Jurisprudence : Cass. civ. 1, 15-06-2022, n° 21-16.022, FS-B, Cassation

Cass. civ. 1, 15-06-2022, n° 21-16.022, FS-B, Cassation

A4698777

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C100493

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045940001

Référence

Cass. civ. 1, 15-06-2022, n° 21-16.022, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/85615476-cass-civ-1-15062022-n-2116022-fsb-cassation
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Abstract

L'indemnisation au titre de la solidarité nationale présente un caractère subsidiaire de sorte que, lorsque la commission de conciliation et d'indemnisation a estimé que le dommage engageait la responsabilité de deux personnes distinctes, que seul l'un de leurs assureurs a fait une offre d'indemnisation partielle qui a été acceptée et que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) s'est substitué à l'autre assureur pour que la victime bénéficie d'une réparation intégrale, l'ONIAM dispose alors, comme l'assureur auquel il s'est substitué, d'un recours contre toute personne qu'il considère comme responsable du dommage, sans que l'acceptation par la victime d'une offre d'indemnisation partielle n'y fasse obstacle


CIV. 1

CF


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022


Cassation partielle


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 493 FS-B

Pourvoi n° Z 21-16.022


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022


l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 21-16.022 contre l'arrêt rendu le 16 février 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [E] [M], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à la société MACSF assurances, venant aux droits de la société Le Sou médical, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société Mutualité sociale agricole, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de la SCP Richard, avocat de Mme [M] et de la société MACSF assurances, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes Aa, Ab, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Ac, 16 février 2021), à l'occasion d'une intervention réalisée le 12 janvier 2007 et consistant en la pose d'une prothèse de hanche au sein de la clinique [4] (la clinique), Mme [F] a chuté de la table d'opération et présenté une fracture de vertèbres dorsales avec contusion de la moelle épinière.

2. Le 21 janvier 2008, elle a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation de la région Aquitaine (CCI), qui, par avis du 18 mars 2009, a estimé que le dommage était la conséquence d'un défaut de surveillance de la patiente par l'infirmière panseuse et par Mme [M], médecin-anesthésiste exerçant à titre libéral (l'anesthésiste), qu'il appartenait à l'assureur de celle-ci, la société Le Sou médical, ainsi qu'à I'assureur de la clinique, la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), de faire une offre d'indemnisation à Mme [F] et à son petit-fils, M. [N], et que, dans leurs rapports respectifs, la charge de la réparation serait répartie par moitié entre eux.

3. La société Le Sou médical a présenté une offre d'indemnisation à Mme [F] et à M. [Ad], couvrant la moitié de leurs préjudices, qu'ils ont acceptée. A la suite du refus de la SHAM de procéder à une telle offre, l'ONIAM s'est substitué à celle-ci et les a indemnisés à hauteur de l'autre moitié.

4. Par jugement du 12 décembre 2014, le recours subrogatoire de l'ONIAM contre la clinique et la SHAM a été rejeté en l'absence de responsabilité de la clinique dans la survenue du dommage.

5. Les 28 mars et 3 avril 2017, l'ONIAM a assigné l'anesthésiste et la société Le Sou médical en remboursement des indemnités versées.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. L'ONIAM fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'en tout état de cause l'ONIAM peut exercer le recours subrogatoire prévu par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique🏛 à l'encontre de n'importe quel professionnel ou établissement de santé y compris ceux auquel il ne s'est pas substitué lorsqu'il indemnisait la victime ; qu'en se fondant sur le constat que l'ONIAM avait indemnisé les victimes non par substitution à l'assureur de l'anesthésiste mais par substitution à l'assureur de la clinique [4], pour retenir que l'ONIAM ne pouvait pas exercer de recours subrogatoire contre l'anesthésiste et son assureur afin de se faire rembourser les sommes versées aux victimes lorsqu'il se substituait à l'assureur de la clinique [4], la cour d'appel a violé les articles L. 1142-15 du code de la santé publique🏛 et 1346 du code civil. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1142-1, II, L. 1142-14 et L. 1142-15 du code de la santé publique🏛 :

7. Selon le premier de ces textes, l'ONIAM n'est chargé d'indemniser les victimes d'accidents médicaux résultant d'actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins que lorsque la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement, service ou organisme de santé ou d'un producteur de produits n'est pas engagée.

