CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 mars 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 303 FP-B+R
Pourvoi n° D 20-20.185
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 MARS 2022
1°/ Mme [M] [J], domiciliée [Adresse 2],
2°/ M. [D] [Y], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° D 20-20.185 contre l'arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de [Localité 6] (audience solennelle), dans le litige les opposant au conseil de l'ordre des avocats du barreau de Lille, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le Défenseur des droits a présenté des observations le 1er février 2022, en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 23 mars 2011;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations et plaidoiries de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [J] et de M. [Y], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Lille, les observations du Défenseur des droits et l'avis de M. Aa, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Vigneau, Mme Auroy, M. Hascher, Mme Antoine, MM. Avel, Mornet, Mme Poinseaux, M. Chevalier, conseillers, MM. Vitse, Duval, conseillers référendaires, M. Aa, premier avocat général, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application des
articles R. 421-4-1, alinéa 2, et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 6], 9 juillet 2020), par délibération du 24 juin 2019, notifiée aux membres du barreau le 27 juin, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Lille (le conseil de l'ordre) a modifié l'article 9.6 de son règlement intérieur, relatif aux rapports avec les institutions, par l'ajout d'un cinquième alinéa disposant : « l'avocat ne peut porter avec la robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique. »
2. Le 27 août 2019, Mme [J], élève-avocate à l'I[8], et M. [Y], avocat inscrit au barreau de Lille, ont chacun formé, devant le bâtonnier de l'ordre, un recours contre cette délibération.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. Mme [J] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours formé contre la délibération du conseil de l'ordre du 24 juin 2019, alors :
« 1°/ que les dispositions de l'
article 19 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 relative à la profession d'avocat sont contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit et notamment, au droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 en ce qu'elles limitent aux seuls avocats la possibilité de déférer à la cour d'appel une délibération ou décision du conseil de l'ordre de nature à léser leurs intérêts professionnels, à l'exclusion des élèves avocats ; que la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au
Conseil constitutionnel, privera l'article 15 du décret n° 91-1197🏛 du 27 novembre 1991🏛 et l'arrêt attaqué de toute base légale ;
2°/ qu'une élève avocate d'un centre de formation professionnelle qui porte le voile ou le foulard a intérêt à agir en annulation de la délibération du conseil de l'ordre du barreau qu'elle se prépare à intégrer, faisant interdiction de porter avec la robe d'avocat un signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique ; que la cour d'appel a violé l'
article 31 du code de procédure civile🏛 ;
3°/ que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la
Convention européenne des droits de l'homme🏛 ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale ; que la Cour européenne des droits de l'homme reconnaît comme recevable à se plaindre d'une violation des droits et libertés de ladite convention celui qui, en l'absence d'acte individuel d'exécution, fait partie d'une catégorie de personnes risquant de subir directement les effets de la loi dénoncée comme violant ses droits et libertés ; qu'en s'abstenant de rechercher si, en sa qualité d'élève avocate au [4], de [Localité 6] et de [Localité 9], Mme [J], qui porte le voile, ne faisait pas partie d'une catégorie de personnes risquant de subir directement les effets de la délibération du conseil de l'ordre portant interdiction de porter avec la robe d'avocat un signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
4. En premier lieu, par arrêt du 8 avril 2021 (n° 398 FS-P), la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à renvoi devant le Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité.
5. En deuxième lieu, il résulte des
articles 31 du code de procédure civile🏛, 19 de la
loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971🏛 et 14, 15 et 62 du
décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991🏛 que, d'une part, seul le procureur général ou un avocat s'estimant lésé dans ses intérêts professionnels peut déférer à la cour d'appel les délibérations ou décisions du conseil de l'ordre, d'autre part, l'élève d'un [5] d'avocats dépend juridiquement de ce centre, de sorte que, s'agissant d'une action attitrée, celui-ci n'a pas qualité pour agir en contestation d'une délibération du conseil de l'ordre d'un barreau.
