Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 22 JUIN 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/05333 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OIXS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 12 JUILLET 2019
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 17/01303
APPELANT :
Monsieur [Aab] [J]
né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 1]/ SUISSE
Représenté par Me Aurélie CARLES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Stéphane DORM, avocat au barreau de TOULON, avocat plaidant
INTIMEE :
Madame [Ac] [Z]
de nationalité Française
Chez Madame [S]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Maïlis ANDRIEU substituant Me Thibault GANDILLON de la SCP LES AVOCATS DU THELEME, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des
articles 805 et 907 du code de procédure civile🏛, l'affaire a été débattue le 14 AVRIL 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
M. Frédéric DENJEAN, Conseiller
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, prévu le 15 juin, délibéré prorogé au 22 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛 ;
- signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [Aa] [Ab] dit avoir prêté à Mme [M] [Ac], sous forme de virements et de règlements directs de dettes, la somme totale de 14 881,22 €, et ce sans exiger de reconnaissance de dette compte tenu des relations amicales qui existaient entre eux ;
Par courriers recommandés des 11 février 2016, 31 mars 2016 et 13 octobre 2016, il a réclamé le remboursement des sommes prêtées mais ces mises en demeure sont restées sans suite ;
Suivant exploit en date du 21 février 2017, M. [Ab] a fait assigner Mme [Ac] aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :
- 15 522,81€ au titre du remboursement du prêt, dont 14 881,22 € à titre principal
et 641,59 € au titre des intérêts de droit,
- 1 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- 2 000,00 € par application des dispositions de l'
article 700 du Code de procédure civile🏛 ;
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Par jugement en date du 12 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- CONSTATÉ que le consentement de Mme [Ac] au remboursement des sommes reçues de M. [Ab] a été vicié par une double contrainte, économique et psychologique, assimilable à la violence,
- DÉCLARÉ nul et de nul effet l'engagement de remboursement consenti par MAce [Z],
- DÉBOUTÉ M. [Ab] de l'ensemble de ses demandes,
- CONDAMNÉ M. [Ab] à payer à Mme [Ac] la somme de 2.000 € par application de l'
article 700 du Code de procédure civile🏛 et aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit des avocats de la cause qui peuvent y prétendre, en application de l'
article 699 du Code de procédure civile🏛 ;
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Vu la déclaration d'appel de M. [Ab] en date du 26 juillet 2019,
Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 mars 2022,
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Aux termes de ses dernières conclusions en date du 5 mars 2020, M. [Ab] sollicite qu'il plaise à la cour de réformer le jugement entrepris et :
« Condamner Madame [M] [Ac] à payer à Monsieur [Aa] [Ab] la somme de 15 522, 81 euros, soit 14 881, 22 euros à titre principal et 641, 59 euros au titre des intérêts de droit.
Condamner Madame [M] [Ac] à payer à Monsieur [Aa] [Ab] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Condamner Madame [M] [Ac] à payer à Monsieur [Aa] [Ab] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'
article 700 du Code de procédure civile🏛.
Débouter Madame [M] [Ac] de l'ensemble de ses demandes.
Condamner Madame [M] [Ac] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Aurélie CARLES, Avocat sur offres de droit. »
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Au vu de ses dernières conclusions en date du 2 janvier 2020, Mme [Ac] demande à la cour de :
« CONFIRMER en toutes ses dispositions le Jugement attaqué
Condamner Monsieur [Aa] [Ab] à payer la somme de 2.500 euros en application de l'
article 700 du Code de procédure civile🏛 ;
Condamner Monsieur [Aa] [Ab] aux entiers dépens ;
Et dire que, conformément aux dispositions de l'
article 699 du Code de procédure civile🏛, Maître Thibault GANDILLON pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision. »
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'
article 455 du Code de Procédure Civile🏛 ;
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MOTIFS
Sur la demande en paiement :
M. [Ab] soutient qu'il y a bien eu prêt de sommes d'argent de sa part à Mme [Ac], le seul engagement de cette dernière étant de les rembourser. Il considère que le premier juge ne pouvait pas considérer que le consentement de Mme [Ac] était vicié par une dépendance économique et psychologique, sur la seule foi des pièces versées aux débats par cette dernière, lesdites pièces qui ne comportent aucune date ne permettant donc pas de savoir si des violences ont été exercées concomitamment aux versements d'argent qu'il a effectués, outre le fait qu'il n'est pas démontré qu'il a retiré un avantage manifestement excessif de la situation ;
Mme [Ac] fait valoir qu'il n'existe pas de dette en faveur de M. [Ab], tenant l'absence de reconnaissance de dette et l'absence de reconnaissance de l'existence d'un prêt. Subsidiairement, se fondant sur l'
article 1128 du code civil🏛, elle argue de ce que le contrat de prêt consistant à obtenir des faveurs intimes de sa part, est nul ;
'Sur l'existence d'une dette et d'une reconnaissance de dette :
Aux termes de l'
article 1875 du code civil🏛, « le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi. »
L'
article 1359 du code civil🏛 « L'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. »
A cela, l'
article 1360 du même code🏛 ajoute que « Il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve » ; l'article 1362 dudit code précisant que « constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. »
En l'espèce, s'il n'existe pas de reconnaissance de dette en bonne et due forme, il ressort des pièces versées aux débats, que les parties entretenaient à tout le moins une relation amicale et que, sur la foi d'une confiance mutuelle, M. [Ab] a adressé par virements des sommes d'argent à Mme [Ac], ce qu'elle ne saurait contester en l'état des réponses aux mails qu'elle lui a elle-même adressé, où il ne fait aucun doute qu'elle lui a demandé de lui avancer certaines sommes d'argent ou l'a remercié pour les sommes qu'il lui avait avancées.
