N° RG 21/03365 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NSES
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, Aa A, JCP de BOURG-EN-BRESSE
Chambre Civile
du 6 avril 2021
[U]
C/
[F]
[U]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre A
ARRET du 15 Juin 2022
APPELANTE
Mme [C] [W] [P] [U]
née le … … … à … … … (…)
… … … …
… …
Représentée par Me Guillaume VANNESPENNE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
INTIMES
Mme [M] [O] [R] [A] épouAbe [U]
née le … … … à … (… …)
… … … …
… … … …
Représentée par Me Anne-Laure GALLAPONT, avocate au barreau de LYON
M. [Acb] [U]
né le … … … à … (…)
… … … … …
… …
Représenté par Me Philippe REFFAY de la SCP REFFAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de l'AIN
Assisté de Me BELLINA Stéphane, avocat au barreau de CHAMBERY
EN PRESENCE DE
Madame la Procureure Générale près la Cour d'Appel de LYON
représentée par Ad B, substitut général
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Date de clôture de l'instruction : 5 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en chambre du conseil: 11 Mai 2022
Date de mise à disposition : 15 Juin 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Isabelle BORDENAVE, présidente
- Anne-Claire ALMUNEAU, présidente de chambre
- Georges PÉGEON, conseiller
assistés pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière
A l'audience, Isabelle BORDENAVE a fait le rapport, conformément à l'
article 804 du code de procédure civile🏛.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'
article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.
****
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [C] [U] a donné naissance à l'enfant [T] [L] [V] [U], né le … … … à ….
Par requête datée du 4 août 2019, Mme [M] [A] a sollicité l'adoption plénière de l'enfant de son épouse, Mme [C] [U], avec laquelle elle s'est mariée le 29 avril 2017.
Selon déclaration conjointe signée avec son épouse le 4 août 2019, Mme [A] a demandé que l'enfant porte désormais, comme nom de famille, [U] [A].
Par acte notarié du 4 novembre 2017, Mme [U] a consenti à l'adoption de l'enfant.
Par courrier du 25 septembre 2019, reçu au greffe le 30 septembre 2019, Mme [U] a refusé l'adoption sollicitée au motif qu'elle avait rompu avec Mme [A] et qu'elles étaient en instance de divorce.
Par jugement du 6 avril 2021, auquel il est référé, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a déclaré recevable l'intervention volontaire de M. [Ac] [Ab] et de Mme [D] [F] épouse [U], a prononcé l'adoption plénière de l'enfant [T] par Mme [M] [A], dit que l'adopté prendrait le nom de [U] [A], dit que la filiation naturelle de l'enfant demeurait établie à l'égard de Mme [C] [U], conjointe de l'adoptante, ordonné la transcription du jugement sur les registres de l'état civil avec mention du terme adoption en marge de l'acte de naissance de l'adopté, et laissé les dépens à la charge de la requérante.
Par déclarations des 15 et 16 avril 2021, appel a été relevé à l'encontre de cette décision par le conseil de Mme [U] [C] et par le conseil de M. et Mme [Ab] [L] et [D].
La présidente de la chambre civile du tribunal judiciaire de Bourg en Bresse a indiqué ne pas souhaiter rétracter ou modifier le jugement, et transmettre sans délai au greffe de la cour le dossier de l'affaire avec les déclarations d'appel.
Deux dossiers ont alors été ouverts portant les numéros 21/3364 (dossier concernant l'appel de M. [Ac] et Mme [D] [U]) et 21/3365 (dossier concernant l'appel de Mme [C] [U]).
Pour autant, les échanges de conclusions et de pièces ont été uniquement faits dans le dossier 21/3365.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions, notifiées le 13 juillet 2021, Mme [C] [U] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé l'adoption plénière de l'enfant par Mme [M] [A] et statué sur les mesures subséquentes à cette adoption.
Statuant à nouveau, elle demande que Mme [A] soit déboutée de sa demande d'adoption plénière et condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, et à supporter les dépens de l'instance.