6. Après avoir relevé que Mme [J] n'était pas avocate, mais élève-avocate en formation à l'[7], non encore titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'
article 15 du décret précité, en l'absence de justification d'un intérêt professionnel lésé, et que le serment prêté par les élèves-avocats au début de leur formation n'était pas de nature à les assimiler à des avocats ni leur conférer la qualité exigée par ce texte.
7. En troisième lieu, ayant retenu que Mme [J], qui n'était pas soumise au port de la robe en sa qualité d'élève-avocate, ne pouvait se prévaloir d'une violation actuelle de ses droits et libertés reconnus par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations et énonciations rendaient inopérante.
8. Le moyen ne peut donc être accueilli.
Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, en ce qu'ils sont formés par MmJ [J]
9. Le rejet du premier moyen rend ces moyens inopérants.
Sur le deuxième moyen, en ce qu'il est formé par M. [Y]
Enoncé du moyen
10. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la délibération du conseil de l'ordre adoptée le 24 juin 2019, alors :
« 1°/ que toute délibération ou décision du conseil de l'ordre d'un barreau étrangère aux attributions de ce conseil ou contraire aux dispositions législatives ou réglementaires doit être annulée par la cour d'appel ; que le pouvoir réglementaire du conseil de l'ordre ne peut s'exercer que dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires qui régissent la profession et dans la limite des libertés individuelles qui appartiennent aux avocats ; qu'aux termes de l'
article 17 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971🏛, le conseil de l'ordre de chaque barreau a pour attribution "de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits" et a pour tâches notamment "d'arrêter et, s'il y a lieu, de modifier les dispositions du règlement intérieur" ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi, les avocats "revêtent dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession" ; qu'en jugeant que "dès lors que le costume d'audience est une question intéressant l'exercice de la profession des avocats inscrits au barreau de Lille son conseil de l'ordre était bien compétent pour modifier son règlement intérieur à ce sujet" cependant que la délibération litigieuse, en ce qu'elle interdit à l'avocat de "porter avec sa robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique" et porte ainsi atteinte à l'exercice de leurs libertés publiques par les avocats, ne constitue pas une simple règle d'application ou une conséquence nécessaire de l'obligation de revêtir le costume professionnel, la
cour d'appel a violé les articles 3, 17 et 19 de la loi n° 71-1130🏛 du 31 décembre 1971🏛 ;
2°/ que l'autonomie du pouvoir de réglementation du conseil de l'ordre d'un barreau quant à son règlement intérieur ne lui permet pas de restreindre sans base légale les libertés individuelles des avocats membres de ce barreau ; qu'il n'existe aucune base légale à la reconnaissance d'une obligation de neutralité attachée à la qualité d'auxiliaire de justice de l'avocat dont un conseil de l'ordre serait, à l'échelon local, habilité à tirer les conséquences dans son règlement intérieur ; qu'en jugeant néanmoins que le conseil de l'ordre du barreau de Lille était compétent pour édicter une telle interdiction dans son règlement intérieur, la
cour d'appel a violé les articles 17 et 19 de la loi n° 71-1130🏛 du 31 décembre 1971🏛, ensemble les
articles 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen🏛 et 34 de la constitution. »
Réponse de la Cour
11. L'
article 3 de la loi du 31 décembre 1971🏛 énonce que les avocats sont des auxiliaires de justice, prêtent serment en ces termes : « Je jure comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité » et revêtent, dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession.
12. Selon l'article 17, le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession, sans préjudice des attributions dévolues au Conseil national des barreaux (CNB).
13. Selon l'article 21-1, le CNB unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession.
14. En l'absence de disposition législative spécifique et à défaut de disposition réglementaire édictée par le CNB, il entre dans les attributions d'un conseil de l'ordre de réglementer le port et l'usage du costume de sa profession.
15. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu que les modalités du port et de l'usage du costume intéressaient l'exercice de la profession d'avocat et que le conseil de l'ordre avait le pouvoir de modifier son règlement intérieur sur ce point.
16. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen, en ce qu'il est formé par M. [Y]
Enoncé du moyen
17. M. [Y] fait le même grief à l'arrêt, alors « que toute délibération ou décision du conseil de l'ordre d'un barreau étrangère aux attributions de ce conseil ou contraire aux dispositions législatives ou réglementaires doit être annulée par la cour d'appel ; que les
articles R. 66 et R. 69 du code de la Légion d'honneur et de la Médaille militaire🏛, auxquels renvoie l'
article 27 du décret n° 63-1196 du 31 décembre 1963 portant création d'un Ordre national du mérite, confère le droit pour le décoré de porter les insignes que confère l'attribution d'une décoration française ; que le port d'une décoration sur la robe d'avocat ne contrevient ni aux principes essentiels de la profession ni au principe d'égalité entre les avocats (
Crim. 24 octobre 2017, pourvoi n° 17-26.166, publié au bulletin) ni, à travers celui-ci, au principe d'égalité des justiciables ; qu'en refusant d'annuler la délibération litigieuse interdisant le port de toute décoration avec la robe d'avocat, la
cour d'appel a violé les textes précités, ensemble l'article 19 de la loi n° 71-1130🏛 du 31 décembre 1971🏛 ; l'indivisibilité de la délibération devait entraîner sa nullité en son entier. »
Réponse de la Cour
18. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que M. [Y] ait soutenu être titulaire d'une décoration, de sorte qu'il n'est pas recevable, faute d'intérêt personnel et direct, à critiquer la délibération litigieuse en ce qu'elle interdit à l'avocat de porter toute décoration sur la robe.
19. Le moyen n'est donc pas recevable.
Sur le quatrième moyen, en ce qu'il est formé par MY [Y]
Enoncé du moyen
20. M. [Y] fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que toute mesure restrictive des libertés protégées par les
articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9 et 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 10 et 11 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être "déterminée" ou "prévue par la loi" au sens de ces dispositions ; que la délibération litigieuse, qui fait interdiction à l'avocat de "porter avec sa robe" un "signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique", n'a aucune base légale et excède les attributions du conseil de l'ordre ; que la cour d'appel a violé les articles précités ;
2°/ que l'interdiction posée de porter avec la robe un signe manifestant ostensiblement une "appartenance ou une opinion
communautaire", qui ne permet pas de cerner précisément les interdictions et obligations susceptibles d'en découler, méconnaît, par son imprécision même, la liberté d'expression, la liberté religieuse, et contrevient à l'interdiction de toute discrimination ; que la cour d'appel a violé les
articles 1 et 2 de la loi 2008-496 du 27 mai 2008🏛, 10 et 11 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9, 10 et 14 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18, 19 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, 10, 11, 21, 22 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre 2000 ;
3°/ que les libertés de pensée, de conscience et de religion et la liberté d'expression de ces libertés ne peuvent faire l'objet d'autres restrictions que celles qui prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique à l'un des buts suivants : sécurité publique, protection de l'ordre, santé ou morale publique, protection des droits et libertés d'autrui ; qu'en jugeant que l'interdiction faite à l'avocat de porter avec la robe, lors des missions d'assistance et de représentation du justiciable devant une juridiction, un "signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique" pouvait trouver sa justification dans l'objectif général, imprécis et abstrait de défense "du droit", non rattachable à l'un des buts légitimes précités, la cour d'appel a méconnu les
articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9 et 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 10 et 11 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
4°/ que l'interdiction générale faite à l'avocat, professionnel libéral et indépendant néanmoins tenu par des obligations déontologiques de nature à sauvegarder la primauté de l'intérêt du client dans l'exercice de ses fonctions d'auxiliaire de justice, de porter avec la robe, lors des missions d'assistance et de représentation du justiciable devant une juridiction, un "signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique", n'est pas nécessaire dans une société démocratique à l'objectif de protection des droits et libertés du justiciable ; que la cour d'appel a méconnu les
articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9 et 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 10 et 11 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
5°/ que l'interdiction générale faite à l'avocat, lors des missions d'assistance et de représentation du justiciable devant une juridiction, de porter un "signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique", n'est pas nécessaire ni proportionnée dans une société démocratique pour parvenir à l'objectif collectif de "témoigner de cette disponibilité [de l'avocat] à tout justiciable", la robe d'avocat permettant déjà et à elle seule d'atteindre cet objectif ; que la cour d'appel a méconnu les
articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9 et 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 10 et 11 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »
Réponse de la Cour
21.Il résulte des
articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9 et 10 de la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales🏛, et 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques que toute personne a droit, d'une part, à la liberté de pensée, de conscience et de religion, d'autre part, à la liberté d'expression et que la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre, de la santé ou de la moralité publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
22. Selon l'
article 3 de la loi du 31 décembre 1971🏛 précité, les avocats sont des auxiliaires de justice qui prêtent serment d'exercer leurs fonctions notamment avec indépendance et qui revêtent, dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession, défini par l'arrêté des consuls du 2 nivôse an XI.
