Jurisprudence : CAA Lyon, 3e, 07-02-2013, n° 12LY01919

Références

COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON

N° 12LY01919
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre - formation à 3
lecture du jeudi 07 février 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 2012, présentée pour Mme A...B..., domiciliée...;


Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101325 en date du 24 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur sa demande de validation de ses services accomplis au centre de lutte contre le cancer Jean Perrin de Clermont-Ferrand du 1er octobre 1977 au 31 décembre 1984, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 102 432 euros à titre de réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

2°) de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 103 596 euros en réparation du préjudice subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision attaquée ne comporte aucune motivation ;
- les professeurs d'université-praticiens hospitaliers (PU-PH) et les maîtres de conférences d'université-praticiens hospitaliers (MCU-PH) affectés dans des établissements liés par des conventions à un centre hospitalier universitaire et à une faculté de médecine restent affiliés au régime de la fonction publique hospitalière ; ainsi, l'affectation de ces personnels dans un établissement privé, tel le centre de lutte contre le cancer Jean Perrin, lié par convention notamment avec le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, ne les prive pas de leur statut de fonctionnaires de la fonction publique hospitalière ;
- le personnel du centre de lutte contre le cancer, qui participe au service public hospitalier, doit bénéficier du même régime social que le personnel des services publics hospitaliers, conformément au principe d'égalité devant la loi garanti par les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- du fait de la répartition des spécialités entre le centre hospitalier universitaire et le centre de lutte contre le cancer, aucune différence de traitement ne doit être opérée, dès lors que les activités universitaires et hospitalières sont indissociables au terme de l'ordonnance du 30 décembre 1958 ; ainsi, exclure ces praticiens hospitaliers de leurs droits constitue une décision entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation du principe d'égalité ;
- c'est à tort que le Tribunal a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- les praticiens auxquels on a opposé un refus de prendre en considération les services auxiliaires accomplis au centre de lutte contre le cancer, pour le calcul de leur retraite, connaissent une différence de traitement injustifiée, d'autant plus s'ils ont été obligatoirement affectés dans cet établissement ;
- dès lors que les services accomplis dans un établissement privé participant au service public hospitalier et administré par un conseil d'administration présidé par le préfet de région peuvent être pris en compte pour la durée des services effectifs mentionnés par les dispositions de l'article 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le ministre qui, en outre, ne peut légalement lui opposer la circonstance qu'elle n'a pas exercé les fonctions de PU-PH ou de MCU-PH durant la période concernée, a commis une erreur de droit en rejetant sa demande ;
- l'Etat devra être condamné à lui verser une somme représentant le préjudice subi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2012, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité qui n'ont pas été présentées par mémoire distinct ne sont pas recevables ;
- s'agissant du refus de valider le services litigieux, il s'en remet aux moyens et conclusions présentés en première instance et ajoute que la production de la convention d'association du 4 juillet 1973 établie entre le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et le centre de lutte contre le cancer Jean Perrin est sans incidence sur le refus opposé à l'intéressée ;
- l'arrêté du 31 juillet 1970 autorisant la validation pour la retraite des services accomplis par les personnels temporaires des centres hospitaliers et universitaires permet uniquement la validation des services accomplis dans les centres hospitaliers et universitaires ;
- au cours de la période litigieuse, l'intéressée a cotisé au régime général pour la retraite de base et également à l'Union de prévoyance des cadres pour la retraite complémentaire ; or, aucune disposition du code des pensions civiles et militaires de retraite ne prévoit la possibilité d'annuler et de reverser au Trésor Public des cotisations versées à une régime de retraite complémentaire autre que l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC) ; en outre les dispositions de ce code s'opposent à ce qu'un agent puisse bénéficier d'un droit à pension au titre de deux régimes différents pour une même activité ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 84-135 du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Truno, avocat de MmeB..., requérante ;

