COUR D'APPEL
d'ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
BAP/FB
Numéro d'inscription au répertoire général 11/00690
numéro d'inscription du dossier au répertoire général de la juridiction de première instance
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 07 Février 2011, enregistrée sous le n° 10/00085
ARRÊT DU 21 Mai 2013
APPELANT
Monsieur Thierry Z
CHAUMONT D ANJOU
représenté par Maître Elisabeth POUPEAU, avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉE
SARL TRANSALIVRAC
ST MACAIRE EN MAUGES
représentée par Maître Hélène RABUT, substituant la SCP SULTAN - SOLTNER - PEDRON - LUCAS, avocats au barreau d'ANGERS - N° du dossier 100236
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2012 à 14 H 00 en audience publique et collégiale, devant la cour composée de
Madame Catherine LECAPLAIN-MOREL, président
Madame Brigitte ..., assesseur
Madame Elisabeth PIERRU, vice-président placé
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats Madame LE GALL, greffier
ARRÊT
du 21 Mai 2013, contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par madame LECAPLAIN MOREL, président, et par Madame LE GALL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
M. Thierry Z a été engagé par la société Grand lieu transports, sise à Saint Aignan de Grand Lieu (44 860), en qualité de conducteur routier, groupe 7, coefficient 150 M, de l'annexe ouvriers de la convention collective nationale des transports, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 4 décembre 2006, à effet du même jour.
Son contrat de travail avec la société Grand lieu transports a pris fin le 30 septembre 2008.
M. Z a été engagé par la société Transalivrac, sise à Saint Macaire en Mauges (49450), en qualité de conducteur routier, groupe 7, coefficient 150 M, de l'annexe ouvriers de la convention collective nationale des transports, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er octobre 2008, à effet du même jour.
Il était stipulé
- au plan de l'embauche, 'Monsieur Thierry Z s'engage à effectuer tout type de transport nécessaire pour les besoins du service (transports régionaux, nationaux, internationaux) avec les types de véhicules correspondants. Il ne pourra prétendre à aucune affectation exclusive à un service ou à un véhicule',
- au plan de l'ancienneté, 'L'ancienneté dont bénéficie Monsieur Thierry Z au 1er Octobre 2008 est calculée à partir du 04 décembre 2006",
- au plan des conditions d'activité,'M. Thierry Z étant régi par le Décret 83-40 du 26/01/1983 modifié, ayant institué les conducteurs grands routiers, il déclare connaître l'importance de la manipulation de l'appareil de contrôlographe, laquelle détermine le nombre d'heures effectuées et, en corollaire, la rémunération',
- au plan du lieu de travail, 'Le lieu d'affectation de Monsieur Thierry Z est indifféremment soit au siège de l'entreprise, rue de l'Industrie 49 ST MA CAIRE EN MAUGES, soit ZI Nantes Atlantique - la Patouillère - 44 860 ST AIGNAN DE GRAND LIEU, ou dans un rayon de 40 kilomètres autour',
- au plan de la rémunération, 'La rémunération, à périodicité mensuelle, de Monsieur Thierry Z est fixée comme suit
° Salaire conventionnel 9.16 euros de l'heure à la date du contrat
° Frais de déplacement barème conventionnel'.
La société Grand lieu transports et la société Transalivrac sont deux entités juridiques distinctes bien qu'elles aient le même dirigeant, M. ....
La première a pour activité le transport routier de fret de proximité et la seconde le transport routier de frets interurbains.
L'effectif salarié de la société Transalivrac est supérieur à onze.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 juin 2009, M. Z a réclamé à la société Transalivrac d'être rémunéré à hauteur de 43 heures hebdomadaires ou de 186 heures mensuelles, conformément à son poste de 'chauffeur routier national' et à son 'échelon', que ses heures supplémentaires lui soient payées en fin de mois et non tous les trois mois, et que lui soit versée la prime de fin d'année 2008.
La société Transalivrac a répondu négativement à ces demandes, le 1er juillet 2009, également en recommandé avec accusé de réception.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 juillet 2009, M. Z a maintenu ses demandes initiales auprès de la société Transalivrac, qu'elle lui fournisse 43 heures hebdomadaires ou 186 heures mensuelles de travail, se référant en cela au 'décret 83-40 du 26 janvier' et au fait qu'il soit au 'groupe 7 150 M', et qu'elle lui règle la prime de fin d'année 2008, outre qu'il a
sollicité d'être payé de ses heures supplémentaires d'avril et mai 2009.
La société Transalivrac a répondu négativement à ces demandes, le 23 juillet 2009, également en recommandé avec accusé de réception.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 août 2009, la société Transalivrac a convoqué M. Z à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire, fixé au 28 août suivant.
M. Z a fait savoir à la société Transalivrac, le 26 août 2009, qu'il ne se présenterait pas à cet entretien préalable, 'le délai prévu par la loi selon mon avocat ... [devant] être de 5 jours à réception du courrier', sollicitant qu'elle lui donne 'un autre rendez-vous afin que je puisse m'organiser et prévenir la personne extérieure à l'Entreprise qui va m'accompagner'.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 août 2009, M. Z a réitéré auprès de la société Transalivrac que, son 'contrat de travail [étant] de 186 h et depuis 10 mois vous me payez sur 169 h', il '[lui appartenait] de [lui] donner du travail', soulignant, par comparaison avec les autres chauffeurs de l'entreprise, que le problème n'était pas le manque de travail, outre qu'il s'est plaint que, depuis juillet 2009, elle lui fasse 'faire 200 km par jour' pour aller à son travail et en revenir 'alors que les chauffeurs habitant aux alentours de Nantes rentrent chez eux avec leur camion', ajoutant que, depuis la même date, elle lui avait 'retiré son camion, ...[qu'il passait] de véhicule en véhicule et de Société en Société TRANSLIVRAC à MATRALAN', et que quand il roulait 'pour votre Société GLT (GRANDLIEU TRANSPORTS) le camion était à mon domicile car je faisais du Paris en régulier', lui demandant 'comment [elle comptait] régulariser [ses] frais pour aller travailler étant donné que je n'ai plus de camion à mon domicile'.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 2 septembre 2009, la société Transalivrac a notifié à M. Z une mise à pied à titre disciplinaire de trois jours, du 4 au 8 septembre suivant, pour des faits commis entre les 21 et 24 août 2009, et lui a, par ailleurs, apporté réponse relativement aux objections qu'il avait émises dans son écrit du 26 août précédent.
