République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 7 SECTION 1
ARRÊT DU 02/05/2013
***
N° MINUTE 13/367
N° RG 12/03270
Jugement (N° 10/03190)
rendu le 06 Avril 2012
par le Juge aux affaires familiales de BOULOGNE SUR MER
REF A.P./C.G.
APPELANTE
Madame Catherine Marie Alida Z épouse Z
née le ..... à SUS-ST-LEGER (62810)
de nationalité Française
LE TOUQUET
représentée par Me Roger CONGOS, membre de la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avocat au barreau de DOUAI, constitué aux lieu et place de Me Jérôme AUDEMAR, membre de l'association AUDEMAR-REMBOTTE-PERARD, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER, précédemment constitué
INTIMÉ
Monsieur Pascal Paul Daniel Z
né le ..... à FREVENT (62270)
de nationalité Française
Impasse Med Boudiaf
CHERAGA ALGER (ALGÉRIE)
représenté par Me Sylvie REGNIER, avocat au barreau de DOUAI
assisté de Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Sophie DARBOIS, Président de chambre
Jean-Marc PARICHET, Conseiller
Anne PEYROUX, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS Gina CHIROLA
DÉBATS à l'audience en chambre du Conseil du 28 Février 2013,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 Mai 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sophie DARBOIS, Président, et Gina
CHIROLA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 28 février 2013
***
Catherine Y et Pascal Z se sont mariés le 8 février 1992 à FREVENT (Pas-de-Calais), après contrat portant adoption du régime de la séparation de biens, passé par Maître ..., notaire à Avesnes-le-Comte. Deux enfants sont issus de cette union
. Cédric, né le 19 juin 1998,
. Bastien, né le 3 octobre 2002.
A la suite du dépôt par l'épouse, le 2 décembre 2008, d'une requête en divorce, le juge aux affaires familiales de Boulogne-sur-Mer rendait le 15 janvier 2009 une ordonnance de non-conciliation aux termes de laquelle il
- constatait la non-conciliation des époux,
- attribuait à l'époux la jouissance du domicile conjugal,
- désignait Maître ..., notaire, pour procéder à l'élaboration du projet liquidatif des intérêts patrimoniaux des époux,
- condamnait Pascal Z à verser une pension alimentaire de 1.500 euros par mois à son épouse au titre du devoir de secours,
- laissait à la charge de l'époux les emprunts immobiliers,
- condamnait Pascal Z à verser à Catherine Y une provision de 2.000 euros sur le fondement de l'article 255-6 du code civil,
- rappelait que les parents exerçaient conjointement l'autorité parentale sur les deux enfants mineurs,
- fixait auprès de leur mère la résidence habituelle des enfants et organisait le droit de visite et d'hébergement du père en considération de l'éloignement géographique des parties,
- fixait à la somme de 450 euros par mois et par enfant, le montant de la contribution du père à l'entretien et l'éducation des enfants.
Par acte du 15 septembre 2010 Pascal Z faisait délivrer assignation en divorce à Catherine Y sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil.
Dans ses dernières écritures, signifiées le 19 octobre 2011, Pascal Z demandait en définitive au premier juge le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son épouse au visa de l'article 242 du code civil.
