Jurisprudence : TA Toulon, du 02-06-2010, n° 0704744




TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE TOULON

N° 0704744 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX

TRAVAILLEURS HANDICAPES AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS AVATH-ERMITAGE

Mme A Le Tribunal administratif de Toulon Rapporteur

3ème chambre

M. Privat

Rapporteur public

Audience du 5 mai 2010

Lecture du 2 juin 2010

19-06-02-08-03-06

Vu l’ordonnance du 20 octobre 2008 par laquelle le président du Tribunal administratif de Nice a transmis la requête n° 0704744 au Tribunal administratif de Toulon ;


Vu la requête, enregistrée le 6 septembre 2007, présentée par l'ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE dont le siège est 580 chemin de la Baume à Toulon (83000) ;

L'ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE demande au Tribunal :

- de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée ( TVA ) non imputée et le remboursement de la taxe sur les salaires acquittée à tort au titre des années 2001 à 2003 ;

- d’assortir ces restitutions et remboursements des intérêts moratoires prévus à l’article L. 208 du livre des procédures fiscales🏛 ;

L’ASSOCATION VAROISE D’AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE, qui assure la gestion d’établissements ayant pour objectif l’aide à x l’insertion par le travail d’adultes handicapés et la scolarisation d’enfants en difficultés, expose, qu’au regard de son assujettissement à la TVA, elle a constitué des secteurs distincts d’activité, les productions de l’établissement ou service d’aide par le travail (E.S.A.T.) et de l’entreprise adaptée (E.A.) étant assujetties sur option, les activités des autres établissements étant exonérées ; que, s’agissant du régime des déductions de taxe, et conformément à la doctrine administrative en vigueur, les immobilisations acquises ont été affectées à chacun des secteurs d’activité et ont donné lieu à déduction selon la règle du prorata applicable à chacun des secteurs


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ou même n’ont fait l’objet d’aucune déduction de TVA ; qu’ainsi, dans le cadre d’une opération de construction d’un immeuble abritant une partie d’un E.S.A.T. et d’une E.A., les travaux, facturations et paiements intervenus pour l’essentiel en 2003 n’ont fait l’objet d’aucune déduction, dès lors que le financement avait été assuré par des emprunts dont le remboursement s’est opéré au moyen de subventions perçues par l’association ; qu’il en a été de même pour l’ensemble des dépenses de caractère administratif concernant la gestion de ces deux établissements ; qu’à la suite d’un arrêt du 6 octobre 2005 n° C-243/03 de la Cour de justice des communautés européennes, elle a sollicité la restitution de la TVA non déduite au titre des années 2001 à 2003 sur les travaux précités, ainsi que le remboursement de la taxe sur les salaires acquittée corrélativement au titre des années 2001 à 2004 ; que l’administration a seulement fait droit à sa demande concernant le remboursement de la taxe sur les salaires perçue au titre de l’année 2004 ;

L’ASSOCATION VAROISE D’AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE soutient qu’elle est fondée à se prévaloir du délai spécial prévu par l’article L. 190 du livre des procédures fiscales🏛, dans sa rédaction antérieure au 1” janvier 2006 ; que la distinction opérée par l’administration entre les subventions d’équipement et les subventions d’exploitation est dénuée de base légale et ajoute à la loi en tenant compte non des modalités d’acquisition des biens d’équipement mais des seules conditions du financement de ces acquisitions ; qu’en outre, les subventions perçues par l’association ne sont jamais versées à raison d’une opération imposable à la TVA ; que la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes vise les subventions de toute nature, finançant des biens ou services ;

Vu la décision du 25 juin 2007 par laquelle le directeur des services fiscaux du Var a statué sur la réclamation préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2008, présenté par le directeur des services fiscaux du Var qui conclut au rejet de la requête ;

Le directeur fait valoir que, par l'arrêt du 6 octobre 2005, la Cour de justice des communautés européennes a condamné le dispositif français résultant des paragraphes 150 et 151 de l'instruction administrative 3 CA-94 du 8 septembre 1994 qui prévoyait une limitation de la déductibilité de la TVA grevant les biens d'équipements financés par des subventions non imposables ; que, depuis lors, l'exercice du droit à déduction n'est subordonné qu'au seul respect cumulatif des conditions issues des dispositions de l'article 271 du code général des impôts🏛 ; que, par suite, la déduction de la TVA afférente aux investissements financés en tout ou partie par une subvention d'équipement est donc autorisée, dès lors que ces dépenses sont utilisées pour les besoins d'une opération ouvrant droit à déduction, mais sous réserve toutefois du respect des conditions de temps et de forme du droit à déduction ; qu'en l'espèce, la taxe qui a grevé les dépenses de construction d'un immeuble utilisé exclusivement pour les besoins d'opérations imposables réalisées par l'association requérante apparaît intégralement déductible ; que, toutefois, le délai spécial fixé par l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, invoqué par l'association, n'est pas applicable à sa situation, dès lors que les travaux n'ont pas été financés par des subventions d'équipement ; que la demande de restitution de la TVA ayant grevé les travaux doit, par suite, être présentée dans le délai général de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales🏛 ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 avril 2008, présenté par l'ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;