Par lettre dans les mêmes formes du 5 septembre 2009, M. Z a indiqué à la société Transalivrac qu'il '[refusait] la mise à pied de 3 jours, car depuis quelques mois vous avez tout mis en oeuvre pour me faire démissionner', reprenant ses précédents griefs, et lui a précisé que 'suite à cette pression et condition de travail, je ne dors plus la nuit depuis juillet, j'ai dû faire appel à mon médecin traitant, celui-ci m'a prescrit des somnifères à prendre le week-end car la semaine impossible de les prendre avec la conduite', joignant une copie de l'ordonnance du praticien.
Cette mise à pied n'a pas été mise à exécution.
Le 22 septembre 2009, M. Z, par lettre manuscrite remise en main propre à la société Transalivrac le même jour, a informé cette dernière de son 'intention de rompre mon contrat de travail dans le cadre d'une rupture conventionnelle'.
La société Transalivrac lui a délivré le même jour, également en main propre, un courrier de 'convocation à un entretien préalable à une éventuelle rupture conventionnelle de votre contrat de travail' libellé en ces termes
'Monsieur,
Par votre courrier du 22 septembre 2009 remis en main·propre à Monsieur Hervé ..., vous souhaitez quitter la société TRANSALIVRAC dans le cadre d'une rupture conventionnelle de votre contrat de travail.
Afin de convenir ensemble du principe et des modalités de la rupture conventionnelle, nous vous convoquons, conformément aux dispositions légales et
réglementaires en vigueur, à un entretien préalable qui se tiendra le
Lundi 28 septembre 2009, à 9 heures 30
au bureau de Monsieur Hervé ...,
ZI Nantes St Aignan de Grandlieu.
Nous vous rappelons qu'il vous sera loisible de vous faire assister au cours de cet entretien par un membre appartenant au personnel de l'entreprise, ou par une personne figurant sur la liste arrêtée par Ie Préfet de Loire-Atlantique, et dont vous pourrez prendre connaissance
- à la Direction Départementale NANTES
Chaumont d'anjou.
Restant à votre disposition,
Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées'.
La société Transalivrac a adressé, par lettre recommandée avec accusé de réception 14 octobre 2009, à la Direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle du Maine et Loire la demande d'homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail à durée indéterminée de M. Z souscrite et signée le 28 septembre 2009 par M. Z et la société Transalivrac sur l'imprimé réglementaire prévu à cet effet.
La Direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle du Maine et Loire a accusé réception de la dite convention de rupture le 15 octobre 2009 et l'a homologuée le 21 octobre suivant, la retournant le même jour à la société Transalivrac.
Le contrat de travail entre M. Z et la société Transalivrac a pris fin à la date qui avait été convenue dans la convention de rupture, soit le 4 novembre 2009, et la société Transalivrac a délivré à M. Z un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi.
M. Z a saisi le conseil de prud'hommes d'Angers le 25 janvier 2010 aux fins que
- il soit dit que la rupture intervenue le 28 septembre 2009 s'analyse en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, la société Transalivrac soit condamnée à lui verser, outre intérêts, les sommes suivantes
° rappel de salaire 658,75 euros bruts
° incidence congés payés 165, 87 euros bruts
° prime annuelle, à parfaire 1 200 euros bruts
° remboursement des frais d'essence et de péage 614 euros
° indemnité compensatrice de préavis 3 942 euros bruts
° incidence congés payés 394,20 euros bruts
° indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
1 971 euros
° dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 12 000 euros
- il soit ordonné la communication des bulletins de salaire des autre conducteurs routiers d'octobre 2008 à décembre 2009,
- l'exécution provisoire du jugement à intervenir soit ordonnée sur la base d'un salaire moyen de 1 971 euros,
- la société Transalivrac soit condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et supporte les dépens.
Par jugement du 7 février 2011 auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, le conseil de prud'hommes a
- dit la rupture conventionnelle conforme et valable,
- débouté M. Thierry Z de ses demandes d'indemnité et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et demandes subséquentes,
- débouté M. Thierry Z de sa demande de rappel de salaire considérée comme non fondée,
- débouté M. Thierry Z de sa demande de prime annuelle,
- débouté M. Thierry Z de sa demande de communication de pièces,
- débouté M. Thierry Z de sa demande de remboursement de ses frais d'essence et de péage,
- rejeté les demandes des parties pour fais exposés et non compris dans les dépens euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. Thierry Z aux dépens.
Cette décision a été notifiée à M. Z et à la société Transalivrac le 12 février 2011.
M. Z en a formé régulièrement appel, par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 8 mars 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions enregistrées le 12 septembre 2012 reprises et complétées oralement à l'audience, M. Thierry Z sollicite l'infirmation du jugement déféré et, statuant à nouveau, que
- il soit dit que la rupture intervenue le 28 septembre 2009 s'analyse en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, la société Transalivrac soit condamnée à lui verser, outre intérêts, les sommes suivantes
° rappel de salaire 1 658,75 euros bruts
° incidence congés payés 165, 87 euros bruts
° prime annuelle, à parfaire 1 200 euros bruts
° remboursement des frais d'essence et de péage 614 euros
° indemnité compensatrice de préavis 3 942 euros bruts
° incidence congés payés 394,20 euros bruts
° indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
1 971 euros
° dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 12 000 euros
- la société Transalivrac soit condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et supporte les dépens.
Les bulletins de salaire des autres conducteurs routiers, d'octobre 2008 à décembre 2009, ayant été communiqués, il retire sa demande de production des dits bulletins, qui est devenue sans objet.
Il fait valoir que la société Transalivrac à laquelle son contrat de travail a été transféré, après qu'elle ait repris le 1er octobre 2008 la société Grand lieu transports, a unilatéralement modifié son contrat de travail.