Aux termes de ses dernières conclusions, Catherine Y sollicitait elle-même le prononcé du divorce, aux torts exclusifs de son mari ; elle formulait ses prétentions relativement aux modalités d'exercice de l'autorité parentale, à l'octroi d'une prestation compensatoire à hauteur de 500.000 euros, et, à titre "infiniment subsidiaire" d'une contribution aux charges du mariage de 2.500 euros par mois, ainsi que d'une indemnité de 4.000 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 6 avril 2012, le juge aux affaires familiales de Boulogne-sur-Mer
- déboutait Pascal Z de sa demande de divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil,
- déboutait Catherine Y de sa demande en divorce formée sur le même fondement,
- déclarait irrecevable la demande subsidiaire de prononcé du divorce pour altération définitive du lien conjugal, formulée par Pascal Z,
- constatait que les époux étaient autorisés à résider séparément depuis l'ordonnance de non-conciliation du 15 janvier 2009,
- statuant au visa de l'article 258 du code civil,
* condamnait Pascal Z à verser à Catherine Y une contribution aux charges du mariage de 1.700 euros par mois,
* rappelait que l'autorité parentale s'exerçait conjointement,
* fixait auprès de la mère la résidence habituelle des enfants, et réglementait le droit de visite et d'hébergement du père, à défaut d'accord, à raison de dix fins de semaine par an ainsi que la totalité des vacances de février et de Toussaint, et la première moitié des vacances de Noël, Pâques et été les années paires, la deuxième moitié les années impaires,
* fixait à 550 euros par mois et par enfant, soit 1.100 euros au total, le montant de la contribution du père à l'entretien et l'éducation des enfants, avec indexation d'usage,
- rejetait l'une et l'autre demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejetait toutes autres demandes plus amples ou contraires,
- laissait à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Par déclaration en date du 7juin 2012 Catherine Y relevait appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières écritures, du 3 août 2012,Catherine Y sollicite la réformation de la décision entreprise et demande
- le prononcé du divorce aux torts exclusifs de Pascal Z,
- la désignation de Maître ..., notaire, pour procéder à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux,
- la condamnation de Pascal Z à lui verser une prestation compensatoire de 500.000 euros,
- la fixation des modalités de l'exercice de l'autorité parentale, avec résidence habituelle des enfants auprès d'elle, organisation du droit de visite et d'hébergement du père
* 4 fins de semaine par an, en métropole, à charge pour lui de la prévenir au moins trois semaines à l'avance,
* la totalité des vacances de février et de Toussaint,
* la moitié des vacances de Noël et Pâques en alternance les années paires et impaires,
*chaque année au mois de juillet,
et fixation à la somme de 800 euros par mois et par enfant, soit 1.600 euros au total, le montant de la contribution du père à l'entretien et l'éducation des enfants,
- la condamnation de Pascal Z à lui verser une indemnité de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à régler les dépens de l'instance.
Elle soutient que les pièces qu'elle verse à son dossier établissent que son mari a "manoeuvré" pour l'éloigner de la Guadeloupe où la famille s'était établie et la contraindre à revenir en métropole, ceci afin de vivre "au grand jour" sa liaison adultère avec une certaine "Charlotte", faits légitimant selon elle sa demande en divorce pour faute.
Rappelant qu'elle a démontré qu'elle était seule à prendre en charge la maisonnée, et spécialement les enfants, elle demande que la résidence de ceux-ci soit fixée auprès d'elle et que le droit de visite et d'hébergement du père soit organisé en tenant compte de l'éloignement géographique entre les parties.
Elle revendique une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 500.000 euros, faisant valoir, à cet égard, qu'après avoir épousé Pascal Z à l'âge de 22 ans, elle a suivi celui-ci au fil de ses nombreuses affectations à l'étranger où le conduisaient les activités professionnelles très lucratives de ce dernier au sein d'entreprises florissantes, notamment la Société Commerciale de l'Ouest Africain, d'abord filiale de PARIBAS puis devenue l'un des fleurons du groupe PINAULT, et plus tard au sein du Groupe HAYOT chargé de la distribution des véhicules sur les Antilles ; que les revenus très
confortables de son mari permettaient au couple d'acquérir, notamment à la faveur de la défiscalisation, un appartement au TOUQUET, un autre à DEAUVILLE, ainsi qu'une villa en Guadeloupe, évaluée à 500.000 euros.
Elle expose qu'elle n'a jamais exercé d'activité professionnelle, ayant fidèlement suivi les traces de son mari qui avait fait choix d'un statut d'expatrié, et rappelle qu'elle devra encore consacrer quelques années à l'éducation des deux enfants du couple.
Enfin, elle fait état de la situation d'indivision qui, modulée avec le régime de séparation de biens qui a été choisi par les époux, risque de l'exposer à être débitrice de fortes sommes dans le cadre de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux.
