Jurisprudence : CA Toulouse, 11-04-2013, n° 11/02609, Infirmation



11/04/2013
ARRÊT N°
N° RG 11/02609
CK/NA
Décision déférée du 06 Mai 2011 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBI - F10/00404
J. ...
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE NORD MIDI-PYRENEES
C/
Guillaume Y
INFIRMATION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 4eme Chambre Section 1 - Chambre sociale *** ARRÊT DU ONZE AVRIL DEUX MILLE TREIZE ***

APPELANT(S)
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE NORD MIDI-PYRENEES,
représentée par M. Bernard X, Directeur Général
219 avenue François
ALBI CEDEX 9
représentée par la SELARL SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocats au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ(S)
Monsieur Guillaume Y
3, rue BARTHELEMY THIMONNIER
69160 TASSIN LA DEMI-LUNE
comparant en personne, assisté de Me Judith AMALRIC-ZERMATI, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2011/011933 du 09/06/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
B. BRUNET, président
C. KHAZNADAR, conseiller
N. BERGOUNIOU, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats H. ANDUZE-ACHER
ARRÊT
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par B. BRUNET, président, et par H. ANDUZE-ACHER, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE
La candidature de Monsieur Guillaume Y au CFA d'ALBI afin de préparer le 'master II ingénierie de patrimoine et cession d'entreprise' a été retenue et, parallèlement, il a signé avec le Crédit Agricole Nord Midi-Pyrénées un contrat d'apprentissage pour une période de 12 mois débutant le 19 octobre 2009. Le salaire mensuel a été fixé à la somme de 1016,84 euros, outre un 13ème mois.
Monsieur Y a été placé par son médecin traitant en arrêt de travail à compter du 1er avril 2010 jusqu'au 24 avril suivant. Il devait ensuite réintégrer le CFA pour la période du 26 avril au 21 mai 2010.
Monsieur Y ne s'est pas présenté au Crédit Agricole le 25 mai 2010. Un courrier lui a été adressé par l'employeur le 27 mai 2010 afin qu'il justifie de sa situation.
Oralement, puis par courrier du 1er juin 2010, monsieur Y a informé l'entreprise de son souhait de procéder à une rupture anticipée du contrat d 'apprentissage, sollicitant une indemnité de 8 000 euros.
Un nouvel arrêt de travail a été délivré à M. Y à compter du 5 juillet 2010
Constatant que l'absence du 25 mai au 4 juillet n'était pas justifiée, l'employeur a mis en place une procédure disciplinaire de rupture anticipée et a convoqué le conseil de discipline pour avis. A la suite de celui-ci, par lettre du 27 juillet 2010, monsieur Y a été avisé de la saisine du conseil de prud'hommes d'ALBI aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Par jugement du 6 mai 2011, le conseil a requalifié le contrat d'apprentissage en contrat à durée indéterminée et a condamné le Crédit Agricole à payer à M. Y
- 1 343,77 euros à titre d'indemnité de requalification
- 8 062,62 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1 343,77 euros à titre d'indemnité de préavis
- 134,38 euros au titre des congés payés sur préavis
- 3 249,24 euros à titre de rappel de salaire
- 324,92 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire
- 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée AR en date du 23 mai 2011, le Crédit Agricole a régulièrement interjeté appel du jugement.
Par conclusions en date du 25 janvier 2013, reprises oralement lors de l'audience, le Crédit Agricole sollicite l'infirmation du jugement, le débouté de M. Y de toutes ses prétentions et sa condamnation à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions le Crédit Agricole indique que
- si l'action en résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage est devenue sans objet par le terme du contrat intervenu antérieurement au jugement, elle n'en demeurait moins légitime au moment de son engagement. Elle était justifiée par le refus de l'apprenti de prendre en compte les observations et conseils qui lui étaient donnés alors qu'il ne maîtrisait pas un certain nombre d'outils et de produits bancaires et par son absence injustifiée sur une période de plus d'un mois.
- les accusations de M. Y sur les conditions d'apprentissage en entreprise sont fantaisistes. Celui-ci n'a pas justifié de l'acquisition des règles bancaires de base. La fonction qui lui a été confiée consiste en un poste commercial d'accueil avec le client. Il commettait des erreurs, manquait de rigueur, n'appliquait pas la méthode de vente, n'approfondissait pas l'apprentissage de certains produits, prenait des initiatives à mauvais escient, ne demandait pas d'assistance lorsqu'il n'était pas capable de répondre à un client préférant communiquer de fausses informations, n'acceptait pas les remarques, n'écoutait pas les conseils.