Elle indique qu'après avoir eu recours à une insémination artificielle avec donneur, elle a donné naissance à l'enfant [T], le 2 août 2015, vivant à cette époque de manière séparée de Mme [A].
Elle rappelle qu'elles ont contracté mariage le 29 avril 2017, avec contrat de mariage préalable, qu'elle a envisagé que Mme [A] puisse adopter l'enfant, un avocat étant contacté en septembre 2015 pour mettre en œuvre une procédure d'adoption.
Elle soutient pour autant que Mme [A] ne s'est pas montrée très investie dans cette démarche, qu'entre-temps les relations se sont distendues, que Mme [A] a noué une autre relation sentimentale et a quitté le foyer, que de ce fait elle a engagé une demande en divorce, qu'une ordonnance sur tentative de conciliation est intervenue le 17 septembre 2020 ; elle précise que, parallèlement à cette procédure, Mme [A] a saisi le juge aux affaires familiales pour se voir accorder des droits sur l'enfant et a déposé une requête d'adoption en août 2019, le procureur de la République émettant un avis réservé.
Mme [U] soutient que la séparation est d'une particulière violence, que l'enfant, désormais âgé de six ans, n'a pas vu Mme [A] depuis deux ans et que le procureur de la République a émis un avis défavorable à la demande dans l'intérêt de l'enfant.
Elle conclut que le projet de cet enfant n'était pas commun et que Mme [A] l'a seulement accompagnée dans cette démarche.
Elle expose que cette dernière n'a pas souhaité emménager avec elle après la naissance de l'enfant, attendant plus de 17 mois, qu'elle s'est occupée seule de ce dernier, prenant un
congé maternité puis un congé parental, alors que Mme [A] était systématiquement absente, se référant à diverses attestations produites.
Elle indique que [T] va bien et est épanoui, et qu'il serait contraire à son intérêt de faire droit à la demande d'adoption.
Par conclusions numéro deux notifiées le 19 février 2022, Mme [A] demande à la cour de confirmer la décision en toutes ses dispositions, de prononcer l'adoption plénière de l'enfant par elle même, de dire que l'enfant portera le nom [U] [A] selon déclaration conjointe du 4 août 2019, d'ordonner la transcription de la décision à l'état civil, de débouter Mme [Ab] de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 et à supporter les entiers dépens de l'appel distraits au profit de maître Gallapont.
En attendant que la procédure d'adoption aboutisse, elle indique qu'elle a sollicité un droit de visite et d'hébergement, l'affaire étant en délibéré au mois d'avril 2022.
Elle rappelle qu'elle a rencontré Mme [U] fin 2010 début 2011, qu'elles ont débuté une relation empreinte de difficultés, qu'elle s'est épuisée dans cette relation après sept années, qu'au cours de leurs relations, elles ont décidé d'avoir un enfant, en traversant de nouvelles épreuves, soutenant s'être investie dans la grossesse et depuis la naissance de l'enfant, faisant observer que ce dernier porte un prénom tahitien, d'où elle est originaire.
Elle indique que c'est dans ce contexte que le projet d'adoption a été conduit, et fait état du fait que Mme [U] a exercé envers elle un chantage odieux, la menaçant d'une procédure de divorce pour ne pas lui permettre d'adopter l'enfant.
Tout en reconnaissant la fragilité de leur couple, elle soutient que le projet d'enfant était un projet conjoint, et qu'il n'est pas envisageable de la priver de son fils qui la considère comme une deuxième maman, se présentant comme une mère attentive et bienveillante et dénonçant le comportement de Mme [Ab], laquelle se refuse à toute mesure de médiation.
Elle se réfère aux diverses attestations produites, au soutien de ses dires, et à divers échanges de mails témoignant de la place qui doit être la sienne.
Elle conclut que l'intérêt de l'enfant est qu'il soit fait droit à sa demande d'adoption, s'opposant à l'argumentation tant de Mme [U] qu'à celle des parents de cette dernière, intervenants à la cause.