Aux termes de ses dernières écritures d'intimé et d'appelant incident, en date du 25 février 2013, Pascal Z sollicite l'infirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions.
Il demande
* à titre principal
- le prononcé du divorce aux torts exclusifs de son épouse,
- la fixation de la prestation compensatoire à la somme de 25.000 euros en faveur de celle-ci,
- la fixation auprès de lui, de la résidence habituelle de ses enfants, et la suppression corrélative de sa contribution à l'entretien et l'éducation des enfants,
- la fixation des modalités du droit de visite et d'hébergement de Catherine Y en fonction de l'éloignement géographique des parties, soit quatre fins de semaine par an, la totalité des vacances de février et Toussaint, et la moitié des vacances de Noël, Pâques et été, en alternance,
* subsidiairement
- si la résidence des enfants était fixée auprès de leur mère, l'organisation d'un droit de visite et d'hébergement libre, et, à défaut, dix fins de semaine par an, la totalité des vacances de février et de Toussaint et la moitié des vacances de Pâques, Noël et été, en alternance, avec délai de prévenance de dix jours,
- le maintien de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants "telle que fixée par l'ordonnance de non-conciliation",
* À titre "infiniment subsidiaire", en cas de maintien des époux dans les liens du mariage "malgré eux", avec résidence des enfants chez leur mère, la fixation à son encontre d'une contribution aux charges du mariage de 2.400 euros par mois,
* En tout état de cause, la condamnation de Catherine Y à lui verser une indemnité de 2.500 euros sur le fondement, ainsi que la condamnation de celle-ci aux dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de telles prétentions, il fait valoir
* sur le prononcé du divorce
que c'est de manière particulièrement fallacieuse que son épouse lui fait, en premier lieu, grief d'avoir tiré argument de l'instabilité socio- économique en Guadeloupe au cours de l'été 2008, pour obtenir qu'elle revienne en métropole et s'y réinstalle, alors qu'à cette date, la situation dans ce département d'outre-mer n'était pas différente de celle des années précédentes, notamment au regard des grèves, habituelles en cette région, avec cette précision complémentaire que la grève était terminée en juillet 2008.
Que le grief de liaison adultère, qu'il conteste, n'est pas établi par les pièces versées par son épouse, dont la demande doit donc être rejetée.
Il soutient que Catherine Y faisait preuve d'un comportement intolérable, se caractérisant par des crises insupportables, en privé comme en société, auxquelles il préférait répondre avec calme et sagesse alors qu'il en souffrait beaucoup ; que le comportement de son épouse préexistait au départ du couple en Guadeloupe, mais s'était amplifié depuis ; qu'il perturbait également les enfants.
Il expose qu'en outre, et postérieurement à la demande en divorce, Catherine Y l'empêchait d'exercer normalement l'autorité parentale sur les enfants, ne l'associant pas aux décisions notamment de vaccination des enfants contre la grippe A, ou communiquant trop tardivement la date de la communion d'un des deux enfants ou encore s'abstenant de le tenir au courant de leurs résultats scolaires.
SUR CE, LA COUR
Sur le divorce
Attendu qu'ainsi que l'a rappelé à bon droit le premier juge, l'article 247-2 du code civil énonce que si dans le cadre d'une instance introduite pour altération définitive du lien conjugal, le défendeur forme reconventionnellement une demande en divorce pour faute, le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande.
Attendu que l'article 242 du code civil dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
Attendu que l'article 245 du même code dispose que les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce n'empêchent pas d'examiner sa demande ; qu'elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce ; que ces fautes peuvent aussi être invoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce, et que, si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés.
