Chambre des Baux Ruraux
ARRÊT N° 24
N° RG 20/05633 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RCW2
M. [D] [G]
C/
Mme [Aa] [Ab] épouse [S]
Mme [Ac] [V] épouse [T]
M. [K] [V]
Mme [Ad] [Ab] épouse [C]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Gaonac'h
Me Barthe
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 02 JUIN 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Ae A B, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Avril 2022, devant Madame Pascale LE CHAMPION, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [D] [G]
né le … … … à Quimper, de nationalité française, exploitant agricole
Lieu-dit Kermarzin
29510 EDERN
comparant en personne, assisté de Me Arnaud GAONAC'H, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMES :
Madame [Aa] [Ab] épouse [S]
née le … … … à …, … … …
…
… …
Madame [P] [V] épouAfe [T]
née le … … … à …, … … …
… … … …
… …
Monsieur [K] [V]
né le … … … à Edern, de nationalité française
9 bis rue Carnot
92160 ANTONY
Madame [Ad] [Ab] épouse [C]
né le … … … à Quimper, de nationalité française
21 rue Jean d'Alembert
44600 SAINT-NAZAIRE
représentés par Me Fabien BARTHE de la SELARL CABINET LEMONNIER - BARTHE, avocat au barreau de RENNES
Par acte sous seing privé du 29 septembre 1993, Mme [P] [V] a donné à bail à ferme à M. [M] [G] diverses parcelles, d'une superficie totale de 8 ha 20, cadastrées commune de Edern section ZI n° 49, ZK n° 120 a (pour partie) et n° 120 b (pour partie), situées au lieudit St Maudez, pour une durée de 9 années. Le bail s'est renouvelé par période successive de 9 années.
À compter de 2004, le preneur a mis à disposition de l'EARL [G] St Maudez les parcelles louées.
M. [M] [Ag], alors associé unique de l'EARL [G] C Ah est décédé le 14 septembre 2017, laissant pour recueillir sa succession sa conjointe survivante et ses quatre enfants.
Mme [P] [V] a notifié à l'EARL [G] St Maudez sa décision de mettre fin au bail.
Par lettre du 8 juin 2019, Mme [W] [G] et messieurs [F], [X] et [D] [G] ont contesté auprès de la succession de Mme [P] [V] la résiliation du bail notifiée le 1er mars 2018 par leur mère.
Mme [J] [U], conjointe survivante du preneur décédé, ayant décidé de cantonner son émolument sur la résidence principale, les parts sociales détenues par M. [M] [G] dans l'EARL [G] St Maudez sont devenues la propriété de l'indivision successorale entre ses quatre enfants, qui par assemblée générale extraordinaire du 7 octobre 2019, ont acté cette transmission de parts et ont transformé l'EARL en SCEA nommant M. [D] [G] associé exploitant et gérant.
Par lettre du 4 décembre 2019, M. [D] [G] a informé Mme [Aa] [S], représentant l'indivision [V], que les parcelles objets du bail litigieux étaient mises à disposition de la SCEA [G] St Maudez.
Les parties ne s'accordant pas sur la validité de la résiliation du bail à ferme, par requête enregistrée au greffe le 19 décembre 2019, M. [D] [G] a sollicité la convocation en conciliation de Mme [A] [S], représentant l'indivision [V], pour contester la résiliation du bail, lui permettre d'accéder aux parcelles louées et obtenir des dommages et intérêts.
Le 10 février 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux a constaté l'absence d'accord des parties.
