SOC. PRUD'HOMMES SM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 24 avril 2013
Cassation partielle
M. BAILLY, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt no 774 F-D
Pourvoi no P 11-27.495
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Laurent Z, domicilié Dolomieu,
contre l'arrêt rendu le 4 octobre 2011 par la cour d'appel de Versailles (6ème chambre), dans le litige l'opposant à la société Nouvelles Frontières Touraventure, société anonyme, dont le siège est Montreuil cedex,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2013, où étaient présents M. Bailly, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Maron, conseiller rapporteur, Mme Deurbergue, conseiller, Mme Lesueur de Givry, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Maron, conseiller, les observations de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. Z, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 24 juin 2009, pourvoi no 08-40.357) que M. Z, engagé par la société Nouvelles Frontières Touraventure, le 6 juin 1988, en qualité de " téléacteur vacataire " et exerçant depuis le 1er avril 1992 les fonctions de directeur de la filiale allemande, a été licencié pour faute lourde, le 8 octobre 1993, au motif qu'il était dans l'incapacité de s'expliquer sur la destination de fonds manquants dans la comptabilité de la filiale ;
Sur le premier moyen
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il avait commis une faute grave justifiant son licenciement et de rejeter en conséquence ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen
1o/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la cour d'appel ne pouvait qualifier les seules négligences du salarié sur le contrôle de ses dépenses comme constitutives d'une faute grave, quand elle relevait elle-même que le salarié avait été nommé, dans un contexte de mauvaise tenue des comptes sociaux, à l'âge de 27 ans seulement aux fonctions de directeur d'une filiale allemande et que les faits qui lui étaient reprochés ne constituaient pas un détournement de fonds, et qu'il avait lui-même spontanément proposé, dès septembre 1993, de régulariser de sa propre initiative les comptes, signé des reconnaissances de dettes et sollicité l'intervention d'un auditeur sur les comptes sociaux, ce dont il résultait que la situation était apurée ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui a néanmoins affirmé que cette situation ne permettait pas dans l'immédiat le maintien du salarié dans l'entreprise, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2o/ que les seules négligences, même répétées, commises par un salarié dans la tenue de la comptabilité ne constituent pas une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, en présence d'un salarié promu aux fonctions de directeur d'une filiale allemande dans un contexte de mauvaise tenue des comptes sociaux, à l'âge de 27 ans seulement, et sans formation comptable particulière, la cour d'appel ne pouvait juger, en l'espèce, que le licenciement du salarié était fondé sur une faute grave quand, après avoir exclu tout détournement de fonds, elle constatait elle-même que seules des négligences répétées dans la tenue de la comptabilité concernant ses propres frais lui étaient reprochées ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3o/ que la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, ce dont il incombe à l'employeur de justifier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, constatant elle-même que le juge pénal avait relaxé le salarié des faits de détournement de fonds reprochés à hauteur de 63 000 DM, que les décomptes fournis par l'employeur étaient confus, les " débits non incontestablement imputables à M. Z " et relevant qu'après avoir omis de créditer certaines sommes, l'employeur avait imputé à tort au débit du salarié des frais professionnels et des chèques non établis à son ordre à hauteur d'un montant de 39 205 DM, la cour d'appel ne pouvait dire le licenciement justifié par une faute grave en l'état des motifs imprécis et insuffisants à établir la réalité et l'ampleur des anomalies comptables reprochées au salarié ; qu'elle n'a pas mis en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4o/ qu'il appartient à l'employeur de prouver exactement et précisément les faits constitutifs de la faute grave qu'il invoque ; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle constatait elle-même que l'employeur produisait des décomptes confus et incomplets et avait imputé à tort au débit du salarié des frais professionnels et des chèques non établis à son ordre, la cour d'appel, qui a exigé que le salarié conteste et justifie expressément de la totalité du débit de 119 649 DM reproché par l'employeur quand il incombait, au contraire, à l'employeur d'établir précisément que ce débit correspondait effectivement à des dépenses personnelles du salarié, a inversé la charge de la preuve en violation des articles 1315 du code civil et L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
