CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mars 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 238 F-D
Pourvoi n° E 21-15.797
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 MARS 2022
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], dont le siège est [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice, M. [D] [J], a formé le pourvoi n° E 21-15.797 contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant à Mme [S] [M], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jobert, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [M], et l'avis de Mme Morel-Goujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er février 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jobert, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2021), Mme [M] est propriétaire d'un appartement dans un immeuble soumis au statut de la copropriété.
2. Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] (le syndicat des copropriétaires), lui reprochant la réalisation de travaux de percement de la façade de l'immeuble sans autorisation, l'a assignée devant le juge des référés afin qu'elle soit condamnée à remettre les lieux dans leur état antérieur.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé, alors « que le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble ; que la mise en oeuvre par un copropriétaire de travaux sur les parties communes en l'absence d'autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires constitue une violation de la loi et un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ; qu'en disant n'y avoir lieu à référé aux motifs inopérants que le syndicat des copropriétaires n'établissait pas l'existence d'une perturbation résultant de l'installation de la chaudière à condensation de Mme [S] [M] sans autorisation de la copropriété ou de la survenance d'un dommage en cas de perpétuation de la situation, cependant qu'elle constatait que Mme [M] n'avait pas obtenu l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour l'installation en façade de l'immeuble de la ventouse nécessaire au fonctionnement de sa chaudière à condensation, la
cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile🏛 et l'article 25 de la loi n° 65-557🏛 du 10 juillet 1965🏛 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. »
Réponse de la Cour
Vu les
articles 25, b), de la loi du n° 65-557 du 10 juillet 1965🏛 et 835 du
code de procédure civile :
4. Selon le premier de ces textes, ne sont adoptées qu'à la majorité des voix les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conforme à la destination de celui-ci.
5. Aux termes du second, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
6. Pour dire n'y avoir lieu à référé, l'arrêt retient que, s'il n'est pas contesté que Mme [M] n'a pas obtenu l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour l'installation en façade de l'immeuble de la ventouse nécessaire au fonctionnement de sa chaudière à condensation, il n'est pas démontré que les travaux n'ont pas été exécutés dans les règles de l'art, un certificat de conformité à la législation en vigueur ayant été de surcroît délivré à l'issue de l'installation, qu'il n'est pas non plus établi que l'installation litigieuse occasionne des désagréments à l'occupant de l'appartement du dessus, le procès-verbal de constat qui mentionne, sans plus de précision, « des fumées blanches se dégagent de la ventouse et ces fumées s'échappent à proximité de la grille d'aération basse de la fenêtre du 2e étage », étant insuffisant à caractériser une quelconque atteinte à la sécurité ou la santé d'autrui, qu'enfin, au vu des petites dimensions et de l'emplacement discret de la ventouse telle qu'elle apparaît sur les photographies du procès-verbal de constat, l'atteinte esthétique portée à la façade de l'immeuble n'est pas manifeste.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que ces travaux avaient été accomplis sans autorisation du syndicat des copropriétaires, ce qui constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme [M] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par Mme [M] et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1].
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] fait grief à l'arrêt confirmatif d'appel attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu à référé ;
AUX MOTIFS QUE s'il n'est pas contesté que Mme [S] [M] n'a pas obtenu l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour l'installation en façade de l'immeuble de la ventouse nécessaire au fonctionnement de sa chaudière à condensation, il n'est pas démontré, au vu des seules mesures de distance -relevées par l'huissier- de l'implantation de la ventouse par rapport à la dalle du balcon supérieur ou la grille d'aération de la cuisine de l'appartement du dessus, que les travaux n'ont pas été exécutés dans les règles de l'art, un certificat de conformité à la législation en vigueur ayant été de surcroît délivré à l'issue de l'installation ; qu'il n'est pas non plus établi que l'installation litigieuse occasionne des désagréments à l'occupant de l'appartement du dessus, le procès-verbal de constat qui mentionne, sans plus de précision, "des fumées blanches se dégagent de la ventouse ; ces fumées s'échappent à proximité de la grille d'aération basse de la fenêtre du 2ème étage" étant insuffisant à caractériser une quelconque atteinte à la sécurité ou la santé d'autrui, et ce d'autant qu'aucun autre élément afférent au trouble de jouissance prétendument subi par les occupants du 2ème étage n'est produit ; qu'enfin, au vu des petites dimensions et de l'emplacement discret de la ventouse telle qu'elle apparaît sur les photographies du procès-verbal de constat, l'atteinte esthétique portée à la façade de l'immeuble n'est pas manifeste ; que faute pour le syndicat des copropriétaires d'établir l'existence d'une perturbation résultant de l'installation de la chaudière à condensation de Mme [S] [M] sans autorisation de la copropriété ou de la survenance d'un dommage en cas de perpétuation de la situation, il n'y a pas lieu à référé sur ses demandes ;
1) ALORS QUE le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble ; que la mise en oeuvre par un copropriétaire de travaux sur les parties communes en l'absence d'autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires constitue une violation de la loi et un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser ; qu'en disant n'y avoir lieu à référé aux motifs inopérants que le syndicat des copropriétaires n'établissait pas l'existence d'une perturbation résultant de l'installation de la chaudière à condensation de Mme [S] [M] sans autorisation de la copropriété ou de la survenance d'un dommage en cas de perpétuation de la situation, cependant qu'elle constatait que Mme [M] n'avait pas obtenu l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour l'installation en façade de l'immeuble de la ventouse nécessaire au fonctionnement de sa chaudière à condensation, la
cour d'appel a violé l'article 835 du code de procédure civile🏛 et l'article 25 de la loi n° 65-557🏛 du 10 juillet 1965🏛 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
2) ALORS SUBSIDIAIREMENT QU'il appartient au juge des référés de rechercher si le trouble invoqué à l'appui d'une demande fondée sur l'
article 835 du code de procédure civile🏛 revêt un caractère manifestement illicite ; qu'en disant n'y avoir lieu à référé aux motifs inopérants tirés de ce que le syndicat des copropriétaires n'établissait pas l'existence d'une perturbation résultant de l'installation de la chaudière à condensation de Mme [S] [M] sans autorisation de la copropriété ou de la survenance d'un dommage en cas de perpétuation de la situation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la réalisation par Mme [M] des travaux litigieux sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ne caractérisait pas la violation des dispositions de l'
article 25 de la loi du 10 juillet 1965🏛, constitutive d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision base légale à sa décision au regard de l'
article 835 du code de procédure civile🏛 et de l'
article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965🏛 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.