Jurisprudence : Cass. civ. 1, 16-05-2013, n° 12-12.207, F-P+B+I, Cassation

Cass. civ. 1, 16-05-2013, n° 12-12.207, F-P+B+I, Cassation

A5140KDQ

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:C100501

Identifiant Legifrance : JURITEXT000027423802

Référence

Cass. civ. 1, 16-05-2013, n° 12-12.207, F-P+B+I, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8212534-cass-civ-1-16052013-n-1212207-fp-b-i-cassation
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Abstract

Chacun des époux ayant, par application de l'article 221 du Code civil, le pouvoir d'encaisser sur son compte personnel le montant d'un chèque établi à son ordre et à celui de son conjoint pourvu que celui-ci l'ait endossé, le paiement correspondant effectué par la banquier sur le compte personnel de l'époux ne peut être considéré comme indu au titre d'une action en répétition de l'indu (Cass. civ. 1, 16 mai 2013, n° 12-12.207, F-P+B+I ; cf. l’Ouvrage "Droit des régimes matrimoniaux").



CIV. 1 SM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 16 mai 2013
Cassation
M. CHARRUAULT, président
Arrêt no 501 F-P+B+I
Pourvoi no S 12-12.207
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Nasr Z'hinne Zerouali, domicilié Chevilly-Larue,
contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2011 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6 ), dans le litige l'opposant à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France, dont le siège est Paris,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 avril 2013, où étaient présents M. Charruault, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, M. Gridel, conseiller, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M. ..., de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France, l'avis de M. Mellottée, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche Vu les articles 1376 et 1377 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France (la Caisse) a porté au crédit du compte personnel de M. ... un chèque d'un montant de 109 433,80 euros, représentant le produit de la vente d'un bien immobilier commun aux époux ..., qui avait été émis à leur profit et endossé par chacun d'eux, que M. ... a fait virer cette somme sur un compte ouvert à son nom dans les livres d'une banque située à l'étranger ; que Mme ... ayant, à la suite de son divorce, recherché la responsabilité de la Caisse, celle-ci lui a, en vertu d'une transaction, versé la somme de 58 500 euros, puis a agi en répétition de l'indu à l'encontre de M. ... ;