En effet, alors qu'au regard de son contrat de travail, aussi bien chez Grand lieu transports que chez Transalivrac, il avait été engagé en tant que conducteur grand routier, d'où une rémunération à hauteur de 186 heures de travail mensuelles (43 heures hebdomadaires), à compter du 1er décembre 2008 il n'a plus été payé que sur une base de 169 heures de travail mensuelles, outre que ses relevés d'activité montrent, qu'alors que ses collègues continuaient à effectuer plus de 200 heures de travail par mois, l'employeur a volontairement réduit son temps de travail à un niveau encore inférieur à ces 169 heures mensuelles, jusqu'à moins de 100 heures par mois.
Il est donc en droit d'obtenir le rappel de salaires correspondant, ainsi que les congés payés afférents.
De même, la société Transalivrac, en ne lui confiant plus que des transports de courte distance, a réduit considérablement le montant de ses indemnités de déplacement et de son salaire mensuel net versé.
Il est le seul, dans l'entreprise, à avoir subi une modification de son contrat de travail.
Il indique, par ailleurs, que la rupture conventionnelle de son contrat de travail n'a pas été conclue dans les conditions nécessaires à sa validité.
D'une part, son consentement a été vicié
- en ce qu'il n'a pas été donné en toute connaissance de cause, faute que lui aient été fournies les informations préalables nécessaires,
- en ce que c'est sous 'la contrainte et la dictée' de son employeur qu'il a rédigé la lettre du 22 septembre 2009 pour prétendument solliciter une rupture conventionnelle,
- en ce que son état de santé psychologique, dont était parfaitement au fait la société Transalivrac, ne lui permettait pas de donner un consentement libre et éclairé à la rupture conventionnelle.
D'autre part, il ne pouvait y avoir de rupture conventionnelle, alors qu'au moment où la société Transalivrac lui a fait signer 'en catimini' une convention de rupture conventionnelle, existait entre eux 'un litige grave et sérieux'.
La rupture intervenue dans de telles conditions doit s'analyser en un licenciement irrégulier et dénué de cause réelle et sérieuse, source pour lui d'un grave préjudice tant moral que matériel.
Il reprend ses demandes en matière de paiement de la prime annuelle au titre des années 2008 et 2009, de ce qu'elle lui a été versée en décembre 2007, mais non en décembre 2008, ni en décembre 2009, alors qu'elle a pourtant été versée à tous les autres chauffeurs pour un montant de 600 euros, et de remboursement des ses frais de péage et d'essence du 5 septembre 2009 jusqu'à la date de la rupture du contrat de travail, la société ayant du jour au lendemain modifié son contrat de travail en lui supprimant le camion avec lequel il rentrait à son domicile à l'issue de ses tournées.
* * * *
Par conclusions enregistrées le 12 décembre 2012 reprises oralement à l'audience, la société Transalivrac sollicite la confirmation du jugement déféré, hormis en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande, dès lors, que M. Thierry Z soit débouté de l'intégralité de ses prétentions, et condamné à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre qu'il supporte les dépens.
Elle réplique qu'elle n'a pas repris l'activité de la société Grand lieu transports; cette dernière connaissant une forte baisse de son activité en 2008, alors qu'elle-même recrutait, elle a simplement proposé à M. Z de l'engager avec maintien de son ancienneté, d'où conclusion le 1er octobre 2008 d'un nouveau contrat de travail avec une nouvelle entité juridique.
Elle déclare que le contrat de travail de M. Z n'a pas été modifié et qu'il ne peut donc prétendre à aucun rappel de salaire, car
- contrairement à ce qu'il affirme, son contrat de travail ne mentionne pas qu'il a été engagé en qualité de conducteur grand routier, mais en tant que conducteur routier ; la classification conventionnelle est sans incidence pour déterminer si l'on est face à un conducteur longue distance ou courte distance, seul compte le nombre de repos journaliers pris par mois hors du domicile ; peu importe également que le contrat de travail fasse référence au décret n°83-40 du 26 janvier 1983 qui traite globalement des modalités d'application des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises, quels que soient les conducteurs, longue distance ou courte distance ; en conséquence, elle n'avait aucune obligation de lui faire accomplir des heures supplémentaires, c'est à dire au-delà de 169 heures de travail mensuelles, et encore moins de lui faire effectuer 186 heures par mois ; en tout cas, M. Z ne peut se prévaloir de ce qu'il exécutait 186 heures par mois au sein de la société Grand lieu transports puisqu'il s'agit de deux entités juridiques distinctes ; pas plus, M. Z ne peut se plaindre d'une réduction de son temps de travail en deçà de 169 heures mensuelles, alors qu'il a toujours été payé pour l'accomplissement de 169 heures de travail par mois, et qu'elle ne peut être rendue responsable de variations d'activité, ainsi liées à la prise de congés payés ou autres ; de même, M. Z ne peut évoquer une quelconque discrimination par rapport à ses collègues de travail, alors que la consultation de leurs bulletins de salaire sur les mêmes périodes démontre qu'ils n'ont pas tous effectué plus de 169 heures de travail mensuelles,
- outre que M. Z ne peut exciper d'un droit acquis à faire des longues distances, au prétexte qu'il en était ainsi chez Grand lieu transports, si certes les trajets longues distances déclenchent le paiement d'indemnités, ces indemnités ne constituent pas des éléments de salaire.
Quant à la rupture conventionnelle intervenue, elle soutient qu'elle est tout à fait valide, en l'absence de tout vice du consentement de M. Z, tout comme de 'litige grave et sérieux'.
M. Z ne peut prétendre à aucun défaut d'information, d'autant que c'est lui qui a sollicité cette rupture conventionnelle, et ses propres écrits démontrent qu'il n'a jamais hésité à se faire utilement conseiller.
Les allégations de M. Z, selon lesquelles 'c'est sous la contrainte et la dictée de son employeur' qu'il aurait rédigé sa lettre du 22 septembre 2009 demandant à ce que soit mis en place une rupture conventionnelle de son contrat de travail, sont parfaitement 'mensongères' ; d'ailleurs, les éléments qu'il invoque ne justifient en rien de ses dires, et sauf à lui à prouver qu'il n'a pas rédigé ce courrier ou à s'inscrire en faux contre ce document, cet écrit confirme, tant qu'il a bien pris l'initiative d'une rupture conventionnelle, que sa volonté claire et non équivoque de rompre son contrat de travail.