23. Après avoir rappelé que les avocats sont des auxiliaires de justice qui, en assurant la défense des justiciables, concourent au service public de la justice, la cour d'appel a retenu que la volonté d'un barreau d'imposer à ses membres, lorsqu'ils se présentent devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable, de revêtir un costume uniforme contribue à assurer l'égalité des avocats et, à travers celle-ci, l'égalité des justiciables, élément constitutif du droit à un procès équitable, qu'afin de protéger leurs droits et libertés, chaque avocat, dans l'exercice de ses fonctions de défense et de représentation, se doit d'effacer ce qui lui est personnel et que le port du costume de sa profession sans aucun signe distinctif est nécessaire pour témoigner de sa disponibilité à tout justiciable.
24. La cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur l'article 3 précité et les usages de la profession, en a déduit à bon droit que l'interdiction édictée à l'article 9.6 du règlement intérieur du barreau de Lille, suffisamment précise
en ce qu'elle s'appliquait au port, avec la robe, de tout signe manifestant une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, était nécessaire afin de parvenir au but légitime poursuivi, à savoir protéger l'indépendance de l'avocat et assurer le droit à un procès équitable, mais était aussi, hors toute discrimination, adéquate et proportionnée à l'objectif recherché.
25. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le cinquième moyen, en ce qu'il est formé par M. [Y]
26. M. [Y] fait encore le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que cette délibération, en ce qu'elle interdit le port, avec la robe d'avocate, de tout signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse ou communautaire, constitue une discrimination indirecte, fondée sur le sexe et la religion, en ce que, d'apparence neutre, elle entraîne, en fait, un désavantage particulier et disproportionné pour les femmes musulmanes, sauf à ce que cette interdiction soit objectivement justifiée par un objectif légitime, et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu'il appartenait à la cour d'appel de vérifier ; que cependant, l'arrêt attaqué n'a pas justifié, autrement qu'en des termes généraux, en quoi et en vertu de quels critères, le port du voile ferait obstacle à l'exercice effectif de la mission d'assistance et de représentation de son client par une telle avocate ni en quoi et en vertu de quels critères le port du voile par une avocate dûment revêtue de son costume d'audience ferait obstacle à l'objectif de "disponibilité [de l'avocat] à tout justiciable" ; que la cour d'appel a violé les
articles 2.2° de la loi 2008-496 du 27 mai 2008, 2 et 4 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000, 14 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 21 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 26 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques ;
2°/ qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'une discrimination indirecte à l'égard des femmes musulmanes, à relever que "l'interdiction édictée par la délibération litigieuse du 24 juin 2019 ne peut pas empêcher une femme portant le foulard de prêter serment et de devenir avocate, mais seulement restreindre la possibilité de garder le foulard quand cette avocate intervient devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable" pour considérer satisfaite l'exigence de proportionnalité, sans rechercher si, au regard de son champ propre d'application, la délibération litigieuse ne s'appliquait pas de manière disproportionnée aux femmes musulmanes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles 2.2° de la loi 2008-496 du 27 mai 2008, 2 et 4 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000, 14 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 21 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 26 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques ;
3°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions de M. [Y] qui faisait valoir que le caractère discriminatoire de la délibération prise à la suite de l'arrivée d'une élève-avocate voilée, et de l'intention ayant motivé la délibération, ressortait de l'absence de toute poursuite disciplinaire de la part du Conseil de l'ordre du barreau de Lille contre les avocats lillois ayant porté avec leur robe des signes manifestant ostensiblement leur opinion politique, tels qu'un rabat rouge, pendant les actions de grève et les manifestations d'opposition au projet de réforme des retraites organisées par une partie des membres de la profession entre janvier et 26 mars 2020, (conclusions, p. 31), la cour d'appel a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛. »
Réponse de la Cour
27. En premier lieu, M. [Y] n'est pas recevable, faute d'intérêt personnel et direct, à invoquer un désavantage particulier et disproportionné pour les femmes musulmanes, pouvant résulter de la délibération litigieuse.
