Jurisprudence : Cass. civ. 2, 09-06-2022, n° 21-12.738, F-B, Rejet

Cass. civ. 2, 09-06-2022, n° 21-12.738, F-B, Rejet

A792474A

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C200605

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045905132

Référence

Cass. civ. 2, 09-06-2022, n° 21-12.738, F-B, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/85538712-cass-civ-2-09062022-n-2112738-fb-rejet
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Abstract

Si la nullité d'un acte de procédure doit être appréciée à la date de ce dernier, cette appréciation peut se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte


CIV. 2

LM


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juin 2022


Rejet


M. PIREYRE, président


Arrêt n° 605 F-B

Pourvoi n° E 21-12.738


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022


La société Heinrich éclairage, dont le siège est [Adresse 8], a formé le pourvoi n° E 21-12.738 contre l'arrêt rendu le 30 décembre 2020 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Axa France Iard, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à la société Bertrandt, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],

3°/ à la société Allianz Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ à la société SP Trading, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], représentée par la société Koch et associés, domiciliée [Adresse 4], prise en qualité de mandataire liquidateur, venant aux droits de la société Sarplast,

5°/ à la société Groupama Centre Manche, dont le siège est [Adresse 2], anciennement dénommée société Groupama assurances,

6°/ à la société MJ Synergie, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orphel, représentée par MM. [X] [G] et [C] [U],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Delbano, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Heinrich éclairage, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz Iard, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa France Iard, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Bertrandt, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Groupama Centre Manche, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Delbano, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 décembre 2020) et les productions, la société Victor Heinrich a commandé à la société Dam, assurée auprès de la société Groupama assurances (la société Groupama), l'étude et la réalisation d'un moule permettant la fabrication en série de lampadaires avec réflecteurs aluminisés.

2. La société Bertrandt, assurée auprès de la société Axa France Iard (la société Axa), a été désignée comme sous-traitant concepteur du produit, tandis que l'aluminisation des réflecteurs a été réalisée par la société Orphel, postérieurement en liquidation judiciaire et représentée par la société MJ Synergie en qualité de mandataire liquidateur. La fabrication des réflecteurs de pré-série a été confiée à la société Sarplast, aux droits de laquelle est venue la société SP Trading, assurée auprès de la société Allianz Iard (la société Allianz).

3. La production de pièces conformes à la commande n'a pas été possible et la société Victor Heinrich n'a pas été en mesure d'honorer ses commandes.

4. Des expertises judiciaires ont été ordonnées, la société Heinrich éclairage étant intervenue volontairement à l'instance.

5. Par assignations des 1er, 2, 5 décembre 2016, 4 et 11 janvier 2017, la société Victor Heinrich éclairage a recherché la responsabilité des sociétés Dam, Bertrandt, Sarplast et de leurs assureurs respectifs, ainsi que celle de la société MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orphel, devant un tribunal de grande instance.

6. Le juge de la mise en état de ce tribunal a, par ordonnance du 6 août 2019, notamment rejeté les exceptions de nullité de l'assignation du 11 janvier 2017 et déclaré valable cette assignation délivrée par la société Heinrich éclairage dénommée à tort Victor Heinrich éclairage.

7. La société Axa a interjeté appel.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche, ci-après annexé

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

9. La société Heinrich éclairage fait grief à l'arrêt de déclarer nulles les assignations délivrées les 1er, 2 et 5 décembre 2016, 4 et 11 janvier 2017 par la société Victor Heinrich éclairage, alors :

« 1°/ que les conditions de validité de fond d'une assignation non susceptibles de régularisation, telles que l'existence légale de son auteur et partant, sa capacité d'ester en justice, doivent être appréciées au jour de sa délivrance, et non au vu des écritures ultérieures des parties ; qu'en se fondant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, insusceptible de régularisation, à raison de l'inexistence légale de la société Victor Heinrich Eclairage, et de son incapacité d'ester en justice, sur les conclusions des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile🏛 ;

2°/ que la cour d'appel statue exclusivement au vu des prétentions et des moyens, fussent-ils nouveaux, énoncés dans les dernières conclusions d'appel des parties, de sorte qu'elle ne peut se fonder sur les moyens soulevés par celles-ci dans leurs conclusions de première instance ; qu'en retenant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, que les conclusions de première instance des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017 ne faisaient aucune mention de l'erreur matérielle invoquée à hauteur de cour selon laquelle la société Heinrich Eclairage aurait été à l'origine de l'assignation, de sorte que seul l'ajout du terme « Victor » à sa raison sociale aurait constitué une irrégularité, la cour d'appel qui s'est fondée sur les conclusions de première instance de l'intimée pour statuer sur l'exception de nullité qui lui était soumise a violé les articles 563 et 954 du code de procédure civile🏛. »


Réponse de la Cour

10. Si la nullité d'un acte de procédure doit être appréciée à la date de ce dernier, cette appréciation peut se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte.