8. Selon le deuxième, lorsque la CCI estime que le dommage engage la responsabilité d'un professionnel de santé, l'assureur qui garantit sa responsabilité fait à la victime une offre dont l'acceptation vaut transaction et, s'il estime que le dommage n'engage pas la responsabilité de son assuré mais celle d'un tiers, il dispose d'une action subrogatoire contre lui.

9. Selon le troisième, en cas de silence ou de refus de la part de l'assureur de faire une offre, l'ONIAM est substitué à l'assureur et les dispositions du deuxième de ces textes s'appliquent alors à l'ONIAM.

10. Il s'en déduit que l'indemnisation au titre de la solidarité nationale présente un caractère subsidiaire et que, lorsque la CCI a estimé que le dommage engageait la responsabilité de deux personnes distinctes, que seul l'un de leurs assureurs a fait une offre d'indemnisation partielle qui a été acceptée et que l'ONIAM s'est substitué à l'autre assureur pour que la victime bénéficie d'une réparation intégrale, l'ONIAM dispose alors, comme l'assureur auquel il s'est substitué, d'un recours contre toute personne qu'il considère comme responsable du dommage, sans que l'acceptation par la victime d'une offre d'indemnisation partielle n'y fasse obstacle.

11. Pour rejeter les demandes de l'ONIAM contre l'anesthésiste et son assureur, l'arrêt retient que l'ONIAM ne s'est pas substitué à cet assureur, en application de l'article L. 1142-15, qu'en tout état de cause, l'ONIAM ne fait qu'exercer une action subrogatoire et qu'il n'a pas plus de droits que la victime ayant accepté l'offre d'indemnisation de l'assureur en considération d'une responsabilité à hauteur de 50 %.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales

L'ONIAM fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement déféré et de l'avoir débouté de ses demandes tendant à la condamnation solidaire du docteur [M] et de son assureur la MACSF venant aux droits du Sou Médical à lui payer les sommes de 66 257,79 euros au titre du remboursement de l'indemnisation versée à madame [F] et à monsieur [Ad] et de 1 843,09 euros au titre du remboursement des frais d'expertise ;

1) Alors que l'ONIAM est substitué à chacun des professionnels ou établissements de santé considérés par la commission de conciliation et indemnisation comme conjointement responsables des conséquences d'un accident médical et peut exercer à l'encontre de chacun d'entre eux l'action subrogatoire prévue par l'article L.1142-15 du code de la santé publique🏛, y compris à l'encontre du professionnel ou de l'établissement de santé dont l'assureur a présenté à la victime une offre d'indemnisation à hauteur de la part de responsabilité que la commission a pu estimer s'agissant des rapports des responsables entre eux, dès lors que l'office a été amené, du fait de la limitation de cette offre et du refus ou du silence de l'assureur de l'autre professionnel ou établissement de santé considéré comme responsable, à verser à la victime une indemnisation de la part des préjudices demeurant non réparés ; qu'ayant constaté que la commission de conciliation et d'indemnisation avait retenu la responsabilité conjointe de l'anesthésiste et de la clinique [4], en déduisant de la seule circonstance que l'assureur de l'anesthésiste avait présenté une offre d'indemnisation à hauteur de 50 % et que l'ONIAM était intervenu du fait du silence de l'assureur de la clinique [4] pour l'indemnisation des 50 % restant que l'office ne s'était pas substitué à l'anesthésiste et ne pouvait exercer à l'encontre de ce dernier l'action subrogatoire prévue par l'article L.1142-15 du code de la santé publique🏛, la cour d'appel a violé cette disposition ;