De même, il n'est pas autrement prouvé, hormis par les déclarations de M. Z, que le fait qu'il lui ait été prescrit des somnifères ait un lien avec les prétendues pressions subies au travail, et alors qu'il lui appartient d'établir que son état de santé aurait annihilé toute conscience l'empêchant de comprendre ce qu'il signait ou la portée de ce qu'il signait.
En tout état de cause, elle rappelle la procédure voulue par le législateur en matière de rupture conventionnelle, protectrice et garante de la liberté du consentement des parties, a été respectée en son intégralité, et qu'elle n'a été l'objet d'aucune réaction de M. Z.
Et quant au litige dont M. Z fait état, outre qu'aucune disposition légale n'interdit la conclusion d'une rupture conventionnelle en cas de litige opposant les parties antérieurement ou concomitamment à la signature de la convention de rupture, l'existence d'un litige qui aurait 'poussé' M. Z à signer une rupture conventionnelle n'est pas démontrée.
Subsidiairement, il appartient à M. Z de justifier de sa situation ensuite de la rupture conventionnelle.
Sur le paiement d'une prime annuelle, elle fait remarquer, à titre liminaire, que M. Z ne peut revendiquer, en ce qui la concerne, de primes qui auraient eu cours au sein de la société Grand lieu transports.
Elle précise, à toutes fins, les règles applicables en matière de prime lorsque celle-ci n'est prévue ni par une disposition conventionnelle, ni par une disposition contractuelle, et souligne que
- si M. Z a perçu une prime exceptionnelle en décembre 2007, il n'en a pas été de même ni en 2006, ni en 2008, ni en 2009,
- pour 2008, la société Grand lieu transports a versé une prime exceptionnelle dans le cadre d'un challenge qualité auquel M. Z n'a pas souhaité participer,
- la circonstance que certains de ses collègues aient pu bénéficier d'une prime en 2008 est sans incidence, puisqu'il s'agissait d'une prime exceptionnelle.
Quant au remboursement des frais d'essence et de péage, elle rappelle que le contrat de travail de M. Z ne prévoit pas de prise en charge par l'employeur des frais de trajet domicile-lieu de travail, prise en charge qui ne ressort pas non plus de la convention collective ou de la loi.
Et peu importe que l'entreprise ait auparavant autorisé M. Z à rentrer à son domicile avec un camion, puisqu'il s'agissait d'une simple tolérance, liée au fait que M. Z utilisait le même camion ; or, en juin 2009, l'organisation interne des transports a été modifiée, M. Z n'ayant plus de camion spécifique ; de plus, le contrat de travail stipule qu' 'il ne pourra prétendre à aucune affectation exclusive à un service ou à un véhicule', outre que le camion n'est pas un véhicule de fonction et il ne peut donc être parlé de modification du contrat de travail.
Si M. Z affirme verser aux débats les tickets de caisse d'essence et de péage correspondant aux frais dont il demande le remboursement, il ne les lui a jamais communiqués directement, de telle sorte que sa demande doit, en tout état de cause, être rejetée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la modification du contrat de travail et la demande de rappel de salaires et de congés payés afférents
Il apparaît des bulletins de salaire fournis par M. Z pour une partie de son temps d'emploi au sein de la société Grand lieu transports, soit d'avril 2007 à juillet 2008, ayant été absent pour maladie puis accident du travail en août et septembre 2008, que sa rémunération mensuelle brute s'établissait sur la base de 152 heures au taux normal, 34 heures au taux majoré à 25 % puis 34 heures 33 d'équivalence à 25 %, outre un nombre variable, suivant le mois, d'heures supplémentaires au taux majoré à 50 % ainsi que d'heures de nuit .
Figurait également, en dessous du net imposable, le versement de sommes variables, suivant le mois, sous les intitulés casse-croûte, repas, nuit.
Une fois au service de la société Transalivrac, si, pour le mois d'octobre 2008, sa rémunération mensuelle brute s'est faite sur la base de 151,67 heures au taux normal et 34 heures 33 d'équivalence à 25 %, par la suite et jusqu'à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, sa rémunération mensuelle brute s'est établie sur la base de 151,67 heures au taux normal, 17 heures 33 heures d'équivalence à 25 %, outre un nombre variable, suivant le mois, d'heures supplémentaires au taux majoré à 25 % et à 50 % ainsi que d'heures de nuit.
Figure également, en dessous du net imposable, le versement de sommes variables, suivant le mois, sous les intitulés casse-croûte, repas, nuit.
* *
M. Z vient dire que son contrat de travail auprès de la société Grand lieu transports a été transféré, avec toutes ses obligations donc, le 1er octobre 2008, à la société Transalivrac, à la suite de la reprise de la société Grand lieu transports par la société Transalivrac.
Cependant, pour que les dispositions des articles L.1224-1 et suivants du code du travail trouvent à s'appliquer, encore faut-il que soit établie la modification dans la situation juridique de l'employeur requise par l'article
L.1224-1.
Or, sauf à affirmer cette modification dans la situation juridique de la société Grand lieu transports au profit de la société Transalivrac, M. Z ne produit aucun élément qui vienne l'accréditer, alors qu'au regard des extraits K Bis fournis par la société Transalivrac, celle-ci et la société Grand lieu transports sont des entités juridiques distinctes, bien qu'ayant le même dirigeant.
Dès lors, une éventuelle modification du contrat de travail de M. Z n'est à examiner qu'au regard du contrat de travail qu'il a signé avec la société Transalivrac le 1er octobre 2008.
* *
M. Z vient dire qu'il est conducteur grand routier ou longue distance, visant tant l'article III de son contrat de travail (qui ne peut être que celui du 1er octobre 2008) portant sur ses 'conditions d'activité' et qui évoque 'le décret n°83-40 du 26 janvier 1983 modifié, ayant institué les conducteurs grands routiers', que sa classification conventionnelle.
L'article III susvisé parle effectivement du fait que M. Z est régi par 'le décret n°83-40 du 26 janvier 1983 modifié, ayant institué les conducteurs grands routiers' ; néanmoins, cette évocation doit être replacée dans son contexte, et il convient, par conséquent, de reprendre la clause contractuelle dont s'agit.