Sur la demande principale
Sur le premier grief
Attendu que l'examen des attestations de Christina ..., Olivier ..., Florence et Eric ..., tous proches amis des époux Z, établissent que Catherine Y s'était adaptée avec difficulté Outre-Mer et supportait mal le mode de vie qui était devenu celui du couple depuis son installation aux Antilles en 2006 ;
Que l'éloignement géographique avec la métropole était douloureusement ressenti par elle, qu'elle se sentait perdre confiance en elle, a fortiori alors que son époux, ainsi qu'il ressort de l'ensemble des pièces, réussissait brillamment dans ses activités professionnelles et s'y épanouissait, tout en cherchant, ce qui résulte du dossier, à associer sa famille, spécialement son épouse, aux satisfactions que rendait possibles un niveau de revenus très confortable ;
Que pourtant, un sentiment diffus d'insatisfaction s'était emparé de Catherine Y, déclenchant fréquemment chez elle des crises nerveuses, souvent spectaculaires voire inquiétantes, très déroutantes pour son entourage, au premier chef pour son époux, ce dont Catherine Y se déclarait au demeurant bien consciente, comme en attestent certains messages électroniques adressés par elle à des amis "le moral n'est toujours pas terrible, je pique des crises et fais souffrir Pascal, tout ça parce que moi aussi je souffre ; il comprend que je ne vais pas bien, mais il n'imagine pas à quel point tout est confus en moi ; j'ai honte à cause de mes crises, et le problème c'est que je n'arrive pas à me contrôler et je dis des conneries plus grosses que moi, résultat je n'ose plus sortir de la maison, seul endroit où je me sens un peu en sécurité".
Attendu que Christina ... relate comment Catherine Y, figée dans une posture de rejet à l'égard de son environnement, exprimait envers Pascal Z remarques désobligeantes et récriminations acerbes, réitérées mais toutefois non définies dans leur teneur, toutes attitudes qui suscitaient la consternation et le désarroi de son mari, qui en était la cible, et des amis du couple, qui en étaient les témoins.
Attendu que pour autant les attestants n'indiquent pas que Catherine Y accablait son époux de reproches précis, tels une désertion coupable du foyer ou un manque d'attention à son égard, qui eussent fait d'elle de manière certaine une femme dépourvue de toute considération pour la personne de son époux et dénuée de tout sentiment pour lui ; qu'une telle hypothèse est d'ailleurs à écarter à la lecture d'un message électronique rédigé par Catherine Y à un ami, le 17 avril 2008 "Je ne suis pas très en forme non plus en ce moment. D'ailleurs j'ai pris rendez-vous avec un pS, c'est te dire ; ...j'espère qu'après cela ira mieux ; il paraît que c'est la crise de la quarantaine, mais c'est très dur de vivre avec un homme parfait" ;
Attendu qu'il ressort de l'examen des témoignages versés, et notamment de celui, très circonstancié, de Christina PENDERIA - psychothérapeute de profession mais fréquentant le couple seulement à titre personnel- que ces manifestations de nervosité exacerbée, révélatrices d'une insatisfaction diffuse, sont à mettre en relation avec un mal-être chronique de Catherine Y, mais ne peuvent s'analyser comme des violations graves des devoirs et obligations résultant du mariage, et ce, même si le témoin Eric ... croit devoir ajouter, dans une seconde attestation, du 28 août 2012 "en complément de mon témoignage du 22 mars 2011 au sujet de la soirée d'octobre 2007 où Catherine Y a quitté précipitamment la table de 23 convives, sans revenir après, je tiens à préciser que, lorsqu'elle est sortie, ce fut de manière aussi soudaine que violente, chaises renversées, (l') insultant en le traitant de pervers et de connard, avec un regard haineux envers Pascal LOUCHELART" ;
Que cependant le témoin, pas davantage dans la seconde attestation que dans la première, ne précise si de tels mots -dont il n'est pas dit clairement s'ils s'appliquaient à Pascal Z, bien que l'exégèse de la phrase le laisse penser-, certes grossiers, mais non circonstanciés, étaient en lien avec un différend survenu entre les époux au cours de ce dîner festif, ou s'ils avaient, comme souvent, été proférés de la manière irréfléchie que Catherine Y, avec lucidité, attache elle-même à ses propos ainsi qu'il a été exposé ci-avant.
Attendu que ce grief ne saurait donc, au regard des termes de l'article 242 du code civil invoqué par Pascal Z, être constitutif d'un motif de divorce.
Sur le second grief
Attendu que Pascal Z, soutient qu'après l'introduction de la demande en divorce, Catherine Y a empêché le plein exercice par lui, de ses prérogatives parentales.
