Jurisprudence : Cass. civ. 1, 06-04-2022, n° 21-12.825, FS-B, Cassation

Cass. civ. 1, 06-04-2022, n° 21-12.825, FS-B, Cassation

A32197SZ

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2022:C100309

Identifiant Legifrance : JURITEXT000045545492

Référence

Cass. civ. 1, 06-04-2022, n° 21-12.825, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/83338161-cass-civ-1-06042022-n-2112825-fsb-cassation
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Abstract

► Il résulte de l'article L. 1142-1, II, du Code de la santé publique, que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et que, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.


CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 avril 2022


Cassation partielle


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 309 FS-B

Pourvoi n° Z 21-12.825


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022


1°/ M. [Aa] [P] [V], domicilié [… …] (…),

2°/ M. [K] [P] [V], domicilié [… …],

3°/ Mme [D] [P] [V], domiciliée [Adresse 9] (Andorre),

agissant tous trois tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayants droit de [E] [P], décédé, et volontairement en qualité d'ayants droit d'[T] [V]-[C], veuve [P], décédée,

ont formé le pourvoi n° Z 21-12.825 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige les opposant :

1°/ à M. [R] [U], domicilié [… …],

2°/ à la société MACSF, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Le Sou médical,

3°/ à l' Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) dont le siège est [Adresse 8],

4°/ à la caisse primaire centrale d'assurance maladie de [Localité 7], dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à La Mission nationale de contrôle et d'audit et d'audit des organismes de sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de MM. [Z] et [K] [P] [V] et de Mme [P] [V], agissant tant en leur nom personnel, qu'ès qualités, de la SCP Richard, avocat de M. [U], de la société MACSF, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux), et l'avis de M. Ab, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mmes Ac, Ad, Le Gall, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, M. Ab, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V], agissant tant en leur nom personnel, qu'ès qualités, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] et la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué ( Paris, 22 octobre 2020), le 20 juin 2012, [E] [P], qui présentait une claudication intermittente due à une courte occlusion de l'artère fémorale superficielle droite, a subi une chirurgie carotidienne sous anesthésie loco-régionale, réalisée par M. [U], et est demeuré hémiplégique à la suite de la survenue, au cours de l'intervention, d'une crise convulsive généralisée. Il est décédé le 7 novembre 2016.

3. Les 24, 27 et 28 février 2017, [T] [V]-[C], son épouse, et MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V], ses enfants, agissant à titre personnel et en qualité d'ayants droit, ont assigné en responsabilité et indemnisation M. [U] et son assureur, la société MACSF, ainsi que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) et ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] (la caisse) qui a sollicité le remboursement de ses débours. A la suite du décès d'[T] [V]-[C], survenu le 12 mai 2020, MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V] (les consorts [P] [V]) sont intervenus volontairement à l'instance en qualité d'ayants droit de celle-ci.

4. La responsabilité de M. [U] a été écartée et les demandes formées à l'égard de celui-ci et de la société MACSF par les consorts [P] [V] et la caisse ont été rejetées.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Les consorts [P] [V] font grief à l'arrêt de mettre hors de cause l'ONIAM et de rejeter leurs demandes à son encontre, alors « que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que sont anormaux les troubles, entraînés par un acte médical, survenus chez un patient de manière prématurée, alors même que l'intéressé aurait été exposé à long terme à des troubles identiques par l'évolution prévisible de sa pathologie ; qu'en retenant que la condition d'anormalité du dommage n'était pas remplie, tout en constatant que l'intervention médicale et la survenue de l'accident neurologique avaient entrainé une accélération du processus d'involution cérébrale, que ces événements conjoints ont été responsables d'une aggravation significative de l'état fonctionnel de M. [Ae] plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement et que la détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en résultent ont été accélérées d'environ trois ans par rapport à ce qui aurait été l'évolution spontanée de la pathologie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique🏛. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique🏛 :

6. Il résulte de ce texte que la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement et que, dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

7. Les conséquences de l'acte médical peuvent être notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement si les troubles présentés, bien qu'identiques à ceux auxquels il était exposé par l'évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément. Dans ce cas, une indemnisation ne peut être due que jusqu'à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l'absence de survenance de l'accident médical.

8. Pour mettre hors de cause l'ONIAM et rejeter les demandes d'indemnisation formées à son encontre, après avoir relevé que, selon les experts, l'état de santé d'[E] [P] lors de leur examen était la conséquence de l'évolution prévisible de la pathologie qu'il présentait antérieurement, que l'hospitalisation, l'intervention et la survenue de l'accident neurologique avaient été conjointement responsables d'une accélération du processus d'involution cérébrale liée à la démence vasculaire déjà présente avant les faits, que ces événements conjoints avaient été responsables d'une aggravation significative de son état fonctionnel plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement et que la détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en étaient résultées avaient été accélérées d'environ trois ans par rapport à ce qu'aurait été l'évolution spontanée de la pathologie, l'arrêt retient qu'en l'absence d'ambiguïté de leurs conclusions sur l'évolution spontanée de la pathologie vasculaire dont souffrait [E] [P] vers l'état de détérioration intellectuelle et de dépendance qui était le sien après l'intervention, la preuve de l'anormalité du dommage n'est pas rapportée.

9. En se déterminant ainsi, sans prendre en compte le fait que l'intervention avait entraîné de manière prématurée la survenue des troubles auxquels [E] [P] était exposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Mises hors de cause

En application de l'article 625 du code de procédure civile🏛, il y a lieu de mettre hors de cause M. [U] et la société MACSF, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il met hors de cause l'ONIAM et rejette les demandes d'indemnisation à son encontre, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Met hors de cause M. [U] et la société MACSF ;

Condamne l'ONIAM aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes formées par l'ONIAM, M. [U] et la société MACSF et condamne l'ONIAM à payer à MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president


Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour MM. [Z] et [K] [P] [V] et Mme [D] [P] [V].

Les consorts [P] [V] font grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le docteur [R] [U] n'a pas commis de faute au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique🏛 lors de l'intervention du 20 juin 2012, d'AVOIR mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), d'AVOIR débouté les consorts [P] [V] de l'ensemble de leurs demandes ;

ALORS QUE la condition d'anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; que sont anormaux les troubles, entraînés par un acte médical, survenus chez un patient de manière prématurée, alors même que l'intéressé aurait été exposé à long terme à des troubles identiques par l'évolution prévisible de sa pathologie ; qu'en retenant que la condition d'anormalité du dommage n'était pas remplie, tout en constatant que l'intervention médicale et la survenue de l'accident neurologique avaient entrainé une accélération du processus d'involution cérébrale, que ces événements conjoints ont été responsables d'une aggravation significative de l'état fonctionnel de M. [Ae] plus précocement qu'elle ne serait spontanément survenue en l'absence de tout événement et que la détérioration et l'incapacité fonctionnelle qui en résultent ont été accélérées d'environ trois ans par rapport à ce qui aurait été l'évolution spontanée de la pathologie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et méconnu l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique🏛.

Le greffier de chambre

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