Suivant jugement du 19 octobre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper a :
- décerné acte à Mme [P] [T], à M. [K] [V] et à Mme [Ad] [C] de leur intervention volontaire à l'instance en leur qualité d'ayant-droits de la bailleresse, Mme [P] [V] née [L],
- constaté la résiliation du bail à ferme portant sur les parcelles cadastrées commune de Edern section ZI n° 49, ZK n° 120 a (pour partie), et n° 120 b (pour partie), situées au lieudit St Maudez, par l'effet de la résiliation notifiée par la bailleresse par courrier du 1er mars 2018,
En conséquence,
- déclaré M. [D] [G] occupant sans droit ni titre desdites parcelles,
- ordonné l'expulsion de M. [D] [G] ainsi que tout occupant de son chef des parcelles cadastrées commune de Edern section ZI n° 49, ZK n° 120 a (pour partie), et n° 120 b (pour partie), situées au lieudit St Maudez, au besoin avec le concours de la force publique, dans le délai de 8 jours suivant la notification de la présente décision, et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, pendant 90 jours,
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,
- condamné M. [D] [G] aux dépens et à payer à Ai [Ac] [T], [A] [S] et [N] [C] et M. [K] [V] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
Suivant déclaration du 5 novembre 2020, M. [D] [G] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 avril 2022, M. [D] [G] demande à la cour de :
- infirmer la décision du tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper du 19 octobre 2020 en ce qu'elle :
* a constaté la résiliation du bail à ferme portant sur les parcelles cadastrées commune de Edern section Zl n° 49, ZK n° 120 a (pour partie), et n° 120 b (pour partie), situées au lieudit St Maudez, par l'effet de la résiliation notifiée par la bailleresse par courrier du 1er mars 2018,
* l'a déclaré occupant sans droit ni titre sur lesdites parcelles,
* a ordonné son expulsion ainsi que tout occupant de son chef des parcelles cadastrées commune de Edern section Zl n° 49, ZK n° 120 a (pour partie), et n° 120 b (pour partie), situées au lieudit St Maudez, au besoin avec le concours de la force publique, dans le délai de 8 jours suivant la notification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, pendant 90 jours,
* l'a condamné aux dépens et à payer à Ai [Ac] [T], [A] [S] et [N] [C] et M. [K] [V] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens,
En conséquence,
- dire et juger que le bail du 29 septembre 1993 est maintenu à son profit sur les parcelles ZK 120 et ZI 49 sur la commune de Edern pour une surface de 8 ha 20 et ce, en vertu des dispositions de l'article 411-34 du code rural et de la pêche maritime,
- dire et juger que les consorts [Ab] ne satisfont pas à leur obligation de délivrance et en vertu de l'article 1719 du code civil,
- dire et juger que les consorts [V] l'empêchent d'accéder aux parcelles louées situées sur la commune d'Edern sur les parcelles cadastrées Zl n° 49 et ZK n° 120 pour une contenance totale de 8 hectares 20 ca,
- ordonner que les consorts [V] lui permettent d'accéder aux parcelles louées et ce, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt,
A défaut,
- dire et juger que les consorts [V] seront condamnés à une astreinte de 1 500 euros pour chaque nouvelle infraction constatée par un procès-verbal de constat,
En tout état de cause,
- débouter les consorts [V] de l'ensemble de leur appel incident,
- débouter les consorts [V] de l'ensemble de leurs contestations et leurs prétentions,
- condamner solidairement les consorts [Ab] à une indemnité de 3 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et pour abus de droit,
- condamner solidairement les consorts [Ab] à une indemnité de 15 000 euros pour le préjudice d'exploitation subi pour l'année 2021 et 2022,
En tout état de cause,
- condamner les consorts [V] à une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût du procès-verbal de constat de maître [E] du 21 octobre 2019.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 29 mars 2022, les consorts [Ab] demandent à la cour de :
- débouter M. [D] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre principal :
- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper du 19 octobre 2020 en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire, en cas de réformation du jugement en ce qu'il a constaté la résiliation du bail par effet de la notification par courrier du 1er mars 2018 :
- prononcer la résiliation du bail portant sur les parcelles sises commune de Edern (29) cadastrées ZI 49, ZK 120 a (en partie) et ZK 120 b (en partie) au motif de cession prohibée,
- confirmer le jugement pour le surplus,
Puis, y ajoutant,
- condamner M. [D] [G] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de la présente instance,
- condamner le même aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Au soutien de son appel, M. [G] indique que le bailleur n'apporte pas la preuve que la demande de résiliation a été faite dans le délai de 6 mois à compter du décès du preneur. Il signale que la lettre de résiliation a été adressée à l'EARL [G] St Maudez et non aux héritiers du preneur.
Il allègue de ce qu'en l'absence de demande de résiliation valable, la condition de l'exploitation au cours des 5 ans n'est pas exigée.
Il estime qu'en cours de bail, le dispositif du contrôle des structures ne constitue pas un motif de résiliation et affirme qu'au surplus, il dispose d'autorisation d'exploiter en sa qualité de gérant de la société [G] St Maudet.
Il fait état de manquement du bailleur à son obligation de délivrance.
Il conteste l'appel incident des bailleurs au titre d'une cession prohibée.
En réponse, les consorts [V] avancent que Mme [P] [V] a, par lettre du 1er mars 2008, souhaité mettre fin au bail et que les ayants-droit du M. [M] [Ag] ont bien reçu ce courrier.
Ils indiquent qu'après le décès du preneur, l'exploitation des biens a cessé.
