SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 avril 2022
Cassation partielle
M. CATHALA, président
Arrêt n° 537 FS-D
Pourvoi n° M 19-22.327
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 AVRIL 2022
1°/ M. [Aa] [R], domicilié [… …], [Localité 7],
2°/ le syndicat CGT des Forges Custines, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6],
ont formé le pourvoi n° M 19-22.327 contre l'arrêt rendu le 25 juin 2019 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Lebronze Alloys, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11], [Localité 5], venant aux droits de la société Les Forges Custines et de Trie Château,
2°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 8], prise en la personne de Mme [W] [U], en qualité de mandataire liquidateur de la société Manoir Custines,
3°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 9],
défenderesses à la cassation.
La société Lebronze Alloys a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [R], du syndicat CGT des Forges Custines, de la SCP Gatineau, Ab et Rebeyrol, avocat de la société Lebronze Alloys, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Mandataires judiciaires associés, ès qualités, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Ac, Mmes Ad, Sommé, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 25 juin 2019) et les productions, M. [R] a été engagé le 1er septembre 2005 par la société Manoir Custines, laquelle a été placée en liquidation judiciaire par
jugement du tribunal de commerce du 1er juin 2015, avec maintien de l'activité jusqu'au 5 juin 2015, la société MJA prise en la personne de Mme [U] étant désignée en qualité de liquidateur.
2. Un accord majoritaire portant des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu le 16 juin 2015 et validé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le 18 juin 2015. M. [R] a été licencié pour motif économique le 15 juillet 2015, après autorisation de l'inspecteur du travail.
3. Par ordonnance du 19 août 2015, le juge commissaire a autorisé la reprise de l'activité du site industriel de [Localité 10] par la société Forges de Trie Château, aux droits de laquelle vient la société Lebronze Alloys.
4. Après avoir vainement demandé sa réembauche auprès de la société Lebronze Alloys, le salarié et le syndicat CGT des Forges de Custines ont saisi la juridiction prud'homale le 9 juin 2017, afin de voir dire le licenciement dépourvu d'effet en vertu de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛 et obtenir condamnation de la société Lebronze Alloys au paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif ou, subsidiairement, leur fixation au passif de la société Manoir Custines.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et les première, troisième et cinquième branches du second moyen du pourvoi principal, ci-après annexés
5. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de débouter M. [R] de ses demandes de condamnation de la société Lebronze Alloys et de ses demandes de fixation au passif de la société Manoir Custines, alors « que si le juge judiciaire ne peut revenir sur les faits appréciés par l'autorité administrative, il peut connaître des prétentions afférentes à tout élément non soumis au contrôle de l'inspection du travail ; que dans leurs écritures d'appel, M. [R] et le syndicat CGT soutenaient que leurs demandes étaient étrangères à la décision de l'inspection du travail ayant autorisé le licenciement le 10 juillet 2015, l'inspection du travail ignorant l'existence d'une reprise de l'entreprise au moment où elle statuait, l'application de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛 ne relevant pas du contrôle de l'autorité administrative, et la collusion frauduleuse ayant pu exister entre le repreneur et le liquidateur pour mettre en échec l'article susvisé étant également étrangère au motif économique contrôlé par l'inspection ; qu'en se bornant à retenir qu'en l'état d'une autorisation administrative de licencier, le juge judiciaire ne pouvait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement, sans rechercher si le juge judiciaire était compétent pour apprécier des faits non pris en compte par l'inspecteur du travail au moment de sa décision, et étrangers à cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790, du
décret du 2 septembre 1795, et du principe de séparations des pouvoirs. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛, le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16-24 août 1790 :
7. En l'absence de toute cession d'éléments d'actifs de la société en liquidation judiciaire à la date à laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement d'un salarié protégé, il appartient à la juridiction judiciaire d'apprécier si la cession ultérieure d'éléments d'actifs autorisée par le juge-commissaire ne constitue pas la cession d'un ensemble d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre, emportant de plein droit le transfert des contrats de travail des salariés affectés à cette entité économique autonome, conformément à l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛, et rendant sans effet le licenciement prononcé, sans que cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement d'un salarié protégé, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.