5o/ qu'en affirmant que le salarié " précise expressément (p. 18 de ses écritures) contester une somme totale de 95 356 DM, ce qui conduit à retenir, au regard de la réclamation pour 119 649 DM, un solde négatif à son débit de 24 293 DM ", la cour d'appel a dénaturé les conclusions du salarié qui énonçaient que " le caractère incomplet des décomptes et leur manque total de rigueur imposent de les écarter dans leur totalité, les contestations permettant à tout le moins d'en écarter la somme de 95 356,02 DM ", et contestait ensuite, pour le solde, que celui-ci lui soit imputable ; qu'en déduisant un aveu judiciaire éventuel sur une somme de 24 293 DM, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que des négligences à la charge du salarié, a pu retenir, sans dénaturer les écritures de celui-ci, que les fautes qu'elle relevait à son encontre rendaient impossible son maintien dans l'entreprise ;
Que le moyen, non fondé en ses première et cinquième branches et qui tente de remettre en cause, en ses deuxième, troisième et quatrième branches l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, des éléments de preuve, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches
Vu les articles 623 à 625 et 638 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du code civil, et l'article 462 du code de procédure civile ;
Attendu, d'une part, qu'il résulte des premiers de ces textes que la cassation d'une décision en toutes ses dispositions investit la juridiction de renvoi de la connaissance de l'entier litige, dans tous ses éléments de fait et de droit, sans que le rejet de certains des moyens proposés n'ait d'incidence sur l'étendue de cette saisine ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte de l'article 462 du code de procédure civile, que seule la Cour de cassation est compétente pour rectifier une erreur matérielle dont serait entaché un de ses arrêts ;
Attendu que pour dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande du salarié relative à un préjudice pour perte d'allocations Assedic, la cour d'appel retient que par erreur matérielle, le dispositif de l'arrêt du 24 juin 2009 vise une cassation dans toutes ses dispositions de l'arrêt rendu le 26 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris et qu'il est manifeste pourtant, au vu des motifs, que la disposition relative aux dommages-intérêts pour perte d'allocations Assedic n'a pas été cassée ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen
Vu l'article 3 du code civil ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande relative à un préjudice fiscal, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que la société Nouvelles Frontières réplique utilement que l'obligation de retenue à la source pesant sur l'employeur ne dispense pas le salarié de se soumettre à sa propre obligation déclarative annuelle ;
Qu'en statuant ainsi, sans préciser la disposition de la loi allemande à laquelle elle se référait implicitement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de dommages-intérêts pour perte d'allocations Assedic, confirmé le jugement du 7 novembre 2005 en ce qui concerne le rejet de la demande de dommages-intérêts pour préjudice fiscal, et statué sur les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu le 4 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Nouvelles Frontières aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne également à payer à M. Z la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils pour M. Z
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que M. Z avait commis une faute grave justifiant son licenciement, D'AVOIR rejeté en conséquence ses demandes indemnitaires et sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ET D'AVOIR laissé les dépens à la charge de Monsieur Z ;