- La nullité invoquée résultant du défaut d'enregistrement du contrat d'apprentissage n'est pas justifiée. Le contrat d'apprentissage a été effectivement enregistré auprès de la chambre d'agriculture du Tarn, laquelle a accusé réception mais a sollicité des pièces complémentaires et plus particulièrement une fiche médicale ainsi qu'une copie de la carte d'identité. Cette dernière a été transmise et l'organisme n'a formulé aucune réserve, enregistrant le contrat le 5 janvier 2010. L'employeur a ensuite communiqué le certificat médicale dans les 15 jours de l'enregistrement. La tardiveté de l'instruction du dossier par la chambre d'agriculture ne peut être opposée au Crédit Agricole lequel ne s'est vu opposer aucun refus d'enregistrement.
Par conclusions en date du 1er octobre 2012, reprises oralement lors de l'audience, monsieur
Y sollicite la confirmation du jugement et la condamnation du Crédit Agricole au paiement de la somme de 1 794 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Y sollicite
- A titre principal
- la confirmation dans son principe du jugement
- la nullité du contrat d'apprentissage pour enregistrement tardif
- la requalification en contrat de travail à durée déterminée
- la condamnation de l'employeur à payer
- 1 343,77 euros au titre de l'indemnité de requalification
- 17 045,53 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1 343,77 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre 134,38 euros au titre des congés payés afférents
- 3 249,24 euros au titre du rappel de salaire et 324,92 euros au titre des congés payés afférents
- A titre subsidiaire
- la constatation du manquement de l'employeur dans son obligation de formation
- faire droit à sa demande de rupture anticipée aux torts de l'employeur
- dire que cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- condamner l'employeur à payer
- 17 045,53 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 1 343,77 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 134,38 euros au titre des congés payés afférents
- En tout état de cause
- dire que les sommes ayant nature de salaire porteront intérêt à compter de l'engagement de la procédure et que les sommes ayant nature d'indemnité porteront intérêts à compter du jugement à intervenir
- condamner l'employeur à délivrer les documents obligatoires modifiés
- condamner l'employeur au paiement de la somme de 1 794 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
A l'appui de ses prétentions, M. Y invoque
- Au principal la nullité du contrat d'apprentissage en raison de l'enregistrement tardif du contrat imputable à l'employeur
- il sollicite donc la requalification en contrat à durée indéterminée, les rappels de salaire correspondants sur la base du SMIC, l'indemnité de requalification et une indemnité en réparation de la rupture du contrat de travail
- Subsidiairement, M. Y invoque la faute de l'employeur, lequel n'a pas fourni de formation en lien avec le diplôme préparé
- l'employeur n'ayant pas satisfait à l'obligation de formation, la rupture lui est imputable et ouvre droit à réparation du préjudice subi inhérent à la perte d'une année d'études et l'équivalent de la perte de salaire entre le 25 mai 2010 et le 18 octobre 2010, terme du contrat d'apprentissage.

SUR CE
L'examen de la rupture du contrat d'apprentissage suppose que soit analysée au préalable sa validité.
Sur l'enregistrement et la validité du contrat d'apprentissage
En application des dispositions des articles L 6224-1 et R 6224-1 du code du travail, le contrat d'apprentissage revêtu de la signature de l'employeur et de l'apprenti ou de son représentant légal doit être adressé pour enregistrement à la chambre consulaire, avant le début d'exécution du contrat et au plus tard dans les 5 jours ouvrables.
Si l'absence de la formalité substantielle de l'enregistrement est une cause de nullité du contrat d'apprentissage, aucune disposition ne prévoit la nullité de plein droit au cas de retard dans l'enregistrement.
En l'espèce, le contrat d'apprentissage a été signé entre le Crédit Agricole et M. Y le 19 octobre 2009, la chambre consulaire a accusé réception de l'envoi du contrat le 17 novembre 2009 sollicitant des pièces complémentaires, l'enregistrement intervenant le 8 janvier 2010.
Dans ces conditions, la validité du contrat d'apprentissage, dont l'exécution a commencé le 19 octobre 2009 et l'enregistrement a été effectué le 8 janvier 2010, sans qu'aucune partie ne conteste sa validité avant la régularisation, ne peut être remise en cause.
