COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 avril 2022
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 266 FS-B
Pourvoi n° G 21-12.994
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 AVRIL 2022
M. [C] [F], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-12.994 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, service financier et commercial, [Adresse 3],
2°/ à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [Aa] [G], prise en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société Staff+,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [F], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mmes Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, conseillers, Mme Barbot, conseiller référendaire, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 janvier 2021), la société Staff+, dont M. [F] était le dirigeant, a été mise en liquidation judiciaire le 19 novembre 2014, la date de cessation des paiements étant fixée au 19 mai 2013 et la société BTSG² désignée liquidateur. Celle-ci a recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif de M. [F] et l'a assigné en sanction personnelle.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé
2. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
3. M. [F] fait grief à l'arrêt de prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 8 ans, alors « que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant d'une personne morale qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ; que, pour prononcer à l'encontre de M. [F] une mesure de faillite personnelle, la cour d'appel lui a reproché d'avoir poursuivi, en 2014, une activité déficitaire, dans un intérêt personnel, tout en constatant que la date de cessation des paiements avait été fixée au 19 mai 2013, de sorte que la continuation de l'activité en 2014 ne pouvait pas conduire à la cessation des paiements, celle-ci étant déjà intervenue ; qu'en fondant la mesure critiquée sur une faute dont les conditions légales n'étaient toutes pas réunies, la cour d'appel a violé l'
article L. 653-4 du code de commerce🏛. »
Réponse de la Cour
4. L'
article L. 653-4, 4°, du code de commerce🏛 sanctionne par la faillite personnelle le fait pour un dirigeant de poursuivre abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne peut conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale. Un tel comportement peut être caractérisé même lorsque la cessation des paiements est déjà survenue.
5. Après avoir constaté que l'exploitation de la société Staff+ était gravement déficitaire au 31 décembre 2013 et que le principal client de la société, représentant 91 % du chiffre d'affaires, avait dans le même temps été perdu, l'arrêt constate que M. [F] a néanmoins poursuivi l'activité de la société, abusivement pour s'être abstenu de s'acquitter des charges sociales et fiscales, en 2014, et dans un intérêt personnel, la poursuite de l'activité dans ces conditions lui ayant permis de faire profiter une société tierce, dont il était l'associé unique et le gérant, de la clientèle de la société Staff+.
6. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que M. [F] avait, courant 2014, commis le fait prévu par l'
article L. 653-4, 4°, du code de commerce🏛, justifiant le prononcé de sa faillite personnelle, peu important que la date de cessation des paiements ait été fixée au 19 mai 2013.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [F] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par M. [F] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [F].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à la somme de 250 000 euros au profit de la SCP BTSG ès qualité au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif ;
ALORS QUE lorsque plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif sont retenues, il importe que chacune d'entre elles soit légalement justifiée ; que la faute de gestion résultant de l'omission de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai légal entraîne, de facto, la poursuite d'une exploitation déficitaire ; qu'en retenant à charge contre le dirigeant de la société débitrice, comme constituant deux fautes distinctes, la poursuite d'une activité déficitaire et le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal, alors que la première n'est que la conséquence de la seconde, et qu'ainsi, c'est une même et unique faute qui était reprochée à M. [F], la cour d'appel, qui a retenu deux fautes distinctes et a statué au vu de leur nombre, a privé sa décision de base légale au regard de l'
article L651-2 du code de commerce🏛.
SECOND MOYEN DE CASSATION
M. [F] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 8 ans ;
ALORS QUE le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant d'une personne morale qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ; que, pour prononcer à l'encontre de M. [F] une mesure de faillite personnelle, la cour d'appel lui a reproché d'avoir poursuivi, en 2014, une activité déficitaire, dans un intérêt personnel, tout en constatant que la date de cessation des paiements avait été fixée au 19 mai 2013, de sorte que la continuation de l'activité en 2014 ne pouvait pas conduire à la cessation des paiements, celle-ci étant déjà intervenue ; qu'en fondant la mesure critiquée sur une faute dont les conditions légales n'étaient toutes pas réunies, la cour d'appel a violé l'
article L653-4 du code de commerce🏛.