Jurisprudence : CA Paris, 1, 3, 28-05-2013, n° 13/06055, Confirmation



Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 1 - Chambre 3
ARRÊT DU 28 MAI 2013 (n° 386, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 13/06055
Décision déférée à la Cour Ordonnance du 03 Octobre 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 12/38258

APPELANTE
SARL PARIS CORPORATE FINANCE RCS PARIS B 508.858.495 agissant poursuites et diligences de son representant legal

PARIS
Rep/ la SCP FISSELIER (Me Alain ...) (avocats au barreau de PARIS, toque L0044)
assistée de Me Mathieu DELLA VITTORIA, avocat au barreau de PARIS, toque L 099
INTIMÉ
Monsieur Y Y

PARIS
Rep/assistant Me Amaury ... (avocat au barreau de PARIS, toque G0465)

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre
Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère
Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats Mlle Véronique COUVET
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Melle Véronique COUVET, greffier.

Soupçonnant son ancien associé gérant, M. Jules Y, de concurrence déloyale, la SAS PARIS CORPORATE FINANCE a obtenu, par ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Paris en date du 23 janvier 2012, la désignation de Maître Stéphane ... ..., huissier de justice associé de la SCP VAN KEMMEL, avec pour mission de se rendre au domicile de M. Jules Y et notamment de se faire remettre la copie de tout document relatif à un certain nombre de sociétés dénommées ainsi qu'à compter du 1er septembre 2011, de toutes correspondances notamment électroniques entre ces sociétés, M. ... et M. ... et de toutes correspondances sur la boîte mail de M. Jules Y concernant ces sociétés et personnes, les copies de documents étant conservées par l'huissier en séquestre jusqu'à ce qu'il soit statué en référé sur leur communication.
Cette ordonnance a été signifiée à M. Jules Y le 13 février 2012 par la SCP VAN KEMMEL qui a dressé le même jour, en exécution de sa mission, un procès-verbal de constat.

Par acte d'huissier du 15 juin 2012, M. Jules Y a fait assigner la SAS PARIS CORPORATE FINANCE aux fins de rétractation de cette ordonnance devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, lequel par ordonnance du 3 octobre 2012, a fait droit à sa demande, débouté la SAS PARIS CORPORATE FINANCE de ses demandes, dit, que sur signification de la décision, la SCP VAN KEMMEL, huissier de justice désigné en qualité de mandataire judiciaire, devra restituer à M. Jules Y l'ensemble des documents et informations appréhendés en exécution de l'ordonnance du 23 janvier 2012 et procéder à la destruction de toute copie qu'il aurait pu être amené à réaliser à l'occasion de l'exercice de sa mission, dit que les frais relatifs aux diligences de Maître ... ... sont à la charge de la SAS PARIS CORPORATE FINANCE et condamné, en outre, cette dernière à payer à M. Jules Y la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Appelante de cette décision, la SAS PARIS CORPORATE FINANCE, par conclusions du 19 avril 2013, demande à la cour, à titre liminaire, de révoquer l'ordonnance de clôture du 16 avril 2013, de la recevoir en ses conclusions du 18 avril 2013 et prononcer la clôture lors de l'audience du 22 avril 2013 et subsidiairement, de rejeter les conclusions de M. Jules Y du 15 avril 2013, de rejeter les exceptions de procédure soulevées par celui-ci et juger recevables les pièces qu'elle a versées aux débats et de déclarer irrecevable la demande de nullité de la clause de non-concurrence présentée à titre reconventionnel par M. Jules Y, étant nouvelle en appel et entachée de contestation sérieuse, à titre principal, d'infirmer l'ordonnance de rétractation du 3 octobre 2012 en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de confirmer l'ordonnance du 23 janvier 2012 et de condamner M. Jules Y à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 19 avril 2013, M. Jules Y demande à la cour, à titre liminaire, de constater son accord pour que soit révoquée l'ordonnance de clôture du 16 avril 2013, fixer l'ordonnance de clôture au 22 avril 2013, date de l'audience de plaidoirie, dire et juger recevables les demandes des parties en ce compris celles formées aux termes des