CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 mars 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 277 FS-B
Pourvoi n° U
21-13.970⚖️ R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA
COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2022 L'Association d'aide aux maitres d'ouvrages individuels (AAMOI), dont le siège est chez M. [O] [T], [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U
21-13.970⚖️ contre l'
arrêt rendu le 16 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Sogerep courtage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société Maisons Pierre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat de l'Association d'aide aux maitres d'ouvrages individuels, de la SCP Bernard Hémery, Ab A, Ac Le Guerer, avocat de la société Maisons Pierre, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Sogerep courtage, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Mme Guihal, M. Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2021), l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels (AAMOI), qui a pour objet social la défense des intérêts des consommateurs en tant que maître d'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture du plan, et le respect des normes dans le domaine de la construction de maisons individuelles, a été agréée par
arrêté du 6 janvier 2006🏛 du préfet de l'Essonne pour exercer l'action civile conformément aux dispositions du
livre IV du code de la consommation.
2. Les 30 décembre 2016 et 3 et 9 janvier 2017, invoquant l'existence de pratiques illicites, elle a assigné, devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Maisons Pierre, constructeur de maisons individuelles, et l'assureur de celle-ci, la société Axa France IARD, ainsi que la société Sogerep courtage, courtier, pour obtenir, sur le fondement des
articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation🏛, la cessation de ces pratiques, des dommages-intérêts en réparation du préjudice collectif des consommateurs et la publication de la décision à intervenir.
3. A la suite de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018 portant retrait de son agrément, le premier juge a déclaré son action irrecevable, faute de qualité pour agir. En appel, l'association a indiqué agir, à titre subsidiaire, sur le fondement du droit commun pour la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et sixième branches, ci-après annexé
4. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième à cinquième branches
Enoncé du moyen
5. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables, faute de qualité pour agir, ses demandes principales formées à l'encontre de la société Sogerep Courtage, de la société Axa France IARD et de la société Maisons Pierre, alors :
« 2°/ que même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables faute de qualité les demandes présentées par l'AAMOI dans l'intérêt collectif des maîtres d'ouvrage consommateurs, qu'« une association de défense des intérêts des consommateurs ne peut agir en justice au titre de l'intérêt collectif des consommateurs et en réparation des préjudices directs et indirects occasionnés à celui-ci qu'en vertu d'un agrément administratif régulièrement accordé par l'autorité publique compétente dans le strict respect du cadre prévu par la loi et le règlement », en en subordonnant ainsi la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social à une condition que la loi ne comporte pas, la cour d'appel a violé les
articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du
code de procédure civile et 1er de la
loi du 1er juillet 1901 ;
3°/ que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que l'agrément avait été retiré à l'AAMOI par un arrêté préfectoral du 24 avril 2018, quand cet événement postérieur était sans incidence sur l'existence du droit d'agir au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé les
articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, 31 du
code de procédure civile et
L. 621-2 du code de la consommation🏛 ;
4°/ que le retrait de l'agrément d'une association de consommateurs, qui sanctionne la perte de conditions initialement réunies, n'est pas rétroactif ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », la cour d'appel, qui a méconnu le principe de sécurité juridique, a violé les
articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, 31 du
code de procédure civile,
L. 621-2 et R. 811-7 du code de la consommation🏛 ;
5°/ que, subsidiairement, faute d'avoir été annulée par le juge administratif ou déclarée illégale, les décisions administratives réglementaires ou individuelles ont un caractère exécutoire et doivent être appliquées par le juge judiciaire ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable, faute de qualité pour agir, l'ensemble des demandes principales de l'AAMOI, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 », quand cet arrêté préfectoral énonce, en son
article 1er, que « l'agrément départemental de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels [
] est retiré à compter de la notification du présent arrêté à l'intéressé », soit à une date nécessairement postérieure à celle de son édiction, la cour d'appel a violé l'arrêté du 24 avril 2018🏛. »
Réponse de la Cour
6. Les
articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 621-7 du code de la consommation🏛 habilitent les associations agréées, d'une part, à exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs, d'autre part, à agir devant les juridictions civiles en cessation, interdiction, ou réparation de tout agissement illicite au regard des dispositions transposant les directives mentionnées à l'
article 1er de la directive 2009/22/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiée relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs.
7. Dès lors, n'est pas recevable à agir sur le fondement de ces dispositions l'association qui ne justifie ni de l'existence d'une infraction ni de la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition du droit de l'Union.
8. La cour d'appel a relevé que l'action en cessation engagée par l'association était fondée sur la méconnaissance alléguée de dispositions du code des assurances relatives à l'obligation des maîtres d'ouvrage, ayant la qualité de consommateurs, de souscrire une assurance de dommages-ouvrage.
9. Il en résulte que l'association, qui n'invoquait ni l'existence d'une infraction ni la méconnaissance d'une disposition issue de la transposition d'une directive du droit de l'Union, n'était pas recevable à agir sur le fondement de ces textes.
10. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les
articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile🏛, la décision déférée se trouve légalement justifiée en ce qu'elle déclare irrecevable l'action de l'AAMOI sur le fondement des dispositions susvisées du
code de la consommation.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, dont l'examen est préalable au deuxième moyen
Enoncé du moyen
11. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir en appel sur le fondement du droit commun, les prétentions formulées sur ce fondement étant nouvelles, alors « que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, que celles-ci étaient désormais fondées sur le droit commun, quand l'appelante était recevable à invoquer de nouveaux moyens de droit pour fonder ses prétentions, la cour d'appel a violé les
articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 et 563 du
code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile🏛 :
12. Selon le premier texte, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
13. Aux termes du deuxième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
14. Selon le troisième, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
15. Pour déclarer irrecevable comme nouvelle l'action de l'AAMOI en ce qu'elle est fondée sur le droit commun, l'arrêt retient que celle-ci est distincte de celle formée sur le fondement des dispositions du
code de la consommation, que les deux actions protègent des catégories de personnes différentes et qu'elles n'ont ni le même fondement légal ni la même portée, ni la même finalité. Il ajoute que la qualité d'association de consommateurs dont s'est prévalue l'AAMOI en première instance ne saurait être confondue avec celle d'association oeuvrant dans l'intérêt spécifique d'une catégorie de la population, à savoir les maîtres d'ouvrage, au soutien de laquelle l'association prétend agir en appel, et que les prétentions formulées par une partie en une qualité différente de celle en laquelle elle avait procédé en première instance, avec une finalité différente de celle soumise au premier juge, caractérisent une prétention nouvelle.
16. En statuant ainsi, alors que l'AAMOI, qui agissait, en première instance comme en appel, pour la défense des intérêts collectifs définis par ses statuts, n'avait pas modifié, devant la cour d'appel, ses demandes en cessation d'actes illicites, en indemnisation et en publication de la décision, et s'était bornée à invoquer un moyen nouveau au soutien de ses prétentions, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier et le troisième par refus d'application et le deuxième par fausse application.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
17. L'AAMOI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir relativement à la restriction géographique de ses statuts, alors « que l'action est ouverte à l'association qui a un intérêt légitime au succès d'une prétention formée au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour dénier à l'AAMOI la possibilité d'agir en dehors du département de l'Essonne, et sur tout le territoire français" et la déclarer irrecevable faute d'intérêt, que [le] silence [de ses statuts] ne pouva[it] s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité", quand il en résultait au contraire qu'elle n'avait pas limité son objet social au seul département dans la préfecture duquel elle avait été déclarée, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du code de procédure civile et 1er de la loi du 1er juillet 1901. »
Réponse de la Cour
Vu l'
articles 31 du code de procédure civile🏛 :
18. Il résulte de ce texte qu'une association, même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social. Lorsqu'aucune stipulation des statuts ne prévoit une restriction du champ d'action géographique de l'association, l'action formée par elle peut être introduite devant toute juridiction territorialement compétente.
