COUR DE CASSATION - SOC.
Pourvoi n° 57-12.839
Arrêt n° 1054 du 23 juin 1960
Cassation
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Sur la requête présentée par
1°/ la dame Marie Hélène Jeanne Paule ..., Veuve du sieur Nicolas Léon ..., demeurant à Paris,
2°/ le sieur Pierre Paul Maire Adrien ..., demeurant à Paris,
3°/ la dame Adrienne Marie Odette ..., divorcée du sieur QUENNOUELLE, demeurant à Paris,
4°/ le sieur Bernard Paul Marie Gustave ..., demeurant à Paris,
en cassation d'un arrêt rendu le 27 juin 1967 par la Cour d'Appel de Paris au profit du sieur Daniel ..., demeurant à Viroflay (Seine-et-Oise), défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation suivants
Premier moyen "Violation des articles 958 et suivants, et notamment 981, 861 et 792 du Code Pénal (décret du 16 avril 1955), 1003, 1004, 1028 du Code de Procédure Civile, 6 du Code Civil, ensemble l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, pour violation de prescriptions légales d'ordre public, défaut de motifs et manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué s'est refusé à tort à déclarer nul un compromis, en matière de baux ruraux, alors que les règles de droit et de compétence sont d'ordre public en cette matière, et interdisent de déroger à la compétence des juridictions paritaires pour statuer sur les différends y relatifs."
Second moyen "Violation des articles 578 et suivants, 883, 1217 et suivants du Code Civil, ensemble l'article 7 de la loi du 20 avril 1810 pour défaut de motifs, dénaturation des conclusions des parties et manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a reconnu la validité du compromis passé hors la présence de Mme Veuve ..., usufruitière du fonds litigieux, a déclaré la sentence arbitrale simplement inopposable à cette dernière, sans en prononcer la nullité et sans répondre aux conclusions formellement prises par les exposants tendant au prononcé de cette nullité, alors que l'indivisibilité des droits et obligations résultant pour les exposants de l'objet du compromis, devait entraîner son annulation pure et simple, et que les exposants, comme Mme Veuve ..., n'avaient pas demandé que ledit compromis soit déclaré simplement inopposable à cette dernière."
Sur quoi, LA COUR, en l'audience publique de ce jour.
Sur les deux moyens réunis
Vu les articles 1218 du Code Civil et 7 de la loi du 20 avril 1810 ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, l'obligation est indivisible, quoique la chose ou le fait qui en est l'objet soit divisible par sa nature, si le rapport sous lequel elle est considérée dans l'obligation ne la rend susceptible d'exécution partielle; que le bail étant indivisible pendant sa durée, les conventions relatives aux obligations et aux droits qui en découlent, ne peuvent intervenir qu'avec l'ensemble des bailleurs ;
Or attendu que, le 30 septembre 1954, Veuve Léon ..., usufruitière des biens dépendant de la succession de son époux, et ses trois enfants, Pierre ... et Bernard, nu-propriétaires, ont vendu à Dupuis une propriété rurale comprenant notamment un terrain à usage de pépinières dont Tenen était locataire en vertu d'un bail consenti le 6 février 1945 par Léon ... et venant à expiration le 4 mai 1955 ; que Tenen a alors assigné les Consorts ... devant le tribunal paritaire pour voir prononcer la nullité de cette vente et reconnaître son droit de préemption; que, le 25 janvier 1955, Tennen, d'une part, et les trois nu-propriétaires, d'autre part, ont signé un compromis aux termes duquel Tenen annonçait à son droit de préemption moyennant le versement par les Consorts ... d'une indemnité que la sentence rendue le 30 juin 1955 par l'arbitre qui fixait l'indemnité à verser par les héritiers André à 11.279.047 francs a fait l'objet d'une ordonnance d'exequatur du tribunal civil de Versailles du 12 juillet 1955 frappée d'opposition par les consorts ...; que ... André et ses trois enfants, relevant, ce qui n'était pas contesté, qu'elle n'avait ni signé le compromis ni pris part aux opérations d'arbitrage, ont demandé l'annulation de la sentence comme rendue sur un compromis nul; que l'arrêt attaqué a déclaré la sentence inopposable à ... André mais valable à l'égard de ses enfants ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la renonciation du preneur Tenen à son droit de préemption qui conditionnait le versement à son profit d'une indemnité ne pouvait s'opérer qu'à l'égard de l'ensemble des bailleurs et plus spécialement de la Veuve Léon ..., usufruitière, et que, partant, le compromis d'arbitrage ne pouvait intervenir qu'avec tous les bailleurs à peine de nullité, le jugement attaqué a faussement appliqué donc violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS
CASSE et ANNULE, l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'Appel de Paris le 27 juin 1957 ; remet en conséquence la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'Appel d'Orléans, à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du Conseil.
Sur le rapport de M. ... ... ..., les observations de Me Chareyre, avocat des Consorts ...; de Me Beurdeley, avocat de Tenen, les conclusions de M. ..., Avocat Général.
M. ..., Président.