Jurisprudence : Cass. civ. 3, 23-05-2013, n° 12-14.901, FS-P+B, Cassation

Cass. civ. 3, 23-05-2013, n° 12-14.901, FS-P+B, Cassation

A9205KDB

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:C300577

Identifiant Legifrance : JURITEXT000027451712

Référence

Cass. civ. 3, 23-05-2013, n° 12-14.901, FS-P+B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8218027-cass-civ-3-23052013-n-1214901-fsp-b-cassation
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Abstract

En vertu de l'article 2244 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ; s'agissant d'un commandement, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à préciser, par deux arrêts rendus le 23 mai 2013, qu'il n'est toutefois interruptif de prescription que s'il est fondé sur un titre exécutoire (Cass. civ. 3, 23 mai 2013, 2 arrêts, n° 12-14.901 et n° 12-10.157,, FS-P+B).



CIV.3 CM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 mai 2013
Cassation
M. TERRIER, président
Arrêt no 577 FS-P+B
Pourvoi no V 12-14.901
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Chantal Z, épouse Z, domiciliée Saint-Joseph,
contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2011 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Emmanuel Y Y, domicilié Sanary-sur-Mer,
2o/ à M. Joseph X, domicilié Saint-André,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 avril 2013, où étaient présents M. Terrier, président, M. Echappé, conseiller rapporteur, Mmes Fossaert, Feydeau, Masson-Daum, M. Parneix, Mmes Andrich, Salvat, M. Bureau, conseillers, Mmes Proust, Pic, M. Crevel, Mmes Meano, Collomp, conseillers référendaires, M. Bailly, avocat général référendaire, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Echappé, conseiller, les observations de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat de Mme Z, l'avis de M. Bailly, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ;
Attendu qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 28 octobre 2011), que Mme Z a acquis, par acte du 2 octobre 1985 une parcelle cadastrée AL 202 ; que par acte du 3 juin 2004, M. Y Y lui a délivré un commandement de quitter les lieux se fondant sur diverses décisions de justice rendues à la suite d'instances auxquelles Mme Y Y n'était pas partie ; que M. Y Y a ensuite assigné, par acte du 27 février 2008, Mme Z en expulsion ;

