COMM. IK
COUR DE CASSATION
Audience publique du 23 avril 2013
Rejet
M. ESPEL, président
Arrêt no 454 FS-P+B
Pourvoi no A 12-14.906
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Fethi Z, domicilié Cagnes-sur-Mer,
contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2011 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (8o chambre A), dans le litige l'opposant
1o/ à la caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur, société anonyme, dont le siège est Nice cedex 3,
2o/ à M. Michel X, domicilié Antibes, pris en qualité de liquidateur judiciaire de M. Fehti Z,
3o/ à Mme Aïcha Ben WZ, épouse WZ, domiciliée Cagnes-sur-Mer,
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 mars 2013, où étaient présents M. Espel, président, Mme Texier, conseiller référendaire rapporteur, Mmes Canivet-Beuzit, Levon-Guérin, M. Rémery, Mme Jacques, MM. Zanoto, Guérin, Mme Vallansan, conseillers, Mme Guillou, MM. Lecaroz, Arbellot, Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, conseillers référendaires, Mme Pénichon, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Texier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Z, de la SCP Defrénois et Lévis, avocat de la caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur, l'avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 septembre 2011), que M. Z a été mis en liquidation judiciaire le 20 juillet 2007 ; que par acte notarié du 5 novembre 2007, M. et Mme Z ont acquis un bien immobilier au moyen de deux prêts consentis par la caisse d'épargne et de prévoyance Côte d'Azur (la caisse) suivant offres préalables acceptées le 20 décembre 2006 ; que, par deux ordonnances du 17 mars 2010, le juge-commissaire a rejeté les créances déclarées par la caisse au titre de ces prêts ;
Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt d'avoir admis les créances de la caisse au passif de la liquidation judiciaire, alors, selon le moyen
1o/ que la loi du 26 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, a remplacé l'expression de créance " qui a son origine " antérieurement au jugement d'ouverture visée par l'ancien article L. 621-43 du code de commerce par celle de créance " née " antérieurement au jugement d'ouverture dans l'actuel article L. 622-24 du code de commerce; que les deux expressions ne sont pas équivalentes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, après avoir constaté que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire a été prononcé le 1er juillet 2007, ce qui justifiait l'application de la loi de 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, s'est au contraire référée à tort au droit antérieur en affirmant que la créance de remboursement d'un crédit immobilier dont l'offre a été acceptée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, " a son origine " antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'elle a ainsi violé par fausse application l'ancien article L. 621-43 du code de commerce et par refus d'application l'article L. 622-24 du code de commerce, issu de la loi du 26 juillet 2005 ;
2o/ qu'il ressort des conclusions d'appel de la caisse que celle-ci prétendait fixer la date de naissance de ses créances à la date " mise à disposition des fonds " entre les mains du notaire, "antérieurement au jugement d'ouverture du 20 juillet 2007 ", en " trois reprises ", les " 27 décembre 2006 ", " 4 janvier 2007 " et " 16 mai 2007" ; que, pour sa part, le liquidateur faisait valoir dans ses écritures, auxquelles s'associait expressément M. Z dans les siennes, qu'à supposer les fonds détenus par le notaire avant l'établissement de l'acte authentique du 5 novembre 2007, une telle détention des fonds par l'officier ministériel, au demeurant contestée, n'aurait pu avoir lieu qu'en qualité de " mandataire de la banque " mais non " des époux Z " qui, de plus, n'auraient jamais pu " prétendre en disposer " et qu'en réalité, les créances alléguées par la banque étaient nées le 5 novembre 2007, date de signature du prêt hypothécaire et de la vente ; qu'en retenant la date du " 20 décembre 2006", date prétendue d'acceptation de l'offre de prêt qui n'était invoquée par aucune partie, l'offre n'étant d'ailleurs produite aux débats par aucune d'elles, voire la date du " 5 juillet 2007 ", correspondant à l'exigibilité prétendue des premières échéances de remboursement des prêts, qui n'était pas davantage invoquée par les parties, la cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3o/ que si la cour d'appel a entendu statuer en droit en retenant la date prétendue de l'acceptation de l'offre de prêt (20 décembre 2006), ou la date prétendue d'exigibilité des premières échéances de remboursement (5 juillet 2007), faute de préciser la règle de droit en cause et, surtout, d'inviter au préalable les parties à s'expliquer contradictoirement à cet égard, elle a alors méconnu la règle du débat contradictoire, en violation de l'article 16 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'origine et la naissance d'une créance de remboursement d'un crédit immobilier dont l'offre a été acceptée se situent à la même date, de sorte qu'il est sans incidence sur la solution du litige que la cour d'appel se soit déterminée en considération de l'origine plutôt que de la naissance des créances de la caisse ;
Attendu, en second lieu, que, saisie par la caisse d'une demande d'admission de ses créances à laquelle M. Z et le liquidateur s'opposaient en soutenant qu'elles étaient exclues du champ d'application des articles L. 622-24 et L. 641-13, I, du code de commerce comme étant nées irrégulièrement après le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants relatifs à la date des premières échéances de remboursement, s'est bornée, sans modifier l'objet du litige ni introduire de nouveaux éléments de fait dans le débat, à examiner si les conditions d'application de ces textes étaient réunies ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, par infirmation des deux ordonnances entreprises, admis les créances de la Caisse d'Epargne Côte d'azur au passif de la liquidation judiciaire de M. Fethi Z à hauteur des sommes de 216.814,31 euros et 26.925 euros à titre privilégié hypothécaire échu ;
AUX MOTIFS QUE la créance de remboursement d'un crédit immobilier dont l'offre a été acceptée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective a son origine antérieurement au jugement d'ouverture et doit dès lors être déclarée ; que les époux Z ont accepté le 20 décembre 2006 les deux offres de prêt en vue d'acquérir les biens immobiliers situés à Cagnes sur mer ; que par ailleurs l'acte authentique de vente en date du 5 novembre 2007 contenant indication des deux prêts immobiliers précise que les premières échéances de remboursement pour chacun d'eux sont fixées au 5 juillet 2007, soit antérieurement, tant à l'ouverture de la procédure collective qu'à la signature de l'acte de vente ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que les deux déclarations de créances effectuées par la Caisse d'Epargne Côte d'azur au titre des deux prêts ont été rejetées comme concernant des créances postérieures à l'ouverture de la procédure collective ; que ces deux créances seront en conséquence admises au passif de la liquidation judiciaire de M. Z comme précisé au dispositif ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la loi du 26 juillet 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, a remplacé l'expression de créance " qui a son origine " antérieurement au jugement d'ouverture visée par l'ancien article L.621-43 du code de commerce par celle de créance " née " antérieurement au jugement d'ouverture dans l'actuel article L.622-24 du code de commerce ; que les deux expressions ne sont pas équivalentes ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui, après avoir constaté que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire a été prononcé le 1er juillet 2007, ce qui justifiait l'application de la loi de 2005, entrée en vigueur le 1er janvier 2006, s'est au contraire référée à tort au droit antérieur en affirmant que la créance de remboursement d'un crédit immobilier dont l'offre a été acceptée antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, " a son origine " antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'elle a ainsi violé par fausse application l'ancien article L.621-43 du code de commerce et par refus d'application l'article L.622-24 du code de commerce, issu de la loi du 26 juillet 2005 ;
2/ ALORS, D'AUTRE PART, QU' il ressort des conclusions d'appel de la Caisse d'Epargne Côte d'azur que celle-ci prétendait fixer la date de naissance de ses créances à la date " mise à disposition des fonds " entre les mains du notaire, " antérieurement au jugement d'ouverture du 20 juillet 2007 ", en " trois reprises ", les " 27 décembre 2006 ", " 4 janvier 2007 " et " 16 mai 2007 " ; que, pour sa part, Maître X, ès qualités, faisait valoir dans ses écritures, auxquelles s'associait expressément M. Z dans les siennes (p.6), qu'à supposer les fonds détenus par le notaire avant l'établissement de l'acte authentique du 5 novembre 2007, une telle détention des fonds par l'officier ministériel, au demeurant contestée, n'aurait pu avoir lieu qu'en qualité de " mandataire de la banque " mais non " des époux Z " qui, de plus, n'auraient jamais pu " prétendre en disposer " et qu'en réalité, les créances alléguées par la banque étaient nées le 5 novembre 2007, date de signature du prêt hypothécaire et de la vente ; qu'en retenant la date du " 20 décembre 2006 ", date prétendue d'acceptation de l'offre de prêt qui n'était invoquée par aucune partie, l'offre n'étant d'ailleurs produite aux débats par aucune d'elles, voire la date du " 5 juillet 2007 ", correspondant à l'exigibilité prétendue des premières échéances de remboursement des prêts, qui n'était pas davantage invoquée par les parties, la Cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3/ ALORS, ENFIN, QUE, si la Cour d'appel a entendu statuer en droit en retenant la date prétendue de l'acceptation de l'offre de prêt (20 décembre 2006), ou la date prétendue d'exigibilité des premières échéances de remboursement (5 juillet 2007), faute de préciser la règle de droit en cause et, surtout, d'inviter au préalable les parties à s'expliquer contradictoirement à cet égard, elle a alors méconnu la règle du débat contradictoire, en violation de l'article 16 du code civil.