CIV.3 FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 5 juin 2013
Rejet
M. TERRIER, président
Arrêt no 660 FS-D
Pourvoi no N 12-14.227
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par la société CLG, société civile immobilière, dont le siège est Voglans,
contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2011 par la cour d'appel de Chambéry (chambre commerciale), dans le litige l'opposant
1o/ à la société Voglans bowling, société à responsabilité limitée, dont le siège est Voglans,
2o/ à M. Jean X, domicilié Chambéry, pris en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Voglans bowling,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 16 avril 2013, où étaient présents M. Terrier, président, Mme Proust, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Fossaert, Feydeau, Masson-Daum, MM. Echappé, Parneix, Mmes Andrich, Salvat, M. Bureau, conseillers, Mme Pic, M. Crevel, Mmes Meano, Collomp, conseillers référendaires, M. Petit, avocat général, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Proust, conseiller référendaire, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société CLG, de la SCP Defrénois et Lévis, avocat de la société Voglans bowling et de M. X, ès qualités, l'avis de M. Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 septembre 2011), que la société CLG a donné à bail des locaux à usage commercial, situés dans un centre commercial et de loisirs dont elle est propriétaire, à la société Voglans bowling qui l'a assignée en réparation d'un préjudice économique ;
Attendu que la société CLG fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que le bailleur, en l'absence de stipulation particulière du contrat de bail, n'est tenu d'aucune obligation de maintenir un environnement commercial favorable des lieux loués ; qu'en retenant que la SCI CLG n'avait pas satisfait à l'obligation de maintenir un environnement commercial favorable des lieux loués à la société Voglans bowling, pour juger qu'elle engageait de ce fait sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de cette dernière, la cour d'appel, qui ne constatait à aucun moment qu'une telle obligation résultait des termes du contrat de bail du 9 août 2006, a violé ensemble les articles 1134 et 1719 du code civil ;
Mais attendu que le bailleur d'un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire étant tenu d'entretenir les parties communes du centre, accessoires nécessaires à l'usage de la chose louée, la cour d'appel, qui a relevé le mauvais entretien de la galerie et du parking, la finition défectueuse des sols, les défaillances des escalators et de la signalétique publicitaire ainsi que le non-respect du règlement intérieur par les autres commerçants du centre, en a justement déduit un manquement du bailleur à ses obligations légales et contractuelles et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CLG aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CLG à payer à la société Voglans bowling et à M. X, ès qualités la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande de la société CLG ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société CLG.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a dit que la bailleresse avait manqué à ses obligations d'entretien du centre commercial et de fourniture à sa locataire d'un environnement commercial favorable, a retenu la responsabilité contractuelle de la S.C.I. C.L.G. à l'égard de la société VOGLANS BOWLING, a dit que ces manquements ont causé un préjudice à la locataire et a ordonné une expertise judiciaire ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE " les parties reprennent devant la Cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance, que la Cour estime que le premier juge, par des motifs précis et pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation du droit des parties et de leurs obligations spécifiques telles qu'elles résultent du bail commercial et de ses annexes ; que, s'agissant de l'interprétation des éléments de preuve soumis par les parties et examinés par le premier juge pour retenir la défaillance de la bailleresse et sa responsabilité contractuelle à l'égard de sa locataire, la Cour dispose, en sus des pièces produites en première instance, du rapport d'expertise judiciaire définitif qui a été déposé par Monsieur ... ; que parmi les missions qui lui étaient données, Monsieur ... devait en effet répondre à la question IV "examiner les doléances de la S.A.R.L. VOGLANS BOOLING, les décrire et donner toute solution de nature à permettre à sa S.A.R.L. VOGLANS BOOLING le cas échéant une jouissance normale des lieux loués