SOC. PRUD'HOMMES DG
COUR DE CASSATION
Audience publique du 24 avril 2013
Rejet
M. BAILLY, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt no 778 F-D
Pourvoi no Z 12-12.007
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Gérard Z, domicilié Marseille,
contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2011 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Contrôle mesure régulation, société anonyme, dont le siège est Marseille cedex 13,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mars 2013, où étaient présents M. Bailly, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Contamine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Deurbergue, conseiller, Mme Lesueur de Givry, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Contamine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. Z, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Contrôle mesure régulation, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 18 novembre 2011), que M. Z, engagé à compter du 1er septembre 1979 par la société Contrôle mesure régulation en qualité d'assistant du service achats, a été titulaire au cours de sa carrière de mandats de représentant du personnel et de délégué syndical ; qu'il a été mis à la retraite le 31 mars 2004 ; qu'une première instance l'opposant à l'employeur s'étant achevée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 18 janvier 2007, il a de nouveau saisi la juridiction prud'homale le 22 mai 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes formées au titre de rappel de salaire et de préjudice de carrière au titre d'une discrimination syndicale alors, selon le moyen
1o/ qu'il résulte de l'article R. 1452-6, anciennement R. 516-1 du code du travail, qui pose la règle de l'unicité de l'instance en matière prud'homale, que toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une même instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; que la révélation s'entend du moment où le salarié le salarié a eu la connaissance exacte des faits de discrimination et du préjudice dont il se prétend victime ; qu'en jugeant que M. Z, en sa qualité de salarié protégé, aurait dû avoir conscience de la discrimination dont il avait été victime et ainsi en faire état lors de la première procédure, alors que ce n'est qu'au vu de la situation réelle que le juge pouvait arrêter la date de la révélation des faits, la cour d'appel a violé par fausse application les articles R. 1452-6, R. 1452-7 et L. 1134-5 du code du travail ;
2o/ qu' en s'abstenant de rechercher à partir de quel moment la discrimination avait effectivement été révélée à Monsieur Z, la cour d'appel a privé sa décision au regard des articles R. 1452-6, R. 1452-7 et
L. 1134-5 du code du travail ;
3o/ que la révélation du fondement des prétentions, qui s'entend du moment où le salarié a eu la connaissance exacte des faits de discrimination et du préjudice dont il se prétend victime, ne nécessite pas que l'employeur communique des éléments de comparaison ; qu'en jugeant que
M. Z n'avait pas fait la preuve de la révélation, au motif que l'employeur n'avait communiqué aucun document, tandis que les éléments de comparaison étaient fournis par M. Z, la cour d'appel a statué par des motifs erronés, en violation des articles R. 1452-6, R. 1452-7 et L. 1134-5 du code du travail ;
4o/ qu'il résulte de l'article L. 1134-1 du code du travail qu'en cas de contestation par l'employeur de la recevabilité de l'action en raison du principe de l'unicité de l'instance, il lui appartient d'apporter la preuve que le salarié avait connaissance tant de l'existence de la situation de la discrimination que de sa connaissance de l'étendue du préjudice en résultant ; que les premiers juges ont estimé que la révélation du fondement de la demande au sens de l'article L. 1452-6 du code du travail ne pouvait être qu'un élément objectif matériellement vérifiable, dont la preuve devait être rapportée par le salarié, dès lors qu'il était établi que les faits de discrimination allégués se situaient antérieurement à l'arrêt d'appel rendu dans la première procédure ; qu'en exigeant du salarié qu'il rapporte la preuve de la révélation du fondement de la demande, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles R. 1452-6, R. 1452-7 et L. 1134-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant fait ressortir, par motifs propres et adoptés, que les faits invoqués par le salarié comme constitutifs d'une discrimination étaient nés et connus de lui avant l'achèvement de la précédente procédure, la cour d'appel a exactement décidé que ses nouvelles demandes se heurtaient au principe de l'unicité de l'instance ; qu'elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils pour M. Z
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté l'exposant de ses demandes d'un montant de 4 385,33 euros à titre de rappel de salaire, de 90 000 euros au titre d'un préjudice de carrière et de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS propres QUE la cour adopte expressément les justes motifs des premiers juges, fondés en droit et exacts en fait, ajoutant que M. Z était particulièrement instruit de la définition de la discrimination syndicale en sa qualité de salarié protégé, de sorte qu'il ne peut raisonnablement soutenir qu'il fut ébloui sur l'inégalité prétendue de son parcours professionnel par un banal propos émanant d'un tiers, après qu'il a épuisé les voies de droit en recherchant la responsabilité de son employeur par un premier procès ; qu'en cause d'appel le conseil de M. Z soulève un moyen de droit nouveau tiré de l'incompatibilité de la règle française de l'unicité de l'instance prud'homale d'avec le principe du libre accès au juge posé par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ; mais que la question fut tranchée le 23 octobre 2007 par la décision de la cour européenne des droits de l'homme, statuant sur la requête no 17779/04, ladite cour rappelant utilement que le juge social peut être facilement saisi par un salarié, que le principe de l'unicité de l'instance prud'homale évite un éparpillement des procédures et, partant, le risque de contrariété de décisions, en conséquence de quoi, cette disposition interne poursuit un but légitime ; que le moyen d'appel sera rejeté.
AUX MOTIFS adoptés QUE les parties ont demandé à l'audience un nouveau débat sur le fond si la fin de non recevoir soulevée par la société CONTRÔLE MESURE RÉGULATION était rejetée par le Conseil, limitant ainsi les débats au moyen d'irrecevabilité tiré de l'article L. 1452-6 du code du travail ; que l'article R. 1452-6 du code du travail comporte les dispositions suivantes toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; que la société CONTRÔLE MESURE RÉGULATION soutient que M. Z serait irrecevable en ses demandes faute d'avoir saisi le juge des présentes prétentions au cours de la précédente procédure, alors que leur fondement était déjà né lorsqu'est intervenu l'arrêt de la cour d'appel d'ALX EN PROVENCE le 18 janvier 2007 ; que M. Z a saisi le Conseil le 5 mai 2008 en vue de voir condamner la société CONTRÔLE MESURE RÉGULATION pour discrimination syndicale. M. Z soutient que le fondement de ses demandes n'a été révélé que postérieurement à l'arrêt précité. Il fait valoir en particulier qu'il n'a eu connaissance des faits qui lui ont permis de penser qu'il était victime d'une discrimination qu'à la date où il a saisi la juridiction. Il prétend établir cet état de fait en produisant l'attestation de monsieur ... datée du 20 mai 2009, qui écrit notamment j'ai également fait part à M. Z de mon étonnement sur le fait qu'il n'engageait pas une procédure pour discrimination étant donné que le fait me semblait établi. En effet plusieurs collègues de travail estimaient injuste le fait que G. Z qui les représentaient au comité d'entreprise ou comme délégué syndical restait confiné à un poste de magasinier. Mon collègue et moi-même associant l'exercice de ces mandats au profit des salariés avec la volonté de la direction de ne pas faire évoluer la carrière de M. Z. Il est possible de démontrer cette discrimination autant par le blocage du salaire que celui de l'évolution des carrières de la plupart des salariés ayant une ancienneté conséquente ont fini leur carrière à un niveau et qualification honorable ; qu'aucun fait postérieur au 18 janvier 2007 n'est évoqué par M. ..., mais seulement une prise de conscience par M. Z, survenue à l'occasion de discussions avec le témoin, de l'existence d'une discrimination syndicale dont il aurait été victime entre le mois de mars 1984 et le mois de mars 2004 ; que cependant, la révélation du fondement de la demande au sens de l'article 1452-6 du code du travail ne peut être qu'un élément objectif matériellement vérifiable dont la preuve doit être rapportée par le salarié, dès lors qu'il est parfaitement établi, comme tel est le cas en l'espèce, que les faits de discrimination allégués se situent antérieurement à l'arrêt précité statuant sur un litige entre les mêmes parties concernant le même contrat de travail ; que par ailleurs, si M. Z invoque à titre de révélation au sens de l'article 1452-6 précité la communication par l'employeur, après l'achèvement d'une première procédure, des documents de comparaison permettant d'établir le préjudice lié à une discrimination, tel n'est pas le cas dans la présente espèce où l'employeur n'a communiqué aucun document et où les éléments de comparaison sont fournis par M. Z s'agissant de la liste électorale pour les élections professionnelles datée du 21 mars 1984 et de la liste électorale du mois de décembre 2004 qui font apparaître la qualification des salariés ; qu'en outre, ce raisonnement établit une confusion entre la connaissance d'un fait par le salarié et les règles de preuve spécifiques à la matière ; que M. Z soutient également que la première procédure était limitée aux conditions de son départ de l'entreprise et ne concernait pas les conditions d'exécution du contrat de travail comme la présente procédure ; que néanmoins, tant les demandes relatives à la cessation de la relation contractuelle que celles relatives à son exécution dérivent du contrat de travail au sens de l'article 1452-6 précité et il ne peut être opéré une distinction entre elles qui aurait pour effet d'exclure les demandes relatives à la rupture du contrat de travail du champ d'application du principe d'unicité de l'instance ; que dans ces conditions, il doit être fait droit à la fin de non recevoir soulevée par la société CONTRÔLE MESURE RÉGULATION.
ALORS QU'il résulte de l'article R. 1452-6, anciennement R. 516-1 du code du travail, qui pose la règle de l'unicité de l'instance en matière prud'homale, que toutes les demandes dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties doivent faire l'objet d'une même instance, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes ; que la révélation s'entend du moment où le salarié le salarié a eu la connaissance exacte des faits de discrimination et du préjudice dont il se prétend victime ; qu'en jugeant que M. Z, en sa qualité de salarié protégé, aurait dû avoir conscience de la discrimination dont il avait été victime et ainsi en faire état lors de la première procédure, alors que ce n'est qu'au vu de la situation réelle que le juge pouvait arrêter la date de la révélation des faits, la cour d'appel a violé par fausse application les articles R. 1452-6, R. 1452-7 et L. 1134-5 du code du travail.
ALORS à tout le moins à cet égard, QU'en s'abstenant de rechercher à partir de quel moment la discrimination avait effectivement été révélée à M. Z, la cour d'appel a privé sa décision au regard des articles R. 1452-6, R. 1452-7 et L. 1134-5 du code du travail.
ALORS enfin à cet égard QUE la révélation du fondement des prétentions, qui s'entend du moment où le salarié a eu la connaissance exacte des faits de discrimination et du préjudice dont il se prétend victime, ne nécessite pas que l'employeur communique des éléments de comparaison ; qu'en jugeant que M. Z n'avait pas fait la preuve de la révélation, au motif que l'employeur n'avait communiqué aucun document, tandis que les éléments de comparaison étaient fournis par M. Z, la cour d'appel a statué par des motifs erronés, en violation des articles R. 1452-6, R. 1452-7 et L. 1134-5 du code du travail.
ALORS QU'il résulte de l'article L. 1134-1 du code du travail qu'en cas de contestation par l'employeur de la recevabilité de l'action en raison du principe de l'unicité de l'instance, il lui appartient d'apporter la preuve que le salarié avait connaissance tant de l'existence de la situation de la discrimination que de sa connaissance de l'étendue du préjudice en résultant ; que les premiers juges ont estimé que la révélation du fondement de la demande au sens de l'article L. 1452-6 du code du travail ne pouvait être qu'un élément objectif matériellement vérifiable, dont la preuve devait être rapportée par le salarié, dès lors qu'il était établi que les faits de discrimination allégués se situaient antérieurement à l'arrêt d'appel rendu dans la première procédure ; qu'en exigeant du salarié qu'il rapporte la preuve de la révélation du fondement de la demande, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles R. 1452-6, R. 1452-7 et L. 1134-1 du code du travail.