Attendu que pour condamner M. ... à verser à la Caisse la somme de 54 716,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2006, la cour d'appel, après avoir relevé que Mme ... était propriétaire de la moitié de la provision du chèque et que la Caisse n'a fait qu'exécuter son obligation en lui versant la somme correspondante, retient, par motifs propres et adoptés, que cette dernière a un droit, du seul fait du paiement à M. ..., et indépendamment de tout bénéfice d'une quittance subrogative, à restitution de cette somme ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que chacun des époux a, par application de l'article 221 du code civil, le pouvoir d'encaisser sur son compte personnel le montant d'un chèque établi à son ordre et à celui de son conjoint pourvu que celui-ci l'ait endossé, ce dont il résultait que le paiement n'était pas indu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile-de-France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour M. ...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné M. ... à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris et d'Ile de France la somme de 54.716,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2006 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article 131-20, alinéa 1er du code monétaire et financier, l'endossement transmet tous les droits résultant du chèque, et notamment la propriété de la provision ; que lorsque le chèque est établi par le tireur à l'ordre de deux bénéficiaires, chacun de ceux-ci devient propriétaire pour moitié du montant de la provision ; qu'il est démontré par la pièce produite aux débats que le chèque no 5459995 d'un montant de 109.433,80 euros tiré le 18 mai 2001 par Me ... sur la Caisse des dépôts et consignation était à l'ordre de M. et Mme ... et qu'il a été endossé par chacun des bénéficiaires ; qu'il s'évince de ces constatations que Mme Elatrech ..., alors épouse Zerouati, est devenue propriétaire de la moitié du montant correspondant à la provision du chèque à la date où elle l'a endossé ; qu'il est constant que le chèque a été déposé par M. ... sur son compte personnel au Crédit agricole d'Ile-de-France et que son montant a été passé au crédit du compte, étant relevé, pour la stricte moralité du débat, que M. ... a fait virer sans tarder la totalité du montant sur son compte auprès d'une banque étrangère ; qu'en application de l'article 221 du code civil, chacun des époux peut déposer sur son compte personnel un chèque établi à son ordre et à celui de son conjoint, pourvu que celui-ci ait endossé le chèque, cette règle étant parfaitement cohérente avec le principe du droit cambiaire, qui autorise le co-bénéficiaire d'un chèque à le déposer sur son compte personnel pourvu qu'il y ait eu endossement par l'autre bénéficiaire ; que le Crédit agricole de Paris-Ile-de-France n'a donc commis aucune faute en acceptant la remise du chèque et en créditant le compte de M. ... ; qu'enfin, l'argument de M. ..., suivant lequel la question de la propriété du chèque aurait été réglée par le juge aux affaires familiales est erroné, puisqu'il est démontré que ce juge a seulement accordé à Mme ... une provision à valoir sur ses droits dans la communauté, qui, à ce jour, n'est pas partagée ; que Mme ... étant propriétaire de la moitié de la provision du chèque, le Crédit agricole n'a fait qu'exécuter son obligation en lui payant la somme correspondante ; que M. ... ne peut raisonnablement soutenir qu'une partie qui reconnaît sans fraude sa dette doit attendre une décision de justice le condamnant pour s'acquitter ; que la banque n'avait pas davantage à attendre l'issue de toute évidence lointaine de la procédure de liquidation du régime matrimonial, alors que le droit de propriété de Mme ... était incontestable ; qu'en application de l'article 1376 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ; que l'erreur ou la négligence du solvens ne fait pas obstacle à son droit à répétition ; qu'en l'espèce, il a de toute manière été démontré que le Crédit agricole de Paris-Ile-de-France n'avait commis aucune faute en acceptant le dépôt du chèque et en créditant le compte de M. ... ; qu'il s'ensuit, comme l'a relevé très exactement le premier juge, que le Crédit agricole a un droit, du seul fait du payement, et indépendamment de tout bénéfice d'une quittance subrogative, à restitution de la somme de 54.716,50 euros ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l'article 1376 du Code civil dispose que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. L'article 1378 du Code civil dispose que s'il y a eu mauvaise foi de la part de celui qui a reçu, il est tenu de restituer, tant le capital que les intérêts ou les fruits du jour du paiement. L'article L 131-31 du code monétaire et financier dispose que le chèque est payable à vue. Commet une faute au sens de l'article 1382 du Code civil le banquier qui encaisse un chèque émis à l'ordre de deux co-bénéficiaires et en verse le montant sur le compte de l'un des deux sans s'assurer du consentement de l'autre. L'erreur ou la négligence du solvens ne font pas obstacle à l'exercice par lui de l'action en répétition. Il n'est pas contesté que Monsieur Nasr Z'hinne ZEROUALI ait encaissé seul à titre personnel un chèque no 5459995 émis le 18 mai 2001 par l'Office notarial de Maître ... d'un montant de 109.433,80 euros libellé à l'ordre de Monsieur et Madame Z Z'hinne ZEROUALI correspondant