présentes écritures et les pièces communiquées par ces dernières, " au fond ", de confirmer l'ordonnance entreprise, de constater en tant que de besoin le caractère irrégulier de la clause de non concurrence inscrite dans le pacte d'associés de la SAS PARIS CORPORATE FINANCE, en ce qu'elle ne répond pas à un intérêt légitime, est totalement imprécise dans son objet, ne présente de même aucune limite géographique et ne prévoit aucune contrepartie, de prononcer, à titre subsidiaire, la nullité de ladite clause de non-concurrence, de dire et juger, en conséquence, que sur présentation de l'arrêt à intervenir, la SCP VAN KEMMEL, huissier de justice désigné en qualité de mandataire judiciaire, devra lui restituer l'ensemble des documents et informations appréhendés en exécution de l'ordonnance du 23 janvier 2012 et procéder à la destruction de toute copie qu'il aurait pu être amené à réaliser à l'occasion de l'exercice de sa mission et de condamner la SAS PARIS CORPORATE FINANCE à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
A l'audience du 22 avril 2013, l'ordonnance de clôture du 16 avril 2013 a été révoquée et une nouvelle clôture a été prononcée avant l'ouverture des débats.

SUR CE, LA COUR
Considérant que la SAS PARIS CORPORATE FINANCE fait valoir que créée en 2008 par M. Pierre-Jean ..., son gérant actuel, elle a pour objet la réalisation de toutes activités d'études, d'analyses, de conseil et de services financiers et est soumise au statut réglementé de " conseil en investissements financiers ", que M. Jules Y est devenu associé-gérant en janvier 2011 dans le but de développer sa clientèle à l'international, qu'elle a engagé des frais importants pour permettre à celui-ci d'atteindre cet objectif, que ses résultats ont cependant été décevants, que son investissement a été réduit à néant par le départ brutal de M. Jules Y en novembre 2011, que celui-ci a quitté la société en emportant avec lui un carnet d'adresses de clients et prospects importants, notamment à l'international, enrichi et travaillé chez elle et constituant autant d'opportunités commerciales concrètes pour un nouvel employeur ou dans le cadre d'une activité indépendante, qu'elle a ensuite découvert des actes de concurrence déloyale et de détournement de clientèle, que l'intimé a, en effet, dissimulé l'existence d'un flux d'affaires engagé lorsqu'il était cogérant, qu'il n'a laissé aucun fichier contact des clients et prospects gérés au sein de la société, qu'il réalise, encore à ce jour, des prestations de travail au profit de clients et prospects de la société, qu'elle justifie d'un motif légitime à solliciter une mesure d'instruction in futurum dans le cadre d'une action en responsabilité qu'elle envisage d'initier à son encontre pour concurrence déloyale, détournement de clientèle et violation de son obligation de non-concurrence, que les mesures sollicitées sont strictement proportionnées à l'intérêt légitime de la société et aux droits de l'intimé préservés par la procédure de séquestre judiciaire mise en place par l'ordonnance sur requête et qu'enfin, ni le secret-défense ni le secret des affaires ne saurait faire obstacle à la mesure sollicitée ;
Considérant que M. Jules Y répond qu'il a été contraint de quitter la société dans des conditions extrêmement brutales, que plusieurs actions judiciaires opposent depuis les parties, que les éléments apportés par l'appelante au soutien de sa requête proviennent de la violation du secret de la correspondance à l'adresse de messagerie électronique dont il avait l'usage exclusif au sein de la société et pour laquelle il a déposé plainte, le 10 août 2012, auprès du parquet, que la requête reposait exclusivement sur trois brefs courriels sortis de leur contexte et qui ne sauraient donner prise au moindre soupçon de concurrence déloyale, que la SAS PARIS CORPORATE FINANCE en a fait une présentation déloyale et erronée, que les nouveaux éléments qu'elle produit postérieurement au dépôt de la requête ne permettent pas de rendre crédibles les faits de concurrence déloyale qu'elle lui reproche, qu'elle ne justifie pas de l'intérêt de sa demande de mesure in futurum au regard d'un litige qui serait plausible et crédible, que les stipulations de la clause de non concurrence sont irrégulières et ne sauraient recevoir application, que l'appelante ne peut exciper du moindre préjudice, qu'il y a disproportion entre les faits allégués et l'ampleur de la mesure sollicitée et qu'il s'agit d'une mesure d'investigation générale qui a d'ailleurs entraîné une saisie irrégulière par l'huissier de pièces ne correspondant pas aux dates ou mots clés prévus dans l'ordonnance sur requête ;