Le premier juge, à juste titre, a retenu que Mme [Ac] s'était engagée à rembourser les sommes avancées à partir de la fin de ses études, au vu du mail en date du 7 avril 2016 adressé à la société de recouvrement Jurist'cover et du mail en date du 26 avril 2016 adressé Ac M. [Z] ;
' Sur l'existence d'un vice du consentement :
Par application de l'
article 1109 du code civil🏛 devenu 1130 dans le nouveau
code civil, « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement est donné. »
L'
article 1143 du code civil🏛 stipule : « Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un arrangement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ».
Il s'évince des mails échangés entre M. [Ab] et Mme [Ac] que leurs relations amicales ont manifestement crée, chez M. [Ab], une véritable dépendance affective qui l'ont amené à se montrer pressant voire exigeant à l'égard de Mme [Ac]. Au vu des mails versés aux débats par Mme [Ac], il était question pour M. [Ab] d'obtenir, contre le versement de sommes d'argent, des faveurs sexuelles qui semblent avoir été refusées par Mme [Ac]. Ni l'un ni l'autre ne se montre cependant très explicite sur ce point.
Mme [Ac] était étudiante lorsqu'elle a perçu les fonds qui lui ont été versés par M. [Ab]. S'il est manifeste qu'elle avait des préoccupations d'ordre financier, elle ne démontre pas qu'elle était en situation de dépendance économique vis à vis de M. [Ab], pas plus qu'elle ne démontre que ce dernier a demandé et finalement obtenu de sa part ce qui pourrait être considéré comme un avantage manifestement excessif, à savoir ses faveurs sexuelles.
' Sur la licéité du contrat :
Aux termes de l'
article 1133 du code civil🏛 « La cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, contraire aux bonnes m'urs ou à l'ordre public. »
Il est établi, au vu des mails échangés, que Mme [Ac] a bénéficié alors qu'elle était étudiante et en mal d'argent, des largesses financières de M. [Ab], que les prêts d'argent ont été faits sur ce fondement et qu'après avoir obtenu plusieurs versements de sommes d'argent, elle a refusé les faveurs intimes que M. [Ab] lui demandait. Mme [Ac] ne démontre donc pas que la cause du contrat était d'obtenir de sa part des faveurs sexuelles et était donc illicite.
La décision dont appel sera en conséquence réformée en toutes ses dispositions. Mme [Ac] sera condamnée à rembourser à M. [Ab] la somme de 15 522,81 euros soit 14 881,22 euros au principal et 641,59 euros au titre des intérêts légaux ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Sur ce fondement, M. [Ab] demande la somme de 1 000 euros.
Le droit d'agir en justice étant un droit fondamental, M. [Ab], qui ne démontre pas que l'action menée par Mme [Ac] a procédé d'un esprit de malice, d'une intention nuire ou de mauvaise foi, doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;
Sur les demandes accessoires :
Succombant à l'action, M. [Ab] sera, en application de l'
article 696 du Code de procédure civile🏛, condamné à payer aux entiers dépens d'appel ;
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PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition ;
REFORME la décision entreprise des chefs expressément dévolus ;
CONDAMNE Mme [M] [Ac] à payer à M. [Aa] [Ab] la somme de QUINZE MILLE CINQ CENT VINGT DEUX euros et 81 centimes ;
CONDAMNE Mme [M] [Ac] à payer à M. [Aa] [Ab] la somme de DEUX MILLE euros sur le fondement de l'
article 700 du Code de Procédure Civile🏛 ;
CONDAMNE Mme [M] [Ac] aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT