CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mars 2022
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 277 FS-B
Pourvoi n° K 20-19.294
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 MARS 2022
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° K
20-19.294 contre l'
arrêt n° RG : 16/14711 rendu le 14 février 2020 par la cour d'appel de Paris⚖️ (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié [… …],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société [4], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, Mmes Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mme Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Ab, Dudit, M. Labaune, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'
article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le ministre chargé de la sécurité sociale.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2020), Mme [F] (la victime), salariée de la société [4] (l'employeur), a souscrit le 13 septembre 2011 une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical du 9 septembre 2011 faisant état d'une périarthrite scapulo-humérale de l'épaule droite (sous épineux).
3. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse) ayant pris en charge le 6 mars 2012 cette pathologie au titre du tableau n° 57 des maladies professionnelles, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer la décision de prise en charge de la maladie professionnelle inopposable à l'employeur, alors « 2°/ que dès lors que les conditions de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle sont remplies à l'égard d'un employeur, ce dernier ne peut solliciter son inopposabilité en invoquant le fait que la pathologie est apparue à une époque où la victime n'était pas son salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la victime aurait été exposée au risque du tableau n° 57 des maladies professionnelles en 2000, auprès d'un autre employeur, pour ensuite affirmer que la caisse ne justifiait pas du report de neuf ans de la date de première constatation médicale et ainsi déclarer la décision de la caisse de prise en charge de cette maladie inopposable à l'employeur ; qu'en statuant ainsi quand la circonstance que la pathologie de la victime soit apparue antérieurement à son embauche par l'employeur ne permettait pas d'en tirer l'inopposabilité à l'égard de ce dernier de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les
articles L. 461-1, L. 461-2, R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale🏛 en leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles L. 461-1, R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale🏛, ces deux derniers dans leur rédaction applicable au litige :
5. Il résulte de ces textes qu'au soutien de son action aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l'employeur ne peut se prévaloir que de l'irrégularité de la procédure d'instruction conduite par la caisse ou de l'absence de caractère professionnel de cette pathologie.
6. Le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge.
7. Toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles.
8. Pour déclarer la décision de prise en charge inopposable à l'employeur, l'arrêt relève que la déclaration de maladie professionnelle ainsi que le certificat médical initial du 9 septembre 2011 fixaient la date de première constatation médicale au 12 décembre 2000 tandis que l'avis du médecin-conseil visant le tableau n° 57 mentionnait le 5 février 2009 comme date de première constatation. Il ajoute qu'en 2000, la salariée travaillait chez un autre employeur, chez lequel elle indiquait avoir aussi été exposée à des gestes répétitifs des bras en élévation. Il en déduit qu'en l'absence de justification du report de neuf ans de la date de première constatation médicale, la caisse ne justifie pas des conditions du tableau n° 57 vis-à-vis de l'employeur.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société [4] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Aa et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne
La CPAM de l'Essonne fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré inopposable à la société [4] la décision de prise en charge de la maladie déclarée par Mme [F] le 13 septembre 2011,
1/ ALORS QUE la Caisse ne peut être tenue, dans le cadre d'une instance qui l'oppose à l'employeur sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de l'assuré de produire des éléments couverts par le secret médical qu'elle n'avait pas à lui communiquer dans le cadre de cette procédure ; qu'en l'espèce, dans le cadre du litige qui l'opposait à l'employeur sur la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Mme [F], la Caisse produisait la fiche de colloque médico-administratif dans laquelle le médecin conseil avait fixé la date de première constatation médicale au 5 février 2009 à partir d'une échographie réalisée à cette date ; qu'en reprochant à la Caisse de se retrancher derrière le secret médical ou le respect dû à la vie privée pour faire prévaloir cet avis à l'encontre de celui émis par le propre médecin de la salariée disant avoir constaté la pathologie 9 ans plus tôt, lorsque l'élément qui avait permis de fixer la date de première constatation de la maladie était un examen médical, détenu par le médecin conseil et couvert par le secret médical, qui n'avait pas à être communiqué à l'employeur, la cour d'appel a violé les
articles L. 461-1, L. 461-2, L. 461-5 et D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale🏛 en leur rédaction applicable au litige,
2/ ALORS QUE dès lors que les conditions de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle sont remplies à l'égard d'un employeur, ce dernier ne peut solliciter son inopposabilité en invoquant le fait que la pathologie est apparue à une époque où la victime n'était pas son salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que Mme [F] aurait été exposée au risque du tableau 57 des maladies professionnelles en 2000, auprès d'un autre employeur, pour ensuite affirmer que la Caisse ne justifiait pas du report de 9 ans de la date de première constatation médicale et ainsi déclarer la décision de la Caisse de prise en charge de cette maladie inopposable à l'employeur ; qu'en statuant ainsi quand la circonstance que la pathologie de Mme [F] soit apparue antérieurement à son embauche par la société [4] ne permettait pas d'en tirer l'inopposabilité à l'égard de la société de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, la cour d'appel a violé les
articles L. 461-1, L. 461-1, R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale🏛 en leur rédaction applicable au litige.