Jurisprudence : Cass. civ. 1, 10-04-2013, n° 12-18.193, F-P+B+I, Cassation

Cass. civ. 1, 10-04-2013, n° 12-18.193, F-P+B+I, Cassation

A9962KBL

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:C100374

Identifiant Legifrance : JURITEXT000027303930

Référence

Cass. civ. 1, 10-04-2013, n° 12-18.193, F-P+B+I, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8063241-cass-civ-1-10042013-n-1218193-fp-b-i-cassation
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Abstract

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a réformé la prescription civile en unifiant un certain nombre de règles et principes issus de la jurisprudence. Aux termes d'un arrêt rendu le 10 avril 2013, la Cour de cassation se prononce sur l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action portée en justice (Cass. civ. 1, 10 avril 2013, n° 12-18.193, F-P+B+I).



CIV. 1 LM
COUR DE CASSATION
Audience publique du 10 avril 2013
Cassation
M. CHARRUAULT, président
Arrêt no 374 F-P+B+I
2nd moyen
Pourvoi no Y 12-18.193
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Marjolaine Z Z Z, domiciliée Bordeaux,
contre l'arrêt rendu le 8 février 2012 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. Bernard Y, domicilié Châtel-Guyon,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 mars 2013, où étaient présents M. Charruault, président, Mme Darret-Courgeon, conseiller référendaire rapporteur, M. Gridel, conseiller, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Darret-Courgeon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme Z Z Z, de la SCP Defrénois et Lévis, avocat de M. Y, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z Z Z, avocate, a assisté M. Y à l'occasion d'un litige prud'homal l'opposant à son employeur et d'une instance devant le juge aux affaires familiales mettant à la charge de l'intéressé une contribution alimentaire au profit de son fils ; que M. Y ayant cessé de verser la pension alimentaire, une procédure de paiement direct a été mise en place ; que l'action engagée devant le conseil de prud'hommes a fait l'objet d'une radiation du rôle, le 27 octobre 2004 ; que reprochant à l'avocate de ne pas l'avoir informé de la nécessité d'obtenir l'autorisation préalable du juge aux affaires familiales pour cesser le versement de la contribution alimentaire et d'avoir manqué à son devoir de diligence, en ne déposant pas ses conclusions avant la date impartie et en ne se présentant pas à l'audience de jugement, fixée au 27 octobre 2004, M. Y a recherché sa responsabilité professionnelle ;