Attendu qu'à supposer ce grief établi, il ne saurait être à l'origine des difficultés conjugales, ce que ne soutient d'ailleurs pas Pascal Z, ni constituer en l'espèce un motif légitime de divorce.
Attendu qu'en tout état de cause, les doléances exprimées à cet égard par Pascal Z dans une lettre recommandée qu'il adresse à son épouse le 21 juin 2010, soit dix-sept mois après l'ordonnance de non-conciliation, aux termes de laquelle il se plaint de n'avoir pas été informé de la situation scolaire du jeune Cédric, prétendument en situation de redoublement, sont insuffisantes à démontrer les entraves qu'auraient commises Catherine Y à l'exercice normal de l'autorité parentale conjointe, la pièce ci-avant visée émanant du seul Pascal Z, qui ne peut se constituer une preuve à lui-même ;
Que ce second grief n'est pas établi.
Attendu que c'est donc avec pertinence que le premier juge a rejeté la demande en divorce du mari sur le fondement de l'article 242 du code civil, les conditions exigées par ce texte n'étant pas réunies en l'espèce ;
Sur la demande reconventionnelle
Attendu que les attestations produites indiquent que si climat social en Guadeloupe était perturbé au cours du printemps-été 2008, pour autant il ne différait pas de celui des années antérieures et ne permettait pas de nourrir des inquiétudes sérieuses de nature à faire redouter des événements graves pour la sécurité des personnes, spécialement de celles originaires de métropole ;
Que les écrits électroniques de Catherine Y à cette période, n'y font d'ailleurs pas allusion, non plus d'ailleurs qu'au fait qu'elle serait chassée, ou se sentirait chassée, du domicile familial ; que ces écrits reflètent au contraire sa satisfaction de revenir en métropole (mail du 9 juin 2008), pour les vacances (cf. mail du 17 avril 2008 "je rentre cet été du 27 juin au 10 août, car dès le 11 août j'ai des amis de Dunkerque qui débarquent en Guadeloupe jusqu'au 29 août", et mail du 1er juin 2008 "je reprends l'avion pour la Guadeloupe le 10 août", après une fête au cours de laquelle Catherine Y se félicitait de n'avoir pas "pété les plombs" ce qui signifiait pour elle "il y a du bon, j'avance, j'ai envoyé mon CV dans
une boîte d'interim via Pascal", informations dont la teneur exclut tout ressentiment de Catherine Y envers son époux et ôte toute consistance au grief d'éviction, si ce n'est de répudiation, qu'elle élabore dans ses écritures au soutien de sa demande en divorce.
Attendu par ailleurs que l'attestation de Pierre et Christel ... est insuffisante à démontrer que Pascal Z avait noué une relation adultère, ce que les témoins ne précisent pas avoir constaté, ni même subodoré, en dépit de leur proximité avec le couple Z, se limitant à reproduire la déclaration de Pascal Z selon laquelle il laissait son épouse et les enfants au TOUQUET, en juillet 2008, car "il avait une autre femme dans sa vie" ;
Qu'aucun élément objectif ne vient corroborer la réalité de cette relation du mari ;
Que les écrits électroniques d'une amie à Catherine Y en octobre 2008 "nous n'approuvons pas les procédés de Pascal, il n'a pas le droit de jouer avec toi comme
cela ; c'est soit toi, soit Charlotte, soit tout seul ; ( ...) Il ne t'aurait pas quittée s'il nÿavait pas eu Charlotte" ne se réfèrent pas à des constatations personnelles du témoin
et ne donnent pas de précision significative sur le comportement de Pascal Z avec cette "Charlotte", de sorte que l'adultère du mari ne peut être considéré comme établi.
Attendu que c'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande reconventionnelle en divorce.
Sur les conséquences du rejet des demandes en divorce
Attendu que selon l'article 258 du code civil, lorsqu'il rejette définitivement la demande en divorce, le juge peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités d'exercice de l'autorité parentale.