19. Pour déclarer l'AAMOI irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir « relativement à la restriction géographique de ses statuts », l'arrêt retient que le silence de ceux-ci ne peut s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité.
20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les demandes formées par l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels sur le fondement du
code de la consommation et rejette la demande en indemnisation formée par la société Maisons Pierre et la société Sogerep courtage au titre de l'
article 32-1 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 16 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Maisons Pierre, la société Sogerep courtage et la société Axa France IARD aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette leurs demandes et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à l'association d'aide aux maîtres d'ouvrage individuels ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré, Aa de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour l'Association d'aide aux maitres d'ouvrages individuels.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'AAMOI fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable, faute de qualité pour agir, l'ensemble des demandes principales qu'elle a formées à l'encontre de la société Sogerep Courtage, de la société Axa France IARD et de la société Maisons Pierre aux fins de cessation sous astreinte de pratiques arguées d'illicéité, de publication sous astreinte par la voie électronique et par voie de presse du jugement à intervenir, de diffusion sous astreinte du jugement à intervenir auprès des clients de la société Axa et de réparation du préjudice occasionné à l'intérêt collectif des consommateurs ;
1°) ALORS QUE les dispositions des
articles L. 621-1, L. 612-2 et L. 621-7 du code de la consommation🏛, en ce qu'elles subordonnent à l'obtention d'un agrément la recevabilité de l'action d'une association en défense d'un intérêt collectif de consommateurs qui entre dans son objet social, méconnaît le principe de la liberté d'association et le droit à un recours juridictionnel effectif ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et de constater, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, que l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard du
principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté d'association, du principe constitutionnel d'égalité et de l'
article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
2°) ALORS QUE même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables faute de qualité les demandes présentées par l'AAMOI dans l'intérêt collectif des maîtres d'ouvrage consommateurs, qu'« une association de défense des intérêts des consommateurs ne peut agir en justice au titre de l'intérêt collectif des consommateurs et en réparation des préjudices directs et indirects occasionnés à celui-ci qu'en vertu d'un agrément administratif régulièrement accordé par l'autorité publique compétente dans le strict respect du cadre prévu par la loi et le règlement » (arrêt, p. 8, § 2), en en subordonnant ainsi la défense de l'intérêt collectif entrant dans son objet social à une condition que la loi ne comporte pas, la cour d'appel a violé les
articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du
code de procédure civile et 1er de la
loi du 1er juillet 1901 ;
3°) ALORS QUE l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances postérieures ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017 (arrêt, p. 3, § 5), que l'agrément avait été retiré à l'AAMOI par un arrêté préfectoral du 24 avril 2018, quand cet événement postérieur était sans incidence sur l'existence du droit d'agir au jour de l'introduction de l'instance, la cour d'appel a violé les
articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, 31 du
code de procédure civile et
L. 621-2 du code de la consommation🏛 ;
4°) ALORS QUE le retrait de l'agrément d'une association de consommateurs, qui sanctionne la perte de conditions initialement réunies, n'est pas rétroactif ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les prétentions formulées dans les assignations délivrées les 30 décembre 2016, 3 et 9 janvier 2017 (arrêt, p. 3, § 5), que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 » (arrêt, p. 8, § 1er), la cour d'appel, qui a méconnu le principe de sécurité juridique, a violé les
articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, 31 du
code de procédure civile,
L. 621-2 et R. 811-7 du code de la consommation🏛 ;
5°) ALORS QUE, subsidiairement, faute d'avoir été annulée par le juge administratif ou déclarée illégale, les décisions administratives réglementaires ou individuelles ont un caractère exécutoire et doivent être appliquées par le juge judiciaire ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable, faute de qualité pour agir, l'ensemble des demandes principales de l'AAMOI, que « la décision administrative de retrait d'agrément du 24 avril 2018 » avait un « effet rétroactif à compter du 8 décembre 2015 » (arrêt, p. 8, § 1er), quand cet arrêté préfectoral énonce, en son
article 1er, que « l'agrément départemental de l'association d'aide aux maîtres d'ouvrages individuels [
] est retiré à compter de la notification du présent arrêté à l'intéressé », soit à une date nécessairement postérieure à celle de son édiction, la cour d'appel a violé l'arrêté du 24 avril 2018🏛 ;
6o) ALORS QU'en toute hypothèse, par suite de l'annulation à intervenir, devant les juridictions administratives, de l'arrêté préfectoral du 24 avril 2018 portant retrait de l'agrément de l'AAMOI, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale au regard des