28. En second lieu, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes.
29. Le moyen, irrecevable en ses première et deuxième branches, n'est donc pas fondé en sa troisième.
30. Il s'ensuit que la demande tendant à saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation des dispositions de l'article 2 § b) de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, définissant la discrimination indirecte, est sans objet.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [J] et M. [Y] aux dépens ;
En application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [J] et MY [Y]
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Mme [M] [J] élève-avocate fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision du 9 septembre 2019 du Conseil de l'ordre du barreau de Lille en ce qu'elle a déclaré irrecevable son recours formé à l'encontre de la délibération du
conseil de l'ordre des avocats du barreau de Lille en date du 27 juin 2019,
1° ALORS QUE les dispositions de l'article 19 de la loi n°71-1130🏛 du 31 décembre 1971🏛 relative à la profession d'avocat sont contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit et notamment, au droit à un recours juridictionnel effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 en ce qu'elles limitent aux seuls avocats la possibilité de déférer à la cour d'appel une délibération ou décision du conseil de l'ordre de nature à léser leurs intérêts professionnels, à l'exclusion des élèves avocats ; que la déclaration d'inconstitutionnalité qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au
Conseil constitutionnel, privera l'article 15 du décret n° 91-1197🏛 du 27 novembre 1991🏛 et l'arrêt attaqué de toute base légale ;
2° ALORS QU'une élève avocate d'un centre de formation professionnelle qui porte le voile ou le foulard a intérêt à agir en annulation de la délibération du conseil de l'ordre du barreau qu'elle se prépare à intégrer, faisant interdiction de porter avec la robe d'avocat un signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique ; que la cour d'appel a violé l'
article 31 du code de procédure civile🏛;
3° ALORS QUE toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la
Convention européenne des droits de l'homme🏛 ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale ; que la Cour européenne des droits de l'homme reconnaît comme recevable à se plaindre d'une violation des droits et libertés de ladite convention celui qui, en l'absence d'acte individuel d'exécution, fait partie d'une catégorie de personnes risquant de subir directement les effets de la loi dénoncée comme violant ses droits et libertés ; qu'en s'abstenant de rechercher si, en sa qualité d'élève avocate au [4], de [Localité 6] et de [Localité 9], Mme [J], qui porte le voile, ne faisait pas partie d'une catégorie de personnes risquant de subir directement les effets de la délibération du conseil de l'ordre portant interdiction de porter avec la robe d'avocat un signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'
article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de la délibération du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Lille prise le 24 juin 2019,
1° ALORS QUE toute délibération ou décision du conseil de l'ordre d'un barreau étrangère aux attributions de ce conseil ou contraire aux dispositions législatives ou réglementaires doit être annulée par la cour d'appel ; que le pouvoir réglementaire du conseil de l'ordre ne peut s'exercer que dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires qui régissent la profession et dans la limite des libertés individuelles qui appartiennent aux avocats ; qu'aux termes de l'
article 17 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971🏛, le conseil de l'ordre de chaque barreau a pour attribution « de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits » et a pour tâches notamment « d'arrêter et, s'il y a lieu, de modifier les dispositions du règlement intérieur » ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi, les avocats « revêtent dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires, le costume de leur profession » ; qu'en jugeant que « dès lors que le costume d'audience est une question intéressant l'exercice de la profession des avocats inscrits au barreau de Lille son conseil de l'ordre était bien compétent pour modifier son règlement intérieur à ce sujet » cependant que la délibération litigieuse, en ce qu'elle interdit à l'avocat de « porter avec sa robe ni décoration, ni signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique » et porte ainsi atteinte à l'exercice de leurs libertés publiques par les avocats, ne constitue pas une simple règle d'application ou une conséquence nécessaire de l'obligation de revêtir le costume professionnel, la