8. Pour rejeter la demande du salarié, l'arrêt retient d'abord que le salarié n'a introduit aucun recours devant la juridiction administrative à l'encontre de l'autorisation de licenciement bien que les éléments qu'il invoque soient intervenus alors que le délai légal continuait à courir. Il énonce ensuite que sous couvert d'une cession de gré à gré d'éléments d'actifs intervenue postérieurement au licenciement, les demandes du salarié de transfert de son contrat de travail sur le fondement des dispositions de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛, pour lesquelles le juge judiciaire est compétent, ne tendent qu'à contester la régularité de la procédure de licenciement, la cause économique du licenciement, et la décision rendue par l'inspection du travail devenue définitive qui caractérise explicitement le motif économique du licenciement et les suppressions de poste de tous les salariés en ce y compris le poste du salarié, de sorte que la cour d'appel ne peut, sans contrevenir au principe de séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement.
9. En statuant ainsi, alors que la décision administrative qui avait autorisé le licenciement du salarié, n'avait pu s'être prononcée sur l'incidence de la cession ultérieure du fonds de commerce de la société Manoir Custines, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Les motifs énoncés au paragraphe 7 rendent le moyen du pourvoi incident éventuel inopérant.
Mise hors de cause
11. Il convient de rejeter la demande de mise hors de cause de la société MJA agissant en la personne de Mme [U] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Manoir Custines, sa présence devant la cour de renvoi apparaissant nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi principal, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la demande présentée par M. [R] recevable et en ce qu'il infirme le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes de Metz s'est déclaré incompétent, l'arrêt rendu le 25 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
DIT n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société MJA, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Manoir de Custines ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société Lebronze Alloys aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes formées par la société MJA, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Manoir de Custines, et par la société Lebronze Alloys et condamne cette dernière à payer à M. [R] et au syndicat CGT Forges de Custines la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [R] et le syndicat CGT des Forges Custines
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [R] et le syndicat CGT des Forges Custines de leurs demandes.
AUX MOTIFS QUE M. [R] fait valoir que l'exception d'incompétence n'a pas été soulevée avant toute défense au fond, et est de ce fait irrecevable, qu'elle n'a pas davantage été évoquée aux termes des premières écritures ; que le juge judiciaire reste compétent et dispose du pouvoir de connaître de toutes prétentions afférentes à tout élément ne relevant pas du contrôle de l'inspection du travail, lequel ne peut se prononcer sur le transfert du contrat de travail, que les demandes formulées ne remettent pas en cause le bien-fondé de la décision administrative ; que la société Lebronze Alloys réplique que l'appelant ne développe aucun fondement juridique relativement à l'irrecevabilité de la demande d'incompétence ; que la demande formulée au titre de la séparation des pouvoirs constitue une fin de non-recevoir qui peut être soulevée en tout état de cause sans devoir nécessairement être présentée in limine litis ; qu'en vertu du principe de séparation des pouvoirs, le juge judiciaire ne peut apprécier le bien-fondé du licenciement d'un salarié protégé autorisé par l'autorité administrative, que le plan de sauvegarde de l'emploi a été validé par l'administration, que le licenciement était définitif le 15 juillet 2015, qu'il ne peut y avoir deux ruptures successives du même contrat ; que l'AGS CGEA Ile de France Ouest précise que le jugement du conseil de prud'hommes fait apparaître que la société Lebronze Alloys a formé sa demande d'irrecevabilité in limine litis, qu'en tout état de cause, une fin de non-recevoir n'a pas obligatoirement à être soulevée in limine litis ; que la société Manoir Custines expose que l'exception d'incompétence a été présentée in limine litis et que cela ressort du jugement du conseil de prud'hommes mais également du dispositif des conclusions déposées ; qu'aucun recours n'a été introduit à l'encontre de la décision d'autorisation de la Direccte qui est devenue définitive, que le conseil de prud'hommes ne pouvait remettre en cause cette autorisation ; qu'il résulte de la combinaison des
