SOC. PRUD'HOMMES FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 mai 2013
Cassation partielle
M. LACABARATS, président
Arrêt no 930 FS-D
Pourvoi no K 12-10.062
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ Mme Denise Z, domiciliée Sucé-sur-Erdre,
2o/ l'union locale CGT de Saint-Nazaire, dont le siège est Saint-Nazaire,
contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2011 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige les opposant à l'association La Sauvegarde de l'enfance 44 (ADSEA Loire-Atlantique), dont le siège est Nantes,
défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 avril 2013, où étaient présents M. Lacabarats, président, M. Ballouhey, conseiller rapporteur, M. Bailly, conseiller doyen, MM. Blatman, Chollet, Gosselin, Linden, Mmes Goasguen, Vallée, Guyot, Le Boursicot, M. Hascher, Mme Aubert-Monpeyssen, conseillers, Mme Mariette, MM. Flores, Becuwe, Mme Ducloz, MM. Hénon, David, conseillers référendaires, M. Aldigé, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Ballouhey, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Z et de l'union locale CGT de Saint-Nazaire, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'association La Sauvegarde de l'enfance 44, l'avis de M. Aldigé, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z a été engagée en qualité d'assistance familiale en mai 1994 par l'Association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de Loire-Atlantique (ADSEA 44) ; qu'après une convocation à un entretien préalable, elle a été licenciée le 24 avril 2007 au motif du retrait de son agrément par le président du conseil général de Loire-Atlantique ; que contestant la validité du licenciement, elle a, avec l'union locale CGT de Saint-Nazaire, saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le premier moyen
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que, principalement, de rappel de salaire et, subsidiairement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, alors, selon le moyen, que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de rupture dans la lettre de licenciement ; qu'à défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que l'énoncé d'un motif insuffisamment précis équivaut à une absence de motif ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement notifiée à Mme Z se bornait à faire état de la mesure administrative de retrait d'agrément d'assistante familiale empêchant l'exercice de son activité professionnelle ; qu'en jugeant cette motivation suffisante, alors que la lettre de licenciement ne précisait pas les faits à l'origine du retrait d'agrément, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que selon l'article L. 773-20 du code du travail alors applicable devenu l'article L. 423-8 du code de l'action sociale et de la famille, en cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; qu'il en résulte qu'est suffisamment motivée au regard de l'article L. 1232-6 du code du travail la lettre de licenciement qui se réfère à un tel retrait ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que la lettre de licenciement du 24 avril 2007 visait le retrait d'agrément concernant la salariée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
Attendu que le premier moyen étant rejeté, le moyen est devenu sans portée ;
Mais sur le troisième moyen
Vu les articles 1134 et 1145 du code civil ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement de l'indemnité de préavis ou de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'assistante familiale ne peut prétendre au paiement du préavis dès lors qu'elle n'était pas en mesure d'effectuer sa prestation de travail du fait de l'absence d'agrément ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher, comme elle y était invitée, si les mentions contradictoires de l'attestation délivrée à Pôle emploi n'avaient pas causé un préjudice à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme Z de sa demande en paiement d'une indemnité de préavis ou de dommages-intérêts pour non-paiement du prévis, l'arrêt rendu le 4 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne l'association La Sauvegarde de l'enfance 44 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association La Sauvegarde de l'enfance 44 à payer à Mme Z et à l'union locale CGT de Saint-Nazaire la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Z et l'union locale CGT de Saint-Nazaire.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Z des demandes qu'elle formait à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que, à titre principal, à titre de rappel de salaire et, subsidiairement, à titre d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
AUX MOTIFS QUE conformément aux termes de l'article L.773-19 du Code du Travail alors en vigueur qui renvoie à 1'article L.122-14-2 (devenu L.1232-6 du même code, l'employeur doit indiquer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; qu'en l'occurrence, la lettre de licenciement du 10 mai 2007 est ainsi motivée " le retrait de votre agrément, décision administrative extérieure à l'association, ne vous permet plus d'exercer votre activité professionnelle en qualité d'assistante familiale et nous sommes à ce titre tenus de procéder à votre licenciement en application de l'article L.773-20 du Code du travail " ; que l'article L.773-20 du Code du travail applicable lors du licenciement stipule " en cas de suspension de l'agrément, l'assistant maternel ou l'assistant familial relevant de la présente section est suspendu de ses fonctions par l'employeur pendant une période qui ne peut excéder quatre mois. Durant cette période, l'assistant maternel ou l'assistant familial bénéficie d'une indemnité compensatrice qui ne peut être inférieure à un montant minimal fixé par décret. En cas de retrait d'agrément, l'employeur est tenu de procéder au licenciement par lettre recommandée avec demande d'avis de réception " ; que Madame Z fait valoir que l'article L.423-8 du code de l'action sociale et des familles ne dispense pas le juge d'apprécier la cause réelle et sérieuse de licenciement laquelle ne peut résulter du seul retrait de l'agrément ; qu'elle soutient dès lors que la référence au retrait de l'agrément ne suffit pas à motiver la rupture du contrat de travail ainsi qu'il ressort de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 12 janvier 2011 ; que cependant, il sera rappelé qu'en l'occurrence, le licenciement comme conséquence du retrait de l'agrément résulte d'une disposition légale et s'impose à l'employeur lequel n'a