Attendu que pour accueillir sa demande, l'arrêt retient que, bien que Mme Z puisse se prévaloir d'un juste titre et de sa bonne foi, elle ne peut justifier de vingt années de possession, celle-ci ayant été interrompue par le commandement du 3 juin 2004 qui a eu pour effet de la priver après cette date de tout caractère paisible ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les décisions fondant le commandement de quitter les lieux n'étaient pas opposables à Mme Z et que ce commandement ne pouvait en conséquence interrompre la prescription acquisitive commencée par celle-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
Condamne M. Y Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y Y à payer à Mme Z la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme Z
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné l'expulsion de Mme Z, épouse Z, et de tous occupants de son chef de la parcelle cadastrée section AL no 202, sise à La Plaine des Palmistes, lieudit deuxième village, rue Théo ..., ainsi que d'avoir, en conséquence, débouté Mme ... de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
Aux motifs qu'" il doit tout d'abord être constaté par la Cour que le jugement entrepris n'est pas contesté en ce qu'il a
- constaté que les consorts ... ont acquis la parcelle en cause le 2 octobre 1985 de M. André ..., que cette parcelle vendue à plusieurs reprises a appartenu aux consorts ... dont le titre de propriété - qui était une attestation de prescription acquisitive trentenaire - a été annulé par les décisions des 16 octobre 1990, 16 novembre 1995 et 12 mai 1998 ;
- considéré que ces décisions n'étant pas opposables aux consorts ... qui n'étaient pas parties aux instances en cause, Mme XZ divorcée XZ remariée NICOLI était recevable à opposer à M. Y Y, dès lors propriétaire en vertu d'un titre, la prescription abrégée de l'article 2265 du Code civil ;
que pour autant pour s'opposer à la demande d'expulsion de M. Y Y il appartient à Mme Z de rapporter la preuve de ce que, conformément aux prescriptions des articles 2265 devenu 2272 et 2229 devenu 2261 du Code civil, elle a prescrit la propriété de la parcelle en cause ; qu'elle l'a acquise de bonne foi et par juste titre et possédé de façon continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire et ce pendant 20 ans dès lors que le propriétaire détenteur d'un titre résidait hors du ressort ; qu'or M. Emmanuel Paul Y Y soutient que, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge les consorts ... n'étaient pas de bonne foi lorsqu'ils ont acquis le bien en cause le 2 octobre 1985 et qu'en toute hypothèse les actes entrepris par lui en 2004 à savoir le commandement de quitter les lieux et la citation en référé qu'il a fait délivrer aux consorts ... ont bien interrompu la prescription, ceux-ci ayant cessé de posséder de bonne foi après la délivrance de ces actes ; que s'agissant d'abord de la bonne foi des consorts ... lors de leur acquisition par juste titre de l'immeuble en cause, il doit être admis que celle-ci, qui se présume, ne peut être sérieusement remise en cause ; qu'en effet, le seul fait que l'assignation en revendication datant de 1985 par M....... à l'encontre des époux ... propriétaires originaires de la parcelle litigieuse ait été publiée à la Conservation des Hypothèques ne permet pas de considérer que les consorts ... en aient eu alors personnellement connaissance ni qu'ils aient pu imaginer et a fortiori su lors de leur acquisition en octobre 1985, alors qu'aucune décision n'était encore rendue, la fragilité de leur titre ; qu'aux termes des dispositions de l'article 2244 ancien du Code civil applicable en l'espèce, qui est de portée générale et s'applique à toutes les prescriptions et délais pour agir, toute prescription, extinctive comme acquisitive, est susceptible d'être interrompue par une citation en justice même en référé, un commandement ou une saisie signifiés à celui que l'on veut empêcher de prescrire ; que pour interrompre une prescription acquisitive, il faut donc un acte qui soit délivré à celui que l'on veut empêcher de prescrire et qui contienne contestation du droit de propriété ; qu'or le commandement de quitter les lieux délivré le 3 juin 2004 par M.YY Y aux consorts ..., commandement de quitter les lieux expressément fondé sur les décisions judiciaires le déclarant propriétaire en vertu d'un titre de l'immeuble en cause et leur contestant donc tout droit de propriété, qui a été suivi d'une citation en référé expulsion, a nécessairement eu pour effet d'interrompre leur prescription acquisitive puisqu'à partir de cette date ils n'ont plus possédé paisiblement l'immeuble ; qu'ainsi faute de justifier d'une possession conforme aux exigences légales et ce pendant 20 ans Mme Z épouse Z ne peut, pour s'opposer à la demande d'expulsion du propriétaire détenteur d'un titre, prétendre être devenu propriétaire de l'immeuble en cause par usucapion ; qu'il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande d'expulsion de M. Y Y " ;
Alors d'une part que la possession est paisible dès lors qu'elle est exempte de violences matérielles ou morales dans son appréhension ou durant son cours ; qu'en jugeant, en l'espèce, que le commandement d'avoir à quitter les lieux délivré le 3 juin 2004 à la requête de M. Y Y avait retiré tout caractère paisible à la possession de la parcelle litigieuse par Mme ..., sans constater l'existence d'aucune violence par laquelle cette possession aurait été maintenue postérieurement au commandement, la cour d'appel a violé l'article 2229 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Alors d'autre part que seule la prescription extinctive, à l'exclusion de la prescription acquisitive, est susceptible d'être interrompue par un commandement ; qu'en retenant, au cas présent, que le commandement d'avoir à quitter les lieux délivré le 3 juin 2004 à la requête de M. Y Y avait interrompu la prescription acquisitive de la parcelle occupée par Mme ..., la cour d'appel a violé l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 ;
Alors subsidiairement qu'un commandement n'a d'effet interruptif de prescription qu'à la condition de procéder d'un titre exécutoire ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué (p. 3, dernier § et p. 4, dernier §) que le commandement d'avoir à quitter les lieux délivré le 3 juin 2004 à la requête de M. Y Y reposait sur des décisions de justice dépourvues de caractère exécutoire à l'égard de Mme ..., qui n'était pas partie aux instances dans le cadre desquelles ces décisions avaient été rendues ; qu'en estimant néanmoins que ce commandement avait interrompu la prescription acquisitive de la parcelle occupée par Mme ..., la cour a violé l'article 2244 précité.

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