articles 73, 74 et 75 du code de procédure civile🏛 que, constitue une exception de procédure tout moyen qui tend à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours, que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, même si les règles invoquées au soutien de l'exception sont d'ordre public, et que lorsqu'une exception d'incompétence est soulevée par une partie, cette dernière doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée ; que si les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond, l'oralité des débats qui préside à la procédure prud'homale ne fait pas obstacle à ce que les parties présentent à l'audience, une exception d'incompétence avant toute référence à leurs prétentions au fond formulées par écrit ; qu'en l'espèce, il est établi que la société Lebronze Alloys avait, lors de l'audience de plaidoiries devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, soulevé l'exception d'incompétence du conseil de prud'hommes avant sa défense au fond, que la société Manoir Custines avait également soulevé cette exception d'incompétence avant de plaider sur le fond du dossier ; qu'il en résulte que la demande d'irrecevabilité formulée à l'encontre de l'exception d'incompétence par M. [R] est manifestement infondée de sorte que cette exception sera déclarée recevable et qu'il convient d'en analyser le bien fondé.
1°) ALORS QUE le défaut de réponse à un chef pertinent des conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour écarter la demande formulée par M. [R] et le syndicat CGT, visant à faire juger irrecevable l'exception d'incompétence invoquée par les parties adverses, qu'il était « établi » que les sociétés Lebronze Alloys et Manoir Custines avaient soulevé l'exception d'incompétence avant de plaider le fond du dossier devant le bureau de jugement, sans s'expliquer, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de M. [R] et du syndicat CGT p. 9 § 4 et s.) sur le fait que l'exception d'incompétence n'avait pas été soulevée avant toute défense au fond, la société Lebronze Alloys puis le liquidateur ayant d'abord soulevé devant le conseil de prud'hommes « l'irrecevabilité » des demandes des appelants eu égard au « principe de séparation des pouvoirs », point qui était corroboré par le jugement dans le rappel des prétentions et moyens des parties, la cour d'appel a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛 ;
2°) ALORS QU'en procédure orale, la date des prétentions et moyens régulièrement présentés par écrit est celle de leur communication entre les parties dès lors qu'un calendrier de mise en état a été fixé par le juge ; que c'est à cette date qu'il revient au juge de se placer pour apprécier le moment de présentation d'une exception de procédure ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter la demande formulée par M. [R] et le syndicat CGT visant à faire juger irrecevable l'exception d'incompétence invoquée par les parties adverses, que l'oralité des débats qui préside à la procédure prud'hommale ne faisait pas obstacle à ce que les parties présentent à l'audience une exception d'incompétence avant toute référence à leurs présentions au fond formulées par écrit, quand il ressortait des débats que le bureau de conciliation et d'orientation avait fixé trois dates pour la mise en l'état de l'affaire (cf. jugement p. 1 – production n° 1), et sans s'expliquer sur le fait que l'exception d'incompétence n'avait pas été évoquée aux termes des premières écritures adverses (arrêt p. 6 § 2 et conclusions de M. [R] et du syndicat CGT p. 9 et 10), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles 73, 74 et 75 du code de procédure civile🏛.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. [Aa] [R] de ses demandes de condamnation de la SAS Lebronze Alloys et de ses demandes de fixation au passif de la SAS Manoir Custines.