cour d'appel a violé les articles 3, 17 et 19 de la loi n° 71-1130🏛 du 31 décembre 1971🏛 ;
2° ALORS QUE l'autonomie du pouvoir de réglementation du conseil de l'ordre d'un barreau quant à son règlement intérieur ne lui permet pas de restreindre sans base légale les libertés individuelles des avocats membres de ce barreau ; qu'il n'existe aucune base légale à la reconnaissance d'une obligation de neutralité attachée à la qualité d'auxiliaire de justice de l'avocat dont un conseil de l'ordre serait, à l'échelon local, habilité à tirer les conséquences dans son règlement intérieur ; qu'en jugeant néanmoins que le conseil de l'ordre du barreau de Lille était compétent pour édicter une telle interdiction dans son règlement intérieur, la
cour d'appel a violé les articles 17 et 19 de la loi n° 71-1130🏛 du 31 décembre 1971🏛, ensemble les 4 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen🏛 et 34 de la constitution.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de la délibération du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Lille prise le 24 juin 2019,
ALORS QUE toute délibération ou décision du conseil de l'ordre d'un barreau étrangère aux attributions de ce conseil ou contraire aux dispositions législatives ou réglementaires doit être annulée par la cour d'appel ; que les
articles R. 66 et R. 69 du code de la Légion d'honneur et de la Médaille militaire🏛, auxquels renvoie l'
article 27 du décret n° 63-1196 du 31 décembre 1963 portant création d'un ordre national du Mérite, confère le droit pour le décoré de porter les insignes que confère l'attribution d'une décoration française ; que le port d'une décoration sur la robe d'avocat ne contrevient ni aux principes essentiels de la profession ni au principe d'égalité entre les avocats (
Crim. 24 octobre 2017, pourvoi n° 17-26.166, publié au bulletin) ni, à travers celui-ci, au principe d'égalité des justiciables ; qu'en refusant d'annuler la délibération litigieuse interdisant le port de toute décoration avec la robe d'avocat, la
cour d'appel a violé les textes précités, ensemble l'article 19 de la loi n° 71-1130🏛 du 31 décembre 1971🏛 ; l'indivisibilité de la délibération devait entraîner sa nullité en son entier.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de la délibération du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Lille prise le 24 juin 2019,
1° ALORS QUE toute mesure restrictive des libertés protégées par les
articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9 et 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 10 et 11 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être « déterminée » ou « prévue par la loi » au sens de ces dispositions; que la délibération litigieuse, qui fait interdiction à l'avocat de « porter avec sa robe » un « signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique », n'a aucune base légale et excède les attributions du conseil de l'ordre ; que la cour d'appel a violé les articles précités ;
2° ALORS QUE l'interdiction posée de porter avec la robe un signe manifestant ostensiblement une « appartenance ou une opinion
communautaire », qui ne permet pas de cerner précisément les interdictions et obligations susceptibles d'en découler, méconnaît, par son imprécision même, la liberté d'expression, la liberté religieuse, et contrevient à l'interdiction de toute discrimination ; que la cour d'appel a violé les
articles 1 et 2 de la loi 2008-496 du 27 mai 2008🏛, 10 et 11 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9, 10 et 14 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18, 19 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, 10, 11, 21, 22 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 18 décembre 2000 ;
3° ALORS QUE les libertés de pensée, de conscience et de religion et la liberté d'expression de ces libertés ne peuvent faire l'objet d'autres restrictions que celles qui prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique à l'un des buts suivants : sécurité publique, protection de l'ordre, santé ou morale publique, protection des droits et libertés d'autrui; qu'en jugeant que l'interdiction faite à l'avocat de porter avec la robe, lors des missions d'assistance et de représentation du justiciable devant une juridiction, un « signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique » pouvait trouver sa justification dans l'objectif général, imprécis et abstrait de défense « du droit », non rattachable à l'un des buts légitimes précités, la cour d'appel a méconnu les
articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9 et 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 10 et 11 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
