SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 juin 2022
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 726 F-D
Pourvoi n° X 21-11.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022
1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 2], agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS-CGEA de [Localité 5], [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° X 21-11.167 contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-4), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [Aa] [S], domicilié [… …],
2°/ à BTSG2, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Anfuin,
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ( Aix-en-Provence, 26 novembre 2020), M. [S] a été engagé le 1er janvier 2013, en qualité de chef cuisinier, par la société Anfuin.
2. Par jugement du 26 janvier 2017, le tribunal de commerce a prononcé le redressement judiciaire de la société Anfuin, puis sa liquidation judiciaire par jugement du 22 mars 2017, la société BTSG2 étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, réclamant le paiement d'un rappel de salaire, de congés payés afférents, d'une indemnité pour congés payés et de différentes indemnités de rupture.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'AGS et l'UNEDIC – CGEA de [Localité 5] font grief à l'arrêt, fixant au 4 mai 2018 la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Anfuin les créances de 6 000 euros pour préavis, de 600 euros au titre des congés payés afférents, de 2 400 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 2 716 euros au titre d'un reliquat de congés payés, de 21 750 euros en rappels de salaire, de 2 175 euros au titre des congés payés afférents, de 15 000 euros en réparation de la rupture de son contrat de travail, et de dire que l'AGS garantira, si la trésorerie de la société Anfuin est défaillante, le règlement des sommes de 21 750 euros, 2 175 euros, 6 000 euros, 600 euros, 2 400 euros et 2 716 euros, dans les limites des plafonds applicables, rappelant que les sommes allouées sont exprimées pour leur montant brut, alors « que l'indemnité de préavis, comme l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, et les dommages et intérêts accordés au titre du licenciement naissent de la rupture du contrat de travail ; que la garantie de l'AGS couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ; que constituent des créances de rupture du contrat de travail les dommages et intérêts attribués au titre de la rupture du contrat de travail, mais également l'indemnité de licenciement, l'indemnité versée au titre du préavis et les congés payés afférents ; qu'en retenant le principe de la garantie de l'AGS au titre de l'indemnité de préavis (6 000 euros), des congés payés afférents (600 euros), et de l'indemnité de licenciement (2 400 euros), après avoir énoncé que l'AGS garantit les sommes résultant de l'exécution du contrat de travail dues avant l'ouverture de la procédure collective et que ces sommes étaient des créances de nature salariales, la cour d'appel a violé l'
article L. 3253-8 du code du travail🏛. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
5. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'AGS et l'UNEDIC - CGEA de [Localité 5] n'ont pas soutenu devant la cour d'appel que les créances de rupture du contrat de travail que constituent l'indemnité de licenciement, l'indemnité de préavis et les congés payés afférents ne relèveraient pas de sa garantie ni au titre des salaires, ni au titre de la rupture intervenue après le délai de quinze jours suivant le prononcé de la liquidation judiciaire, le 22 mars 2017, la résiliation du contrat de travail ayant été fixée au 4 mai 2018.
6. Cependant, l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] ont soutenu que, dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire du contrat de travail était prononcée, sa date devait être fixée au 4 mai 2018 et que les indemnités de rupture réclamées n'étaient pas couvertes par la garantie de l'AGS.
7. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'
article L. 3253-8 du code du travail🏛 :
8. À l'égard des salariés qui ne bénéficient pas d'une protection particulière contre les licenciements, les créances résultant de la rupture des contrats de travail ne sont garanties par l'AGS qu'à la condition que cette rupture intervienne, en cas de liquidation judiciaire, à l'initiative du liquidateur judiciaire dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation ou pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation.
9. Après avoir énoncé qu'en l'absence de licenciement, la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié a pris effet au jour du jugement la prononçant, le 4 mai 2018, l'arrêt retient que l'AGS garantit les sommes résultant de l'exécution du contrat de travail dues avant l'ouverture de la procédure collective, en l'espèce avant le 26 janvier 2017, en vertu des
articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail🏛, de sorte que cet organisme, si la trésorerie de la société Anfuin est insuffisante, garantira les créances de nature salariale admises au passif de liquidation que sont notamment le préavis, congés payés et indemnité de licenciement.
10. En statuant ainsi, alors que, d'une part, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement naissent de la rupture du contrat de travail et d'autre part que celui-ci n'avait pas été rompu par le liquidateur judiciaire dans le délai de quinze jours du jugement de liquidation judiciaire, en sorte que la garantie de l'AGS n'était pas due au titre des indemnités allouées au salarié en conséquence de la rupture de son contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. Le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de juger que l'AGS devait garantir les sommes dues au salarié au titre d'un reliquat de congés payés, d'un rappel de salaires et des congés payés afférents, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
12. Par ailleurs, la cassation du chef de dispositif critiqué par le premier moyen n'emporte pas cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant le liquidateur judiciaire, ès qualités, aux dépens, justifié par la fixation de créances, non remise en cause.
13. Sur suggestion de l'AGS, il est fait application des
articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du
code de procédure civile.
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. Il convient de dire que l'AGS ne garantit pas les sommes de 6 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 600 euros au titre des congés payés afférents et de 2 400 euros au titre de l'indemnité de licenciement.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que l'AGS doit garantir les créances de 6 000 euros, 600 euros et de 2 400 euros, l'arrêt rendu le 26 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ces chefs ;
Dit que l'AGS ne garantit pas l'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et l'indemnité de licenciement allouées à M. [S] ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5]
L'AGS et l'UNEDIC – CGEA de [Localité 5] font grief à l'arrêt attaqué d'avoir, fixant au 4 mai 2018 la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S], fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Anfuin les créances de 6 000 euros pour préavis, de 600 euros au titre des congés payés afférents, de 2 400 euros au titre de l'indemnité de licenciement, de 2 716 euros au titre d'un reliquat de congés payés, de 21 750 euros en rappels de salaire, de 2 175 euros au titre des congés payés afférents, de 15 000 euros en réparation de la rupture de son contrat de travail, et d'avoir dit que l'AGS garantira si la trésorerie de la société Anfuin est défaillante, le règlement des sommes de 21 750 euros, 2 175 euros, 6 000 euros, 600 euros, 2 400 euros et 2 716 euros, dans les limites des plafonds applicables, rappelant que les sommes allouées sont exprimées pour leur montant brut ;
2) ALORS QUE l'indemnité de préavis, comme l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, et les dommages et intérêts accordés au titre du licenciement naissent de la rupture du contrat de travail ; que la garantie de l'AGS couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation judiciaire ; que constituent des créances de rupture du contrat de travail les dommages et intérêts attribués au titre de la rupture du contrat de travail, mais également l'indemnité de licenciement, l'indemnité versée au titre du préavis et les congés payés afférents ; qu'en retenant le principe de la garantie de l'AGS au titre de l'indemnité de préavis (6 000 euros), des congés payés afférents (600 euros), et de l'indemnité de licenciement (2 400 euros), après avoir énoncé que l'AGS garantit les sommes résultant de l'exécution du contrat de travail dues avant l'ouverture de la procédure collective et que ces sommes étaient des créances de nature salariales, la cour d'appel a violé l'
article L. 3253-8 du code du travail🏛.