AUX MOTIFS QUE la société Manoir Custines a été placée en redressement judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de PARIS rendu en date du 18 février 2015 ; que suivant jugement du 1er juin 2015 ce même tribunal a prononcé sa liquidation judiciaire avec maintien de l'activité jusqu'au 5 juin 2015 et désigné la Selafa MJA en la personne de Me [W] [U] en qualité de mandataire-liquidateur ; par la suite, un accord collectif sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi a été conclu entre la société Manoir Custines et la Confédération Générale du Travail (CGT) le 16 juin 2015 prévoyant le licenciement pour motif économique de 173 salariés en contrat à durée indéterminée et la rupture anticipée des contrats d'apprentissage et de professionnalisation ; que cet accord a été validé par la Direccte suivant décision du 18 juin 2015 ; que par décision du 10 juillet 2015, l'inspectrice du travail faisait droit à la demande d'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de M. [R] dans les termes suivants : « (...) Vu l'avis émis par le comité d'entreprise au cours de la réunion du 16 juin 2015 portant sur le projet de licenciement économique collectif et l'avis portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi, (...) Considérant que pour la Selafa MJA, Maître [U] sollicite l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique de Monsieur [Aa] [R] occupant les fonctions d'électricien au sein de l'entreprise Manoir Custines dont l'activité est la forge-estampage, Considérant que par jugement du ler juin 2015 le Tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise Manoir Custines avec cessation d'activité au 5 juin 2015, Que sur cette base la réalité du motif économique est avérée, Considérant que l'ensemble des postes de travail est supprimé, Que sur cette base la réalité de la suppression du poste de M. [R] est établie, Considérant que pour la Selafa MJA, Maître [U] a effectué des recherches de reclassement interne aux entreprises du groupe Manoir Industries, qu'il a été également effectué des recherches de reclassement externe auprès d'entreprises dont l'activité est similaire, sur la région Lorraine et ses environs, que des propositions de postes disponibles ont été faites dans ce cadre, Que sur cette base, la réalité des efforts de reclassement est établie, Considérant qu'il n'existe pas de lien entre les mandats détenus par M. [R] et la présente demande, (...) » ; que suivant lettre recommandée avec avis de réception du 15 juillet 2015, la société Manoir Custines notifiait à M. [R] son licenciement consécutivement à la liquidation judiciaire entraînant l'arrêt de toutes les activités de la société Manoir Custines au terme de la poursuite d'activité et la suppression de l'ensemble des postes de travail existants ; que par requête au juge commissaire du
tribunal de commerce de PARIS du 11 août 2015, la Selafa Mandataires Judiciaires Associés exposait avoir réceptionné quatre propositions dont trois le 22 juillet 2015 et une le 09 juillet 2015 ; que trois propositions ne portaient que sur les actifs matériels, mobiliers et stocks, que l'offre de la SAS Lebronze, reçue le 22 juillet 2015, apparaissait davantage de l'intérêt des créanciers dans la mesure où : - le transfert d'exploitation permettait de libérer la liquidation judiciaire des obligations environnementales de remise en état du site de l'usine de [Localité 10] dont le coût ne sera pas supporté par la collectivité des salariés, - cette proposition permettait de recréer sur le site 45 emplois dans une région touchée par la crise économique ; qu'elle émettait dès lors un avis favorable à la proposition de reprise formulée par cette société ; que par ordonnance du 19 août 2015, le juge commissaire du tribunal de commerce de Paris autorisait la Selafa MJA à procéder à la vente de gré à gré des éléments du fonds de commerce de la société Manoir Custines au profit de la société Forges de Trie-Château aux conditions de son offre comprenant le fonds de commerce et la clientèle (en ce y compris le droit au bail), les stocks en pleine propriété, l'ensemble des équipements et du parc machine en pleine propriété, l'ensemble des actifs intellectuels, des données et actifs informatiques, l'ensemble des bases de données ; qu'il apparaît que les demandes formulées par M. [R], consistent à : - à titre principal : dire et juger que le licenciement pour motif économique intervenu le 15 juillet 2015 est dépourvu de tout effet compte tenu du transfert du contrat de travail à la société SAS Lebronze Alloys et condamner la SAS Lebronze Alloys à lui verser la somme de 31.