4° ALORS QUE l'interdiction générale faite à l'avocat, professionnel libéral et indépendant néanmoins tenu par des obligations déontologiques de nature à sauvegarder la primauté de l'intérêt du client dans l'exercice de ses fonctions d'auxiliaire de justice, de porter avec la robe, lors des missions d'assistance et de représentation du justiciable devant une juridiction, un « signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique », n'est pas nécessaire dans une société démocratique à l'objectif de protection des droits et libertés du justiciable; que la cour d'appel a méconnu les
articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9 et 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 10 et 11 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
5° ALORS QUE l'interdiction générale faite à l'avocat, lors des missions d'assistance et de représentation du justiciable devant une juridiction, de porter un « signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse, philosophique, communautaire ou politique », n'est pas nécessaire ni proportionnée dans une société démocratique pour parvenir à l'objectif collectif de « témoigner de cette disponibilité [de l'avocat] à tout justiciable », la robe d'avocat permettant déjà et à elle seule d'atteindre cet objectif; que la cour d'appel a méconnu les
articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 9 et 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 18 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et 10 et 11 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande d'annulation de la délibération du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Lille prise le 24 juin 2019,
1° ALORS QUE cette délibération, en ce qu'elle interdit le port, avec la robe d'avocate, de tout signe manifestant ostensiblement une appartenance ou une opinion religieuse ou communautaire, constitue une discrimination indirecte, fondée sur le sexe et la religion, en ce que, d'apparence neutre, elle entraîne, en fait, un désavantage particulier et disproportionné pour les femmes musulmanes, sauf à ce que cette interdiction soit objectivement justifiée par un objectif légitime, et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ce qu'il appartenait à la cour d'appel de vérifier ; que cependant, l'arrêt attaqué n'a pas justifié, autrement qu'en des termes généraux, en quoi et en vertu de quels critères, le port du voile ferait obstacle à l'exercice effectif de la mission d'assistance et de représentation de son client par une telle avocate ni en quoi et en vertu de quels critères le port du voile par une avocate dument revêtue de son costume d'audience ferait obstacle à l'objectif de « disponibilité [de l'avocat] à tout justiciable » ; que la cour d'appel a violé les
articles 2.2° de la loi 2008-496 du 27 mai 2008, 2 et 4 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000, 14 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 21 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 26 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques ;
2° ALORS QU' en se bornant, pour écarter l'existence d'une discrimination indirecte à l'égard des femmes musulmanes, à relever que « l'interdiction édictée par la délibération litigieuse du 24 juin 2019 ne peut pas empêcher une femme portant le foulard de prêter serment et de devenir avocate, mais seulement restreindre la possibilité de garder le foulard quand cette avocate intervient devant une juridiction pour assister ou représenter un justiciable »
pour considérer satisfaite l'exigence de proportionnalité, sans rechercher si, au regard de son champ propre d'application, la délibération litigieuse ne s'appliquait pas de manière disproportionnée aux femmes musulmanes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des
articles 2.2° de la loi 2008-496 du 27 mai 2008, 2 et 4 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000, 14 de la
Convention européenne des droits de l'homme🏛, 21 de la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 26 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques ;
3° ALORS QU' en ne répondant pas aux conclusions de Me [Y] qui faisait valoir que le caractère discriminatoire de la délibération prise à la suite de l'arrivée d'une élève-avocate voilée, et de l'intention ayant motivé la délibération, ressortait de l'absence de toute poursuite disciplinaire de la part du Conseil de l'ordre du barreau de Lille contre les avocats lillois ayant porté avec leur robe des signes manifestant ostensiblement leur opinion politique, tels qu'un rabat rouge, pendant les actions de grève et les manifestations d'opposition au projet de réforme des retraites organisées par une partie des membres de la profession entre janvier et 26 mars 2020, (conclusions, p. 31), la cour d'appel a violé l'
article 455 du code de procédure civile🏛.
Le greffier de chambre