1. Considérant que MmeB..., maître de conférences des universités-praticien hospitalier (MCU-PH), a demandé, par un courrier daté du 20 juillet 2010, au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre de la constitution de son dossier de pension de retraite, la validation de ses services accomplis au centre de lutte contre le cancer Jean Perrin de Clermont-Ferrand pour la période du 1er octobre 1977 au 31 décembre 1984 ; que par un courrier daté du 27 juillet 2010, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche lui a fait savoir qu'il procédait à la transmission de cette demande au service compétent et lui a indiqué qu'elle serait tenue directement informée de la suite réservée à sa démarche ; que, par jugement en date du 24 mai 2012, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui avait été saisi par l'intéressée, d'une part, d'une demande tendant à l'annulation du courrier du 27 juillet 2010, d'autre part d'une demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme en réparation du préjudice subi, après avoir estimé, qu'en sollicitant l'annulation de la correspondance du 27 juillet 2010, qui constitue une simple lettre d'attente, la requérante devait être regardée comme ayant entendu demander l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur sa demande de validation de ses services accomplis au centre de lutte contre le cancer Jean Perrin de Clermont-Ferrand du 1er octobre 1977 au 31 décembre 1984, a rejeté l'ensemble des demandes présentées par l'intéressée ; que Mme B...qui relève appel de ce jugement en demandant à la Cour d'annuler le courrier susmentionné du 27 juillet 2010 et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 103 596 euros, doit être regardée, au regard de ses conclusions en excès de pouvoir, comme sollicitant l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur sa demande de validation de ses services accomplis au centre de lutte contre le cancer Jean Perrin de Clermont-Ferrand ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité afférente à la méconnaissance par les dispositions de l'article 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite, du principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garanti, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé " ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ;

4. Considérant que la demande présentée par Mme B...devant la Cour tendant à ce que celle-ci transmette au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la méconnaissance par les dispositions de l'article 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite, du principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, n'a pas été présentée par mémoire distinct ; qu'elle est, dès lors irrecevable ;

Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande de MmeB... :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais de recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) " ; que si Mme B...fait valoir, que par lette en date du 9 novembre 2010, elle a relancé le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche afin d'obtenir une réponse à la demande qu'elle avait présentée concernant la validation des services qu'elle avait accomplis au sein du centre de lutte contre le cancer Jean Perrin, il ne ressort pas des termes de ce courrier qu'elle aurait sollicité la communication des motifs qui ont fondé le refus implicite opposé par le ministre à sa demande ; que, dès lors, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite: " (...) Pour les fonctionnaires titularisés au plus tard le 1er janvier 2013, peuvent également être pris en compte pour la constitution du droit à pension les services d'auxiliaire, de temporaire, d'aide ou de contractuel, y compris les périodes de congé régulier pour longue maladie, accomplis dans les administrations centrales de l'Etat, les services extérieurs en dépendant et les établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel et commercial, si la validation des services de cette nature a été autorisée pour cette administration par un arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre des finances et si elle est demandée dans les deux années qui suivent la date de la titularisation ou d'entrée en service pour les militaires sous contrat. " ; qu'aux termes de l'article R. 7 du même code : " (...) Dans chaque ministère, des arrêtés conjoints du ministre intéressé, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé des finances déterminent la nature et le point de départ des services susceptibles d'être validés pour la retraite en application de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 5. (...) Est admise à validation toute période de services effectués - de façon continue ou discontinue, sur un emploi à temps complet ou incomplet, occupé à temps plein ou à temps partiel - quelle qu'en soit la durée, en qualité d'agent non titulaire de l'un des employeurs mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 86-1. (...) " ;

7. Considérant, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite que le législateur a entendu subordonner la validation des services mentionnés par elles à la condition qu'un arrêté interministériel l'autorise ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'un arrêté en date du 31 juillet 1970 a autorisé la validation pour la retraite des services accomplis à temps complet par les personnels temporaires des centres hospitaliers et universitaires ; qu'il est constant que, pour la période concernée par la demande de validation de services sollicitée par l'intéressée, cette dernière était affectée, par le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, au centre de lutte contre le cancer Jean Perrin, en application d'une convention d'association signée entre ces deux parties le 4 juillet 1973 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment, de la convention susmentionnée, que Mme B..., alors qu'elle était affectée au centre de lutte contre le cancer Jean Perrin, ait exercé ses fonctions pour le compte du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand ; que le centre de lutte contre le cancer devant être ainsi regardé comme l'employeur de MmeB..., pour la période litigieuse, cette dernière ne peut se prévaloir ni de ce qu'elle aurait accompli des services en qualité d'agent non titulaire auprès d'un centre hospitalier universitaire, au sens de l'arrêté du 31 juillet 1970 susmentionné, ni de ce qu'elle aurait accompli lesdits services en qualité d'agent non titulaire de l'un des employeurs mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite dont ne font pas partie les établissements privés, tel le centre de lutte contre le cancer Jean Perrin, alors même que ce dernier participe au service public hospitalier et que son conseil d'administration est présidé par le préfet de région ; que, par suite, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreur de droit ;

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