effectivement aucun impact sur la décision de retrait de l'agrément, procédure à laquelle il est totalement étranger contrairement à la salariée qui a été convoquée devant la commission consultative paritaire départementale ; que dès lors, la seule référence au retrait de l'agrément comme élément justificatif constitue une motivation suffisante d'autant qu'il est également rappelé qu'il entraîne le licenciement en application de l'article L773-20 du Code du Travail, une telle situation constituant en outre une cause effective de licenciement ainsi que l'a rappelé le premier juge ; que pour ces motifs et ceux non contraires du premier juge, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Madame Z de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de même qu'en paiement d'un rappel de salaire correspondant à la période de suspension du contrat de travail découlant de celle de l'agrément étant rappelé qu'elle a perçu l'indemnité compensatrice prévue par l'article L773-20 du Code du travail alors applicable ;
Et AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE l'article L.1232-1 du Code du travail prévoit que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que cette cause réelle et sérieuse peut résulter d'éléments de fait ou d'éléments de droit ; que l'existence d'une cause réelle et sérieuse s'apprécie à la date du licenciement ; qu'en l'espèce, le retrait de l'agrément d'assistante familiale constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement d'origine légale au regard des dispositions de l'article L.423-8 du Code de l'action sociale et des familles ; que cette cause effective à la date du licenciement, en l'absence de tout sursis à exécution, s'imposait à l'employeur qui était tenu de procéder au licenciement ; que le licenciement de Madame Z reposait donc sur une cause réelle et sérieuse et celle-ci doit être déboutée de toutes ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail ; qu'en outre, il ne peut être fait grief à l'employeur d'être à l'origine de la mesure de retrait celui-ci n'a fait que se conformer à l'obligation d'information de l'autorité judiciaire en cas de suspicion de mauvais traitements à mineurs de quinze ans, obligation résultant de l'article 434-3 du code pénal, ainsi qu'à l'obligation qu'il avait de rendre compte à l'autorité judiciaire de faits graves dénoncés dans le cadre d'un placement judiciaire ; qu'il ne peut davantage lui être fait grief de ne pas avoir entendu l'assistante familiale avant d'informer l'autorité judiciaire dans la mesure où il appartenait seulement à celle-ci de décider de l'opportunité d'une mesure d'enquête et de la faire diligenter ;
ALORS QUE l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de rupture dans la lettre de licenciement ; qu'à défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que l'énoncé d'un motif insuffisamment précis équivaut à une absence de motif ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement notifiée à Madame Z se bornait à faire état de la mesure administrative de retrait d'agrément d'assistante familiale empêchant l'exercice de son activité professionnelle ; qu'en jugeant cette motivation suffisante, alors que la lettre de licenciement ne précisait pas les faits à l'origine du retrait d'agrément, la Cour d'appel a violé les articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1235-1 du Code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'union locale CGT de SAINT NAZAIRE de sa demande de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée par l'ADSEA 44 à l'intérêt collectif de la profession.
AUX MOTIFS QUE cette demande est fondée " une violation de la loi et des règlements " du fait d'un licenciement prononcé en méconnaissance du principe fondamental de la présomption d'innocence, de façon irrégulière et sans motivation ; que cette prétention n'étant pas fondée, étant précisé que le Conseil constitutionnel a écarté, dans sa décision du 1er avril 2011, l'atteinte à la présomption d'innocence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté l'Union Locale CGT de sa demande ;
Et AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE le syndicat, recevable en sa demande, en sera débouté dans la mesure où les manquements imputés à l'employeur dans le cadre du licenciement et de l'exécution du contrat de travail de Madame Z ne sont pas établis ;
ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen s'étendra aux chefs du dispositif de l'arrêt attaqué relatifs au rejet de la demande de dommages et intérêts formée par l'union locale CGT de SAINT NAZAIRE, en l'absence de motivation suffisante de la lettre de licenciement notifiée à Madame Z, en application de l'article 625 du Code de procédure civile.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Z de sa demande de dommages et intérêts pour non règlement du préavis.
AUX MOTIFS QUE Madame Z ne peut prétendre au paiement du préavis dans la mesure où elle n'était pas en mesure d'effectuer sa prestation de travail du fait de l'absence d'agrément, sa demande en dommages et intérêts pour non paiement du préavis ne pouvant pour la même raison prospérer ;
ALORS QUE la décision prise par l'autorité administrative de retirer à un assistant maternel ou familial l'agrément nécessaire à l'exercice de son activité professionnelle justifie la cessation immédiate de la relation de travail, sans que les parties soient tenues d'exécuter le préavis mentionné à l'article L.423-11 du Code de l'action sociale et des familles ; que, dans ses écritures d'appel (p. 11), Madame Z faisait valoir que l'ADSEA 44 avait commis une faute en fixant la date de la cessation définitive de la relation de travail à celle correspondant au terme de son préavis de deux mois, lequel ne lui était cependant pas rémunéré du fait du retrait de l'agrément ; qu'à cet égard, la salarié soutenait qu'elle avait, de ce fait, été privée de toute revenu pendant la période correspondant au préavis, au cours de laquelle elle n'était ni rémunérée par l'ADSEA 44, ni en mesure de s'inscrire comme demandeur d'emploi et que l'employeur aurait dû faire figurer la mention " préavis non effectué " sur l'attestation destinée au Pôle Emploi, ce qui aurait permis son indemnisation immédiate ; qu'en jugeant que la salariée devait être déboutée de sa demande dès lors qu'elle n'était pas en mesure d'effectuer sa prestation de travail du fait de l'absence d'agrément, la Cour d'appel a violé les articles L.1234-12, L.1234-19 et R.1234-9 du Code du travail, ensemble les articles 1134 et 1147 du Code civil.