait oralement évalué à 1 euro le montant de l'obligation dont l'exécution était réclamée et que, dès lors que l'exécution de l'obligation sollicitée, demande indéterminée, avait pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant était inférieur à 4 000 euros, c'est à juste titre que le tribunal avait qualifié sa décision de rendue en dernier ressort ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande formée par M. Z contre M. Y tendait à imposer à ce dernier une obligation de faire, et revêtait ainsi un caractère indéterminé, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 avril 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y à payer la somme de 2 500 euros à M. Z ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Z.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Monsieur Z irrecevable en son appel,
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions des articles L. 221-4 du code de l'organisation judiciaire et de l'article R. 221-4 du même code, lorsqu'il est appelé à connaître, en matière civile, d'une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 4000 euros ou sur une demande indéterminée qui a pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant est inférieur ou égal à cette somme, le tribunal d'instance statue en dernier ressort ; qu'en l'espèce, aux termes de ses conclusions développées à l'audience, devant le tribunal d'instance de Saintes, Monsieur Z a sollicité qu'il soit enjoint à Monsieur Y de donner l'ordre de transfert au profit du requérant de 62 500 actions de la Sté AUPLATA sous astreinte de 500 euros par jour de retard, passé le délai de 8 jours à compter de la signification de la décision, outre la condamnation du défendeur au paiement de la somme de 2000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'en raison de l'oralité de la procédure devant le tribunal d'instance, prévue par l'article 843 du code de procédure civile, le tribunal a recueilli les explications des parties à l'audience ; que le jugement déféré mentionne à cet égard que le montant de l'obligation dont l'exécution était réclamée dans le cadre de cette procédure contradictoire de droit commun a été évalué par le demandeur à la somme de 1 euro ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, Monsieur Z a, dans ses dernières prétentions soumises au tribunal d'instance, chiffré à une somme inférieure à 4000 euros le montant de sa demande ; que dès lors que l'exécution de l'obligation sollicitée, demande indéterminée, avait pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant est inférieur à 4000 euros, c'est à juste titre que le tribunal a qualifié sa décision comme rendue en dernier ressort ; qu'il convient en conséquence de déclarer Monsieur Z irrecevable en son appel.
1) ALORS QUE le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf dispositions contraires, susceptible d'appel ; qu'est susceptible d'appel le jugement ayant statué sur une demande tendant à l'exécution d'une obligation de faire, tel que le partage et le transfert d'actions ayant fait l'objet d'un engagement obligatoire pour les parties ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable l'appel formé par Monsieur Z que la demande de Monsieur Z était déterminée, en relation avec la valeur des actions arbitrairement fixée par les parties, sans prendre en considération que la demande avait pour objet l'exécution d'une obligation de faire et non pas le paiement de leur contrepartie, la cour d'appel a violé l'article 40 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE la demande tendant à voir fixer une astreinte, comme toute demande ayant pour objet une obligation de faire, est indéterminée ; que dans ses conclusions, Monsieur Z avait fait valoir que sa demande était indéterminée en ce qu'elle tendait aussi à la fixation d'une astreinte de 500 euros par jour de retard, huit jours après la signification du jugement ; qu'en s'abstenant de rechercher si la demande de fixation d'astreinte n'avait pas pour effet de voir déclarer recevable l'appel formé contre le jugement ayant débouté celui-ci de toutes ses demandes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 40 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE lorsque le tribunal est saisi d'une demande indéterminée tendant à voir exécuter une obligation de faire et que le défendeur forme une demande reconventionnelle ayant pour objet de voir constater la nullité de la convention pour indétermination ou à défaut, sa résiliation, le jugement est prononcé en premier ressort ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme Monsieur Z l'y invitait dans ses conclusions, si le caractère indéterminé des demandes principale et reconventionnelle n'avait pas pour conséquence de conférer à la décision prononcée par le tribunal d'instance ayant rejeté cette demande le caractère d'un jugement en premier ressort, susceptible d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 39 et 40 du code de procédure civile ;