Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 05 JUIN 2013
(n°, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 09/14183
Décision déférée à la Cour Jugement du 04 Novembre 2008 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 02/15589
APPELANT
Monsieur Dan Z
KIRKKONUMMI (FINLANDE)
Représenté et assisté de Me Philippe GALLAND de la SCP GALLAND - VIGNES (avocat au barreau de PARIS, toque L0010)
INTIMÉS
Madame Meret Lia Y épouse Y
Manuelstrasse 75
CH 3006 BERNE - SUISSE
Représentée par Me Thierry SERRA (avocat au barreau de PARIS, toque D1451)
assistée de Me Sylviane BRANDOUY (avocat au barreau de PARIS, toque E0797)
LE Y MARC CHAGALL
pris en la personne de son représentant légal
PARIS
Représenté par Me Thierry SERRA (avocat au barreau de PARIS, toque D1451)
assisté de Me Sylviane BRANDOUY (avocat au barreau de PARIS, toque E0797)
Monsieur David W W
PRINCIPAUTE DE
Représenté par Me Thierry SERRA (avocat au barreau de PARIS, toque D1451)
assisté de Me Sylviane BRANDOUY (avocat au barreau de PARIS, toque E0797)
Madame Bella Lisa Y épouse Y
8, East 12th Street
NEW YORK - USA
Représentée par Me Thierry SERRA (avocat au barreau de PARIS, toque D1451)
assistée de Me Sylviane BRANDOUY (avocat au barreau de PARIS, toque E0797)
Monsieur Piet Marc Y
Humboldtstrasse 33
3013 BERNE - SUISSE
Représenté par Me Thierry SERRA (avocat au barreau de PARIS, toque D1451)
assisté de Me Sylviane BRANDOUY (avocat au barreau de PARIS, toque E0797)
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats Mme Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu l'appel interjeté le 24 juin 2009 par Dan Z, du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 4 novembre 2008 dans le litige l'opposant au Comité Marc CHAGALL (association de la loi de 1901) et à David W W, Bella Lisa Y épouse Y, Piet Marc Y, Meret Lia Y épouse Y, ces derniers venant aux droits, en qualité d'héritiers, du peintre Marc Y ;
Vu l'arrêt de la Cour de céans en date du 23 mars 2011 ordonnant une nouvelle mesure d'expertise et commettant pour y procéder Messieurs ... ... et Amaury ... ... ;
Vu les dernières conclusions de Dan Z, appelant, signifiées le 30 octobre 2012 ;
Vu les dernières conclusions du Comité Marc Y et de David W W, Bella Lisa Y épouse Y, Piet Marc Y, Meret Lia Y épouse Y, intimés, signifiées le 18 février 2013 ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 12 mars 2013 ;
SUR CE, LA COUR
Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément référé à la décision entreprise, à l'arrêt avant-dire droit prononcé par la Cour de céans le 23 mars 2011, et aux écritures des parties ;
Considérant qu'il sera rappelé que Dan Z a acquis le 21 octobre 2001 pour la somme de 22.000 dollars US le tableau intitulé 'Faubourg de Vitebsk' portant la signature 'Marc Chagall 1916", qui lui a été livré à sa résidence de Helsinki le 21 novembre 2001 accompagné d'une analyse technique datée du 5 septembre 2001 de M. ..., chef du département de l'authentification du musée d'Etat de l'Hermitage de Saint-Petersbourg, concluant à son authenticité ;
Que Dan Z lui ayant présenté le tableau le 26 mars 2002, le Comité Marc Y, constitué par les consorts ..., héritiers du peintre Marc Y titulaires des droits et moraux et patrimoniaux de leur auteur, estimait le 29 mars 2002, qu'il ne correspondait pas 'à la facture de l'artiste de 1916' et faisait connaître à son propriétaire, le 3 avril 2002, qu'il s'agissait d'un faux ;
Que le Comité Marc Y a fait placer le tableau litigieux sous scellés judiciaires le 17 septembre 2002 puis a fait assigner, avec les héritiers de l'artiste, Dan Z devant le tribunal de grande instance de Paris, le 8 octobre 2002, aux fins de voir ordonner la destruction du tableau ;
Que le tribunal, par le jugement dont appel, après avoir ordonné une expertise le 30 novembre 2004, et une contre-expertise le 16 mai 2007, aux fins notamment de recueillir les observations du chef du département pour l'examen scientifique et l'authentification du musée d'Etat de l'Hermitage, a retenu, au vu des rapports d'expertise respectivement déposés le 1er mars 2006 et le 30 novembre 2007, que l'huile sur papier intitulée 'Faubourg de Vitebsk' constitue un faux et a ordonné la destruction du tableau contrefaisant ;
Que suivant arrêt avant-dire droit du 23 mars 2011, une mission d'expertise a été confiée à un collège de deux experts, mission qui n'a pu être diligentée faute pour Dan Z d'avoir procédé à la consignation mise à sa charge et dont la caducité doit être en conséquence constatée ;
Considérant, ceci ayant été rappelé, que Dan Z sollicite à nouveau une mesure d'expertise qu'il conviendrait de confier à la société ART ACCESS ;
Or considérant que Dan Z, alors qu'il avait obtenu de l'arrêt avant-dire-droit rendu par la Cour le 23 mars 2011 la désignation, conformément à sa demande, d'un collège d'expert, ne s'explique pas sur les motifs pour lesquels il s'est abstenu de procéder à la consignation qui aurait permis à cette nouvelle expertise d'être mise en oeuvre ;
