CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 avril 2022
Cassation sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 343 F-B
Pourvoi n° N 20-23.160
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022
La société [P] [J] et [A] [F], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° N 20-23.160 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 5] [Adresse 6] à [Adresse 6], représenté par son syndic, la société Foncia info immobilier, dont le siège est résidence [4], [Adresse 7],[Localité 1]e, défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat de la société [P] [J] et [A] [F], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 5] [Adresse 6], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 octobre 2020), à la suite du décès, le 11 septembre 2013, de [K] [T], propriétaire, avec son épouse, de deux lots au sein d'un immeuble en copropriété, le syndicat des copropriétaires a sollicité de la société civile professionnelle [N] [J] et [V] [F] (la SCP notariale), en charge du règlement de la succession, l'identité des héritiers, ainsi qu'un acte de notoriété aux fins de poursuivre le paiement de charges de copropriété restées impayées.
2. La SCP notariale ayant opposé le secret professionnel, le syndicat des copropriétaires l'a assigné, en référé, afin d'en obtenir la levée.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La SCP notariale fait grief à l'arrêt de l'autoriser, et à défaut, de lui ordonner de communiquer au syndicat des copropriétaires l'identité complète avec adresse de la veuve et des héritiers réservataires de [K] [T], alors « que le secret professionnel du notaire étant intangible, le pouvoir que le juge tient de l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI d'ordonner la communication d'un acte établi par l'officier ministériel ne peut être étendu à des informations qu'aucun acte ne mentionne ; qu'en ordonnant à la SCP [J]-[F] de communiquer au syndicat des copropriétaires l'identité et l'adresse de la veuve et des héritiers réservataires du défunt de la succession duquel la SCP notariale était chargée, bien qu'elle ait relevé qu'en l'absence de prise de position de certains héritiers sur l'acceptation de la succession et en l'état d'une contestation sur leur qualité, le notaire n'avait pu encore dresser l'acte de notoriété et que « cette circonstance conduit à ne pas ordonner la délivrance d'un acte qui n'a pas encore été dressé », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait qu'elle ne pouvait ordonner la communication d'informations devant figurer dans un acte que le notaire n'était pas en mesure d'établir, violant ainsi l'article 23 de loi du 25 ventôse an XI par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu l'
article 23 de la loi du 25 ventôse an XI, modifié par l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000🏛 :
4. Selon ce texte, les notaires ne peuvent, sans une ordonnance du président du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire), délivrer expédition ni donner connaissance des actes à d'autres qu'aux personnes intéressées en nom direct, héritiers ou ayants droit, à peine de dommages-intérêts et d'une amende.
5. Pour autoriser et à défaut ordonner à la SCP notariale de communiquer au syndicat des copropriétaires l'identité et l'adresse de la veuve et des héritiers réservataires de [K] [T], l'arrêt retient que la SCP notariale ne peut maintenir son refus devant les juridictions saisies au prétexte du caractère absolu du secret auxquelles elle serait tenue, dès lors qu'une autorisation judiciaire peut valablement l'en affranchir au regard des intérêts légitimes en cause et que la protection des intérêts privés de ses clients ne peut en aucun cas permettre à ceux-ci, tenus des dettes et des charges de la succession, de s'affranchir durablement de leurs obligations légales, alors qu'en l'occurrence les charges de copropriété s'aggravent au préjudice de la trésorerie de la copropriété depuis plus de sept ans.
6. En statuant ainsi, alors que le secret professionnel s'impose au notaire qui ne peut en être délié par l'autorité judiciaire, que pour la délivrance des expéditions et la connaissance des actes qu'il a établis, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des
articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du
code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte des constatations de l'arrêt que la SCP notariale n'a pas dressé d'acte de notoriété. Celle-ci ne peut donc être contrainte ni de communiquer un acte qu'elle n'a pas établi ni des informations détenues par elle et soumises au secret professionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE les demandes de communication portant sur l'identité de Mme [T] et des héritiers de [K] [T] et de délivrance de l'acte de notoriété de la succession de celui-ci ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 5] [Adresse 6] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Localité 5] [Adresse 6], et le condamne à payer à la SCP [J] et [F], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société [P] [J] et [A] [F].
La SCP Gauthier-Bonne FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR autorisée, et à défaut, de lui avoir ordonné de communiquer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, l'identité complète avec adresse de la veuve et des héritiers réservataires de [K] [T] décédé le 11 septembre 2013 ;
ALORS QUE le secret professionnel du notaire étant intangible, le pouvoir que le juge tient de l'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI d'ordonner la communication d'un acte établi par l'officier ministériel ne peut être étendu à des informations qu'aucun acte ne mentionne ; qu'en ordonnant à la SCP [J]-[F] de communiquer au syndicat des copropriétaires l'identité et l'adresse de la veuve et des héritiers réservataires du défunt de la succession duquel la SCP notariale était chargée, bien qu'elle ait relevé qu'en l'absence de prise de position de certains héritiers sur l'acceptation de la succession et en l'état d'une contestation sur leur qualité, le notaire n'avait pu encore dresser l'acte de notoriété et que « cette circonstance conduit à ne pas ordonner la délivrance d'un acte qui n'a pas encore été dressé », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait qu'elle ne pouvait ordonner la communication d'informations devant figurer dans un acte que le notaire n'était pas en mesure d'établir, violant ainsi l'article 23 de loi du 25 ventôse an XI par fausse application.