Jurisprudence : CE 3 SS, 24-04-2013, n° 351315

CE 3 SS, 24-04-2013, n° 351315

A0222KDL

Identifiant européen : ECLI:FR:CESJS:2013:351315.20130424

Identifiant Legifrance : CETATEXT000027386267

Référence

CE 3 SS, 24-04-2013, n° 351315. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8205486-ce-3-ss-24042013-n-351315
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

351315

MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES
c/ société Etablissements Brougalay

M. Romain Victor, Rapporteur
M. Vincent Daumas, Rapporteur public

Séance du 4 avril 2013

Lecture du 24 avril 2013

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème sous-section)


Vu le pourvoi de la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, enregistré le 27 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; la ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 10NT00036 du 31 mai 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à la requête de la société Etablissements Brougalay, a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 novembre 2009 rejetant sa demande tendant au report sans limitation de durée d'amortissements réputés différés comptabilisés au titre de l'exercice clos en 1993 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en 2000 la société Etablissements Brougalay, entreprise de travaux publics, a procédé à la dissolution sans liquidation, sur le fondement de l'article 1844-5 du code civil, de sa filiale à 100 %, la SNC Solomat, qui exerçait à son profit exclusif l'activité de loueur de matériels ; que l'administration fiscale a remis en cause le report, au titre des exercices clos de 2001 à 2005, des amortissements réputés différés (ARD) constitués par la société Etablissements Brougalay en 1993 et non encore imputés ; que la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 mai 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, faisant droit à la requête de la société Etablissements Brougalay, a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 12 novembre 2009 et rétabli son droit au report sans limitation de durée des amortissements réputés différés comptabilisés au titre de l'exercice clos en 1993 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'année 2000, date de la transmission universelle de patrimoine en cause : "I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (.) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions././ Sous réserve de l'option prévue à l'article 220 quinquies, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. (.)/ La limitation du délai de report prévue à l'alinéa précédent n'est pas applicable à la fraction du déficit qui correspond aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire. Toutefois, cette faculté de report cesse de s'appliquer si l'entreprise reprend tout ou partie des activités d'une autre entreprise ou lui transfère tout ou partie de ses propres activités, lorsque ces opérations de reprise ou de transfert concernent, au cours d'un exercice donné, pour l'une ou l'autre de ces entreprises, des activités représentant au moins 5 p. 100 soit du montant brut des éléments de l'actif immobilisé, soit du chiffre d'affaires, soit de l'effectif des salariés./ II. Sous réserve d'un agrément préalable délivré par le ministre de l'économie et des finances et dans la mesure définie par cet agrément, les fusions de sociétés et opérations assimilées qui entrent dans les prévisions de l'article 210 A peuvent ouvrir droit, dans la limite édictée au I, troisième alinéa, au report des déficits antérieurs non encore déduits soit par les sociétés apporteuses, soit par les sociétés bénéficiaires des apports, sur les bénéfices ultérieurs de ces dernières./ III. Il peut être dérogé, sur agrément préalable délivré par le ministre de l'économie et des finances et dans la mesure définie par cet agrément, à l'application des dispositions de la dernière phrase du dernier alinéa du I ci-dessus en cas de transfert d'activité, de fusion ou d'opérations assimilées. L'agrément est accordé si, compte tenu de l'origine des déficits, l'avantage fiscal est justifié du point de vue économique et social, eu égard à la nature et à l'importance des activités respectivement transférées et conservées."

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les opérations mentionnées à l'article 1844-5 du code civil qui entrent dans le champ d'application de l'article 210 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi du 30 décembre 1991 portant loi de finances rectificative pour 1991, sont au nombre de celles qui, à défaut d'obtention de l'agrément prévu au III de l'article 209 du même code, entraînent la perte du droit au report illimité des amortissements réputés différés de l'entreprise qui transfère tout ou partie de ses activités et de ceux de l'entreprise qui reprend ces activités ;

4. Considérant qu'en jugeant que l'opération de dissolution sans liquidation de la SNC Solomat réalisée, sur le fondement de l'article 1844-5 du code civil, par la société Etablissements Brougalay ne pouvait être regardée comme une opération de reprise de tout ou partie des activités de son ancienne filiale dissoute, entraînant, en application des dispositions du quatrième alinéa du I de l'article 209 du CGI, la perte du droit au report illimité des amortissements réputés différés comptabilisés au titre de l'exercice clos en 1993, au motif que, si elle avait repris l'intégralité des moyens de production de la SNC, elle n'en avait pas poursuivi l'activité commerciale de location de véhicules, alors que ce droit au report illimité était subordonné à l'obtention de l'agrément prévu au III de l'article 209 précité, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, la ministre est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 31 mai 2011 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à la société Etablissements Bourgalay.

Délibéré dans la séance du 4 avril 2013 où siégeaient : M. Jean Courtial, Président de sous-section, présidant ; M. Patrick Stefanini, Conseiller d'Etat et M. Romain Victor, Maître des Requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

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