Par conclusions numéro deux notifiées le 28 février 2022, M. [Ac] [Ab] (son épouse étant décédée en cours d'instance) demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, statuant à nouveau, de débouter Mme [A] de sa demande d'adoption plénière et de la condamner à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, et à supporter les dépens de l'instance.
Il rappelle que sa fille a donné naissance à l'enfant [T] le 2 août 2015, après insémination artificielle avec donneur, que Mme [A] a acheté une maison un an et demi après la naissance de l'enfant pour se mettre en ménage avec leur fille, avant de se marier, contexte dans lequel la demande d'adoption a été déposée.
Il soutient pour autant que, depuis lors, la situation a évolué ; que depuis plus de deux ans et demi, l'enfant n'a pas revu Mme [A], que [T] a aujourd'hui 6 ans et demi, que l'adoption de l'enfant ne doit être prononcée que si elle est conforme à son intérêt, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, soutenant que seule sa fille s'est occupée de cet enfant pendant les premiers mois, que le couple est désormais séparé depuis septembre 2019, que les relations du couple ont toujours été très compliquées.
Il conclut que l'enfant n'a jamais considéré Mme [A] comme sa mère, qu'il ne l'appelait pas maman, et se réfère aux divers témoignage produits, indiquant que l'enfant ne réclame jamais Mme [A] et qu'il ne dessine qu'une maman.
Il conclut ainsi qu'en qualité de grands-parents, soucieux avant tout du bonheur de leur petit-fils, il est fondé en ses demandes et s'interroge sur la motivation profonde de Mme [A] à poursuivre cette action.
Par avis du 4 mars 2022, Mme l'avocate générale a indiqué, en l'absence de communication de tout dossier, ne pas avoir d'observations à formuler sur la demande.
La clôture a été prononcée le 1er mars 2022, l'affaire a été plaidée le 9 mars 2022.
Par arrêt avant dire droit du 30 mars 2022, la cour, après avoir ordonné la jonction entre les deux procédures 21/3364 et 21/3365, a ordonné la révocation de la clôture, invité les parties à s'expliquer sur l'incidence éventuelle de la
loi du 21 février 2022🏛 numéro 2022-219, visant
à réformer l'adoption, et a renvoyé l'affaire à l'audience du 11 mai 2022, fixant un calendrier de procédure aux parties et réservant les demandes et les dépens.
Par conclusions après réouverture des débats, notifiées le 14 avri
l 2022, Mme [U] [C] réitère les prétentions et moyens contenus dans ses précédentes écritures, et, concernant la question posée de l'application éventuelle des dispositions de la loi 2022-219 du 21 février 2022, et notamment de son article 9, indique que la loi n'a pas vocation à s'appliquer aux faits d'espèce, alors que l'enfant est né en 2015, que Mme [Ab] avait donné son consentement à l'adoption de son fils par acte notarié le 4 novembre 2017, qu'il ne s'agit pas d'une reconnaissance conjointe de l'enfant telle que prévue par l'article 6 de la loi bioéthique du 2 août 2021, que seul le cadre de l'adoption visé par l'
article 353 du code civil🏛 doit s'appliquer.
Par conclusions notifiées le 14 avril 2022, M. [L] [U] réitère les demandes contenues dans les conclusions antérieures.