AUX MOTIFS QUE " la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; [que] l'employeur doit rapporter la preuve de l'existence de cette faute grave, après l'avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige ; [qu'] en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut, à lui seul, donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; [que] lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ; mais [que] l'existence de faits commis dans cette période permet l'examen de faits plus anciens relevant du même comportement, reproduits dans la période, s'ils n'ont jamais été sanctionnés ; [que] seuls les faits dénoncés dans la lettre de licenciement doivent donc être pris en compte à condition en principe qu'ils ne soient pas antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure, exclusion faite de faits relevant éventuellement du même comportement s'ils n'ont pas été invoqués, exclusion faite par ailleurs de faits relevant d'un autre comportement, spécialement s'ils sont antérieurs de plus de deux mois ; [que] la faute lourde résulte de l'intention caractérisée de nuire à l'employeur à l'origine des faits fautifs retenus dans les conditions précédentes ; [qu'] en l'espèce, la lettre de licenciement du 8 octobre 1993, qui fixe les limites du litige, est retranscrite dans les écritures respectives des parties, auxquelles il a été renvoyé ; elle vise, au delà de la faute grave, la faute lourde ; [qu'] elle ne vise cependant en rien une intention de nuire du salarié, évoquant des "anomalies détectées dans la comptabilité de la filiale allemande dont vous êtes le directeur", des "fonds sociaux manquants" devant dès lors être "considérés comme utilisés à des fins personnelles" ; [que] les premiers juges ont retenu que les faits reprochés au titre du licenciement étaient identiques à ceux objets de la plainte pénale, sous l'intitulé "faux, usage de faux, abus de confiance", et qu'en l'absence de toute déclaration de culpabilité, comme de condamnation pénale de Monsieur Z, le motif du licenciement était nécessairement inexistant ; [que] toutefois le Tribunal correctionnel de Lyon, dans sa décision du 12 octobre 2000, n'a expressément statué que sur des faits du 6 octobre 1993, constitutifs selon la poursuite de détournement de fonds à hauteur de 63.000 DM ; s'agissant à cette date, jour de l'entretien préalable à licenciement, de la signature par Monsieur Z d'une reconnaissance de dette sous seings privés, celle-ci ne caractérisait pas une infraction pénale ; [qu'] il a en conséquence été renvoyé des fins de la poursuite, sans peine ni dépens; [que] dès lors, tous autres faits antérieurs, même non visés exactement dans la lettre de licenciement quant à leurs dates, mais qui résultent d'un contrôle de la société en septembre et octobre 1993, sont distincts ; [que] le jugement du 12 octobre 2000 n'a ainsi aucune autorité de chose jugée et l'instance prud'homale doit suivre son cours ; [que] le premier moyen du pourvoi en cassation de Monsieur Z critiquait au demeurant l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, pour violation de l'article 1351 du code civil et du principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal; [que] la Cour de cassation l'a écarté comme n'étant pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; [que] le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a appliqué le principe ; [que] Monsieur Z conteste les décomptes de la société NOUVELLES FRONTIERES, leur présentation et leur caractère incomplet en matière de justificatifs ; [que] sa contestation est en partie corroborée par les termes de la lettre de licenciement précités, "fonds sociaux manquants considérés comme utilisés à des fins personnelles", qui sous-tendent qu'il y a déduction, mais non démonstration pour le tout ; [qu'] il ne disconvient pourtant pas s'être personnellement consenti un prêt de 15.000 DM sur les fonds de la filiale allemande ; [qu'] il fait état d'une absence de mise en oeuvre effective de son projet ; [que] les montants des détournements tels que chiffrés par la société NOUVELLES FRONTIERES incluent toutefois la somme de 15.000 DM, laquelle a bien été concrétisée par un chèque du 8 janvier 1993 ; [que] si les décomptes apparaissent à certains égards confus, et les débits non incontestablement imputables à Monsieur Z en ce qui concerne un solde négatif au 1er avril 1992, date à laquelle il est seulement rentré en fonctions, il n'en demeure pas moins qu'après avoir relevé utilement certaines sommes non créditées ou inexactement débitées, à savoir 6.000 DM d'indemnité d'expatriation, 4.729 DM de note de frais du 8 février 1993, 10.651 DM de remboursements de frais contrôlés comme rédigés par les comptables de l'entreprise, 5.523 DM présentant des sommes remises par la direction lors des passages à Paris, 12.302 DM ressortant de chèques non établis à son ordre ou sans