Sur le premier moyen
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner Mme Z Z Z au paiement d'une somme de 1 135,72 euros au titre du préjudice résultant de la mise en oeuvre de la procédure de paiement direct, l'arrêt retient que l'avocate a commis une faute en indiquant à M. Y qu'il pouvait cesser, de lui-même, le règlement de la contribution alimentaire, alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'une telle suspension ne pouvait résulter que d'une décision judiciaire ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme Z Z Z qui faisait valoir que M. Y avait pris l'initiative de suspendre les versements, sans tenir compte des différentes lettres qu'elle lui avait adressées, l'invitant à poursuivre les règlements, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le second moyen
Vu les articles 2244 et 2247 du code civil et l'article 377 du code de procédure civile, ensemble l'article 1147 du code civil ;
Attendu que si l'effet interruptif de la prescription résultant d'une action portée en justice se prolonge pendant la durée de l'instance, l'interruption de la prescription est non avenue lorsque le demandeur laisse périmer l'instance ;
Attendu que pour retenir la responsabilité de l'avocate au titre de la procédure prud'homale, l'arrêt, après avoir relevé que Mme Z Z Z avait failli à son obligation d'assistance et de conseil en ne se présentant pas à l'audience de jugement du 27 octobre 2004 et en ne sollicitant pas la réinscription de l'affaire au rôle, retient que la radiation de l'instance a emporté reprise du cours de la prescription et que celle-ci étant désormais acquise, M. Y a définitivement perdu toute chance de remporter l'action engagée devant le conseil de prud'hommes de Bobigny ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le cours de la prescription avait été interrompu par l'introduction de l'instance prud'homale et que la radiation de l'affaire était sans effet sur la poursuite de cette interruption, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Z Z Z.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que la responsabilité contractuelle de Madame de PONCHEVILLE-TOUTON était engagée à l'égard de Monsieur Y et de l'AVOIR condamnée à payer à Monsieur Y la somme de 1.135,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la première procédure opposant Monsieur Bernard Y à son ex épouse et à son fils Matthieu, pour conclure au débouté de la demande, Madame de PONCHEVILLE-TOUTON explique que certes si elle écrivait à son client le 2 août 2005 " dans la mesure où il ne le ferait pas et puisque c'est marqué au titre de ses obligations dans la décision, tu pourrais logiquement être en droit de stopper dans le cadre d'une non information de sa part, le versement de la pension alimentaire ", ce n'est que trois ans après et sans aucune consultation préalable que Monsieur Y décidait de ne plus payer ; qu'informée de la cessation des versements, elle conseillait en vain à son client de régulariser la situation ; que d'ailleurs, malgré le choix d'un nouvel avocat, Monsieur Y n'a pas repris les versements préférant intenter une nouvelle procédure en suppression de la contribution ; qu'en envoyant le commentaire de la décision rendue ci-dessous rappelé, Madame de PONCHEVILLE-TOUTON a commis un manquement flagrant à son obligation de conseil alors qu'elle ne pouvait ignorer que la suspension du paiement de la contribution ne pouvait résulter que d'une décision judiciaire ; que cette faute a causé à Monsieur Y un préjudice justement arbitré par le Tribunal et non contesté s'élevant à la somme de 1.135,72 euros ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE le devoir de conseil correspondant pour l'avocat à l'obligation d'informer et d'éclairer son client, sous forme de mise en garde, de manière complète, conformément au droit en vigueur ; que le courrier adressé par Madame de PONCHEVILLE-TOUTON pour l'informer de la teneur de la décision prononcée par le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de MARSEILLE, mentionne, au sujet de l'obligation d'information fixée à l'égard du créancier d'aliments " dans la mesure où il ne le ferait pas et puisque c'est marqué au titre de ses obligations dans la décision, tu pourrais logiquement être en droit de stopper dans le cadre d'une non information de sa part, le versement de la pension alimentaire " ; que cette mention est parfaitement erronée puisque, sauf accord entre les parties, un débiteur d'aliments doit obtenir l'autorisation préalable du juge pour cesser les règlements mis à sa charge, sauf à prendre le risque de se voir imposer le recouvrement des sommes dues dans le cadre d'une procédure de paiement direct ; que Madame de PONCHEVILLE-TOUTON a ainsi failli à son devoir de conseil à l'égard de Monsieur Y et lui doit réparation de son préjudice ; que Monsieur Y justifie que les frais de la procédure de paiement direct se sont élevés à 94,18 euros pour sa mise en place et 41,54 euros pour sa mainlevée, outre les émoluments versés à son avocat ; qu'il a également subi un préjudice moral vis-à-vis de son employeur ; que Madame de PONCHEVILLE-TOUTON sera condamnée à lui payer une somme globale de 1.135,72 euros de dommages et intérêts à ce titre ;
ALORS QUE la responsabilité de l'avocat suppose que soit établie l'existence d'un lien de causalité entre le manquement qui lui est reproché et le préjudice allégué ; qu'en se bornant à affirmer que le manquement Madame de PONCHEVILLE-TOUTON à son devoir de conseil consistant à ne pas avoir informé Monsieur Y de la nécessité de saisir le juge pour obtenir l'autorisation de suspendre le paiement de la pension alimentaire de son fils avait causé à ce dernier un préjudice, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la détermination consciente de Monsieur Y à ne pas acquitter le paiement de la pension alimentaire en dépit des recommandations formulées à cet égard par Madame de PONCHEVILLE-TOUTON dans divers courriers l'invitant à régulariser sa situation et l'engagement postérieur d'une nouvelle procédure en suppression de la contribution n'établissaient pas l'inanité des conseils de Madame de PONCHEVILLE-TOUTON à l'égard de Monsieur Y qui se serait, en toute hypothèse, soustrait à ses obligations, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que la responsabilité contractuelle de Madame de PONCHEVILLE-TOUTON était engagée à l'égard de Monsieur Y et de l'AVOIR condamnée à payer à Monsieur Y la somme de 35.473,97 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
AUX MOTIFS QUE l'appelante ne conteste pas sérieusement que tant son absence à l'audience du conseil des prud'hommes de BOBIGNY lors de l'audience de jugement du 27 octobre 2004 ni la remise au rôle après la radiation est constitutive d'une faute dans son obligation d'assistance et de conseil ; qu'elle fait toutefois valoir que la péremption de l'instance prud'homale n'est pas acquise ; qu'elle considère en effet, au visa de l'article R. 1452-8 du Code du travail que la décision de radiation rendue ne mettant aucune obligation de diligence à la charge des parties, pas plus d'ailleurs que le calendrier de procédure lié à la convocation à l'audience délivrée par le greffe du Conseil des prud'hommes, l'instance n'est pas périmée et qu'il est toujours loisible à Monsieur Y de la reprendre ; que sans entrer dans la discussion de la péremption d'instance, il suffit de constater que l'action entreprise devant le Conseil des prud'hommes avait interrompu la prescription quinquennale des salaires et que, du fait de la radiation et de l'absence de remise au rôle, cette prescription a recommencé à courir ; qu'elle est maintenant acquise ; qu'il s'ensuit que la demande de ce chef est recevable sur ce point ; que sur le préjudice afférent à cette instance prud'homale que le Tribunal considérait justement qu'il s'agissait d'une perte de chance de voir la cause de Monsieur Y triompher devant le Conseil des prud'hommes ;
ALORS QUE la radiation de l'affaire, simple mesure d'administration judiciaire, est sans effet sur la poursuite de l'interruption de prescription résultant d'une action en justice qui se prolonge pendant toute la durée de l'instance ; qu'en affirmant que du fait de la radiation et l'absence de remise au rôle imputable à Madame de PONCHEVILLE-TOUTON, la prescription quinquennale des salaires était acquise, de sorte qu'elle avait fait perdre à Monsieur Y une chance d'obtenir gain de cause devant le Conseil des prud'hommes quand le cours de la prescription avait été interrompu par l'introduction de l'instance prud'homale, le 15 décembre 2003, la radiation de l'affaire du rôle étant sans effet sur la poursuite de cette interruption, la Cour d'appel a violé les articles 2242 et 377 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1147 du Code civil.

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