Jurisprudence : Cass. civ. 3, 13-04-2022, n° 21-15.336, FS-B, Cassation

Cass. civ. 3, 13-04-2022, n° 21-15.336, FS-B, Cassation

A41187TP

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C300319

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045652549

Référence

Cass. civ. 3, 13-04-2022, n° 21-15.336, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/83553931-cass-civ-3-13042022-n-2115336-fsb-cassation
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Abstract

Mots-clés : procédure de sauvegarde • procédures collectives • action en résolution du bail commercial • clause résolutoire • non-paiement des loyers à l'échéance • défaut de paiement • interruption des poursuites individuelles (oui) L'action en résolution d'un contrat de bail commercial pour non-paiement à l'échéance convenue est une action fondée sur le défaut de paiement, de sorte qu'elle tombe sous le coup de l'interruption des poursuites individuelles contre le débiteur en procédure collective. ► L'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement.


CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 avril 2022


Cassation partielle


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 319 FS-B

Pourvoi n° D 21-15.336


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022


1°/ la société 2BC, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ M. [B] [Y], domicilié [Adresse 1],
agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société 2BC,

ont formé le pourvoi n° D 21-15.336 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige les opposant à la société Vilogia, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Société d'aménagement d'études, de montages et de constructions immobilière bordelaire (SAEMCIB), société anonyme, défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société 2BC et de M. [Y], ès qualités, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Vilogia, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 janvier 2021), la société 2BC (la locataire), destinataire, le 2 septembre 2015, d'un commandement de payer un arriéré locatif, visant la clause résolutoire, qui lui a été délivré par la société Vilogia (la bailleresse), a assigné cette dernière en annulation de ce commandement.

2. La bailleresse a opposé la résiliation de plein droit du bail commercial, le 2 octobre 2015, à défaut du paiement des sommes dues.

3. Par jugement du tribunal de commerce du 5 octobre 2017, une procédure de sauvegarde a été ouverte au bénéfice de la locataire, et un mandataire judiciaire désigné.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La locataire et le commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde font grief à l'arrêt de constater la résiliation du bail liant les parties à la date du 2 octobre 2015, de dire que la locataire ou tout occupant de son chef devra quitter les lieux et à défaut, ordonner son expulsion, de fixer la créance de la bailleresse au passif de la locataire à la somme de 14 857,41 euros au titre de l'arriéré de loyers arrêté au 2 octobre 2015 et à la somme de 33 643,83 euros au titre de l'arriéré de taxes foncières pour la période du 13 août 2010 au 12 août 2016 et à la somme de 70 113,12 euros au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 2 octobre 2015 au 6 septembre 2017, de condamner la locataire au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, soit 7 939,37 euros à compter du jugement prononçant l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire et jusqu'à complète libération des locaux et de rejeter leur demande de dommages et intérêts à hauteur de l'arriéré de taxe foncière de 23 724,45 euros, alors « que la résiliation d'un contrat de bail commercial par le jeu d'une clause résolutoire n'étant acquise qu'une fois cette résiliation constatée par une décision passée en force de chose jugée, la demande du bailleur, présentée postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du preneur et tendant à faire constater la résiliation du bail commercial sur le fondement d'une clause résolutoire visant des sommes dues antérieurement à l'ouverture de la procédure est soumise à l'arrêt des poursuites individuelles ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que la société 2BC a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 6 septembre 2017, date à laquelle aucune décision passée en force de chose jugée n'avait constaté la résiliation du bail ; qu'en constatant néanmoins la résiliation du bail liant les parties à la date du 2 octobre 2015 par le jeu de la clause résolutoire, au motif erroné que l'ouverture de la procédure judiciaire de la société 2BC en septembre 2017 n'interdit pas à la société Vilogia d'invoquer le bénéfice d'une clause résolutoire dont le jeu doit s'apprécier au moment de la délivrance du commandement de payer, soit au 2 octobre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-41 et L. 622-21 du code de commerce🏛 :

5. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement.

6. Pour déclarer la demande en résiliation du bail commercial recevable, l'arrêt relève que l'ouverture de la procédure judiciaire en septembre 2017 n'interdit pas d'invoquer le bénéfice de la clause résolutoire dont le jeu doit s'apprécier au moment de la délivrance du commandement de payer, soit le 2 octobre 2015.

7 .En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE sauf en ses dispositions fixant la créance de la société Vilogia au passif de la locataire à la somme de 14 857,41 euros au titre de l'arriéré de loyers arrêté au 2 octobre 2015 et à la somme de 33 643,83 euros au titre de l'arriéré de taxes foncières pour la période du 13 août 2010 au 12 août 2016, l'arrêt rendu le 12 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;


Condamne la société Vilogia aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société 2BC et M. [Y], ès qualités,

Le moyen comporte une branche. Il est tiré d'une violation de l'article L. 622-21 du code de commerce🏛 relatif à l'arrêt des poursuites individuelles. Il invoque une jurisprudence constante de la Cour de cassation ;

La société 2BC et M. [B] [Y], ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société 2BC font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la résiliation du bail liant les parties à la date du 2 octobre 2015 par le jeu de la clause résolutoire, d'AVOIR dit que la société 2BC ou tout occupant de son chef devra en conséquence quitter les lieux dès signification de la présente décision et qu'à défaut, ordonne son expulsion, et celle de tout occupant de son chef, avec si nécessaire le concours de la force publique, d'AVOIR fixé la créance de la société Vilogia au passif de la société 2BC à la somme de 14 857,41 euros au titre de l'arriéré de loyers arrêté au 2 octobre 2015 et à la somme de 33 643,83 euros au titre de l'arriéré de taxes foncières pour la période du 13 août 2010 au 12 août 2016 et à la somme de 70 113,12 euros au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 2 octobre 2015 au 06 septembre 2017, d'AVOIR condamné la société 2BC au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, soit 7 939,37 euros à compter du jugement prononçant l'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire et jusqu'à complète libération des locaux et d'AVOIR débouté la société 2BC et la Selarl [B] [Y] ès-qualités de leur demande de dommages et intérêts à hauteur de l'arriéré de taxe foncière de 23 724,45 euros ;

ALORS QUE la résiliation d'un contrat de bail commercial par le jeu d'une clause résolutoire n'étant acquise qu'une fois cette résiliation constatée par une décision passée en force de chose jugée, la demande du bailleur, présentée postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du preneur et tendant à faire constater la résiliation du bail commercial sur le fondement d'une clause résolutoire visant des sommes dues antérieurement à l'ouverture de la procédure est soumise à l'arrêt des poursuites individuelles ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que la société 2BC a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 6 septembre 2017, date à laquelle aucune décision passée en force de chose jugée n'avait constaté la résiliation du bail ; qu'en constatant néanmoins la résiliation du bail liant les parties à la date du 2 octobre 2015 par le jeu de la clause résolutoire, au motif erroné que l'ouverture de la procédure judiciaire de la société 2BC en septembre 2017 n'interdit pas à la société Vilogia d'invoquer le bénéfice d'une clause résolutoire dont le jeu doit s'apprécier au moment de la délivrance du commandement de payer, soit au 2 octobre 2015, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code de commerce🏛.

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