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, - à titre subsidiaire : dire et juger que la Selafa MJA es qualité de mandataire liquidateur de la société Manoir Custines et la société Lebronze Alloys sont co-responsables des conséquences dommageables liées à la perte de son emploi en violation des dispositions de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛 ; que M. [R] soutient qu'il a été licencié le 15 juillet 2015 mais que son contrat de travail a cependant été transféré à la société Lebronze Alloys compte tenu du fait que le juge commissaire a autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce, le 5 août 2015, des stocks, des équipements, des actifs intellectuels, des données informatiques des bases de données ; que la cour rappelle que le licenciement de M. [R] est intervenu suivant courrier recommandé avec avis de réception du 15 juillet 2015 consécutivement à la liquidation judiciaire de la société Manoir Custines et ce pour motif économique, que son licenciement a été autorisé par l'inspection du travail qui a fondé sa décision sur l'avis émis par le comité d'entreprise au cours de la réunion du 16 juin 2015 portant sur le projet de licenciement économique collectif et l'avis portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi, sur le jugement du 1er juin 2015 le Tribunal de commerce de Paris ayant prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise Manoir Custines avec cessation d'activité au 5 juin 2015, et en indiquant que la réalité du motif économique était avérée, que l'ensemble des postes de travail était supprimé, et que sur cette base la réalité de la suppression du poste de M. [R] était établie ; que le salarié n'a introduit aucun recours devant la juridiction administrative à l'encontre de cette autorisation de licenciement bien que les éléments qu'il invoque sont intervenus alors que le délai légal de recours continuait à courir ; qu'en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier le salarié protégé concerné, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier ni le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement ni la régularité de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de licenciement économique collectif ; qu'ainsi, sous couvert d'une cession de gré à gré d'éléments d'actifs intervenue postérieurement au licenciement, les demandes de M. [R] de transfert de son contrat de travail sur le fondement des dispositions de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛, pour lesquelles le juge judiciaire est compétent, ne tendent qu'à contester la régularité de la procédure de licenciement, la cause économique du licenciement, et la décision rendue par l'inspection du travail devenue définitive qui caractérise explicitement le motif économique du licenciement et les suppressions de poste de tous les salariés en ce y compris le poste de M. [R], de sorte que la Cour ne peut, sans contrevenir au principe de séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit et jugé que le conseil de prud'hommes n'était pas compétent pour statuer sur cette demande et, statuant à nouveau, M. [R] sera débouté de ses demandes de condamnation de la société Lebronze Alloys et de fixation au passif de la société Manoir Custines et le syndicat CGT des Forges de Custine sera également débouté de ses demandes ; que M. [R] qui succombe sera condamné aux dépens ; qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagés pour la présente instance ; qu'il n'y a donc pas lieu de faire application des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
1°) ALORS QUE le juge ne peut méconnaître les conclusions des parties ; que pour débouter M. [R] et le syndicat CGT de leurs demandes, la cour a retenu que ces dernières tendaient à contester la régularité du licenciement, sa cause économique, la décision d'autorisation devenue définitive et le caractère réel et sérieux du licenciement, ce qui heurtait le principe de séparation des pouvoirs ; qu'en statuant ainsi, quand le salarié et le syndicat demandaient à la cour de dire le licenciement dépourvu de tout effet en vertu de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛, et de condamner la société Lebronze Alloys à payer la somme de 31.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, subsidiairement de condamner la même à réparer les conséquences dommageables subies par le salarié compte tenu de la perte d'emploi et de rémunération en lui versant 31.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la rupture abusive de son contrat de travail, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel et violé les
articles 4 et 5 du code de procédure civile🏛.