et chiffrer le préjudice subi" ; qu'il a procédé à son expertise contradictoire de manière précise, circonstanciée après avoir pris connaissance des documents produits par les parties, s'être déplacé sur les lieux, avoir effectué ses constatations, avoir entendu les parties et avoir répondu à leurs dires ; qu'il retient au titre des préjudices subis par la S.A.R.L. VOGLANS BOOLING du fait du non respect par la S.C.I. C.G.L. de ses obligations contractuelles - le retard dans la finition des espaces verts, - le mauvais fonctionnement de l'escalator (essentiellement pour une panne qui a duré 5 semaines), - la réduction de la visibilité extérieure avant pose des portes bannières, - la réduction de la visibilité extérieure suite à l'arrachement des portes bannières, - le problème d'entretien du mail non résolu (absence de cendrier et de poubelles, pas de nettoyage le dimanche, pas d'entretien des parkings, traces de ciment sur le sol, impression de laisser aller négative pour l'image du centre), - le problème de réglage du chauffage entre le mail et le bowling, - le paiement des travaux d'évacuation des eaux usées par le preneur qui est à la charge du bailleur (montant réglé 11 388,23 euros HT), - la nuisance sonore ; que l'expert a chiffré ces préjudices à la somme totale de 37 752,66 euros HT ; qu'il a par ailleurs constaté que certains des problèmes évoqués par la locataire ont été réparés en cours de litige et qu'ils n'apparaissent plus au jour de son expertise ( espaces verts-
V.R.D. - accès au quai de débarquement- dangerosité de la sortie de secours nordaccès au monte-charge- couvre-joint de dilatation - encombrement à l'accès de l'immeuble- présence de gravas) ; qu'il en résulte que le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause en retenant que le mauvais entretien, la finition défectueuse des sols, les défaillances des escalators, la défaillance de la signalétique, le non-respect du règlement intérieur sont de la responsabilité de l'appelante, qu'il en est de même de son obligation d'entretien du centre commercial et d'une manière générale de fourniture à ses locataires d'un environnement commercial fiable ; que s'agissant de la non-constitution de l'association des commerçants, la Cour souligne que la clause faisant obligation au preneur d'adhérer à une association de commerçants et de maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée de nullité ; qu'en outre si la bailleresse n'a pas impulsé la mise en place de cette association il est également acquis aux débats que la S.A.R.L. VOGLANS BOOLING n'a de son coté pas non plus pris d'initiative, qu'elle aurait parfaitement pu convoquer la première assemblée générale puisque les statuts lui permettaient de le faire ; qu'à l'exclusion de la non-constitution de l'association des commerçants, la Cour confirme les dispositions soumises à la censure de la Cour du Jugement rendu le 01er avril 2010 par le Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY " (cf. arrêt, p. 4 § 6 à p. 5 § 8) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' " aux termes des dispositions de l'article 1719 du Code Civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière 1o De délivrer au preneur la chose louée et s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent ; lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant; 2o D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; 3o D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; 4o D'assurer également la permanence et la qualité des plantations ; qu'en application de ces dispositions, le bailleur est tenu de réparer les troubles de jouissance suffisamment graves de son preneur ; qu'il appartient, au vu de ces dispositions, au bailleur commercial dans sa galerie marchande d'assurer un entretien permettant un accueil correct de la clientèle et d'assurer à ses preneurs un environnement commercial favorable ; qu'en l'espèce, il convient de rappeler que - les locaux loués à la SARL VOGLANS BOWLING par la SCI C.L.G sont intégrés dans une galerie marchande qui regroupe trois autres commerces, - ces derniers sont tous gérés par le même dirigeant que celui de la SCI C.L.G, - le bail du 09 août 2006 comprend en annexe un descriptif sommaire, un cahier des charges des travaux, le règlement intérieur de la galerie, les statuts de l'association des commerçants du centre commercial VILLARCHER et des plans, - aux termes du bail, en page 15, l'adhésion du preneur à l' association des commerçants est une "clause essentielle, déterminante et de rigueur, à défaut de laquelle le présent bail n'aurait pas été conclu..." ; [...] qu'il résulte des