2) Alors qu'en retenant que l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation avait conclu à une responsabilité de l'anesthésiste à hauteur de 50 % seulement, pour en déduire que l'assureur de l'anesthésiste avait présenté son offre d'indemnisation couvrant 50 % des préjudices conformément à cet avis et que l'ONIAM n'avait pu se substituer à l'anesthésiste lorsqu'il versait à la victime une indemnité correspondant aux 50 % restant, quand il résulte des termes clairs et précis de cet avis que la commission a conclu uniquement à une responsabilité conjointe de l'anesthésiste et de la clinique [4] sans limiter la responsabilité de l'un ou de l'autre à l'égard de la victime (avis d'indemnisation, p. 6) et n'a évoqué, dans les motifs de son avis, une répartition de la responsabilité des intéressés à parts égales que « dans leurs rapports respectifs » (avis d'indemnisation, p. 4), la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3) Alors en tout état de cause que l'ONIAM peut exercer le recours subrogatoire prévu par l'article L.1142-15 du code de la santé publique🏛 à l'encontre de n'importe quel professionnel ou établissement de santé y compris ceux auquel il ne s'est pas substitué lorsqu'il indemnisait la victime ; qu'en se fondant sur le constat que l'ONIAM avait indemnisé les victimes non par substitution à l'assureur de l'anesthésiste mais par substitution à l'assureur de la clinique [4], pour retenir que l'ONIAM ne pouvait pas exercer de recours subrogatoire contre l'anesthésiste et son assureur afin de se faire rembourser les sommes versées aux victimes lorsqu'il se substituait à l'assureur de la clinique [4], la cour d'appel a violé les articles L.1142-15 du code de la santé publique🏛 et 1346 du code civil ;

4) Alors qu'en retenant que les victimes avaient accepté de transiger avec l'anesthésiste et son assureur « en considération d'une responsabilité à 50 %, conformément à l'avis rendu par la CCI Aquitaine » et en en déduisant que l'ONIAM ne pouvait donc exercer de recours subrogatoire pour faire constater la responsabilité de ce professionnel de santé à hauteur de l'entier préjudice et obtenir ainsi le remboursement des sommes versées à la victime pour la réparation des préjudices non concernés par l'offre de l'assureur, sans préciser le contenu de cette transaction ni mentionner l'origine de ses constatations, en l'état d'une procédure où cette transaction n'était pas produite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1142-15 du code de la santé publique🏛 et 1346 du code civil ;

5) Alors que l'acceptation par la victime de l'offre de l'assureur d'un professionnel ou établissement de santé considéré comme responsable par la commission de conciliation et d'indemnisation ne vaut transaction, en application de l'article L.1142-14 du code de la santé publique🏛, que pour les parts de préjudices indemnisés au terme de cette offre et n'interdit pas à l'ONIAM subrogé dans les droits de la victime après s'être substitué à un autre professionnel ou établissement de santé considéré comme responsable par la commission de conciliation et d'indemnisation d'exercer le recours prévu par l'article L. 1142-15 du même code contre le professionnel ou l'établissement de santé dont l'offre de l'assureur a été acceptée pour faire constater la responsabilité de l'intéressé à hauteur de l'entier préjudice et obtenir ainsi le remboursement des sommes versées à la victime pour la réparation des préjudices non concernés par cette offre ;
qu'en considérant que l'acceptation par les victimes de l'offre de l'assureur de l'anesthésiste d'indemniser les préjudices à hauteur de 50 % seulement interdisait à l'ONIAM d'exercer son recours subrogatoire pour faire constater la responsabilité de ce professionnel de santé à hauteur de l'entier préjudice et obtenir sa condamnation à lui rembourser les sommes correspondant au reste des préjudices visés par cette offre, la cour d'appel a violé les articles L.1142-15 du code de la santé publique🏛 et 1346 du code civil ;

6) Alors enfin qu'en retenant que les premiers juges n'avaient pas violé le principe du contradictoire, au motif qu'ils avaient simplement vérifié les conditions de recevabilité de la demande de l'ONIAM pour constater que celui-ci ne pouvait pas prétendre exercer un recours subrogatoire sur le fondement de l'article L.1142-15 code de la santé publique🏛 à l'encontre du docteur [M] et de son assureur car l'ONIAM avait versé des sommes aux lieu et place de l'assureur de la clinique et non de l'assureur de l'anesthésiste, sans constater que le docteur [M] et son assureur auraient soulevé un tel moyen devant les premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile🏛.

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