SOC. PRUD'HOMMES MF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 24 avril 2013
Cassation
M. CHOLLET, conseiller le plus ancien faisant fonction de
président
Arrêt no 830 F-D
Pourvoi no Z 12-13.571
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 décembre 2011.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par Mme Francisca Z, domiciliée Le Triadou,
contre l'arrêt rendu le 18 mai 2011 par la cour d'appel de Montpellier (4e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société LM diffusion, société à responsabilité limitée, dont le siège est Montpellier,
défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 27 mars 2013, où étaient présents M. Chollet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Guyot, conseiller rapporteur, Mme Vallée, conseiller, Mme Taffaleau, avocat général, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Guyot, conseiller, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de Mme Z, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article L. 1226-2 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte, que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z, engagée le 14 avril 2003 en qualité de couturière par la société LM diffusion, a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 28 décembre 2005 ; qu'à l'issue d'une visite de reprise du 3 juillet 2006, elle a été déclarée par le médecin du travail inapte définitivement à tout poste dans l'entreprise avec la mention d'un danger immédiat ; qu'après avoir été convoquée le 6 juillet suivant à un entretien préalable en vue de son licenciement, elle a été licenciée le 29 juillet 2006 au motif que l'avis d'inaptitude définitive à tous postes dans l'entreprise avec mention d'un danger immédiat s'opposait à son reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour décider que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt retient qu'eu égard au caractère catégorique, quasi comminatoire, de l'avis d'inaptitude et de la taille modeste ainsi que de la structure des emplois de l'entreprise, qui d'après le registre du personnel comportait à la date de la rupture neuf salariés dont deux en contrat à durée déterminée, l'employeur, auquel il ne peut être reproché d'avoir engagé la procédure de licenciement trois jours après l'avis médical, justifie qu'il n'était pas en mesure de proposer à la salariée un emploi répondant aux prescriptions du médecin du travail, d'aménager son poste en fonction de ces prescriptions, ou de réduire utilement son temps de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'avis du médecin du travail est sans incidence sur le caractère sérieux ou non de la recherche de reclassement postérieure à celui-ci, et qu'il s'évinçait des termes de la lettre de licenciement rapprochés de la brièveté du délai entre cet avis et l'engagement de la procédure de licenciement, que l'employeur n'avait pas entendu procéder à une recherche sérieuse de reclassement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société LM diffusion aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société LM diffusion à payer à la SCP Hémery et Thomas-Raquin la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour Mme Z.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement pour inaptitude de Madame Z a une cause réelle et sérieuse et que la société LM DIFFUSION justifie s'être trouvée dans l'impossibilité de reclasser la salariée devenue définitivement inapte à son emploi et à tout poste dans l'entreprise ;
AUX MOTIFS QUE " eu égard au caractère catégorique, quasi comminatoire, de l'avis médical d'inaptitude qui s'impose à lui et de la taille modeste de l'entreprise, qui d'après le registre du personnel comportait à la date de la rupture neuf salariés dont deux en contrat à durée déterminée, on ne peut reprocher à l'employeur d'avoir engagé la procédure de licenciement trois jours après l'avis médical ; qu'en effet, si l'avis d'inaptitude du médecin du travail ne fait pas disparaître l'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur, ce dernier justifie que, compte tenu de la taille de l'entreprise et de la structure des emplois, il n'était pas en mesure de proposer à Mme Z un emploi répondant aux prescriptions du médecin du travail, d'aménager son poste en fonction de ces prescriptions ou de réduire utilement son temps de travail, qu'il s'en déduit que la société s'est trouvée dans l'impossibilité de reclasser la salariée devenue inapte à son emploi et que le licenciement a une cause réelle et sérieuse justifiant le rejet des demandes en paiement de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture présentées de ce chef " (cf. arrêt, p. 3 § 6 et 7 et p. 4 § 1 et 2) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'avis d'inaptitude du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l'entreprise et le cas échéant du groupe auquel celle-ci appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ; qu'en cas de licenciement du salarié déclaré inapte, la lettre de licenciement doit indiquer et justifier de l'absence de toute solution de reclassement à son égard ; qu'en retenant que le licenciement de Madame Z présentait une cause réelle et sérieuse, quand elle constatait que la lettre de licenciement du 29 juillet 2006, adressée à la salariée, indiquait que " L'examen médical de reprise du travail effectué par le Dr ..., à l'AMETRA (santé du travail) le 3 juillet 2006 déclare votre inaptitude définitive à tous postes dans l'entreprise concluant à un danger immédiat (code du travail article R241-51-1). Ces éléments s'opposent à votre reclassement ", ce dont il résultait que la société LM DIFFUSION s'était abstenue de se livrer à une recherche effective d'une solution de reclassement de la salariée, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 1226-2 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la brièveté du délai écoulé entre l'avis d'inaptitude et la mise en oeuvre de la procédure de licenciement suffit à démontrer l'absence de toute tentative sérieuse de reclassement du salarié déclaré inapte par l'employeur ; qu'en retenant que l'employeur justifiait s'être trouvé dans l'impossibilité de reclasser la salariée et qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir engagé la procédure de licenciement trois jours après l'avis médical, quand la brièveté de ce délai démontrait à lui seul que la société LM DIFFUSION n'avait pas sérieusement cherché à reclasser Madame Z, la Cour d'appel a violé l'article L. 1226-2 du Code du travail.