Il est indiqué
'M. Thierry Z étant régi par le Décret 83-40 du 26/01/1983 modifié, ayant institué les conducteurs grands routiers, il déclare connaître l'importance de la manipulation de l'appareil de contrôlographe, laquelle détermine le nombre d'heures effectuées et, en corollaire, la rémunération.
M. Thierry Z s'engage, en conséquence, à activer, conformément aux règlements, le dispositif de commutation du chronotachygraphe permettant d'enregistrer distinctement les temps de conduite, les autres travaux, les temps à disposition et les temps libres.
En tout état de cause, la Direction se réserve la possibilité de rectifier, après analyse contradictoire, les résultats résultant d'une manipulation incorrecte de l'appareil de contrôlographe, laquelle serait susceptible, par ailleurs d'entraîner des poursuites disciplinaires'.
Cette rédaction ne permet pas de conclure que la société Transalivrac, via cette référence au 'décret n°83-40 du 26 janvier 1983 modifié, ayant institué les conducteurs grands routiers', a entendu conférer le statut conducteur grand routier ou longue distance à M. Z, d'autant que l'article I du dit contrat, qui traite de l' 'engagement' de M. Z au sein de la société Transalivrac, spécifie qu'il est embauché 'en qualité de conducteur routier' sans autres précisions, et qu'il 's'engage à effectuer tout type de transport nécessaire pour les besoins du service'.
Pas plus, il n'est fait état, dans ce contrat de travail, d'un horaire de travail sur lequel se seraient arrêtées les parties ; au contraire, il est simplement mentionné que la rémunération sera versée mensuellement, et sur la base du salaire horaire conventionnel en vigueur.
Ainsi que le fait justement remarquer la société Transalivrac, le décret n°83-40 du 26 janvier 1983, plusieurs fois modifié, est relatif aux modalités d'application des dispositions du code du travail concernant la durée du travail dans les transports routiers, et plus spécifiquement dans les entreprises de transports routiers de marchandises, et, à ce titre, concerne l'ensemble des personnels roulants travaillant au sein de ces entreprises, donc aussi bien les conducteurs grands routiers ou longue distance que les conducteurs courte distance.
Pas plus la qualification du salarié, que son groupe ou son coefficient au regard de la convention collective applicable, ne déterminent son classement en conducteur routier longue distance ou courte distance.
Le seul élément qui permette ce classement est, par application de l'article 5-2° du décret n°83-40 du 26 janvier 1983 modifié, le nombre de repos journaliers pris chaque mois par le salarié hors du domicile.
Lorsqu'au moins six repos journaliers sont pris chaque mois hors du domicile, le salarié est conducteur grand routier ou longue distance ; en revanche, lorsque le nombre de repos journaliers pris chaque mois hors du domicile est inférieur à cinq, le salarié est conducteur routier courte distance.
M. Z ne conteste pas que le nombre de ses repos journaliers pris chaque mois hors de son domicile ait été inférieur au seuil requis pour être considéré comme un conducteur grand routier ou longue distance.
* *
Peu importe également que M. Z ait travaillé son premier mois d'emploi (et non ses deux premiers mois) auprès de la société Transalivrac avec une rémunération brute mensuelle de base conducteur grand routier ou longue distance, dès lors que l'employeur, en l'absence de stipulation contractuelle claire et précise, est libre d'affecter son salarié à un service puis à un autre.
Et, alors que M. Z n'a pas contractuellement le statut de conducteur grand routier ou longue distance pour le temps de son emploi auprès de la société Transalivrac, il ne peut, en l'absence, par conséquent, de modification de son contrat de travail, se plaindre de ce que le fait qu'il soit employé sur les
courtes distances lui fasse perdre, pour partie, le bénéfice des indemnités 'de déplacement' auxquelles peut prétendre le conducteur grand routier ou longue distance, d'autant que les indemnités dont s'agit, répertoriées dans ses bulletins de salaire sous les intitulés casse-croûte, repas, nuit, correspondent, ainsi que le montre leur emplacement sur les dits bulletins de salaire, au remboursement de frais réellement exposés par le salarié qui ne sont pas comprises par la convention collective applicable dans les éléments de rémunération à prendre en considération afin de déterminer si la rémunération effective du salarié est au moins égale à la rémunération globale garantie correspondant à son emploi, à son ancienneté dans l'entreprise et à la durée du travail effectif pendant la période considérée.
* *
Il est tout aussi indifférent que M. Z fasse état d'une discrimination dans l'entreprise, parlant d'absence d'égalité de traitement entre les salariés de la société Transalivrac, au motif qu'il aurait été le seul de ces salariés à subir la modification de son contrat de travail dans les termes qu'il invoque.
L'on a dit que la société Transalivrac n'avait pas procédé à une modification du contrat de travail de M. Z, en ce que ce contrat n'a jamais assuré à M. Z le statut de conducteur grand routier ou longue distance.
D'autre part, comme le souligne à juste titre la société Transalivrac fournissant les bulletins de salaire de ses autres conducteurs routiers pour l'ensemble de la période considérée, M. Z n'est pas le seul dans l'entreprise à avoir été dans une situation similaire à la sienne, outre que la revendication de M. Z est inopérante quant à l'objet du litige, puisqu'elle se fonde sur la question des éventuelles heures supplémentaires qui auraient pu lui être accordées, alors qu'il réclame un rappel de salaires et de congés payés afférents, à savoir la différence entre les sommes qui lui ont été mensuellement versées et les sommes qui lui auraient été versées en tant que conducteur grand routier ou longue distance du chef de la rémunération du temps de service, donc hors heures supplémentaires qui ne se déclenchent qu'une fois la durée du temps de service prévu atteinte, conformément au décret n°83-40 du 26 janvier 1983 modifié.
Or, M. Z, et il ne le conteste pas, a toujours été payé par la société Transalivrac sur la base du temps de service prévu au décret n°83-40 du 26 janvier 1983 modifié, hormis événements qui amenaient M. Z à ne pas effectuer ce temps de service (ainsi des absences pour congés payés ou autres ...).
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Dans ces conditions, la décision des premiers juges qui a débouté M. Z de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents sera confirmée, au besoin par substitution de motifs.