Il conclut, concernant l'incidence de l'adoption de l'
article 9 de la loi du 21 février 2022🏛 au cas d'espèce, que ce texte est sans incidence par rapport à ses demandes et indique que Mme [A] ne se prévaut pas de l'application de ce texte pour fonder sa demande, qu'elle ne justifie pas avoir sollicité la reconnaissance conjointe prévue à l'
article 6 IV de la loi numéro 2021-1017 du 2 août 2021🏛, qu'elle ne peut dès lors exciper d'un refus de Mme [U] à cette demande, lequel serait en toute hypothèse légitime, que Mme [A] serait également défaillante dans l'administration de la preuve des conditions légales d'application du texte, et en particulier du projet parental commun et de l'assistance médicale à la procréation, se prévalant de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Par conclusions numéro 3, notifiées le 29 avri
l 2022, Mme [A] demande à la cour de juger que la loi du 21 février 2022 est applicable à la procédure et d'en tirer les conséquences, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions en prononçant l'adoption plénière de l'enfant par elle-même, et en disant que l'enfant prendra le nom de [U] [A], selon déclaration conjointe du 4 août 2019.
Elle sollicite que soit ordonnée la transcription de la décision à intervenir sur les registres d'état civil et en marge de l'acte de naissance de l'adopté, s'oppose au surplus des demandes, et sollicite condamnation de Mme [U] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, outre sa condamnation aux entiers dépens, distraits au profit de maître Gallapont.
Elle précise que, depuis la décision déférée, elle a pu accueillir l'enfant une semaine au mois d'avril, que cette semaine s'est bien passée et qu'elle a pu constater l'amour filial de l'enfant à son égard malgré une longue séparation.
Concernant l'application de la
loi numéro 2022-219 du 21 février 2022🏛 aux faits de l'espèce, elle rappelle les dispositions de l'article 9 de ladite loi et celles de l'
article 6 de la loi du 2 août 2021🏛 relative à la bioéthique, et conclut que le tribunal doit prononcer l'adoption de l'enfant, s'il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l'intérêt de l'enfant, et si la protection de ce dernier l'exige, en statuant par une décision spécialement motivée.
Elle indique que la loi prévoit ainsi désormais une disposition qui concerne les mères sociales en conflit avec leur ex compagne, mère biologique, permettant l'adoption de l'enfant sans le consentement de la mère biologique.
Elle soutient en l'espèce que la condition de preuve du projet parental commun a largement été démontré dans ses conclusions et pièces ; elle précise que Mme [U] ne saurait invoquer l'absence de reconnaissance conjointe avec elle-même pour s'opposer à l'application immédiate de la nouvelle loi, alors que, comme elle le rappelle dans ses écritures, cette faculté n'existait pas en 2017.
Elle rappelle que, par acte notarié du 4 novembre 2017, Mme [U] avait donné son consentement à l'adoption devant notaire, lequel l'avait informée des effets d'une telle reconnaissance qui a toutes les caractéristiques d'une reconnaissance conjointe.
Elle reprend sur le fond les éléments détaillés dans les premières écritures pour solliciter confirmation du jugement déféré.
Par avis du 10 mai 2022, Mme la procureure générale, au seul vu des pièces remises de M. [L] [U], après avoir relevé que la
loi du 21 février 2022🏛 était sans incidence sur le cas d'espèce, s'agissant d'une demande d'adoption, indique que la cour devra déterminer si l'enfant est né d'un projet commun formé par Mme [Ab] et Mme [A], en s'assurant de l'investissement de cette dernière auprès de l'enfant, retenant cependant que l'absence de cette dernière aux réunions familiales n'était pas déterminante, pas plus que les disputes et conflits ayant opposé les parties durant la vie commune.
En application des dispositions de l'
article 455 du code de procédure civile🏛, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.
Les parties ont été avisées des dispositions de l'
article 388-1 du code civil🏛 relatives à l'audition de l'enfant mineur ; aucune demande d'audition n'a été présentée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Depuis la décision déférée, la loi numéro 2022-219 visant à réformer l'adoption a été promulguée le 21 février 2022, loi immédiatement applicable, de sorte que, par l'arrêt avant dire droit du 30 mars 2022, la cour a estimé nécessaire que les parties s'expliquent sur l'incidence éventuelle des dispositions de cette loi et notamment de son article 9, qui, avec visa des dispositions de l'
article 6 de la loi du 2 août 2021🏛 relative à la bioéthique, a pour objet de régler la situation dans laquelle un désaccord survient entre la mère qui a accouché de l'enfant et celle qui n'a pas accouché, permettant à cette dernière de solliciter une demande d'adoption, la loi précisant que cette adoption, qui entraîne les mêmes droits que l'adoption de l'enfant du conjoint, est prononcée sous réserve de la preuve d'un projet parental commun, et si le refus de reconnaissance conjointe est contraire à l'intérêt de l'enfant, ou si la protection de ce dernier l'exige.