articles 31 du code de procédure civile🏛,
L. 612-2 du code de la consommation🏛, 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III.
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
L'AAMOI fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déclarée irrecevable en son action sur le fondement du droit commun pour défaut d'intérêt à agir relativement à la restriction géographique de ses statuts ;
1°) ALORS QUE l'action est ouverte à l'association qui a un intérêt légitime au succès d'une prétention formée au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'en retenant, pour dénier à l'AAMOI « la possibilité d'agir en dehors du département de l'Essonne, et sur tout le territoire français » et la déclarer irrecevable faute d'intérêt, que « [le] silence [de ses statuts] ne pouva[it] s'interpréter comme permettant à l'association d'agir sur un territoire illimité » (arrêt, p. 12, pénultième paragraphe), quand il en résultait au contraire qu'elle n'avait pas limité son objet social au seul département dans la préfecture duquel elle avait été déclarée, la cour d'appel a violé les
articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 31 du
code de procédure civile et 1er de la
loi du 1er juillet 1901 ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge a l'interdiction de dénaturer les documents de la cause ; que, selon ses statuts, l'objet de l'AAMOI est « d'assurer, du point de vue matériel et moral, la défense et la représentation des intérêts généraux de toutes les familles quelle que soit leur situation juridique et sociale ou leur nationalité, en particulier en leurs qualités de consommateurs, en tant que maître de l'ouvrage, vis-à-vis des constructeurs de maisons individuelles avec fourniture de plan » et « de veiller, par tous moyens légitimes et légaux, y compris par voie de presse, d'édition et de formation, et d'une façon générale en utilisant tout support de l'information, quelle que soit sa nature, au maintien et au respect des règlements et lois en vigueur dans le domaine de la construction de maison individuelle » ; qu'en retenant, sous couvert d'interprétation, que l'association avait limité son objet au seul département de l'Essonne, la cour d'appel, qui a dénaturé ses statuts, a violé le principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
L'AAMOI fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déclarée irrecevable à agir en cause d'appel sur le fondement du droit commun, les prétentions formulées sur ce fondement étant nouvelles ;
1°) ALORS QUE pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, que celles-ci étaient désormais fondées sur le droit commun, quand l'appelante était recevable à invoquer de nouveaux moyens de droit pour fonder ses prétentions, la cour d'appel a violé les
articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 et 563 du
code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, qu'« entre la première instance et l'appel, les prétentions, fondées sur des droits distincts, n'[avaient] pas le même objet » (arrêt, p. 13, § 5) et en en déduisant qu'elle agissait « en une qualité différente » (arrêt, p. 13, dernier paragraphe), quand elle relevait elle-même que « les deux actions [
] prot[égeaient] une catégorie de personnes différentes, à savoir les consommateurs pour l'une, les maîtres d'ouvrage pour l'autre, qui, si elles peuvent se recouper, ne sont pas similaires » (arrêt, p. 13, § 4), ce dont il résultait pourtant que, dans cette mesure au moins, l'action tendait aux mêmes fins que celle exercée devant les premiers juges, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les
articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛 et 565 du
code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, la cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues aux
articles 564 à 567 du code de procédure civile🏛 si la demande est nouvelle ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevables les demandes de l'AAMOI, qu'« entre la première instance et l'appel, les prétentions, fondées sur des droits distincts, n'[avaient] pas le même objet » (arrêt, p. 13, § 5), sans rechercher, même d'office, si ces demandes ne constituaient pas l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles formées par l'AAMOI en première instance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'
article 566 du code de procédure civile🏛.
Le greffier de chambre