au solde du prix de vente de leur bien immobilier. Madame ... ... divorcée ... laquelle n'était d'ailleurs pas encore divorcée à l'époque de l'encaissement de ce chèque, tenait du droit cambiaire et quels que soient ses droits à venir dans la liquidation de son régime matrimonial, un droit à la moitié du montant inscrit sur le chèque soit 54.716,50 euros, l'émission du chèque ayant réalisé le dessaisissement irrévocable du tireur au profit des bénéficiaires qui avaient immédiatement acquis la propriété de la provision, chacun pour moitié. Il appartenait éventuellement à Monsieur Nasr Z'hinne ZEROUALI cotitulaire du chèque de solliciter par la procédure appropriée le remboursement de la somme qu'il estimait indue à son épouse mais il ne pouvait encaisser seul ce chèque sans l'accord exprès de l'épouse et il a bien perçu pour moitié une somme qui ne lui était pas due. En l'absence de liquidation, il ne démontre pas même être créancier envers son ex épouse de la somme litigieuse, le jugement de divorce en date du 30 juin 2004 qui a seulement condamné Monsieur Nasr Z'hinne ZEROUALI à une provision plus limitée que celle réclamée sur le partage de la communauté des époux au motif que Madame ... ... "ne démontre pas qu'elle ne peut, avec ses revenus, faire face à ses charges dans l'attente de la liquidation du régime matrimonial et ... ne produit pas d'élément de nature à justifier qu'une provision supérieure à celle proposée par Monsieur Nasr Z'hinne ZEROUALI lui soit allouée", ne tranchant nullement la question évoquée de l'encaissement du chèque litigieux et ce point n'étant qu'un élément du règlement plus vaste de la liquidation. On comprend dans ces conditions que la banque ait réglé à Madame ... ... divorcée ... la somme due à cette dernière au vu du chèque et que cette dernière ait subrogé la banque dans son droit à agir au titre de l'encaissement par son époux du chèque, en répétition de l'indu contre son époux. Toutefois la banque indépendamment de la quittance subrogative détenait ab initio du seul fait du paiement à Monsieur Nasr Z'hinne ZEROUALI de la somme qui ne lui était pas due une action de in rem verso. Il n'apparaît dans ces conditions pas nécessaire de statuer sur la validité contestée par Monsieur Nasr Z'hinne ZEROUALI de la quittance subrogative. La demande la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE apparaît dans ces conditions fondée à hauteur de 54.716,50 euros, outre les intérêts qu'elle ne sollicite qu'à compter du 1er décembre 2006, date de la mise en demeure versée aux débats et Monsieur Nasr Z'hinne ZEROUALI sera condamné à lui régler ce montant. La transaction intervenue entre la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE et Madame ... ... divorcée ... étant inopposable à Monsieur Nasr Z'hinne ZEROUALI, la Caisse Régionale de CRÉDIT AGRICOLE sera déboutée du surplus de ses demandes à hauteur de 58.500 euros - 54.716, 50 euros = 3.783,50 euros ;
1o) ALORS QUE le paiement de l'indu suppose un paiement fait sans cause légitime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'" en application de l'article 221 du code civil, chacun des époux peut déposer sur son compte personnel un chèque établi à son ordre et à celui de son conjoint, pourvu que celui-ci ait endossé le chèque, cette règle étant parfaitement cohérente avec le principe du droit cambiaire, qui autorise le co-bénéficiaire d'un chèque à le déposer sur son compte personnel pourvu qu'il y ait eu endossement par l'autre bénéficiaire ", et en a déduit que " le Crédit agricole de Paris-Ile-de-France n'a donc commis aucune faute en acceptant la remise du chèque et en créditant le compte de M. ... " ; qu'en jugeant que le Crédit agricole avait droit, du seul fait du paiement, à la restitution de la moitié du montant du chèque versé à M. ..., bien que le paiement litigieux eût une cause, dans la mesure où, selon ses propres constatations, le banquier chargé de l'encaissement avait régulièrement payé à l'un des deux bénéficiaires du chèque, pour le compte du débiteur, le montant de ce chèque qui avait été endossé par les deux bénéficiaires, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil ;
2o) ALORS QUE, à supposer que le paiement indu justifiant l'action en répétition de la banque correspondait au paiement, par le Crédit agricole, de la somme de 54.726,50euros à Mme ..., dont M. ... aurait été le véritable débiteur, la cour d'appel a constaté que le paiement de cette somme avait été effectué en exécution d'une transaction conclue entre la banque et Mme ... ; qu'en retenant que la banque avait droit, du seul fait du paiement, à la restitution de cette somme, tandis qu'il résulte de ses propres constatations que le paiement litigieux avait une cause, soit l'existence de la transaction, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil ;
3o) ALORS QU'en tout état de cause, la cour d'appel a constaté que la banque, en payant à Mme ... la moitié de la provision du chèque, " n'a fait qu'exécuter son obligation ", ce dont il résulte que, selon elle, la banque, par le paiement litigieux, avait payé une dette dont elle était débitrice ; qu'en retenant que la banque avait droit, du seul fait du paiement, à la restitution de cette somme, tandis qu'il résulte de ses propres constations que le paiement litigieux n'était pas indu, la cour d'appel a violé l'article 1376 du code civil.

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