Il apparaît que cette loi, dont l'existence ne peut être éludée, n'est cependant pas directement applicable aux faits d'espèce, alors que la demande a été initiée par les parties au regard des dispositions des
articles 345 et suivants du code civil🏛.
En application des dispositions de l'
article 345-1 du code civil🏛, l'adoption plénière de l'enfant du conjoint est permise lorsque l'enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint.
En l'espèce, l'enfant [T] [L] [V] [U] est né le … … … à Arnas, après recours à une insémination artificielle avec tiers donneur, l'acte d'état civil ne portant mention que du nom de sa mère, Mme [C] [U], laquelle s'est mariée le 29 avril 2017, avec Mme [M] [A].
Il est établi que, par acte notarié du 4 novembre 2017, Mme [C] [U] a consenti à l'adoption de l'enfant [T] par Mme [M] [A], et qu'elle n'a pas usé de la faculté de rétractation dans le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'
article 348-3 du code civil🏛.
Dès lors, les conditions légales de l'adoption plénière visées par les dispositions des
articles 345-1 et suivants du code civil🏛 sont réunies, situation qui n'est d'ailleurs pas réellement contestée par les parties, lesquelles s'opposent sur l'existence d'un projet parental commun et sur la question de l'intérêt de l'enfant.
Il ressort des éléments du dossier que le couple s'est rencontré en début d'année 2011, débutant alors une relation dont il n'est pas contesté que celle-ci a été émaillée de diverses difficultés, mais a néamnoins été consacrée par un mariage célébré le 29 avril 2017.
C'est en vain que Mme [U] soutient que la naissance de l'enfant, avec le recours à une insémination artificielle avec tiers donneur ne procédait pas d'un projet parental commun, alors qu'il est établi par les pièces produites :
- que par mail du 21 septembre 2014, Mme [Ab] avait demandé au médecin, situation qui s'est avérée impossible du fait d'un tiers donneur, que ce donneur, au regard des origines de Mme [A], puisse avoir du sang asiatique,
- que deux demandes de traitement par insémination avec tiers donneur ont été signées le 21 septembre 2014 par Mme [A] et Mme [U], chacune en qualité de Mme (1) et de partenaire (2),
- que sont communiqués divers mails adressés par Mme [U] à l'équipe médicale portant la double signature [C] [U]/[M] [A], le mail du 12 août 2015, après la naissance, faisant état de la joie des mamans,
- que Mme [U], dans un mail du 14 mai 2015, adressé à ses parents, précise bien qu'elle ne fait pas un enfant seule, que [M] sera le deuxième parent du bébé et que sans elle, il n'y aurait pas de bébé,
- que Mme [A] s'est investie dans la grossesse de celle qui était alors sa compagne, en 2014/2015, comme Mme [U] le précise d'ailleurs dans le mail du 29 août 2015 adressé à ses parents, et comme l'établissent les attestations produites,
- qu'elle était présente le jour de l'accouchement, justifiant avoir elle même pris des jours de congés à cette période,
- que l'enfant porte, comme troisième prénom, celui d'[V], prénom tahitien, en référence aux origines de Mme [A],
- que le faire part de naissance porte mention du nom des deux parties et comporte une photographie de l'enfant dans les bras de Mme [A],
- que les échanges de mails, et notamment le mail de Mme [U] du 6 juillet 2016 qui fait état de son envie d'une famille à quatre, conforte l'existence et la pérennité de ce projet parental,
- que le mail du 19 janvier 2016, adressé par Mme [U] à l'équipe médicale, établit que Mme [A] a tenté à son tour une insémination en décembre 2015, qui n'a pas abouti, une nouvelle tentative ayant été faite en 2017,
- qu'ensuite de la naissance de [T], Mme [U] et Mme [A] se sont mariées le 29 avril 2017,
- que la procédure d'adoption, déjà évoquée à la lecture des mails depuis 2015, a été ensuite initiée, avec le consentement devant notaire donné par Mme [Ab] le 4 novembre 2017, et non rétracté, puis le dépôt de la requête le 4 aout 2019, avec demande que l'enfant porte le double nom, [U] [A],
- que les parties ont continué, ensuite de la naissance de l'enfant, à poursuivre une prise en charge commune de ce dernier, comme en attestent notamment le contrat avec l'assistante maternelle, signé par les deux, et les identifications de parents données à l'école.