Considérant que l'article 875 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ;
Qu'il appartient donc à la présente juridiction de vérifier, même d'office, si le juge avait été régulièrement saisi en recherchant si la requête ou l'ordonnance caractérisent les circonstances justifiant que la mesure sollicitée soit prise exceptionnellement en dehors de tous débats contradictoires, que ces circonstances doivent être appréciées au jour où le juge statue sur requête et ne peuvent résulter de faits postérieurement révélés et notamment des constats de la mesure ordonnée ;
Considérant, en l'espèce, que la requête du 23 janvier 2012 visée dans l'ordonnance du même jour énonce qu' à l'évidence, si M. Jules Y était au courant de la procédure contentieuse qui pourrait être lancée à son endroit, certaines preuves disparaîtraient, l'activité qu'il exerce, le conseil en financement ou rapprochement d'entreprises internationales, étant en effet très immatérielle, un professionnel pouvant l'exercer en indépendant, dans un simple bureau, même à son domicile, et l'activité ne reposant que sur des échanges d'information, quasi exclusivement par courrier électronique pour des raisons tenant à l'éloignement des parties et à la nécessité de la rapidité des échanges et de la confidentialité ; que la requérante a ajouté que le seul matériel nécessaire pour exercer l'activité de M. Jules Y étant un ordinateur portable et un téléphone de type blackberry, il était très facile de les dissimuler et que, par ailleurs, les éléments de nature à démontrer les agissements déloyaux de M. Jules Y étant des correspondances électroniques, l'effet de surprise était essentiel ;
Considérant que ce faisant, la SAS PARIS CORPORATE FINANCE a suffisamment caractérisé auprès du juge des requêtes les circonstances justifiant que la mesure sollicitée soit prise exceptionnellement en dehors de tous débats contradictoires ;
Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ;
Que l'application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile suppose que soit constaté qu'il existe un procès " en germe " possible, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui ;
Qu'il appartient, en conséquence, à la SAS PARIS CORPORATE FINANCE de démontrer qu'il existe un motif légitime, à savoir un fait plausible ne relevant pas d'une simple hypothèse de concurrence déloyale commis M. Jules Y, justifiant la mesure sollicitée en vue d'une action potentielle future en responsabilité diligentée contre ce dernier ;
Considérant qu'à l'appui de sa requête, elle a produit onze pièces constituées par son extrait Kbis et ses statuts, le pacte d'associés conclu entre M. Pierre-Jean ... et M. Jules Y le 27 janvier 2010, la lettre de démission de ce dernier en date du 17 novembre 2011, l'échange de courriers en date des 23 décembre 2011 et 5 janvier 2012 entre leurs conseils respectifs sur les conséquences de ce retrait et le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire de la société du 21 décembre 2011 (pièces 1 à 7) ainsi que quatre échanges de courriels intervenus entre M. Jules Y et respectivement Messieurs ... ... le 17 novembre 2011, Pierre-Jean ... le même jour ainsi que le lendemain et Martin ... les 13 et 22 du même mois ;
Considérant qu'il résulte de ces échanges que
- le 13 novembre 2011, M. Martin ... de la société Le Petit Ballon a transmis en copie à M. Jules Y le courriel de M. Édouard ... de la SAS PARIS CORPORATE FINANCE du 10 précédant lui donnant les coordonnées de contacts qu'ils avaient abordés tous les trois et de différents " groupes de business angels " et auquel il a répondu " Merci beaucoup pour ces contacts. A très vite j'espère. Jules je viendrai te livrer en personne " (pièce 10),