Sur la rupture conventionnelle
Si la possibilité d'une rupture amiable du contrat de travail à durée indéterminée avait été reconnue aux parties au bénéfice de l'article 1134 du code civil, depuis la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, le code du travail mentionne, à l'article L.1231-1, que le contrat de travail à durée indéterminée, passé la période d'essai, 'peut être rompu à
l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre'.
A ainsi été introduit aux articles 1237-11 et suivants du dit code un procédé de rupture du contrat de travail à durée indéterminée, dénommé 'rupture conventionnelle'.
L'article 1237-11 définit la rupture conventionnelle en ces termes
'L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties'.
Sont dès lors prévus par
- l'article L.1237-12, que le principe de la rupture conventionnelle est arrêté lors d'un ou de plusieurs entretiens au cours desquels le salarié, et l'employeur si le salarié y a lui-même recours, peuvent se faire assister,
- l'article L.1237-13, qu'est établie entre l'employeur et le salarié une convention de rupture qui définit les conditions de la dite rupture, et spécifiquement le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle, outre de fixer la date de rupture du contrat de travail, convention qui est signée par chacune des parties qui dispose, à compter de cette signature, d'un délai de 'quinze jours calendaires' afin de se rétracter,
- l'article L.1237-14, que ce n'est qu'à l'issue du délai de rétractation, que l'une ou l'autre des parties, 'la plus diligente', adresse à l'autorité administrative compétente, avec un exemplaire de la convention de rupture, une demande d'homologation de la dite convention, l'autorité administrative disposant d'un délai de 'quinze jours ouvrables', à compter de la réception de la demande d'homologation, 'pour s'assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties', la validité de la convention étant subordonnée à cette homologation.
Cependant, quand bien même l'autorité administrative est-elle chargée de procéder à ces contrôles, tout litige qui viendrait à concerner, soit la convention, soit l'homologation, soit le refus d'homologation, ressort de la compétence exclusive du conseil de prud'hommes, conformément au dernier alinéa de l'article L.1237-14.
* * * *
M. Z, pour dire que la convention de rupture qu'il a signée avec la société Transalivrac le 28 septembre 2009, et qui a été homologuée par la Direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle du Maine et Loire le 21 octobre suivant, n'a pas valablement été conclue déclare que 'son consentement a été vicié et [qu'] en l'état du litige existant entre les parties il ne pouvait y avoir de rupture conventionnelle'.
L'article 1237-11 précité requiert, en effet, que la liberté du consentement dans la conclusion de la rupture conventionnelle soit entière, spécifiant par ailleurs qu'une telle rupture ne peut être imposée à l'une comme à l'autre des parties.
Si certes cet article, ainsi que le souligne la société Transalivrac, indique que cette garantie de la liberté du consentement des parties passe par le suivi de la procédure exigée, l'article L.1237-14 a conféré au juge prud'homal une compétence exclusive, notamment, pour procéder à l'examen de la convention souscrite, aurait-elle reçu l'aval de l'autorité administrative dont l'une des tâches préalables à l'homologation est pourtant de s'assurer de cette liberté du consentement des parties, par application du même article.
Dès lors qu'il n'a pas été estimé par le législateur que les conditions dans lesquelles l'homologation avait été délivrée, ainsi sur le contrôle de la liberté des consentements, relevaient de la compétence de la juridiction administrative, et qu'une fois ce contentieux épuisé, la convention ne pouvait plus être remise en cause quant à cette liberté des consentements, sauf à porter atteinte au principe de la séparation des juridictions de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire, le juge prud'homal a donc toute latitude, lorsqu'un litige est soulevé relativement à la convention souscrite, de s'assurer tant de la réalité de la liberté du consentement de M. Z, tout comme que la signature de cette convention ne lui a pas été imposée par la société Transalivrac.
* * * *
M. Z, invoquant le fait que son consentement a été vicié, consentement qui, conformément à l'article 1108 du code civil, est l'une des quatre conditions essentielles pour la validité d'une convention, il convient de rappeler les dispositions de l'article 1109 du même code, selon lesquelles
'Il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par le dol'.
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M. Z excipe, en premier lieu, du défaut d'information de la part de la société Transalivrac, en ce que cette dernière n'a suivi, dit-il, ni les prescriptions de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, ni celles de la circulaire de la direction générale du travail 2008-11 du 22 juillet 2008, qui demandaient à ce qu'il lui soit indiqué, avant qu'il ne consente, qu'il pouvait prendre tous les contacts qu'il souhaitait, tant pour envisager la suite de son parcours professionnel, que pour recueillir les informations et avis nécessaires à sa décision.
Il conclut à son ignorance sur ce qu'impliquait une rupture conventionnelle, la société Transalivrac l'ayant avisé uniquement de la possibilité qu'il avait de se faire assister.
D'après l'article 1110 du code civil, l'erreur 'n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet'.
À supposer que M. Z invoque une telle erreur, alors qu'il ne parle que de défaut d'information et d'ignorance de sa part, ce n'est pas pour autant qu'il démontre en quoi le défaut d'information qu'il impute à la société Transalivrac aurait pu être la cause d'une telle erreur, de même d'ailleurs sur quoi, exactement, son erreur aurait porté.
Au surplus, l'on ne voit pas en quoi le fait que la société Transalivrac ne lui ait pas indiqué qu'il pouvait s'entourer de tous les avis nécessaires serait cause d'une erreur de sa part sur la substance même de la chose qui est l'objet de la rupture conventionnelle, d'autant que les textes auxquels il se réfère n'ont pas valeur normative et que la loi, intervenue ensuite de l'ANI du 11 janvier 2008, n'impose à l'employeur que d'informer le salarié de la possibilité de se faire assister selon les modalités qui sont précisées par l'article L.1237-12.
Or, cette information et ses modalités ont été précisées par la société Transalivrac à M. Z le 22 septembre 2008, courrier qu'il ne conteste pas.
En outre, après la signature de la convention de rupture et avant son homologation qui est la condition de la validité de cette convention, M. Z avait toute latitude, quinze jours lui étant laissés à cette fin, de prendre les informations et avis qu'il souhaitait relativement à la portée de son engagement, ainsi que le prévoit l'article L.1237-13, et il ne justifie, ni n'allègue pas même, en avoir été empêché d'une manière ou d'une autre.