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Vu le mémoire, enregistré le 3 mai 2008, présenté par le directeur des services fiscaux du Var qui confirme ses précédentes écritures tendant au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts🏛
et le livre des procédures fiscales🏛 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009🏛, ensemble l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 pris sur le fondement de l'article 2 de ce décret ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2010 :

- le rapport de Mme Castany, rapporteur ;

- les conclusions de M. Privat, rapporteur public ;

- et les observations de M. Aa pour l’ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE ;

Considérant que l'ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE, qui assure la gestion d’établissements ayant pour objectif l’aide à l’insertion par le travail d’adultes handicapés et la scolarisation d’enfants en difficultés, a constitué, au regard de son assujettissement à la TVA, des secteurs distincts d’activité ; qu’ainsi, les productions de l’établissement ou service d’aide par le travail ( E.S.A.T.) et de l’entreprise adaptée ( E.A.) sont assujetties sur option, ces établissements disposant de moyens propres en locaux, en structures et en personnel, tandis que les activités des autres établissements sont exonérées ; que, dans le cadre d’une opération de construction d’un immeuble abritant une partie de l’E.S.A.T. et de l’E.A., les travaux, facturations et paiements intervenus pour l’essentiel en 2003 n’ont fait l’objet d’aucune déduction, le financement ayant été assuré par des emprunts dont le remboursement s’est opéré au moyen de subventions perçues par l’association ; qu’à la suite de l’arrêt du 6 octobre 2005 n° C-243/03 de la Cour de justice des communautés européennes, l’association a sollicité, par réclamation du 19 décembre 2006, la restitution de la TVA non déduite au titre des années 2001 à 2003 sur les travaux précités, ainsi que le remboursement de la taxe sur les salaires acquittée corrélativement au titre des années 2001 à 2004 ; que cette réclamation a fait l’objet, par un courrier du 25 juin 2007, d’une décision d’admission partielle, l’administration ayant seulement fait droit à la demande de l’association concernant le remboursement de la taxe sur les salaires perçue au titre de l’année 2004 ; que l’association requérante demande la restitution de la TVA non imputée et le remboursement de la taxe sur les salaires acquittée à tort au titre des années 2001 à 2003 ;

Sur les conclusions à fin de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : « Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt


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contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (..) » ; qu’aux termes de l’article L. 190 du même livre, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « (...) Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la quatrième année précédant celle où la décision révélant la non-conformité est intervenue » ;

Considérant que, pour demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée en litige, l’association requérante soutient que l’arrêt rendu le 6 octobre 2005 dans l’affaire C/243-03, Commission contre France constitue un événement révélant la non-conformité à une norme supérieure de nature à rouvrir le délai de réclamation, en application des dispositions précitées de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que par l’arrêt C/243-03 précité du 6 octobre 2005 « Commission contre France », la Cour de justice des communautés européennes a jugé qu’en instaurant une règle particulière limitant la déductibilité de la TVA afférente à l’achat de biens d’équipement en raison du fait qu’ils ont été financés au moyens de subventions, la France avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire et notamment de l’article 17 de la 6°""° directive 77/388/CE du 17 mai 1977 ; qu’il découle de l’article 17 de la 6°" directive que la seule condition pour qu’un assujetti puisse déduire la TVA est l’affectation du bien à ses activités taxées ; que, par l’arrêt précité, la Cour de justice des communautés européennes n’a pas entendu opérer de distinction entre la nature des subventions d’investissement ou d’équipement mais rappeler que la 6°" directive ne permet aucune limitation du droit à déduction liée à l’octroi de subventions, hors les dispositions prévues aux articles 11 et 19, qui ne sont pas concernées par le présent litige ; que, par suite, l’administration n’est pas fondée à refuser à l’association requérante le bénéfice du délai spécial prévu par l’article L. 190 précité du livre des procédures fiscales, au motif que les subventions perçues par l’association AVATH-ERMITAGE s’analysant comme des subventions d’exploitation et non d’équipement, sa réclamation serait tardive au regard des dispositions de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE, dont l’assujettissement à la TVA n’est pas contesté, est fondée à demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée non imputée et, par voie de conséquence, le remboursement de la taxe sur les salaires acquittée à tort au titre des années 2001 à 2003, en application du délai de réclamation prévu par l’article L. 190 précité du livre des procédures fiscales ;

Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 208 du LPF : « Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires » ;


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Considérant que les conclusions de la requête de l'ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE par lesquelles elle demande l’allocation d’intérêts moratoires sur les sommes à lui rembourser sont irrecevables en l’absence de litige sur ce point ;


DECIDE:

Article 1”: L'ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE est fondée à obtenir la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée non imputée et, par voie de conséquence, le remboursement de la taxe sur les salaires acquittée à tort au titre des années 2001 à 2003.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l'ASSOCIATION VAROISE D'AIDE AUX TRAVAILLEURS HANDICAPES AVATH-ERMITAGE et au directeur des services fiscaux du Var.


Délibéré après l'audience du 5 mai 2010, à laquelle siégeaient :

M. Veyer, président,

M. Ury, premier conseiller,

Mme Castany, premier conseiller,

Lu en audience publique le 2 juin 2010.

Le rapporteur, Le président,

signé signé

Ab A B C

Le greffier,

signé

Ac X

La république mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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