- le 22 novembre 2011, M. Martin ... a écrit à M. Jules Y " ... Jules, enfin les bouteilles sont là ! La première livraison, comme convenu, je m'en occupe ) Tu veux que je les apporte au bureau ' Demain ' Tiens moi au courant et à très vite. Merci encore. " (pièce 11),
- le 17 novembre 2011, M. Antoine ... a écrit, à 13h42, à M. Jules Y au sujet de " PKK acquisition complémentaire " " On en a discuté et nous aimerions passé à l'étape suivante. Dans un premier temps nous pourrions leur demander de l'info et ensuite les rencontrer sur place par exemple. En parallèle, ou tactiquement avant de trop s'engager avec la cible, peux-tu relancer les autres cibles ' J'imagine que tu souhaites clarifier ta mission et tes honoraires aussi. Peux-tu nous faire une proposition " et M. Jules Y lui a répondu, à 14h11, " Merci pour ton retour. Nous avons déjà relancé les deux autres cibles présentant un intérêt. Je t'appelle d'ici demain pour discuter des modalités " (pièce 8),
- le 17 novembre 2011, M. Jules Y a adressé, à 15 h48, à M. Pierre-Jean ... un courrier à lui retourner signé afin de pouvoir avancer sur la préparation de la liste des dossiers en cours et de leur état d'avancement respectif, la transmission des informations concernant les sites Internet et la communication des coordonnées de son interlocuteur à ICS Informatique (hébergement des sites) et Merril Datasite (VDR Spitfire) afin qu'ils adressent à ce dernier leurs communications directement, son correspondant lui a alors demandé, à 19h15, de lui transmettre les informations demandées pour le lendemain soir et l'intimé lui a adressé en réponse, le 18 novembre à 18h06, une liste des " Dossiers en cours ", des " Potentiels/en discussion " et " autres " ;
Considérant que ces courriels proviennent, ainsi que la requérante l'a indiqué elle-même dans sa requête, de l'adresse de messagerie " j.domenichini@pariscf.com " ;
Considérant que M. Jules Y prétend que leur production viole le secret des correspondances et le respect de sa vie privée ; qu'il s'agit, toutefois, d'une adresse professionnelle, le nom de domaine " pariscf.com " étant utilisé par la SAS PARIS CORPORATE FINANCE pour les besoins de son activité (selon son extrait Kbis) d'études, d'analyses, de conseil et de service de nature financière ; que les courriels litigieux relèvent tous de cette activité ; qu'ils ont été adressés et reçus par l'intimé dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de co-gérant associé au sein de la société appelante ; qu'ils ne concernent pas sa vie privée ; que le moyen est, en conséquence, inopérant ;
Considérant que dans sa requête, la SAS PARIS CORPORATE FINANCE a prétendu ne pas avoir eu connaissance des missions faisant l'objet des échanges de courriels avec Messieurs Antoine ... et Martin ... et qui n'étaient pas mentionnées dans la note récapitulative de l'intimé du 18 novembre 2011 ;
Considérant, cependant, que l'échange avec M. Antoine ... est intervenu alors que M. Jules Y était toujours en fonction au sein de la SAS PARIS CORPORATE FINANCE ; que si l'intimé a donné, en effet, sa démission par lettre du même jour, il a toutefois indiqué être prêt à continuer à exercer ses fonctions durant le délai de préavis prévu par les statuts ; que ce n'est que par lettre du 21 novembre 2011, que M. Pierre-Jean ... l'a libéré dès le jour-même de tout préavis ; que M. Antoine ... indique, en outre, aux termes d'une attestation répondant aux prescriptions de forme exigées par l'article 202 du code de procédure civile et qu'il n'y pas lieu de qualifier de complaisante au seul motif que son auteur entretiendrait une relation amicale avec l'intimé, qu'en sa qualité de conseil de la société PROBIKIBIT, également connue sous les abréviations PBK ou PKK, et afin d'identifier des cibles potentielles d'acquisition pour le compte de celle-ci, il a fait appel à la SAS PARIS CORPORATE FINANCE par l'intermédiaire de M. Jules Y qu'il connaissait depuis 2008 et qui a été son seul interlocuteur, qu'aucun engagement n'a été signé et aucun honoraire sollicité, que l'intimé l'a informé le 21 novembre 2011 que suite à son départ de la SAS PARIS CORPORATE FINANCE il ne pourrait plus rechercher de nouvelles cibles et que ses anciens collègues de ladite société pourraient assurer cette