Dans ces conditions, il ne peut être considéré que le défaut d'information avancé par M. Z a été source d'une quelconque erreur ayant vicié le consentement qu'il a donné à la rupture conventionnelle.
* *
M. Z excipe, en deuxième lieu, que sa lettre du 22 septembre 2008, par laquelle il a sollicité de la société Transalivrac la conclusion d'une rupture conventionnelle, aurait été rédigée sous la contrainte de son employeur, qui la lui aurait dictée, arguant de ce que cela ressort et du caractère manuscrit de cet écrit alors qu'il dactylographie toujours les courriers qu'il adresse à la société Transalivrac, et du fait que, le même jour, cette dernière lui a remis une convocation,
dactylographiée quant à elle, pour un entretien en vue de cette rupture conventionnelle, ensemble de signes qui démontre que l'employeur avait déjà préparé cette convocation ce qui conforte l'absence de caractère spontané de son propre courrier.
Il ajoute que les délais très courts entre l'engagement de la procédure et l'établissement de la convention de rupture, le fait qu'il n'y ait eu qu'un seul entretien, caractérisent une conclusion hâtive de la dite convention.
Si la violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité, l'article 1112 du code précise qu'il n'y a violence que 'lorsqu'elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent', étant aussi dit qu' 'on a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe et à la condition des personnes'.
Aucun des éléments qui viennent d'être rapportés ne sont de nature à caractériser l'acte de violence, au sens de l'article 1112 précité, qui aurait été commis par la société Transalivrac sur M. Z ayant amené ce dernier à consentir à la rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Si M. Z évoque une contrainte, et non une violence d'ailleurs, de son employeur sur sa personne, les circonstances qu'il décrit, sont déjà non déterminantes d'une quelconque contrainte ; l'on ne peut parler de contrainte, au prétexte que les lettres de M. Z à son employeur qui figurent au dossier sont dactylographiées alors que sa lettre du 22 septembre 2008 est manuscrite, que la remise par l'employeur de la convocation à l'entretien en vue de l'établissement de la convention de rupture intervient le même jour que celui où le salarié sollicite cette rupture conventionnelle, ou qu'il n'y ait qu'un entretien et que, de fait, les délais soient brefs entre la convocation à l'entretien et l'établissement de la convention de rupture, d'autant que si la loi prévoit que plusieurs entretiens puissent être menés, elle n'impose la tenue que d'au moins un entretien, de même qu'elle ne détermine pas de délai entre le moment où le salarié est convoqué en entretien et le moment où la convention de rupture est formalisée (cf articles du code du travail précités).
Ces éléments sont encore moins propres à illustrer la violence requise, seule susceptible, si elle était avérée, de permettre l'annulation de la convention conclue.
M. Z parle d'un 'état de santé psychologique qui ne lui permettait pas de donner un consentement libre et éclairé à la rupture conventionnelle', se rapportant à sa lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 septembre 2009 à la société Transalivrac dans laquelle il dénonce les pressions exercées par son employeur qui feraient que, depuis le mois de juillet 2009, il ne dormirait plus la nuit et se serait tourné vers son médecin traitant qui lui a prescrit des somnifères à prendre le week-end puisque la semaine il conduit, y joignant l'ordonnance de ce praticien.
Que M. Z ait des plaintes à émettre contre la société Transalivrac est indéniable, au regard de la succession des lettres entre les parties depuis le 21 juin 2009, outre que lui a été infligé une mise à pied disciplinaire à exécuter du 4 au 8 septembre 2009 qui n'a finalement pas été mise à exécution.
De même, qu'il ait pu se faire prescrire des somnifères par son médecin est une chose, que cette prescription soit en rapport avec les attitudes qu'auraient eues son employeur à son égard en est une autre, qui ne peut être démontrée par la seule ordonnance du dit praticien.
Pas plus, M. Z ne prouve, via cette ordonnance, qu'il aurait été dans un état de vulnérabilité particulière au moment où il a conclu la convention de rupture de son contrat de travail avec la société Transalivrac, d'autant que, de toute façon, aucun acte de violence préalable qu'aurait commis l'employeur sur son salarié dans le processus de cette convention de rupture n'est justifié.
Dans ces conditions, il ne peut être considéré que M. Z a été victime de violence ayant vicié le consentement qu'il a donné à la rupture conventionnelle.
* *
Les éléments invoqués par M. Z ne peuvent pas plus caractériser un dol de la part de la société Transalivrac, le dol, cause de nullité de la convention, étant défini par l'article 1116 du code civil, comme 'des manoeuvres pratiquées par l'une des parties', qui sont 'telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté'.
Rien de ce qu'a pu dire M. Z au plan des précédents développements ne permet de caractériser, de la part de la société Transalivrac, des manoeuvres sans lesquelles il n'aurait pas consenti à la rupture conventionnelle.
Dans ces conditions, il ne peut être considéré que M. Z a été victime de dol ayant vicié le consentement qu'il a donné à la rupture conventionnelle.
* * * *
M. Z n'établissant pas les vices du consentement dont il se prévaut, reste à examiner si la rupture conventionnelle lui a été imposée par la société Transalivrac, au regard du litige 'grave et sérieux' qui, selon lui, les opposait.
La société Transalivrac vient dire qu'un tel litige n'est pas constitué, et qu'à supposer qu'il ait existé, il était clos lorsque le processus de rupture conventionnelle a été enclenché.
S'il n'est pas niable, de l'ensemble des courriers adressés par M. Z du 21 juin au 5 septembre 2009 à son employeur, que celui-ci n'a cessé de remettre en cause à cette période les conditions d'exécution de son contrat de travail par la société Transalivrac, encore faut-il, des termes mêmes de la loi selon lesquels la rupture conventionnelle ne peut avoir été imposée ni à l'une ni à l'autre des parties, que M. Z établisse que cette rupture conventionnelle lui a été imposée par la société Transalivrac.