indication de bénéficiaires, il précise expressément (page 18 de ses écritures) contester une somme totale de 95.356 DM, ce qui conduit à retenir, au regard de la réclamation pour 119.649 DM, un solde négatif à son débit de 24.293 DM ; [que] peu importe que les reconnaissances de dette successives des 17 juillet, 16 août et 6 octobre 1993 comportent des montants différents, dont le total n'est d'ailleurs pas compatible avec celui de la réclamation ; Monsieur Z met en avant, selon explications plausibles, comme seule pertinente la deuxième pour une somme de 35.050 DM, ce qui est ainsi à son détriment ; [qu'] il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il y a eu prise en charge sur les comptes de l'entreprise d'un ensemble de dépenses de Monsieur Z, qui présentaient un caractère personnel et non professionnel, comme celle d'un "Avocat pour ses besoins personnels", observation qu'il n'a jamais contestée formellement ; [que] la faute est établie, sans qu'elle caractérise exactement un détournement de fonds ; [qu'] au regard des démarches spontanées de l'intéressé, qui n'est en particulier pas contredit lorsqu'il précise (page 11 de ses écritures) avoir lui-même sollicité en septembre 1993 l'intervention d'un auditeur, de son souci dès lors d'établir un compte de sa dette, enfin des reconnaissances de dette régularisées de sa propre initiative, avec omission de réserves de substitution, l'intention de nuire à l'employeur n'est en aucun cas caractérisée ; [qu'] il n'y a pas faute lourde ; [qu'] en revanche, compte tenu de son niveau de responsabilité, Monsieur Z a, largement à tort, négligé de façon répétée le contrôle de ses dépenses réellement imputables (part de loyer non prise en charge), et dans un contexte de mauvaise tenue des comptes de la société, qu'il fait précisément valoir; [que] la société NOUVELLES FRONTIERES évoque au demeurant expressément (page 16 de ses écritures) un défaut de gestion rigoureuse de la comptabilité concernant ses propres frais ; [que] cette situation ne permettait pas dans l'immédiat son maintien dans l'entreprise et il a commis une faute grave ; [qu'] en conséquence, il doit être, par infirmation du jugement, débouté de ses demandes en paiement au titre d'une indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse " (arrêt, p. 6-8) ; [Que] Monsieur Z succombe en totalité et le jugement qui lui a alloué une indemnité de procédure doit être infirmé sur ce point ; s'agissant des demandes en cause d'appel, la sienne sera rejetée pour le même motif mais aucune considération d'équité ne commande de faire bénéficier la société NOUVELLES FRONTIERES des dispositions de ce texte " (arrêt, p. 10) ;
1./ ALORS, D'UNE PART, QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la Cour d'appel ne pouvait qualifier les seules négligences du salarié sur le contrôle de ses dépenses comme constitutives d'une faute grave, quand elle relevait elle-même que le salarié avait été nommé, dans un contexte de mauvaise tenue des comptes sociaux, à l'âge de 27 ans seulement aux fonctions de directeur d'une filiale allemande et que les faits qui lui étaient reprochés ne constituaient pas un détournement de fonds, et qu'il avait lui-même spontanément proposé dès septembre 1993 de régulariser de sa propre initiative les comptes, signé des reconnaissances de dettes et sollicité l'intervention d'un auditeur sur les comptes sociaux, ce dont il résultait que la situation était apurée ; qu'en cet état, la Cour d'appel, qui a néanmoins affirmé que cette situation ne permettait pas dans l'immédiat le maintien du salarié dans l'entreprise, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
2./ ALORS, D'AUTRE PART, QUE les seules négligences, même répétées, commises par un salarié dans la tenue de la comptabilité ne constituent pas une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, en présence d'un salarié promu aux fonctions de directeur d'une filiale allemande dans un contexte de mauvaise tenue des comptes sociaux, à l'âge de 27 ans seulement, et sans formation comptable particulière, la Cour d'appel ne pouvait juger en l'espèce que le licenciement de l'exposant était fondé sur une faute grave quand, après avoir exclu tout détournement de fonds, elle constatait elle-même que seules des négligences répétées dans la tenue de la comptabilité concernant ses propres frais lui étaient reprochées ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
3./ ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, ce dont il incombe à l'employeur de justifier ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, constatant elle-même que le juge pénal avait relaxé le salarié des faits de détournement de fonds reprochés à hauteur de 63 000 DM, que les décomptes fournis par l'employeur étaient confus, les " débits non incontestablement imputables à M. Z " et relevant qu'après avoir omis de créditer certaines sommes, l'employeur avait imputé à tort au débit de l'exposant des frais professionnels et des chèques non établis à son ordre à hauteur d'un montant de 39 205 DM, la Cour d'appel ne pouvait dire le licenciement justifié par une faute grave en l'état des motifs imprécis et insuffisants à établir la réalité et l'ampleur des anomalies comptables reprochées au salarié ; qu'elle n'a pas mis en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
4./ ALORS, AUSSI, QU'il appartient à l'employeur de prouver exactement et précisément les faits constitutifs de la faute grave qu'il invoque ; qu'en l'espèce, dès lors qu'elle constatait elle-même que l'employeur produisait des décomptes confus et incomplets et avait imputé à tort au débit de l'exposant des frais professionnels et des chèques non établis à son ordre, la Cour d'appel, qui a exigé que le salarié conteste et justifie expressément de la totalité du débit de 119 649 DM reproché par l'employeur quand il incombait, au contraire, à l'employeur d'établir précisément que ce débit correspondait effectivement à des dépenses personnelles de l'exposant, a inversé la charge de la preuve en violationdes articles 1315 du Code civil et L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
5./ ALORS, ENFIN, QU'en affirmant que le salarié " précise expressément (p. 18 de ses écritures) contester une somme totale de 95 356 DM, ce qui conduit à retenir, au regard de la réclamation pour 119 649 DM, un solde négatif à son débit de 24 293 DM " (arrêt, p. 8, § 4), la Cour d'appel a dénaturé les conclusions du salarié qui énonçaient que " le caractère incomplet des décomptes et leur manque total de rigueur imposent de les écarter dans leur totalité, les contestations permettant à tout le moins d'en écarter la somme de 95 356,02 DM ", et contestait ensuite, pour le solde, que celui-ci lui soit imputable ; qu'en déduisant un aveu judiciaire éventuel sur une somme de 24 293 DM, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur Z au titre de la perte d'allocations de chômage, D'AVOIR rejeté sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ET D'AVOIR laissé les dépens à la charge de Monsieur Z ;
AUX MOTIFS QUE " la Cour de cassation a expressément rejeté le moyen du pourvoi du salarié, portant sur la critique du rejet par la Cour d'appel de paris de sa demande de dommages et intérêts pour perte d'allocations ASSEDIC ; [que] par erreur matérielle, le dispositif de l'arrêt du 24 juin 2009 vise une cassation " dans toutes ses dispositions" de l'arrêt rendu le 26 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; [qu'] il est manifeste pourtant, au vu des motifs, que la disposition relative aux dommages intérêts ci-dessus n'a pas été cassée ; [qu'] il s'ensuite, au regard de cette cassation en pratique seulement partielle, que Monsieur Z ne peut de nouveau formuler cette demande, que la cour de céans n'a plus à apprécier ; [qu'] il n'y a pas lieu de statuer " (arrêt, p. 6) ;
[Que] Monsieur Z succombe en totalité et le jugement qui lui a alloué une indemnité de procédure doit être infirmé sur ce point ; s'agissant des demandes en cause d'appel, la sienne sera rejetée pour le même motif mais aucune considération d'équité ne commande de faire bénéficier la société NOUVELLES FRONTIERES des dispositions de ce texte " (arrêt, p. 10) ;
1./ ALORS QUE la cassation d'une décision dans toutes ses dispositions ne laisse subsister aucun chef du dispositif de cette décision et investit la juridiction de renvoi de la connaissance de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit ; que le rejet préalable de certains moyens du pourvoi en cassation a seulement pour objet d'éclairer la juridiction de renvoi sur la doctrine de la Cour de cassation et est sans incidence sur l'étendue de la cassation prononcée ; que la Cour d'appel de renvoi ne pouvait énoncer en l'espèce que la Cour de cassation avait commis une erreur matérielle dans le dispositif de son arrêt du 24 juin 2009, en prononçant une cassation totale de l'arrêt du 26 novembre 2007 au lieu d'un cassation partielle, au seul prétexte que celle-ci avait expressément rejeté le moyen du pourvoi en cassation formé par le salarié relativement à sa demande de dommages et intérêts pour la perte d'allocations de chômage, quand le seul rejet de ce moyen n'avait aucune incidence sur l'étendue de la cassation totale fondée sur un autre moyen du pourvoi relatif à la faute lourde et que cette cassation totale l'investissait nécessairement de la connaissance de l'entier litige dans tous ses éléments de fait et de droit ; qu'en refusant ainsi de statuer sur la demande de l'exposant tendant à la réparation de son préjudice pour la perte d'allocations de chômage, la Cour d'appel de renvoi a entaché sa décision d'un déni de justice, en violation des articles 4 et 1351 du Code civil, ensemble les articles 623 à 625 et 638 du Code de procédure civile ;
2./ ALORS, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE les erreurs matérielles entachant un arrêt de la Cour de cassation ne peuvent être réparées que par la Cour de cassation elle-même ; que la Cour d'appel de renvoi ne pouvait énoncer en l'espèce que la Cour de cassation avait commis une erreur matérielle dans le dispositif de son arrêt du 24 juin 2009, en prononçant une cassation totale de l'arrêt du 26 novembre 2007, et dire que la cassation opérée était en réalité seulement partielle, quand seule la Cour de cassation pouvait réparer, le cas échéant, une éventuelle erreur matérielle entachant le dispositif de son arrêt ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel de renvoi a commis un excès de pouvoir, en méconnaissance de l'article 462 du Code de procédure civile ;
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de M. Z tendant à obtenir des dommages et intérêts au titre de son préjudice fiscal, D'AVOIR rejeté sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ET D'AVOIR laissé les dépens à la charge de Monsieur Z ;
AUX MOTIFS QUE " le troisième moyen du pourvoi en cassation de Monsieur Z critiquait l'arrêt de la Cour d'appel de paris, pour violation de l'article 455 du code de procédure civile, faute de réponse par la juridiction à divers moyens des conclusions sur ce litige ; [que] la Cour de cassation l'a écarté comme n'étant pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; [que] devant la cour de céans, Monsieur Z soutient longuement sa réclamation, en énonçant l'historique, les montants établis par l'administration fiscale allemande, initialement en février 1998, puis en 2010, après clôture de la dette en avril 2008 ; [qu'] il fait en définitive état d'une perte financière de 17.389 euros ; [qu'] il impute à la société NOUVELLES FRONTIERES non seulement un manquement à l'obligation de retenue à la source, mais encore une transmission ultérieure, après contrôle fiscal, d'éléments erronés le concernant, notamment en majorant le montant de ses revenues des sommes qu'elle estimait détournées ; [qu'] il ne rapporte pas la preuve de ces dernières affirmations ; [que] par ailleurs la société NOUVELLES FRONTIERES réplique utilement que l'obligation de retenue à la source pesant sur l'employeur ne dispense pas le salarié de se soumettre à sa propres obligation déclarative annuelle ; [qu'] au demeurant, en l'absence de retenue à la source, Monsieur Z a bénéficié d'une trésorerie plus avantageuse ; [qu'] il ne soutient pas n'avoir pas été intégralement réglé de ses salaires et accessoires ; [que] demeurant inexpliquées les raisons pour lesquelles sa dette, réduite de 7. 497 euros au 27 septembre 2000, soit en deux ans, a fait l'objet ensuite, selon lui, de versements qui ont duré près de huit années, l'aggravant de 20.952 euros à 25.553 euros ; [qu'] enfin, il affirme que son imposition était à calculer sur son salaire net, mais rien ne permet de retenir définitivement que les avantages tenant à l'indemnité d'expatriation et à l'indemnité de logement devaient être exclus de la base de calcul, alors en outre que ces avantages sont par lui intégrés lorsqu'il formule sa réclamation pour indemnité conventionnelle de licenciement ; [que] dès lors le jugement qui a rejeté la prétention de ce chef doit être confirmé " (arrêt, p. 8-9) ;
[Que] Monsieur Z succombe en totalité et le jugement qui lui a alloué une indemnité de procédure doit être infirmé sur ce point ; s'agissant des demandes en cause d'appel, la sienne sera rejetée pour le même motif mais aucune considération d'équité ne commande de faire bénéficier la société NOUVELLES FRONTIERES des dispositions de ce texte " (arrêt, p. 10) ;
1./ ALORS, D'UNE PART, QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que, pour débouter en l'espèce l'exposant de sa demande tendant à la réparation de son préjudice fiscal, la Cour d'appel ne pouvait retenir qu'il ne rapportait pas la preuve du manquement de l'employeur à son obligation de retenue à la source (arrêt, p. 9, § 3 et 4), quand elle constatait elle-même, par la suite, l'absence de retenue à la source (p. 9, § 4) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2./ ALORS, D'AUTRE PART, QUE les juges ne peuvent dénaturer les éléments du litige ; que la Cour d'appel ne pouvait rejeter en l'espèce la demande de l'exposant tendant à la réparation de son préjudice fiscal en affirmant qu'il ne rapportait pas la preuve de ce que l'employeur avait déclaré à l'administration fiscale allemande une base d'imposition surévaluée, car les pièces produites aux débats par l'exposant établissaient qu'il avait payé à l'administration fiscale allemande une somme en principal de 18 594,66 euros au titre de l'impôt sur le revenu des années 1992 et 1993,
quand son imposition n'aurait dû s'élever pour cette période qu'à la somme de 8 163, 33 euros compte tenu de son revenu net imposable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
3./ ALORS, DE MEME, QUE la Cour d'appel ne pouvait débouter en l'espèce l'exposant de sa demande en réparation de son préjudice fiscal en affirmant qu'en l'absence de retenue à la source, l'exposant avait bénéficié d'une trésorerie plus avantageuse et que demeuraient inexpliquées les raisons pour lesquelles sa dette fiscale se serait aggravée à la somme de 25 553 euros, quand les pièces versées aux débats par l'exposant établissaient qu'il avait payé à l'administration fiscale allemande un impôt en principal de 18 594, 66 euros, majoré à 25 553, 08 euros au titre des années 1992 et 1993, en raison des intérêts de retard liés à l'absence de retenue à la source opérée par l'employeur et à son impossibilité de recourir à un nouveau prêt pour rembourser sa dette fiscale ; qu'en cet état, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
4./ ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE les juges ne peuvent rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par le demandeur au soutien de ses prétentions ; que la Cour d'appel ne pouvait rejeter en l'espèce la demande de l'exposant tendant à la réparation de son préjudice fiscal, sans examiner, même sommairement, les pièces qu'il produisait, lesquelles étaient de nature à démontrer qu'il avait versé à l'administration fiscale allemande, au titre de l'impôt sur le revenu pour les années 1992 et 1993, une somme en principal de 18 594,66 euros, majoré à 25 553, 08 euros en raison des intérêts de retard, quand son imposition n'aurait dû s'élever, si l'employeur avait procédé à une retenue à la source, à un montant de 8 163, 33 euros, compte tenu de son revenu net imposable ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
5./ ALORS, ÉGALEMENT, QUE le juge est tenu de préciser les dispositions de la loi étrangère sur lesquelles il se fonde ; qu'en l'espèce, les parties s'accordant sur l'application de la législation fiscale allemande et la Cour d'appel retenant elle-même l'existence d'une obligation de retenue à la source pesant sur l'employeur, ce dont il résultait qu'elle retenait la législation fiscale allemande, il lui incombait d'expliciter les dispositions légales sur lesquelles elle se fondait pour affirmer que le salarié n'était, en cet état, pas dispensé de se soumettre à sa propre obligation déclarative annuelle ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser les dispositions de droit allemand qui imposeraient à l'exposant une telle obligation, la Cour d'appel, qui n'a pas mis en mesure la Cour de cassation d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 du Code civil et 12 du Code de procédure civile ;
6./ ALORS, ENFIN, QU'il incombe au juge français de rechercher, au besoin avec le concours des parties, la teneur du droit étranger applicable ; que la Cour d'appel ne pouvait débouter en l'espèce l'exposant de sa demande en réparation de son préjudice fiscal, du fait d'une déclaration majorée du montant de ses revenus à l'administration fiscale allemande, en affirmant que son imposition était à calculer sur son salaire net mais que rien ne permettait d'exclure de la base de calcul de l'impôt ses indemnités d'expatriation et de logement et en retenant de manière inopérante que le salarié avait calculé son indemnité conventionnelle de licenciement en y intégrant ces deux indemnités, sans rechercher ni expliciter la teneur du droit allemand applicable ou interroger les autorités allemandes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 3 du Code civil et 12 du Code de procédure civile.