11. L'arrêt retient que l'assignation initiale, délivrée au nom de la société Victor Heinrich éclairage, l'a été au nom d'une société n'existant pas sous cette raison sociale précise. Il ajoute que, comme le soutiennent les défenderesses, les conclusions de première instance remises par la demanderesse le 19 décembre 2017 établissent que cette assignation n'est pas seulement affectée d'un seul vice de forme, le fait que la société Victor Heinrich y soit présentée comme demanderesse principale, comme si elle était venue aux droits de la société Victor Heinrich éclairage, au nom de laquelle l'assignation a été prise, et que la société Heinrich éclairage soit intervenue volontairement, alléguant explicitement agir distinctement de la société Victor Heinrich éclairage, établissant que l'assignation, selon la propre présentation des intéressées, a été délivrée au nom d'une société distincte.

12. La cour d'appel, qui s'est déterminée au vu des dernières conclusions remises par la société Heinrich éclairage, lesquelles reprenaient en partie le contenu et les arguments développés devant le premier juge, a exactement déduit que les assignations étaient nulles.

13. Le moyen, qui pour partie manque en fait et n'est pas fondé pour le surplus, ne peut, dès lors, pas être accueilli.



PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Groupama Centre Manche et la société Heinrich éclairage aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes formées par la société Groupama Centre Manche et la société Heinrich éclairage et condamne la société Heinrich éclairage à payer à la société Axa France Iard la somme de 3 000 euros, à la société Bertrandt la somme de 3 000 euros et à la société Allianz Iard la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Heinrich éclairage

La société Heinrich Eclairage fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nulles les assignations délivrées les 1er, 2 et 5 décembre 2016, 4 et 11 janvier 2017 par la société Victor Heinrich Eclairage ;

1°) ALORS QUE les conditions de validité de fond d'une assignation non susceptibles de régularisation, telles que l'existence légale de son auteur et partant, sa capacité d'ester en justice, doivent être appréciées au jour de sa délivrance, et non au vu des écritures ultérieures des parties ; qu'en se fondant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, insusceptible de régularisation, à raison de l'inexistence légale de la société Victor Heinrich Eclairage, et de son incapacité d'ester en justice, sur les conclusions des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017, la cour d'appel a violé les articles 117 et 121 du code de procédure civile🏛 ;

2°) ALORS QUE la cour d'appel statue exclusivement au vu des prétentions et des moyens, fussent-ils nouveaux, énoncés dans les dernières conclusions d'appel des parties, de sorte qu'elle ne peut se fonder sur les moyens soulevés par celles-ci dans leurs conclusions de première instance ; qu'en retenant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, que les conclusions de première instance des sociétés Victor Heinrich et Victor Heinrich Eclairage en date du 19 décembre 2017 ne faisaient aucune mention de l'erreur matérielle invoquée à hauteur de cour selon laquelle la société Heinrich Eclairage aurait été à l'origine de l'assignation, de sorte que seul l'ajout du terme « Victor » à sa raison sociale aurait constitué une irrégularité, la cour d'appel qui s'est fondée sur les conclusions de première instance de l'intimée pour statuer sur l'exception de nullité qui lui était soumise a violé les articles 563 et 954 du code de procédure civile🏛 ;

3°) ALORS subsidiairement QUE dans un acte de procédure, l'erreur relative à la dénomination d'une partie n'affecte pas la capacité à ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu'un vice de forme, lequel ne peut entraîner la nullité de l'acte que sur justification d'un grief ; qu'en retenant, pour juger que les assignations délivrées au nom d'une société dénommée « Victor Heinrich Eclairage » n'étaient pas affectées d'un vice de forme mais d'un vice de fond, après avoir pourtant relevé que dans les conclusions en date du 19 décembre 2017, la société Victor Heinrich était présentée comme demanderesse principale, comme si elle était venue aux droits de la société Victor Heinrich Eclairage, au nom de laquelle l'assignation avait été prise et que l'assignation litigieuse sollicitait, dans son dispositif, l'attribution d'une somme de 3 406 972,57 euros à la société « VHM », qui était, comme l'indiquait la société Heinrich Eclairage, le nom commercial de la société Victor Heinrich, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'assignation avait été délivrée au nom la société Victor Heinrich, désignée à tort, Victor Heinrich Eclairage, et a ainsi violé, par refus d'application, l'article 114 du code de procédure civile🏛, et par fausse application, l'article 117 du même code🏛.

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