Or, c'est bien M. Z, et alors qu'il n'allègue pas même qu'il était sous la menace directe d'un licenciement de la part de son employeur, qui a sollicité la société Transalivrac, le 22 septembre 2008, pour que son contrat de travail prenne fin par une rupture conventionnelle, étant rappelé que la cour a précédemment écarté le moyen tiré d'une prétendue contrainte exercée par l'employeur.
* * * *
Dans ces conditions, M. Z manquant à faire la preuve de ce que la rupture conventionnelle signée le 28 septembre 2009 avec la société Transalivrac, qui a, par ailleurs, été conduite dans les formes requises par le code du travail et homologuée par la Direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle du Maine et Loire le 21 octobre suivant, lui a été imposée par son employeur, tout comme que son consentement a été affecté par une erreur, une violence ou un dol du même, la décision des premiers juges qui l'a débouté de sa demande d'annulation de la convention de rupture, de voir dire qu'il s'agit d'un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, comme de ses demandes financières consécutives, doit être confirmée.
Sur la prime annuelle pour 2008 et 2009
M. Z revendique le paiement par la société Transalivrac d'une prime annuelle en 2008 et 2009, versée en décembre, à raison d'une somme de 1 200 euros bruts au total.
Une telle prime n'est pas prévue par le contrat de travail de M. Z souscrit le 1er octobre 2008 avec la société Transalivrac, seul contrat dont M. Z puisse se prévaloir en l'absence de transfert de son contrat de travail de la société Grand lieu transports à la société Transalivrac dans les conditions de l'article L.1224-1 du code du travail.
M. Z ne dément pas, ce qui apparaît des bulletins de salaire des autres conducteurs de l'entreprise produits par la société Transalivrac pour le mois de décembre 2008, qu'il s'agisse d'une prime exceptionnelle ; d'ailleurs quatre de ces conducteurs n'en ont pas plus bénéficié que M. Z contrairement à ses dires qui laissaient présumer une inégalité de traitement entre les salariés, et les autres dans des proportions variables.
Dès lors, et faute d'éléments contraires apportés par M. Z, l'on est en face d'une gratification dite bénévole, dont l'employeur peut décider, en toute liberté, de l'opportunité du versement, ainsi que de son montant, n'étant pas démontré que l'égalité entre les salariés n'a pas été respectée.
Dans ces conditions, la décision des premiers juges qui a débouté M. Z du versement de cette prime au titre de l'année 2008 doit être confirmée.
Du fait de son caractère de gratification dite bénévole, et alors qu'il avait au surplus quitté l'entreprise avant son versement en décembre 2009, M. Z ne peut pas plus prétendre à percevoir une prime au titre de l'année 2009.
Dans ces conditions, la décision des premiers juges qui a débouté M. Z du versement de cette prime au titre de l'année 2009 doit être confirmée.
Sur le remboursement de frais
M. Z sollicite le remboursement de ses frais de péage et d'essence pour ce qui est de la période allant du 5 septembre 2009 jusqu'à la rupture conventionnelle de son contrat de travail le 4 novembre suivant.
Il s'agit de ses frais de transport domicile-lieu de travail.
L'employeur n'a pas l'obligation, dans le principe, de prendre en charge les frais de transports personnels ; depuis la loi n°2008-1330 du 17 décembre 2008, il peut prendre en charge certains de ses frais, suivant des modalités définies par les articles L.3261-3 et suivants, R.3261-11 et suivants du code du travail.
Néanmoins, M. Z, ce qui n'est pas absolument pas contesté par la société Transalivrac, bénéficiait jusqu'en juin 2009 de l'utilisation du camion qui lui était alors affecté afin d'effectuer ses trajets domicile-lieu de travail et n'engageait aucun frais à ce titre qui étaient supportés par l'employeur.
La société Transalivrac ne dénie pas plus les propos de M. Z contenus dans sa lettre à son intention du 31 août 2009, d'après lesquels certains autres chauffeurs rentrent toujours à leur domicile avec le camion de l'entreprise.
Dès lors, il ne s'agit pas d'une 'tolérance' comme l'indique la société Transalivrac, mais bien d'un usage d'entreprise.
Les avantages consentis aux salariés par un tel usage ne sont pas intégrés au contrat de travail et, donc leur suppression par l'employeur ne peut être source de modification du contrat de travail. Cependant, si l'employeur est en droit de les supprimer unilatéralement, c'est à condition toutefois
- d'une part, d'en informer les institutions représentatives du personnel, et, de manière individuelle,
par écrit, chaque salarié concerné,
- d'autre part, de respecter un délai de prévenance suffisant.
La société Transalivrac n'apporte aucunement la preuve, qui lui incombe, de ce qu'elle ait respecté la procédure ci-dessus énoncée.
Néanmoins, M. Z devra être débouté de sa demande de remboursement de ses frais de péage et d'essence, en ce que si figurent bien à son dossier des tickets de carte bancaire se rapportant à des paiements de péage et de carburant, en dépit du moyen tiré de la violation du principe du contradictoire soulevé par son adversaire, il ne justifie toujours pas en cause d'appel, pas plus qu'il ne le faisait en première instance, de la communication de ces pièces à l'employeur, étant observé qu'il ressort de son bordereau de communication de pièces que les dernières pièces communiquées l'ont été le jour même de l'audience. En effet, en l'absence de pièces recevables, force est de constater qu'il ne fait pas la preuve des frais dont il demande le remboursement.
Dans ces conditions, la décision des premiers juges qui a débouté M. Z de sa demande de remboursement de ses frais de péage et d'essence doit être confirmée.
Sur les frais et dépens
La décision des premiers juges est confirmée en ce qu'elle a débouté M. Z de sa demande du chef de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'elle l'a condamné aux dépens, mais infirmée en ce qu'elle a débouté la société Transalivrac de sa demande au titre de ses frais irrépétibles de première instance.
M. Z est débouté de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
M. Z est condamné à verser à la société Transalivrac la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à l'infirmer en ce qu'il a débouté la société Transalivrac de sa demande au titre de ses frais irrépétibles de première instance,
Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,
Déboute M. Thierry Z de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne M. Thierry Z à verser à la société Transalivrac la somme de 1 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne M. Thierry Z aux entiers dépens de l'instance d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Sylvie ... ... Catherine LECAPLAIN-MOREL