S'il n'est pas contesté que Mme [A] n'habitait pas au quotidien avec Mme [U] et l'enfant pendant les 17 mois qui ont suivi la naissance de [T], cette dernière expliquant notamment cette situation par son activité professionnelle, il est suffisament établi, par les nombreuses attestations communiquées par Mme [A], les échanges de mails ou sms et les photographies produites, que cette dernière s'est investie dans la prise en charge de cet enfant, y compris durant cette période, et ce jusqu'à l'emménagement du couple, fin 2016, puis au delà, et a minima jusqu'à la séparation intervenue au cours du mois de septembre 2019.
Le fait que Mme [A] ait pu être absente aux réunions avec la famille de Mme [U] ne saurait être un élément de nature à remettre en cause l'existence d'un projet parental commun, alors que Mme [A] fait état pour sa part de relations difficiles avec la famille [U], qui sont attestées par les diverses pièces du dossier, et notamment les mails adressés par Mme [Ab] à son père, le 8 juillet 2014, puis le 6 septembre 2015, peu après la naissance de l'enfant, dernier mail dans lequel elle lui reproche son attitude à l'égard de sa compagne.
Comme l'ont par ailleurs justement relevé les premiers juges, s'il apparaît que Mme [U] a été davantage un élément moteur dans les prises de décision du couple et dans la vie de l'enfant, cette situation ne saurait caractériser un désintérêt de Mme [A] envers [T], pas plus que ne saurait être tiré de conséquences au fait que la requête aux fins d'adoption n'a été déposée qu'en août 2019, précisément à une période où la relation de couple se délitait et où il importait, pour Mme [A], de se voir reconnaître des droits envers l'enfant au regard du consentement donné préalablement par Mme [U].
Il apparaît ainsi, alors que le projet parental ne saurait être contesté, que la question de l'adoption de l'enfant se doit d'être examinée au regard du critère de l'intérêt de [T], critère visé par les dispositions de l'
article 353 du code civil🏛, rappelé par la Cour européénne des droits de l'homme, et de nouveau rappelé par les dispositions de la
loi du 21 février 2022🏛 relative à l'adoption.
Pour s'opposer à cette adoption, Mme [Ab] et M. [L] [U] évoquent le contexte conflictuel de vie du couple, et soutiennent que [T], qui ne voit plus Mme [A] depuis la fin d'année 2019, évolue de façon tout à fait satisfaisante, est un enfant enjoué et éveillé, et que la reprise de contacts avec Mme [A] ne pourrait que perturber ce petit garçon.
Les dissensions qui ont existé, et perdurent, entre Mme [U] et Mme [A], ne sauraient suffire à retenir que cette situation rendrait l'adoption contraire à l'intérêt de l'enfant, sachant qu'il appartiendra au besoin aux parties, comme l'avait suggéré Mme [A], d'engager toute mesure de médiation pour rétablir un dialogue apaisé dans l'intérêt de l'enfant.