mission, qu'il n'a jamais été contacté ensuite par la société et qu'il est resté depuis en contact avec M. Jules Y qu'il connaît de longue date et avec lequel il a des centres d'intérêts communs ; que dans la liste adressée le 18 novembre 2011 par l'intimé à M. Pierre-Jean ... des " Potentiels/en discussion ", le dossier PROBIKEBIT a d'ailleurs été expressément indiqué avec la mention " identifié une cible potentielle, mandat d'achat à discuter avec eux " ; que l'appelante a donc bien été informée de son existence ; qu'elle prétend que les échanges de mail le concernant ont été cachés par l'intimé dans un dossier informatique au nom de code " P-RACE " sans qu'il l'ait informée de la correspondance entre les deux dossiers ; que si M. Jules Y a indiqué lui-même dans ses écritures que le dossier figurait dans le serveur informatique commun de la société sous ce nom, il n'a jamais reconnu pour autant avoir tenté ce faisant de le dissimuler ; que ni cette circonstance, ni l'article de presse du 10 janvier 2012 sur l'entrée du fonds d'investissement Encore Capital au capital de la société PROBIKEBIT, rédigé au demeurant en anglais sans être accompagné d'une traduction en français et alors que M. Jules Y soutient que cette opération a été conclue en août 2011 sans son intervention, ne suffisent à rendre plausible le traitement pour son propre compte de ce dossier ;
Considérant que s'agissant des courriels de M. Martin ..., ce dernier a indiqué, suivant attestation régulière en la forme en date du 15 février 2012 et dont il n'y a pas lieu de suspecter la sincérité, être un ami de longue date de M. Édouard ..., collaborateur employé par la SAS PARIS CORPORATE FINANCE, avoir contacté celui-ci début novembre 2011 pour échanger sur l'avenir notamment sur le plan financier de sa société Le Petit Ballon qui a pour activité la vente de vin notamment par abonnement, qu'au cours d'un déjeuner amical organisé par M. Édouard ... avec M. Jules Y, le 8 novembre 2011, ceux-ci l'ont informé que la SAS PARIS CORPORATE FINANCE ne pouvait organiser une levée de fonds en raison de la jeunesse de sa société et du concept non encore validé mais lui ont proposé, cependant, de lui envoyer une liste existante de plusieurs clubs de Business Angels, laquelle lui a été transmis le 10 suivant, que M. Jules Y lui ayant pris un abonnement, il lui a proposé de lui livrer ses bouteilles personnellement, qu'aucune relation d'affaires n'a jamais existé avec la SAS PARIS CORPORATE FINANCE ni avec M. Jules Y et qu'aucune rémunération na été versée ni même envisagée ; que dans ces conditions, il n'est pas justifié d'un fait plausible de traitement par l'intimé pour son compte personnel d'une affaire concernant la société Le Petit Ballon ;
Considérant que les pièces produites à l'appui de sa requête par la SAS PARIS CORPORATE FINANCE ne permettaient pas, en conséquence, de faire droit à celle-ci ;
Considérant que dans le cadre de l'instance en référé, la requérante a, toutefois, fourni d'autres éléments ;
Considérant qu'elle se prévaut ainsi d'un courriel du 14 octobre 2011 de M. Jules Y à M. Guillaume ... D'ESTAING de la société SOFEMA faisant étant de leurs échanges à propos des plans de développement de cette dernière et d'un courriel du 3 avril 2012 de M. Olivier ..., dirigeant de la même société, adressé à l'intimé en ces termes " Pourras-tu m'adresser la présentation de ce matin en format électronique ' Merci. " dont elle déduit que M. Jules Y a rencontré ce dernier à titre professionnel ; que M. Olivier ... a indiqué, cependant, par attestation du 7 mars 2012 régulière en la forme et dont la caractère complaisant n'est pas là non plus caractérisé, connaître M. Jules Y à titre personnel depuis 2009, être en contact régulier avec lui depuis lors à titre amical et professionnel, avoir partagé en 2011 avec lui, alors qu'il travaillait chez la SAS PARIS CORPORATE FINANCE au sein de laquelle il était son unique interlocuteur, des réflexions concernant le développement de SOFEMA, avoir été informé par l'intimé le 21 novembre 2011 de ce qu'il ne travaillait plus pour la société appelante, laquelle ne l'a jamais depuis contacté, avoir recontacté, en raison de leur relation intuitu personnae, M. ...