Attendu qu'il résulte des pièces les plus récentes, que Pascal Z réside désormais non plus en Guadeloupe, mais en Algérie, où il est cadre dirigeant d'une concession automobile ;
Que ses conditions d'hébergement et d'existence dans ce pays, sont ignorées, spécialement au regard de l'accueil qu'il pourrait offrir à ses enfants a fortiori sur une terre totalement étrangère.
Attendu que Catherine Y n'a pas démérité dans ses fonctions de mère de famille ; qu'il est établi, et au demeurant non contesté, qu'elle a suivi régulièrement et avec beaucoup d'attention la scolarité de ses garçons et qu'en tout cas les avatars que ceux-ci, notamment Cédric en classe de sixième, ont pu connaître, ne sont pas imputables à des carences pédagogiques parentales, Catherine Y justifiant au contraire avoir mis en oeuvre des procédures de soutien de ses enfants au moyen de cours particuliers rémunérés par ses soins, et avoir aussi assuré l'inscription dans des activités extra-scolaires propices à l'épanouissement de ses fils, et conformes au train de vie que ceux-ci avaient pu connaître depuis leur enfance.
Attendu que par application de l'article 258 du code civil, si l'autorité parentale conjointe n'est pas remise en cause, la résidence habituelle de Cédric et Bastien sera fixée auprès de leur mère, toujours domiciliée au TOUQUET, tandis que le droit de visite et d'hébergement de Pascal Z devra être compatible avec les contraintes professionnelles qui sont les siennes, l'éloignement qui s'y rattache, et l'incertitude sur ses conditions matérielles de vie comme indiqué ci-avant.
Attendu qu'il est de l'intérêt des enfants, âgés de 14 et 10 ans, d'entretenir des liens réguliers avec leur père dont l'attachement à ceux-ci est avéré, qui a démontré son implication envers eux et le souci qui l'anime de jouer pleinement son rôle, préoccupation hautement légitime.
Attendu que la décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a prévu que le droit de visite et d'hébergement s'exercera à l'amiable et, à défaut d'accord des parties, à raison de dix fins de semaine par an, la totalité des congés scolaires de février et de Toussaint chaque année ainsi que la moitié des autres vacances scolaires en alternance, à charge pour Pascal Z de respecter, en tout état de cause et à chaque fois, un délai de prévenance minimum de deux semaines à l'égard de la mère des enfants.
Attendu que la contribution aux charges du mariage prévue à l'article 258 sus-visé, du code civil, est destinée à permettre la prise en charge de tous les frais de la maisonnée en ce compris ceux relatifs à l'entretien et l'éducation des enfants ; qu'elle ne peut être associée à une contribution spécifique à l'entretien des enfants, contrairement à ce qu'a décidé par erreur le premier juge.
Attendu que la contribution aux charges du mariage que devra verser en l'espèce Pascal Z à Catherine Y sera équitablement fixée à 2.500 euros par mois, avec indexation d'usage, alors que Pascal Z perçoit un salaire net de 11.000 euros par mois tandis que
Catherine Y exerce une activité de secrétaire juridique pour un salaire de l'ordre de 1.400 euros (en 2010), et assume la charge quotidienne des enfants dans l'immeuble du TOUQUET.
Attendu que la teneur du présent arrêt conduit à laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel.
Attendu que pour ce motif et en considération de l'équité, il y a lieu de débouter Pascal Z et Catherine Y de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf sur la contribution de Pascal Z à l'entretien et l'éducation des enfants et la contribution aux charges du mariage,
L'infirme sur ces points et statuant à nouveau,
Condamne Pascal Z à verser à Catherine Y une contribution aux charges du mariage de 2.500 euros par mois, payable d'avance chaque mois au domicile de Catherine Y, sans frais pour celle-ci,
Dit que cette contribution sera indexée sur l'indice national des prix à la consommation des ménages urbains, série France entière, publié par l'INSEE, et révisée chaque année en fonction de la variation de cet indice à la date anniversaire de la décision entreprise soit le 6 avril,
Déboute Pascal Z et Catherine Y de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
G. ... S. ...