Qu'il ne saurait dès lors sérieusement prétendre à la désignation d'une société ART ACCESS, dont les références ne sont aucunement précisées, en qualité d'expert, désignation à laquelle s'opposent expressément les intimés aux termes de leurs écritures et qui ne recueille, contrairement à ce qu'il soutient à tort, le moindre accord de leur part ;
Considérant sur le fond, que l'expert ... relève que le carton ayant servi de support à l'huile contestée, est un carton de récupération non coupé droit alors que CHAGALL, déjà connu en 1916 utilisait pas ce type de support occasionnel, que le tableau est terne, peu contrasté, quasiment uniforme, sage et scolaire et qu'il ne témoigne pas de la verve et de la fantaisie de Marc Y, qu'en particulier, l'alignement parfait des maisons sur le bord de la route, observé sur le tableau litigieux, ne se retrouve jamais dans l'oeuvre du peintre ;
Qu'il explique que le tableau réalise une juxtaposition de divers éléments empruntés aux oeuvres originales de Marc Y des années 1908-1915 et décrit précisément les éléments repris des oeuvres 'l'échoppe du barbier de Liosno', 'une vue à Vitebsk', 'passant et attelage', 'soldats au pain', 'la fenêtre, Vitebsk';
Qu'il indique enfin que la signature, trop régulière, ne correspond pas à celle du peintre, et conclut de l'ensemble de ces éléments, après avoir précisé que Marc Y a été très tôt et dès les années 20 copié en Russie, que le tableau litigieux constitue un faux grossier qui ne peut être de la main de Marc Y ;
Considérant que le rapport de contre-expertise déposé le 30 novembre 2007 conclut également à une contrefaçon, l'expert ... expliquant, à l'instar de l'expert ..., que le tableau ne révèle pas la touche du peintre et constitue une compilation d'oeuvres originales de Marc Y auxquelles ont été empruntés les différents éléments composant le tableau, les oeuvres originales copiées étant notamment 'l'échoppe du barbier de Liosno', 'une vue à Vitebsk', 'la fenêtre, Vitebsk' mais encore 'le marché à bestiaux', 'le balayeur', 'au dessus de la ville', 'les portes du cimetière', 'maison bleue' dans lesquelles les éléments copiés ont été traités avec un mouvement indiscutable, ce qui n'est pas le cas sur le tableau litigieux ;
Considérant que l'expert souligne que le tableau ne peut en aucun cas être de la main de Marc Y et ajoute qu'il y a tout lieu de penser qu'il s'agit d'une copie réalisée par un de ses élèves ou encore par un émule ; qu'il rejoint encore l'expert ... en observant que le peintre signait rarement ses toiles dans un alignement parfait, avec son nom suivi de la date, mais isolait au contraire la date, éparpillée dans le tableau ;
Considérant que Dan Z fait grief aux experts de n'avoir pas pris l'attache de M. ..., ou de tout autre personne du département pour l'examen scientifique et l'authentification du musée d'Etat de l'Hermitage ;
Mais considérant que selon l'expert ... l'analyse de M. ... comporte un trop grand nombre d'erreurs et d'imprécisions pour mériter d'être prise en compte, que l'expert ... indique pour sa part que la contrefaçon étant à ses yeux incontestable, il ne lui a pas paru utile de prendre l'attache du musée d'Etat de l'Hermitage ;
Et considérant que cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions concordantes, précises et circonstanciées aux termes desquelles les deux experts sont d'avis que l'huile sur toile contestée est un faux ;
Considérant que la mesure de remise du tableau aux fins de destruction demandée par les intimés présente, au regard des circonstances de la cause, un caractère disproportionné, et il convient de faire droit, dans les termes du dispositif ci-après, à la demande de Dan Z tendant à se voir autoriser à conserver entre ses mains le tableau litigieux sauf à ce qu'il soit procédé, préalablement à la restitution du tableau à son propriétaire, le découpage de la signature 'Marc Chagall 1916", une telle disposition suffisant à supprimer et à prévenir tout rattachement de ce tableau au peintre Marc Y ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, en équité de faire droit aux demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement dont appel sauf en celle de ses dispositions ordonnant la destruction du tableau intitulé 'Faubourg de Vitebsk',
Constate la caducité de la mesure d'expertise ordonnée par l'arrêt de ce siège du 23 mars 2011, Déboute Dan Z de sa demande d'expertise,
Ordonne le découpage, en présence des parties, aux frais de Dan Z, par un huissier de justice qui pourra se faire assister du technicien de son choix, de la signature 'Marc Chagall 1916" inscrite sur l'huile sur toile ' Faubourg de Vitebsk' objet du litige ;
Dit que la réalisation de la mesure de découpage ci-dessus ordonnée constitue une condition préalable à la restitution du tableau à Dan Z ;
Condamne Dan Z aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT