SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2022
Rejet
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 487 F-D
Pourvoi n° N 21-12.538
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [Aa].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 janvier 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022
Mme [L] [Aa], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 21-12.538 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 7), dans le litige l'opposant à la société Editrice du monde, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [Aa], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Editrice du monde, après débats en l'audience publique du 2 mars 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2019), Mme [Aa] a été engagée en qualité d'éditrice par la société Editrice du Monde (la société) dans le cadre de trente-sept contrats à durée déterminée conclus entre septembre 2011 et mai 2016, soit en raison d'un surcroît temporaire d'activité, soit pour des remplacements partiels de salariés absents. La dernière mission de Mme [Aa] s'est achevée le 2 mai 2016.
2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de la succession de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et celle de la rupture de la collaboration en un licenciement, et de faire condamner la société à lui payer diverses indemnités.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
3. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de requalification de ses trente-sept contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et en paiement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rappel de salaires, alors « que la possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre ; qu'il est constant que la salariée a conclu trente-sept contrats de travail à durée déterminée en qualité d'éditrice et d'éditrice multimédia, dont vingt-trois liés au remplacement de salariés absents ; qu'en s'étant bornée à relever que chaque contrat précisait le nom du salarié remplacé et le motif de son absence et que la société justifiait que ces salariés étaient en congés ou en maladie aux périodes où les contrats de travail à durée déterminée avaient été conclus avec l'intéressée, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la société ne recourait pas de façon systématique à des contrats de travail à durée déterminée pour le remplacement de salariés absents, notamment en période de congés, et s'il ne s'agissait pas d'un besoin structurel en main d'oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 1241-1 et L. 1242-2 du code du travail🏛. »
Réponse de la Cour
5. Ayant retenu qu'au vu de la durée totale des contrats à durée déterminée de la salariée, soit une durée de sept cent vingt-six jours (dont dix mois pour le remplacement d'une même salariée en congé maternité puis en congés payés) sur une période de quatre années et demie, les contrats à durée déterminée conclus étaient distincts et autonomes, la cour d'appel, qui a constaté que vingt-trois des trente-sept contrats avaient été conclus pour des remplacements, dont elle avait relevé le caractère partiel, de salariés absents (congés payés, maternité, maladie) et qu'aucune irrégularité n'était démontrée de ce chef, a pu, faisant ressortir l'absence de recours systématique par l'employeur au contrat à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel, en déduire qu'aucun élément ne venait démontrer que l'intéressée occupait un emploi permanent dans l'entreprise.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Aa] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour MmAa [G]
Mme [Aa] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir rejeté ses demandes de requalification de ses 37 contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée avec la société éditrice du Monde et en paiement d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et rappel de salaires ;
Alors 1°) qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire ; que participe à l'activité normale et permanente d'une société d'édition d'un quotidien, la parution de suppléments à intervalles réguliers et prévisibles ; qu'en l'espèce, il est constant que Mme [Aa] a conclu trente-sept contrats de travail à durée déterminée en qualité d'éditrice et d'éditrice multimédia, dont quatorze liés à un accroissement temporaire d'activité ; qu'elle a soutenu avoir toujours travaillé au sein du même service « Pôle Suppléments », en vue de la parution de différents suppléments, qui faisaient partie de l'activité normale et permanente de la société, étant vendus chaque semaine avec le quotidien « Le Monde » pour la plupart, mensuellement pour d'autres ; que l'activité du « Pôle Suppléments » n'était ni irrégulière ni imprévisible ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la parution de suppléments pour lesquels Mme [Aa] avait travaillé ne relevait pas de l'activité normale et permanente de la société éditrice du Monde, nonobstant son caractère intermittent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 1241-1, L. 1242-2 du code du travail🏛 ;
Alors 2°) que la possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'il en résulte que l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre ; qu'il est constant que Mme [Aa] a conclu trente-sept contrats de travail à durée déterminée en qualité d'éditrice et d'éditrice multimédia, dont vingt-trois liés au remplacement de salariés absents ; qu'en s'étant bornée à relever que chaque contrat précisait le nom du salarié remplacé et le motif de son absence et que la société éditrice du Monde justifiait que ces salariés étaient en congés ou en maladie aux périodes où les contrats de travail à durée déterminée avaient été conclus avec Mme [Aa], sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la société éditrice du Monde ne recourait pas de façon systématique à des contrats de travail à durée déterminée pour le remplacement de salariés absents, notamment en période de congés, et s'il ne s'agissait pas d'un besoin structurel en main d'oeuvre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles L. 1241-1, L. 1242-2 du code du travail🏛.