Jurisprudence : CA Montpellier, 07-05-2013, n° 12/01373, Infirmation

CA Montpellier, 07-05-2013, n° 12/01373, Infirmation

A0865KDE

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Abstract

Si l'article L. 511-5 du Code monétaire et financier interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel dont celles définies à l'article L. 519-3, l'article L. 511-7 du même code prévoit, toutefois, que cette interdiction ne fait pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse, dans l'exercice de son activité professionnelle, consentir à ses contractants des délais et avances de paiement.



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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2° chambre
ARRÊT DU 07 MAI 2013 Numéro d'inscription au répertoire général 12/01373 Décision déférée à la Cour Jugement du 23 JANVIER 2012 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2010015737

APPELANTE
SAS HEINEKEN ENTREPRISE prise en la personne de son représentant légal domicilié

RUEIL MALMAISON
représentée par la SCP DELMAS RIGAUD LEVY BALZARINI SAGNES SERRE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants
assistée de Me Anne CANDILLON (Cabinet LEVY), avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur Christian Y
né le ..... à MONTPELLIER (34)
de nationalité Française

MURVIEL LES MONTPELLIER
représenté par Me Philippe ANAHORY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
Madame Michelle X
née le ..... à MONTPELLIER (34)
1

de nationalité Française

SAINT GEORGES D'ORQUES
représentée par Me Philippe ANAHORY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/7467 du 31/07/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 14 Mars 2013

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 AVRIL 2013, en audience publique, Madame Brigitte OLIVE, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de
Monsieur Daniel BACHASSON, Président
Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller
Madame Brigitte OLIVE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats Madame Sylvie SABATON
ARRÊT
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE ' MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé du 13 juin 2008, la société banque CIC a consenti un prêt de 15 150 euros à la SARL Bar du Marché, remboursable en 60 mois au taux de 6,80% l'an.
La société Heineken Entreprise (la société Heineken) s'est rendue caution solidaire du remboursement de ce prêt, en contrepartie d'un contrat de fourniture exclusive de bière conclu le 15 juin 2008 avec la société Bar du Marché.
M. Christian Y, gérant de la société Bar du Marché, et son épouse, Mme Michèle X, se sont portés cautions solidaires du remboursement du prêt au 2

profit de la société Heineken, dans la limite de 18 180 euros, pour une durée de 5 ans.
Suite à la déchéance du terme consécutive au non-paiement des échéances d'octobre et novembre 2008, la société Heineken a remboursé, en sa qualité de caution, à la société banque CIC le solde de prêt, ce qui a donné lieu à l'établissement d'une quittance subrogative en date du 15 novembre 2008.
La société Bar du Marché ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 24 novembre 2008, la société Heineken a déclaré sa créance le 28 janvier 2009 et a mis vainement en demeure M. Y et Mme X de lui rembourser le solde de prêt.
Par exploit du 7 septembre 2010, elle les a fait assigner devant le tribunal de commerce de Montpellier pour obtenir leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 16 137,47 euros, avec intérêts au taux de 6,80 % l'an à compter du 8 juin 2009, outre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 23 janvier 2012, le tribunal, considérant que la société Heineken sollicitait le paiement d'une créance résultant de son intervention en qualité d'intermédiaire en opérations de banque, dans des conditions contraires à l'article L. 519-3 du code monétaire et financier, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée à payer au conseil des défendeurs, la somme de 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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La société Heineken Entreprise a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation, demandant à la cour de déclarer son action recevable et de faire droit à ses demandes initiales, en lui allouant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que
-en vertu de l'article 2305 du code civil, elle est recevable à agir puisqu'elle est devenue créancière de la société Bar du Marché en réglant en ses lieu et place le solde de prêt et qu'elle dispose, dès lors, d'une action personnelle contre M. Y et Mme X, en leur qualité de sous-cautions solidaires ;
-dans le cadre de son activité de brasseur, elle est amenée à soutenir ses clients en leur donnant accès à des prêts qu'elle cautionne ; son seul but étant de conclure un contrat de fourniture de boissons ;
-elle n'exerce pas à titre habituel un rôle d'intermédiaire en opérations de banque mais peut, dans l'exercice de son activité de brasseur, consentir à ses contractants " des délais ou avances de paiement " et par suite, des cautionnements de prêts ;
-ainsi le contrat de fourniture exclusive de bières qui est pris en contrepartie de l'engagement de caution du brasseur afin de permettre au détaillant d'obtenir un prêt bancaire, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 313-1 du code de la 3