Ils considèrent qu'aucun ayant-droit du preneur ne justifie d'une exploitation effective telle que prévue par l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime et que M. [D] [G] ne justifie pas du respect de la réglementation relative au contrôle des structures.
Ils récusent tout manquement à leurs obligations de bailleurs.
Dans l'hypothèse où le bail ne serait pas résilié, les consorts [V] arguent de ce que le départ en retraite de Mme [Aj] divorcée [G] sans information du bailleur et la poursuite du bail par M. [M] [Ag] est une cession prohibée et qu'à la suite de son décès il y a eu mise à disposition au profit d'une société au sein de laquelle il n'y avait aucun associé.
Ils soutiennent l'absence de participation de M. [D] [G] à l'exploitation des terres.
Ils soulignent que l'exécution provisoire du jugement critiqué est intervenue spontanément.
Selon l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Le droit au bail peut, toutefois, être attribué par le tribunal paritaire au conjoint, au partenaire d'un pacte civil de solidarité ou à l'un des ayants droit réunissant les conditions précitées. En cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l'aptitude des différents demandeurs à gérer l'exploitation et à s'y maintenir.
Les ayants droit du preneur ont également la faculté de demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du décès de leur auteur.
Le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit réunissant les conditions énoncées au premier alinéa.
Si la fin de l'année culturale est postérieure au décès de neuf mois au moins, la résiliation peut, au choix des ayants droit, prendre effet soit à la fin de l'année culturale en cours, soit à la fin de l'année culturale suivante. Dans le cas contraire, la résiliation ne prendra effet qu'à la fin de l'année culturale suivante.
M. [M] [Ag] est décédé le 14 septembre 2017, laissant pour lui succéder ses quatre enfants, sa seconde épouse ayant cantonné ses droits à la résidence principale.
Des pièces produites au dossier, aucun des enfants de M. [M] [G] ne démontre avoir participé effectivement à l'exploitation.
Ainsi seul M. [D] [G] transmet deux contrats de travail conclu avec l'EARL [G] St Maudet, pour 3 jours pour la période du 1er au 31 mai 2016 et du 28 décembre 2015 au 2 janvier 2016. Ces quelques jours ne peuvent être considérés comme une participation à l'exploitation telle que définit par le texte précité.
Dans une lettre manuscrite datée du 1er mars 2018, Mme [P] [V] a adressé à l'EARL [G] Saint Maudet le courrier suivant : par la présente, je vous informe de ma décision de résilier le bail des terres louées à l'EARL [G], suite au décès de [M] [G]. Fait pour servir et valoir ce que de droit. Sincères salutations.
Comme l'ont fait remarquer les premiers juges, les ayants droit de M. [M] [Ag] ne sont pas l'EARL [G] St Maudet.
Les textes n'ont pas exigé un formalisme précis à cette demande de résiliation ; il appartient au bailleur de démontrer que les ayants droit du preneur en ont eu connaissance.
La qualité de bailleur de Mme [P] [V] n'est pas contestée.
Le bailleur a reçu un courrier daté du 8 juin 2019 ainsi rédigé :
EARL [G] St Maudez
Succession [M] [G]
[F], [X], [W] et [D] [G]
Saint Maudez
Succession [P] [V]
Suite au décès de notre père, intervenu le 14 septembre 2017, nous avons reçu un courrier en date du 1er mars 2018 nous indiquant la résiliation du bail. Nous contestons par la présente la résiliation du bail rural. Nous estimons en effet que cette résiliation n'est valable ni sur la forme, ni sur le fond. En effet, conformément à l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime, le bail rural s'est poursuivi après le décès de notre père. Nous souhaitons en conséquence, nous maintenir sur les parcelles mises à bail.
Ainsi près de 18 mois plus tard, les ayants droit de M. [M] [Ag] ne contestent pas avoir reçu la demande de résiliation en temps et en heure.
En outre, le procès-verbal de constat du 27 mai 2019 démontre que les terres objets du bail n'ont pas été exploitées, démontrant l'acceptation de cette résiliation par les consAgrts [G].
C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont jugé régulière la notification de la résiliation du bail par courrier du 1er mars 2018.
Le jugement entrepris est confirmé en toutes ses dispositions, sans qu'il ne soit besoin de statuer sur les autres demandes dAg M. [G].
Succombant en son appel, M. [G] est débouté de sa demande en frais irrépétibles et est condamné à payer aux consorts [V] la somme de 2 000 euros ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [G] à payer à Mme [Ac] [V], Mme [A] [V], M. [K] [V] et Mme [N] [V] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Déboute M. [Ag] de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne M. [G] aux dépens d'appel.
La greffièreLa présidente