No K 12-86.054 F P+B No 2388
CI 17 AVRIL 2013
CASSATION PARTIELLE
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept avril deux mille treize, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de M. le conseiller ..., les observations de la société civile professionnelle POTIER de la VARDE et BUK-LAMENT, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ... ;
Statuant sur le pourvoi formé par
- M. Stéphane Z,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 22 juin 2012, qui, pour refus de se soumettre à un prélèvement biologique, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 111-4 du code pénal, 591, 593 et 706-56 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Z coupable du délit de refus de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à permettre l'identification de son empreinte génétique ;
"aux motifs qu'il est constant et non contesté que par jugement du 17 octobre 2008, le tribunal correctionnel de Dijon a condamné M. Stéphane Z pour des faits de dégradations et violences commises en réunion le 15 octobre 2008 ; que M. Z n'est pas fondé en ses allégations de nullité du prélèvement biologique dont s'agit qui a été régulièrement requis par le ministère public en application de l'article 706-56 du code de procédure pénale, lequel reconnaît, en son 5e alinéa, la faculté, pour le procureur de la République, à défaut de l'accord du condamné, de recueillir ledit prélèvement ; que tel est le cas en l'espèce dès lors que le 22 avril 2009, le procureur de la République a requis, par écrit, le directeur du service régional d'identité judiciaire de Dijon de bien vouloir, vu la condamnation prononcée contre lui le 17 octobre 2008, procéder à un prélèvement biologique sur la personne de M. Z et de le faire analyser pour transmission, au FNAEG, de son profil génétique ; que la cour ne peut, dès lors, que constater que M. Z a refusé, à tort, de se soumettre audit prélèvement, régulièrement requis et qu'il a donc bien commis l'infraction qui lui est reprochée ;
"1o) alors que seul le refus de se soumettre au prélèvement biologique prévu au premier alinéa du paragraphe I de l'article 706-56 du code de procédure pénale, c'est-à-dire le prélèvement auquel l'officier de police judiciaire peut procéder ou faire procéder sous son contrôle, est constitutif du délit prévu et réprimé par le paragraphe II du même texte ; qu'en retenant que M. Z s'était rendu coupable de ce délit en refusant de se soumettre au prélèvement biologique requis par le procureur de la République en application du 5e alinéa du paragraphe I de l'article 706-56 du code de procédure pénale, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés.
"2o) alors, en tout état de cause qu'un prélèvement biologique destiné à permettre l'identification de l'empreinte génétique d'une personne ne peut être effectué sans l'accord de celle-ci sur réquisitions écrites du procureur de la République qu'à la condition que cette personne ait été condamnée pour crime ou déclarée coupable d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement ; qu'en retenant que c'était à tort que M. Z avait refusé de se soumettre au prélèvement requis par le procureur de la République à la suite de sa condamnation pour des faits de dégradations et de violences commises en réunion, délits pourtant punis d'un emprisonnement inférieur à dix ans, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;
Attendu qu'en dépit de la référence erronée à l'article 706-56, alinéa 5, du code de procédure pénale, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués au moyen dès lors que M. Z a été déclaré coupable de refus de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à permettre l'analyse et l'identification de son empreinte génétique en application des dispositions des articles 706-56, § I, alinéa 1, § II, alinéa 1, et 706-55 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-24 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Z à la peine de deux mois d'emprisonnement ;
"aux motifs qu'il y a lieu de porter la sanction à infliger à M. Z à deux mois d'emprisonnement ferme, seule peine de nature à le contraindre à se soumettre au prélèvement dont s'agit, justifié par sa condamnation prononcée pour des faits de violences ;
"alors qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du même code, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 dudit code ; qu'en condamnant M. Z à deux mois d'emprisonnement ferme sans caractériser la nécessité de cette peine ni l'impossibilité d'ordonner une mesure d'aménagement, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes ci-dessus mentionnés";
Vu l'article 132-24 du code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 dudit code ;
Attendu que, pour condamner M. Z à deux mois d'emprisonnement pour refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique, l'arrêt attaqué se borne à retenir, qu'une telle peine d'emprisonnement est la seule peine de nature à le contraindre à se soumettre au prélèvement biologique, justifié par sa condamnation prononcée pour des faits de violences ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans indiquer les raisons pour lesquelles toute autre sanction était manifestement inadéquate, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;
Par ces motifs
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la peine, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Dijon, en date du 22 juin 2012, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale M. Louvel président, M. Moreau conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;