DOMENICHINI sans sollicitation de ce dernier et poursuivre actuellement des échanges sur divers sujets ; que les courriels litigieux sont insuffisants, dans ces conditions, à démontrer de manière plausible que l'intimé aurait effectué une prestation pour son propre compte au profit de cette société SOFEMA ;
Considérant que l'appelante verse encore aux débats un courriel adressé par M. Jules Y et M. Alex ... de la société SMART&CO du 4 novembre 2011 suite à une réunion du 27 octobre à propos d' " AVEB ", un courriel de ce dernier à l'intimé du 6 mars 2012 indiquant activer à nouveau ses discussions avec A VIDA E BELLA, une réponse du 2 avril 2012 de M. Pierre-Jean ... indiquant que M. Jules Y avait quitté le cabinet en novembre 2011 et demandant à M. Alex ... si ses besoins étaient toujours d'actualité, la réponse de ce dernier indiquant que n'ayant reçu aucune réponse de sa part, il avait trouvé le moyen de contacter M. Jules Y directement, le courriel du 3 avril 2012 de M. Pierre-Jean ... renouvelant sa proposition de l'accompagner sur la poursuite de la mission AVEB suspendue en novembre 2011 et la réponse de M. Alex ... du même jour ne souhaitant pas donner suite à cette proposition ; que cet échange de courriels est là encore, alors que l'intimé dit n'avoir donné aucune suite à la sollicitation de M. Alex ... et produit un article de la presse spécialisée mentionnant que lors de l'acquisition de A VIDA E BELLA par SMART&CO chacune des parties était assistée par un tiers, ne suffit pas à rendre plausible un fait de concurrence déloyale commis par M. Jules Y au préjudice de l'appelante ;
Considérant que cette dernière a fait délivrer, le 26 juillet 2012, une sommation interpellative à M. Guillaume ..., président de la SAS WILL-UP, ainsi qu'à cette dernière leur demandant de lui déclarer le montant total des sommes versées à M. Jules Y à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, depuis le 18 novembre 2011, de lui préciser la nature des prestations réalisées pour eux par M. Jules Y depuis la même date et de lui indiquer s'ils entretenaient à ce jour des relations d'affaires avec ce dernier ; que M. Guillaume ... a répondu à la première question " Directement non ; indirectement je ne suis pas en mesure de vous répondre pour ce qui est postérieur au 18/11/2011 et doit procéder à une vérification " ; qu'à la deuxième question, il a apporté la réponse suivante " J'ai eu Monsieur ... au téléphone une heure ou deux au sujet du tableur concernant ma société mais ne suis pas sûr que ce temps passé ait donné lieu à facturation ce que je vais rechercher. Si je trouve une facture je vous l'adresse par courriel d'ici le 10 septembre car je repars en vacances " et à la troisième " Non, je n'ai aucune relation d'affaire avec M. ... " ; qu'il ne saurait être considéré comme suffisamment plausible, au vu des réponses ainsi données par son dirigeant, que l'intimé ait effectué des prestations au profit de la SAS WILL-UP ;
Considérant que l'appelante fait encore valoir que M. Jules Y a indiqué sur son profil LINKEDIN être depuis 2012 " manager director " de la société " Première Ligne Capital Advisers ", laquelle exerce une activité de conseil en fusions-acquisitions concurrente de la sienne, alors qu'il est lié à elle par une clause de non-concurrence ; que cet engagement de non-concurrence prévu par l'article 6 du pacte d'associé a pris fin, cependant, le 21 novembre 2012, date à laquelle M. Jules Y a cédé ses parts sociales dans la SAS PARIS CORPORATE FINANCE ; que celui-ci n'a inscrit au répertoire SIRENE l'établissement qu'il a ouvert à Paris, sous l'enseigne