Jurisprudence : CE 3/8 ch.-r., 19-04-2022, n° 442946, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 3/8 ch.-r., 19-04-2022, n° 442946, mentionné aux tables du recueil Lebon

A05087UD

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2022:442946.20220419

Identifiant Legifrance : CETATEXT000045613490

Référence

CE 3/8 ch.-r., 19-04-2022, n° 442946, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/83768333-ce-38-chr-19042022-n-442946-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-01-03-03 Pour l’application de l’article 150-0 B du code général des impôts (CGI), une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d’hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu’il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 442946

Séance du 28 mars 2022

Lecture du 19 avril 2022

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

M. A B a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1703239 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18LY03630 du 18 juin 2020, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. B contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 13 novembre 2020 et le 14 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. B ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 22 octobre 2010, M. A B a apporté à la société Financière B qu'il a créée, dont il est le seul associé et qui a pour objet la prise de participation dans toutes sociétés constituées ou à constituer, les 308 titres qu'il détenait dans le capital de la société Isobat façades, évalués à la somme de 1 001 000 euros. La plus-value résultant de cet apport a bénéficié du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable. Le 11 novembre 2010, la société Financière B a revendu ces parts pour un prix identique à leur valeur d'apport. Mettant en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévu par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration a estimé que M. B avait abusivement bénéficié du mécanisme du sursis d'imposition et a imposé la plus-value réalisée par ce dernier à l'occasion de l'apport des titres. Par un jugement du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B tendant à la décharge des cotisations supplémentaires sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des pénalités résultant de cette remise en cause. Par un arrêt du 18 juin 2020, contre lequel il se pourvoit en cassation, la cour a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.

2. En premier lieu, il ressort des pièces de la procédure que, contrairement à ce qui est soutenu, la minute de l'arrêt attaqué porte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

4. En vertu de l'article 150-0 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année 2010, les dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts relatives à l'imposition des plus-values de cession " () ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre () d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés () ".

5. Il résulte des dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 de laquelle elles sont issues, que le législateur a, en les adoptant, entendu faciliter les opérations de restructuration d'entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, par l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités. L'opération par laquelle des titres d'une société sont apportés par un contribuable à une société qu'il contrôle, puis sont immédiatement cédés par cette dernière, répond à l'objectif économique ainsi poursuivi par le législateur lorsque le produit de cession fait l'objet d'un réinvestissement à caractère économique, à bref délai, par cette société. En revanche, en l'absence de réinvestissement à caractère économique, une telle opération doit, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle conduit, en différant l'imposition de la plus-value, à minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.

6. D'une part, en jugeant, au regard des éléments versés au dossier par M. B, que le réinvestissement, finalement effectué en 2017, de la société financière B dans le projet " Viallon " n'était pas intervenu à bref délai après l'apport de titres en 2010, la cour administrative d'appel de Lyon, qui a suffisamment motivé son arrêt, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce et des pièces du dossier, sans les dénaturer et sans commettre d'erreur de droit.

7. D'autre part, pour l'application des dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts, une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d'hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu'il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d'importants moyens matériels et humains.

8. Dès lors qu'il n'était pas soutenu devant elle que l'activité de location en meublé en cause aurait été assortie de prestations para-hôtelières ou aurait été exercée dans des conditions d'exploitation telles qu'elle aurait impliqué des charges de gestion conséquentes pour M. B, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'acquisition par ce dernier, en février 2014, d'un plateau à aménager à Saint-Etienne en vue d'une location en meublé ne pouvait être regardée comme un investissement économique.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font alors obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A B et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

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