consommation et de l'article L. 519-1 du code monétaire et financier et n'est pas prohibé par l'article L. 511-5 du code monétaire et financier ; le cautionnement n'est pas une opération de banque mais le complément indissociable du contrat d'approvisionnement exclusif qui entre dans l'activité commerciale habituelle du brasseur ;
-de plus, elle n'a pas agi à titre onéreux dès lors qu'il n'y a pas eu de perception de commissions ou intérêts ;
-elle n'a reçu aucun mandat d'intermédiation en opérations de banque de la société Banque CIC Est.
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M. Christian Y et Mme XY divorcée XY ont conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Heineken de ses demandes et à l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que
-aux termes de l'article 2306 du code civil, la caution qui a payé la dette est subrogée dans tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur ; la subrogation accordée à la caution qui a payé n'opère que pour les droits du créancier contre le débiteur ;
-ils ne se sont pas rendus cautions du remboursement du prêt au profit de la banque ; la société Heineken ne peut donc pas se prévaloir d'un droit que la banque ne possédait pas, par l'effet de la subrogation ;
-la société Heineken a joué le rôle d'intermédiaire en opérations de banque, au sens de l'article L. 519-1 du code monétaire et financier, dans le cadre du prêt consenti à la société Bar du Marché, le 13 juin 2008 ;
-sous couvert d'un cautionnement, la société Heineken présente ses clients à l'établissement de crédit et joue un rôle d'intermédiaire ;
-agissant sans mandat conforme aux dispositions de l'article L. 519-3 du code monétaire et financier, elle fait supporter le prix de son intermédiation à ses clients puisque c'est le financement lui-même et non simplement la caution qui est la contrepartie de l'exclusivité du contrat de bière ;
-le contrat de prêt qui prévoit la déchéance du terme en cas d'inexécution d'un des engagements pris par l'emprunteur vis-à-vis du brasseur-caution est nul ainsi que les cautions qu'ils ont souscrites ;
-à titre subsidiaire, la société Heineken ne peut réclamer que les intérêts au taux légal de la somme qu'elle a effectivement réglée à la banque, soit 14 646,28 euros, à compter de la mise en demeure, en application de l'article 1153 du code civil.
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C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 14 mars 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte des dispositions de l'article 1236 du code civil, qu'après avoir payé le créancier, la caution, devenue créancière du débiteur principal, dispose contre la sous-caution, garante des engagements de celui-ci, d'une action personnelle et non subrogatoire en exécution de sa garantie.
Dès lors, la société Heineken qui, en sa qualité de caution solidaire de la société Bar du Marché, a réglé le solde de prêt devenu exigible suite à la déchéance du terme et a déclaré sa créance au passif de la procédure collective de cette société, est recevable et fondée à agir à l'encontre de M. Y et de Mme X, qui se sont portés cautions de la société Bar du Marché envers la société Heineken, caution principale au titre du remboursement du prêt consenti à celle-ci par la société Banque CIC Est.
Les intimées font valoir que le cautionnement souscrit par la société Heineken au profit de la société Bar du Marché en contrepartie d'un contrat d'approvisionnement exclusif de bières s'analyse comme une opération de banque réservée aux seuls établissements de crédit.
Si l'article L. 511-5 du code monétaire et financier interdit à toute personne autre qu'un établissement de crédit d'effectuer des opérations de banque à titre habituel dont celles définies à l'article L. 519-3, l'article L. 511-7 du même code prévoit, toutefois, que cette interdiction ne fait pas obstacle à ce qu'une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse, dans l'exercice de son activité professionnelle, consentir à ses contractants des délais et avances de paiement.
Ainsi, la société Heineken qui n'est pas un établissement de crédit peut réaliser une opération de crédit dès lors que celle-ci n'est pas, comme en l'espèce, une opération purement financière mais constitue le complément indissociable d'un contrat d'approvisionnement exclusif entrant dans le champ de son activité habituelle.
C'est donc à tort que le premier juge a débouté la société Heineken de ses demandes, au visa des dispositions susvisées qui sont inapplicables en l'espèce.
Le jugement sera infirmé.
Il est de principe que la caution qui a acquitté la dette du débiteur principal à l'égard du créancier n'est fondée, en l'absence de convention contraire conclue entre elle-même et la sous-caution, à réclamer à cette dernière que les intérêts au taux légal à compter de son paiement.
La société Heineken a réglé à la société Banque CIC Est la somme de 14 646,28 euros au titre du capital restant dû outre les échéances impayées à hauteur de 621,38 euros, dont quittance lui a été délivrée le 15 novembre 2008.
Elle sollicite, en plus de ces sommes, les intérêts au taux contractuel de 6,80 % l'an arrêtés au 16 septembre 2009, alors qu'aucune stipulation contractuelle ne lui permet de prétendre à de tels intérêts.
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Elle n'est, dès lors, fondée à réclamer la condamnation solidaire de M. Y et de Mme X qu'à hauteur de la somme de 15 267,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2008.
Succombant en leur appel, M. Y et Mme X seront condamnés solidairement à payer à la société Heineken la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, verront leur demande de ce chef rejetée et supporteront solidairement la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau ;
Condamne solidairement M. Y et Mme X à payer à la société Heineken Entreprise la somme de 15 267,66, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2008 ;
Condamne solidairement M. Y et Mme X à payer à la société Heineken Entreprise la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. Y et Mme X de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement M. Y et Mme X aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés selon les règles de l'aide juridictionnelle en ce qui concerne Mme X, et autorise les avocats de la cause à recouvrer ceux-ci directement.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
B.O
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