TA Strasbourg, du 05-07-2022, n° 2106686
A41238AX
Référence
► Dans une décision du 5 juillet 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la requête formée par le Conseil national des barreaux qui sollicitait l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le garde des Sceaux, avait conféré à la Chambre des métiers d'Alsace l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971.
Par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 1er juillet 2021, transmise par ordonnance du président de ce tribunal du 28 septembre 2021, et un mémoire, enregistré le 4 avril 2022, le Conseil national des barreaux, représenté par Me Israël, demande au tribunal :
1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 30 avril 2021 par lequel le garde des Sceaux, ministre de la justice a conféré à la Chambre des métiers d'Alsace l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté en tant qu'il confère cet agrément aux membres de la Chambre des métiers d'Alsace ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure dès lors que le conseil national des barreaux n'a pas été consulté ;
- en conférant l'agrément aux membres de la chambre des métiers d'Alsace, le ministre a méconnu les dispositions des articles 54 et 61 de la loi du 31 décembre 1971🏛 ;
- le ministre a entaché l'arrêté contesté d'une incompétence négative constitutive d'une erreur de droit en se bornant à mentionner un " diplôme universitaire supérieur " sans faire de référence expresse aux diplômes figurant dans la nomenclature officielle des diplômes ou à un diplôme précisément identifié ;
- l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors que " le diplôme universitaire supérieur " auquel il fait référence n'existe pas dans la nomenclature officielle des diplômes, elle est imprécise et ne permet pas de garantir une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2022, le garde des Sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le Conseil national des barreaux ne sont pas fondés.
La procédure a été communiquée à la Chambre des métiers d'Alsace qui n'a produit aucun mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A B,
- les conclusions de M. Arnaud Lusset, rapporteur public,
- et les observations de Me Israël, avocat du Conseil national des barreaux.
1. Par un arrêté du 30 avril 2021🏛, publié le 6 mai suivant, le garde des sceaux, ministre de la Justice a conféré à la chambre des métiers d'Alsace l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi 🏛n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛. Le Conseil national des barreaux demande au tribunal d'annuler cet arrêté.
2. Aux termes des dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui : 1° S'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66. () Pour chacune des catégories d'organismes visées aux articles 61,63,64 et 65, elle résulte de l'agrément donné, pour la pratique du droit à titre accessoire, par un arrêté qui fixe, le cas échéant, les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des personnes pratiquant le droit sous l'autorité de ces organismes. () ". Et aux termes des dispositions de l'article 61 de la même loi : " Les organismes chargés d'une mission de service public peuvent, dans l'exercice de cette mission, donner des consultations juridiques. ".
3. L'arrêté en litige dispose que " l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est conféré à la chambre des métiers d'Alsace, au bénéfice de ceux de ses membres qui sont titulaires d'une licence en droit ou d'un diplôme universitaire supérieur dans des disciplines juridiques ".
4. En premier lieu, le Conseil national des barreaux soutient que l'arrêté en litige est entaché d'un vice de procédure tiré de ce qu'il n'a pas été consulté préalablement à son adoption. Toutefois, il ne ressort d'aucune disposition, notamment pas de celles de l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971🏛 susvisé relatives aux compétences du Conseil national des barreaux, ni d'aucun principe qu'une telle consultation était obligatoire. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.
5. En deuxième lieu, le Conseil national des barreaux soutient que l'arrêté en litige méconnaît les dispositions combinées des articles 54 et 61 de la loi du 31 décembre 1971🏛 en ce qu'il confère l'agrément " aux membres " de la chambre des métiers, catégorie trop large et équivoque de bénéficiaires selon le requérant. Toutefois, cet agrément est conféré au visa du 1° de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971🏛 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Ainsi, il ne saurait être regardé comme visant tous les membres de la chambre des métiers d'Alsace, en ce compris le personnel dirigeant et les adhérents, mais exclusivement, ainsi qu'il résulte expressément des dispositions du 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛, les personnes pratiquant le droit au sein de la chambre des métiers d'Alsace, sous son autorité et pour l'exercice de sa mission de service public. Par suite, le moyen d'erreur de droit soulevé en ce sens ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes des dispositions des articles 54 et 61 de la loi du 31 décembre 1971🏛 que, pour déterminer les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées, le ministre dispose d'une marge d'appréciation et n'est pas tenu de suivre la nomenclature officielle des diplômes nationaux ou d'énumérer précisément des diplômes identifiés. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'une " incompétence négative ", faute pour le ministre d'avoir fait référence expresse aux diplômes figurant dans la nomenclature officielle des diplômes ou à un diplôme précisément identifié, ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième et dernier lieu, en l'espèce, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des termes de l'arrêté en litige cités au point 3 du présent jugement, qui doivent être lus à la lumière des dispositions des articles 54 et 61 de la loi précitée, qu'en faisant bénéficier de l'agrément les membres de la chambre des métiers d'Alsace " qui sont titulaires d'une licence en droit ou d'un diplôme universitaire supérieur dans des disciplines juridiques ", le ministre de la justice a simplement indiqué, comme il pouvait légalement y procéder, que bénéficient de l'agrément les membres de la chambre des métiers d'Alsace titulaires d'une licence en droit ou d'un diplôme universitaire juridique supérieur à cette licence. Par conséquent, en fixant à ces niveaux les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées, le ministre de la justice a garanti une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique au sein du service public concerné, ce que ne conteste pas sérieusement le Conseil national des barreaux. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté en litige serait d'erreurs de droit et d'erreur d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le Conseil national des barreaux n'est pas fondé à demander l'annulation, même partielle, de l'arrêté du 30 avril 2021🏛. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛 doivent être rejetées.
Article 1 : La requête du Conseil national des barreaux est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié au Conseil national des barreaux et au garde des Sceaux, ministre de la justice. Copie en sera adressée à la Chambre des métiers d'Alsace.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Dhers, président,
M. Guth, premier conseiller,
M. Blusseau, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.
Le rapporteur,
A. B
Le président,
S. Dhers
Le greffier,
P. Souhait
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
Loi, 71-1130, 31-12-1971 Article, 54, loi, 71-1130, 1° Garanties de compétence Professions judiciaires et juridiques Dons par les personnes Consultation juridique Titre accessoire Exercice d'une mission de service public Consultation obligatoire Marge d'appréciation Diplômes nationaux