SOC. PRUD'HOMMES SM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 mai 2013
Cassation partielle
M. BLATMAN, conseiller le plus ancien faisant fonction
de président
Arrêt no 944 F-D
Pourvoi no X 12-16.858
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Dayanand Z, domicilié Strasbourg,
contre l'arrêt rendu le 14 février 2012 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Jean-Denis Y, domicilié Lingolsheim, pris en qualité de mandataire liquidateur de la société Wynmuck,
2o/ à l'AGS-CGEA de Nancy, dont le siège est Nancy cedex,
3o/ à M. Charles V, domicilié Plaine,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 avril 2013, où étaient présents M. Blatman, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Le Boursicot, conseiller rapporteur, M. Ballouhey, conseiller, M. Aldigé, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Le Boursicot, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. Z, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z a été engagé le 8 octobre 2007 comme cuisinier au service de la société Wynmuck, locataire-gérante d'un fonds de commerce de restauration situé à à M. V ; que le 29 avril 2008, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à licenciement par M. Y, agissant en qualité de liquidateur de la société Wynmuck dont la liquidation judiciaire avait été ordonnée la veille, lequel liquidateur, par lettre recommandée en date du 13 mai 2008, l'a avisé que son contrat de travail devait normalement se poursuivre avec M. V ; que le 18 septembre 2008, M. Z a été invité par M. V à reprendre son poste de travail ; que le 20 septembre 2008, par lettre recommandée adressée à M. V, M. Z a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen
Vu les articles L. 1231-1 du code du travail et 1147 du code civil ;
Attendu que pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié emportait les effets d'une démission, l'arrêt retient que le salarié ne contestant pas s'être abstenu de toute prestation de travail durant les mois de juin, juillet et août 2008, le manquement commis par l'employeur quant au retard du paiement des salaires pour la période considérée n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier la prise d'acte par le salarié ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le défaut de prestation de travail du salarié n'était pas justifié par le défaut de paiement des salaires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le second moyen
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu que pour rejeter la demande du salarié au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le salarié ne produisait qu'une seule attestation relative à ses horaires, sans précision relativement à la période et aux jours concernés et que l'intéressé n'étayait pas sa demande par des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'attestation produite par le salarié permettait à l'employeur de répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. Z de ses demandes dirigées contre M. Y, ès qualités, en remboursement des avantages en nature et en paiement de dommages-intérêts pour manquement au devoir d'information, l'arrêt rendu le 14 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. V et M. Y, ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. V et M. Y, ès qualités, à verser à M. Z la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Monsieur Z de ses demandes dirigées contre Monsieur V
AUX MOTIFS QUE le salarié (Monsieur Z) recherchait la responsabilité de son dernier employeur (Monsieur V) en lui reprochant des retards dans le paiement des salaires ; que cependant, faute pour lui d'établir son préjudice, alors qu'il admettait avoir reçu des provisions, il ne pouvait être fait droit à sa prétention indemnitaire ; que le salarié sollicitait également des indemnités de rupture comme en matière de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que toutefois, sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne pouvait emporter les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si elle était justifiée par les manquements de l'employeur à ses obligations ; que sur ce point, Monsieur Z se limitait à reprocher à Monsieur V ses retards dans les paiements des salaires des mois de juin, juillet et août 2008 ; que dès lors qu'il ne contestait pas s'être lui-même abstenu de tout travail à la même période et qu'il n'avait pas déféré à la l'invitation de reprendre son poste à lui adressée par Monsieur V le 18 septembre 2006, le manquement commis par l'employeur n'était pas d'une suffisante gravité pour justifier la rupture ; que la prise d'acte de la rupture emportait donc les effets d'une démission ; que Monsieur Z devait être débouté (arrêt, page 4, 5 derniers alinéas et page 5, 2 premiers alinéas) ;
ALORS QUE le paiement des salaires, en temps et en heure, est une obligation essentielle de l'employeur ; que la rupture du contrat de travail, résultant de retards systématiques dans le paiement des salaires, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'employeur ne pouvant en aucun cas reprocher au salarié non payé d'avoir cessé le travail ; que la Cour d'appel a elle-même constaté que Monsieur V avait omis de payer les salaires de Monsieur Z pendant trois mois ; qu'en disant que ce fait n'était pas suffisamment grave pour justifier la prise d'acte de la rupture par le salarié, la Cour d'appel a violé l'article L 1231-1 du code du travail ;
ET ALORS QUE la Cour d'appel ayant elle-même constaté que l'employeur avait payé les salaires avec retard, a par là-même constaté l'existence d'un préjudice ; qu'elle ne pouvait refuser de réparer ce préjudice, sous prétexte que le salarié n'en établissait pas l'existence, car il admettait avoir reçu des provisions ; que la Cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur Z de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, formée à l'encontre de Maître Y et du CGEA de Nancy
AUX MOTIFS QUE Monsieur Z présentait des demandes au titre d'heures supplémentaires ; qu'il incombait au salarié d'au moins fournir des éléments de nature à étayer ses demandes ; qu'il se limitait à produite une attestation de mm. Boulhail, aide de cuisine, indiquant qu'il travaillait de 9 hà 14 h, puis de 18 h 30 à 23 h, sans apporter aucun élément sur la période ni même les jours concernés ; que faute pour lui d'étayer ses demandes en présentant des éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés pour permettre à l'employeur de répondre, sa prétention ne pouvait être retenue (arrêt, page 3, 2 derniers alinéas et page 4, 1er alinéa) ;
ALORS QUE la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement ni au salarié, ni à l'employeur ; que l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires, tandis que le salarié doit fournir des éléments de nature à étayer sa demande ; que la Cour d'appel a elle-même constaté que Monsieur Z versait aux débats une attestation contenant un horaire quotidien précis ; qu'en rejetant la demande, sous prétexte que le salarié n'étayait pas sa demande par un élément précis, la Cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du code du travail.