Il est suffisamment établi que [T] a partagé, pendant plus de quatre années, sa vie avec Mme [A], qui avait le rôle d'un second parent, comme l'avaient envisagé les parties, aucune conséquence ne pouvant être tirée du fait qu'il ne l'appelait pas maman mais '[G]', alors qu'il importait précisément qu'il distingue chacun de ses parents.
Il n'est nullement démontré de perturbations de l'enfant durant cette période, les perturbations alléguées étant survenues au moment de la séparation du couple, ainsi que l'établit l'attestation de la maîtresse, rédigée le 1er octobre 2019, et les photographies produites témoignent d'une insertion de l'enfant, tant au sein de la famille de Mme [U], que de celle de Mme [A], les attestations confirmant l'attachement réciproque entre [T] et Mme [A].
C'est en vain que Mme [U], comme M. [Ab], se prévalent de l'absence de contacts de [T] avec Mme [A] depuis plus de deux ans et demi, et de la rupture de tout lien avec cette dernière, alors que cette situation est directement imputable à Mme [U], laquelle, nonobstant le projet parental commun, la requête aux fins d'adoption et l'action initiée par Mme [A] dès décembre 2019 pour voir fixer des rencontres avec l'enfant, a refusé tout contact de [T] avec Mme [A] depuis la séparation, malgré les multiples demandes de celle-ci, justifiées par les nombreux mails restés sans réponse.
Le fait que [T] ne soit pas en demande de contacts avec Mme [A], qu'il n'évoquerait jamais et n'identifierait pas comme membre de sa famille dans ses dessins, ne saurait être retenu alors qu'il évolue depuis plus de deux années et demi dans la seule famille [U],et que le choix a été fait d'exclure totalement Mme [A] de la vie de l'enfant depuis la séparation.
Mme [A] justifie qu'elle a du initier, en décembre 2019, en l'absence d'accord de Mme [U] à des rencontres avec l'enfant, une procédure devant le juge aux affaires familiales, aux fins d'obtenir des droits de visite et d'hébergement, en qualité de tiers.
Par décision du 11 avril 2022, elle s'est vue accorder des droits de visite et d'hébergement pour les vacances, et elle précise, dans ses dernières écritures, que la reprise de contacts avec l'enfant s'est passée sans aucun incident durant la semaine de vacances de Pâques, cette situation n'ayant pas été démentie par de dernières écritures adverses.
L'utilité d'une mesure d'expertise psychiatrique ou psychologique de l'enfant, avant toute décision, n'est pas démontrée, alors qu'il n'est pas établi que ce dernier présenterait de maladies, pour justifier la première demande, ou de troubles psychologiques, l'expert psychologue ayant conclu en avril 2020 à l'absence de signes particuliers d'anxiété ou de souffrance, pour étayer la seconde.
Au regard de ces éléments, alors que la naissance de [T] procède d'un projet parental commun, que Mme [Ab] a donné son consentement à l'adoption de cet enfant par Mme [A], que [T] a identifié Mme [A] comme second parent pendant plusieurs années, ayant entretenu, au vu des attestations produites, des liens avec la famille de celle-ci, et notamment ses parents, également identifiés comme grands parents, il convient de retenir que l'adoption est conforme à l'intérêt de ce petit garçon, et dès lors de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.
La nature familiale du litige conduit à rejeter les demandes au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, et Mme [C] [U] et M. [L] [U] seront condamnés aux dépens de la procédure et maître Gallapont sera autorisée à les recouvrer par application des dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛 .
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, après débats en chambre du conseil, et après en avoir délibéré,
Vu l'arrêt avant dire droit du 30 mars 2022,
Dit n'y avoir lieu à organisation d'une mesure d'expertise psychiatrique ou psychologique de l'enfant,
Confirme le jugement déféré,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
Condamne Mme [C] [U] et M. [L] [U] aux dépens, et autorise maître Gallapont à les recouvrer par application des dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du Code de procédure civile🏛.
Signé par Isabelle Bordenave, présidente de chambre, et par Sophie Peneaud, greffière, à laquellel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La présidente