PREMIÈRE LIGNE CAPITAL ADVISERS, pour l'activité de conseil pour les affaires et autres conseils de gestion, que le 24 janvier 2013, soit à une date où il était délié de toute obligation à l'égard de l'appelante ; que, certes, il a créé à Londres (Grande-Bretagne), en décembre 2011, une société dénommée PREMIÈRE LIGNE LTD dont il est le seul associé et dirigeant, en indiquant être banquier d'affaires ; que le certificat de constitution de cette société produit par l'appelante ne précise, toutefois, pas l'objet et l'activité de cette société ; que cette fois-ci encore, aucune activité de concurrence déloyale autre qu'hypothétique ne saurait être déduite de ces éléments ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande de mesure d'instruction l'appelante fait également reproche à l'intimé de l'avoir quittée en conservant son carnet de contacts clients et prospects de la société ; qu'elle justifie effectivement que le fichier Outlook de M. Jules Y était vide depuis le 18 novembre 2011 ; que l'intimé répond, cependant, que ce fichier lui est personnel dès lors que la logiciel OUTLOOK et sa licence d'exploitation lui appartiennent ; qu'il a, cependant, accepté de le communiquer à l'appelante par lettre de son conseil du 10 août 2012, en réponse à une mise en demeure qui ne lui a été envoyée par le conseil de l'appelante que le 31 juillet 2012, soit plus de 7 mois après son départ ; que là encore, il ne saurait être déduit du fait ainsi allégué l'indice d'une volonté de priver l'appelante de sa clientèle en encore moins d'un détournement de celle-ci ;
Considérant, enfin, que l'appelante indique dans ses écritures que " par ailleurs, il convient de noter que les emails non contestés obtenus dans le cadre de la procédure de référé probatoire objet des présentes, et transmis à PCF par Me Van ..., font état d'éléments rendant certains les actes de concurrence déloyale illégale de Monsieur ... " ; que la cour ne comprend pas de quels courriels il s'agit puisque l'huissier commis a été désigné séquestre de l'ensemble des éléments qu'il a appréhendés et qu'aucune décision ne l'a autorisé à les remettre à l'appelante ; qu'ils ne sont pas versés, en outre, aux débats ; qu'en toute hypothèse, les pièces obtenues dans le cadre d'une mesure d'instruction ordonnée sur requête ne peuvent être utilisées pour justifier le bien fondée de celle-ci ;
Considérant que l'appelante ne justifie pas, en conséquence, d'un motif légitime à l'appui de sa demande ; que c'est à bon droit, en conséquence, que le premier juge a rétracté l'ordonnance sur requête du 23 janvier 2012 ; que sa décision sera confirmée en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'intimé tendant à voir la cour se prononcer sur la régularité de la clause de non concurrence qui lui est opposée dès lors qu'elle est formée à titre subsidiaire, qu'elle est, au surplus, nouvelle en appel et qu'enfin, elle excède les pouvoirs du juge de la rétractation qui sont limités à celle-ci et plus généralement ceux du juge des référés, juge de l'évidence ;
Considérant que l'appelante qui succombe supportera les dépens d'appel et versera à l'intimé la somme complémentaire précisée au dispositif du présent arrêt au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour ;

PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la SAS PARIS CORPORATE FINANCE à verser à M. Jules Y la somme complémentaire de 4 000 (quatre mille) euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Condamne la SAS PARIS CORPORATE FINANCE aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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