constats d'Huissiers et des premières conclusions des opérations de Monsieur ..., désigné, par ailleurs, en qualité d'Expert judiciaire, que - les parties communes de la galerie marchande, accessibles à la clientèle de la SARL VOGLANS BOWLING, présentent effectivement en plusieurs endroits un sol recouvert de traces de ciment, - en fin de journée, au moment où l'essentiel de la clientèle arrive au bowling, les mêmes parties communes, mail et parkings, sont sales et donnent une impression de laisser aller, en absence notamment de poubelles et de cendriers, - à plusieurs reprises les escalators) permettant entre autre l'accès depuis le parking ou le mail au bowling, ont été en panne pendant des périodes prolongées, - Ie remplacement des ampoules d'éclairage se fait avec retard, même si dans les parties communes accessibles au public, la permanence de l'éclairage est assurée, - la signalétique extérieure est défaillante et les totems publicitaires sont, soit absents, soit dégradés, - entre janvier 2007 et le 27 mars 2009, et alors que le règlement intérieur de la galerie prévoyait une ouverture continue des 3 autres commerces de 9 h 30 à 19 h 00 (19 h 30 le samedi) et à compter de 11 heures pour le bowling, les trois autres commerces étaient fermés entre 12 et 14 heures, - l'association des commerçants n'a jamais fonctionné ; que le mauvais entretien, la finition défectueuse des sols, les défaillances récurrentes des escalators et les retards apportés au remplacement des sources de lumières en panne dans les parties communes ressortent de la responsabilité du bailleur qui doit assurer à ses locataires un entretien permettant un usage de la galerie marchande dans des conditions attractives tout au long de ses horaires d'ouverture ; que par ailleurs, la clientèle d'une galerie marchande, y compris celle d'un bowling est sensible aux conditions d'accueil qui commencent par l'état visuel des locaux qu'elle fréquente et ses accès ; que dès lors que la SCI C.L.G ne présentent pas d'éléments démontrant que la SARL VOGLANS BOWLING est à l'origine de ces défaillances, il convient de retenir sa responsabilité dans les préjudices qui peuvent en résulter ; que concernant la signalétique publicitaire, il convient de rappeler qu'elle entre, elle aussi dans l'attractivité de la galerie marchande ; qu'il convient, également, de retenir que le bail et ses annexes sont précis sur ce point ; qu'ainsi le bail définit la signalétique publicitaire de base du centre commercial, en page 16, et les plans annexés portent la mention des enseignes publicitaires ; que de plus, le bail prévoit pour toute publicité supplémentaire le recours à l'avis du bailleur et du maître d'oeuvre désigné par le bailleur ; qu'enfin le bailleur a conservé la possibilité d'ajouter toute enseigne dans le respect de l'harmonie globale de l'immeuble ; que dans ces conditions, la SCI C.L.G, contrairement à ce qu'elle prétend dans ses écritures, a bien entendu se réserver un rôle en la matière et doit donc en supporter les conséquences, concernant la signalétique de base ; qu'ainsi les bannières (ou totems), prévues en p 16, qui sont soit absents, soit dégradés ressortent de sa responsabilité ; qu'elle doit donc, même si ces problèmes sont liés à du vandalisme, dont il n'est aucunement démontré qu'il ressorte de la responsabilité du bowling et de ses client, là encore, assumer ses défaillances ; [...] qu'il convient, avant de tenter de déterminer le préjudice de la SARL VOGLANS BOWLING consécutif aux manquements de son bailleur, de rappeler que ce dernier, au delà des dispositions précises du contrat, est tenu d'une obligation générale de moyens et non d'une obligation de résultat ; que s'il revient à la SCI C.L.G de tout mettre en oeuvre pour assurer à son preneur le maintien d'un environnement commercial favorable, elle ne peut pas être tenue des aléas de son activité commerciale " (cf. jugement, p. 3 § 2 à p. 4 § 1er, p. 4 in fine à p. 5 § 3 et p.6 § 4) ;
ALORS QUE le bailleur, en l'absence de stipulation particulière du contrat de bail, n'est tenu d'aucune obligation de maintenir un environnement commercial favorable des lieux loués ; qu'en retenant que la S.C.I. C.L.G. n'avait pas satisfait à l'obligation de maintenir un environnement commercial favorable des lieux loués à la société VOGLANS BOWLING, pour juger qu'elle engageait de ce fait sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de cette dernière, la Cour d'appel, qui ne constatait à aucun moment qu'une telle obligation résultait des termes du contrat de bail du 9 août 2006, a violé ensemble les articles 1134 et 1719 du Code civil.