Jurisprudence : Cass. civ. 3, 07-07-2022, n° 22-10.447, FS-B, QPC autres


CIV. 3

COUR DE CASSATION


MF


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QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
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Audience publique du 7 juillet 2022


NON-LIEU A RENVOI


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 649 FS-B

Pourvoi n° K 22-10.447


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022


Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 16 mai 2022 et présentée par la SAS Boullochde, Colin, Aa et Associés avocat de M. [D] [B], domicilié [… …],

à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [C] [F], domicilié [… …],

2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation ;



Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [B], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [F], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme A, MM. Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Le 14 mars 2006, la Caisse des règlements pécuniaires des avocats au barreau de Nice (la Carpa), association de la loi du 1er juillet 1901, a souscrit un fonds structuré auprès d'un établissement financier islandais.

2. Ayant fait l'objet d'une procédure collective, cet établissement n'a pu restituer les fonds à l'échéance.

3. La Carpa et l'ordre des avocats au barreau de Nice ayant recherché la responsabilité des sociétés par l'intermédiaire desquelles ce placement avait été souscrit, M. [B], membre de la Carpa, a assigné en responsabilité M. [F], ancien président de la Carpa, et son assureur, la société Axa France IARD.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

4. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 5 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris, M. [B] a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« La loi du 1er juillet 1901, en ce qu'elle ne prévoit pas d'action sociale en responsabilité des dirigeants, est-elle conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution ? En particulier, viole-t-elle les dispositions des articles 4, 5 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et le droit à un recours juridictionnel effectif, ainsi que le principe d'égalité ?


Les dispositions de l'article 1843-5, alinéa 1er, du code civil🏛, qui prévoient que "outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société", sont-elles conformes au droit à un recours juridictionnel effectif et au principe d'égalité devant la loi dans la mesure où elles ne s'appliquent pas aux associés d'autres personnes morales telles qu'une association ? ».

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

Sur la première question

5. Si une question prioritaire de constitutionnalité portant sur plusieurs dispositions législatives peut être soulevée, dès lors que chacune de ces dispositions est applicable au litige ou à la procédure, le demandeur doit spécialement désigner, dans un écrit distinct et motivé, les dispositions législatives qu'il estime applicables au litige et dont il soulève l'inconstitutionnalité.

6. La question posée, qui vise l'ensemble des dispositions de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, sans que celles spécialement applicables au litige soient désignées et confrontées à des droits et libertés garantis par la Constitution, n'est pas recevable.

Sur la seconde question

7. Aux termes de l'article 1843-5, alinéa 1er, du code civil🏛 :

« Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société ».

8. Cette disposition, en ce qu'elle ne s'applique pas aux membres d'une association, doit être regardée comme applicable au litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

9. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

10. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.


11. D'autre part, la question ne présente pas un caractère sérieux.

12. M. [B] soutient que l'article 1843-5 du code civil🏛 porte atteinte au principe d'égalité devant la loi et au droit à un recours juridictionnel effectif, en ce qu'il prévoit la faculté pour un ou plusieurs associés d'une société d'intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants, sans prévoir la même possibilité pour les membres d'une association.

13. En premier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

14. Si M. [B] soutient qu'une association peut être considérée comme une entreprise et que les membres d'une association devraient être traités de la même manière que les membres d'une société civile ou commerciale, qui seraient placés dans une situation similaire, il résulte des articles 1832 du code civil🏛 et 1er de la loi du 1er juillet 1901 que, à la différence de la société, qui est instituée en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter, l'association poursuit un but autre que le partage des bénéfices.

15. En outre, alors que la société ne peut être représentée que par ses organes légaux, les statuts de l'association déterminent librement, en vertu du principe de la liberté associative, les personnes qui sont habilitées à représenter l'association en justice.

16. Enfin, la responsabilité civile ou pénale des dirigeants de sociétés est mise en oeuvre dans des conditions différentes de celles applicables aux dirigeants des associations.

17. Ainsi, en réservant la possibilité d'exercer l'action ut singuli aux seuls membres de sociétés et en dérogeant, pour ces groupements, à la règle selon laquelle nul ne plaide pas procureur, le législateur a pris acte de la spécificité du droit des sociétés.

18. Par suite, M. [B] n'est pas fondé à soutenir que l'article 1843-5, alinéa 1er, du code civil🏛, en ce qu'il ne s'applique pas aux associations de la loi du 1er juillet 1901, méconnaîtrait le principe d'égalité.

19. En second lieu, l'impossibilité pour le membre d'une association d'exercer ut singuli l'action sociale en responsabilité n'a pas pour effet de porter une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif, dès lors qu'elle ne prive pas l'association de la possibilité d'agir en justice contre ses anciens dirigeants par l'intermédiaire de ses nouveaux représentants exerçant l'action ut universi, que, en cas de carence des dirigeants de l'association, les membres de celle-ci peuvent obtenir la désignation d'un administrateur ad hoc chargé de la représenter et que lesdits membres peuvent agir en réparation de leur préjudice individuel distinct de celui de l'association.

20. Il en résulte que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux.

21. En conséquence, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

DECLARE irrecevable la première question prioritaire de constitutionnalité.

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la seconde question prioritaire de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-deux.

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