2°) ALORS QUE si le juge judiciaire ne peut revenir sur les faits appréciés par l'autorité administrative, il peut connaître des prétentions afférentes à tout élément non soumis au contrôle de l'inspection du travail ; que dans leurs écritures d'appel (p. 13 et s.), M. [R] et le syndicat CGT soutenaient que leurs demandes étaient étrangères à la décision de l'inspection du travail ayant autorisé le licenciement le 10 juillet 2015, l'inspection du travail ignorant l'existence d'une reprise de l'entreprise au moment où elle statuait, l'application de l'
articlé L. 1224-1 du code du travail🏛 ne relevant pas du contrôle de l'autorité administrative, et la collusion frauduleuse ayant pu exister entre le repreneur et le liquidateur pour mettre en échec l'article susvisé étant également étrangère au motif économique contrôlé par l'inspection ; qu'en se bornant à retenir qu'en l'état d'une autorisation administrative de licencier, le juge judiciaire ne pouvait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement, sans rechercher si le juge judiciaire était compétent pour apprécier des faits non pris en compte par l'inspecteur du travail au moment de sa décision, et étrangers à cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790, du
décret du 2 septembre 1795, et du principe de séparations des pouvoirs.
3°) ALORS QUE le principe de séparation des pouvoirs ne prive pas le salarié protégé du droit d'obtenir réparation des préjudices résultant, pour la période antérieure à la rupture de son contrat, des manquements de l'employeur à ses obligations ; que dans leurs écritures d'appel (p. 14), M. [R] et le syndicat CGT soutenaient à titre subsidiaire un comportement fautif de la part du liquidateur compte tenu de la collusion frauduleuse ayant pu exister entre lui et le groupe Ae Af pour mettre en échec les dispositions d'ordre public de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛 ; qu'en se bornant à retenir qu'en l'état d'une autorisation administrative de licencier, le juge judiciaire ne pouvait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement, sans rechercher si des manquements du liquidateur à ses obligations durant la période précédant la rupture du contrat pouvaient être identifiés, donnant ainsi compétence au juge judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790, du
décret du 2 septembre 1795, et du principe de séparations des pouvoirs.
4°) ALORS QU'il résulte de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛 que le transfert d'une entité économique autonome entraîne la poursuite des contrats de travail entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; que l'interruption de l'activité dans le cadre d'une reprise d'entreprise à la suite d'une liquidation judiciaire ne fait pas obstacle à l'application de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛 ; que le licenciement prononcé en violation de ces principes est privé de tout effet ; que dans leurs écritures d'appel, M. [R] et le syndicat CGT soutenaient (p. 29 et s.) que la cession intervenue du fonds de commerce de la société Manoir Custines à la société des Forges de Custines et de Trie Château, ainsi que celle de tous les éléments meubles et immeubles nécessaires, visaient à la poursuite de l'activité et consistaient en un transfert d'une entité économique autonome au sens de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛, que l'interruption temporaire de cette dernière pendant moins de deux mois était sans incidence, que tous les contrats de travail en cours au moment de la liquidation judiciaire auraient dû être repris, et que les licenciements prononcés par le liquidateur dans ce contexte devaient être privés de tout effet ; qu'en se bornant à retenir que sous couvert d'une cession de gré à gré intervenue après le licenciement, les demandes des appelants ne visaient qu'à contester la régularité du licenciement, sa cause économique, la décision d'autorisation devenue définitive, et à apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement en violation du principe de séparation des pouvoirs, sans dire en quoi l'article L. 1224-1 ne s'appliquait pas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L. 1224-1 du code du travail🏛.
5°) ALORS QU'en tout état de cause, en cas de contestation sérieuse sur la légalité de la décision administrative d'autorisation de licenciement, le juge judiciaire doit surseoir à statuer et renvoyer les parties devant la juridiction administrative ; que la cour d'appel a constaté que le liquidateur avait réceptionné une proposition de reprise le 9 juillet 2015 et que le licenciement de M. [R] avait été autorisé le 10 juillet 2015 et prononcé le 15 juillet 2015 ; que la cour d'appel aurait dû en déduire qu'il existait une contestation sérieuse sur la légalité de la décision administrative de licencier prononcée concomitamment à la réception d'une offre de reprise, et surseoir à statuer pour que le juge administratif apprécie la légalité de ladite décision d'autorisation ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans renvoyer les parties devant le juge administratif, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le
décret du 2 septembre 1795, ensemble le principe de séparation des pouvoirs.