Il n'y a pas lieu à nullité et à requalification du contrat.
La demande d'indemnité de requalification sera donc rejetée.
Sur la rupture du contrat
Dans la mesure où l'employeur soutient que la rupture anticipée était bien fondée en raison des absences injustifiées et que l'apprenti soutient qu'il a cessé d'exécuter le travail en raison du manquement de l'employeur à son obligation essentielle de formation, il convient d'examiner les conditions de la rupture et l'imputabilité.
L'arrivée du terme du contrat d'apprentissage ne fait pas obstacle à ce qu'il soit statué sur les demandes de résiliation judiciaire.
Sur le manquement reproché à l'apprenti
Sauf impossibilité d'exécuter le contrat par le fait de l'employeur, la demande de l'apprenti en résiliation judiciaire ne le dispense pas de sa prestation. Par ailleurs, la démission ou la prise d'acte constituent un mode de rupture interdit à l'apprenti et sont sans effet.
Il n'est pas contesté que M. Y n'a pas repris son poste à compter du 25 mai 2010, malgré deux mises en demeure de l'employeur en date des 27 mai 2010 et 4 juin 2010, seule l'absence correspondant à la période du 5 juillet 2010 au 25 juillet 2010 étant justifiée par un arrêt maladie.
En l'espèce, l'apprenti ne justifie pas de l'impossibilité de poursuivre le travail.
Le manquement de M. Y est donc établi.
Sur le manquement reproché à l'employeur
M. Y a invoqué, par lettre adressée à l'employeur dès le 8 juin 2010, la violation de ses obligations contractuelles, lesquelles lui imposent de donner à l'apprenti une formation en relation directe avec ses études, en l'espèce le master II ingénierie de patrimoine et cession d'entreprise.
En réalité, il s'agit de la critique du contenu pédagogique des missions confiées par l'employeur à l'apprenti.
L'examen des tâches confiées par l'employeur fait apparaître un programme d'apprentissage des notions bancaires de base et des fonctions commerciales relatives aux produits bancaires classiques.
Plus particulièrement, dans la 3ème et dernière séquence de l'apprentissage du 26 mai au 15 octobre 2010, il a été prévu la vente de produits et service et la gestion portefeuille. Or le détail de ce programme ne fait pas apparaître l'activité de gestion de patrimoine.
Ce programme pédagogique est expliqué par M. ..., responsable du master II ingénierie du patrimoine à l'université d'ALBI, lequel explique précisément que l'emploi éventuellement proposé en fin de stage ne pouvait donner accès directement aux fonctions de conseiller en gestion de patrimoine, ce poste ne pouvant en principe être atteint qu'après avoir exercé des fonctions commerciales en agence pour parfaire la connaissance des produits et apprendre à gérer un portefeuille de clientèle particulier.
Ainsi, il apparaît certes que l'apprentissage des notions bancaires de base et l'activité commerciale bancaire classique est un préalable nécessaire à l'ingénierie de patrimoine mais surtout que l'apprentissage dispensé par le Crédit Agricole à M. Y n'a prévu aucune formation en relation avec le diplôme préparé à savoir master II gestion de patrimoine et cession d'entreprise.
Sur l'imputabilité de la rupture
L'examen des conditions d'exécution du contrat par les parties fait donc apparaître d'une part, un manquement de l'employeur à l'obligation essentielle de formation, ce, dès l'origine du contrat, et d'autre part, un manquement de l'apprenti à son obligation de reprendre son poste de travail, ce, à compter du 25 mai 2010.
Il y a lieu également de relever que l'employeur n'a pas jugé utile, en même temps qu'il a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de résiliation, de mettre à pied l'apprenti à titre conservatoire.
Le manquement de l'apprenti qui est postérieur et provoqué par celui du maître de stage n'a donc pas une gravité suffisante pour provoquer la résiliation.
Ainsi la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage doit être prononcée aux torts exclusifs du maître de stage employeur.
Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire
M. Y a perdu une année d'études et les montants des salaires dus entre le 25 mai 2010 et le 18 octobre 2010, terme du contrat.
Compte tenu de ces éléments, le préjudice subi par M. Y sera réparé par l'allocation de la somme de 10 000euros à titre de dommages et intérêts.
Il n'y a pas lieu à indemnité de préavis, s'agissant d'une résiliation judiciaire. Sur les autres demandes
Monsieur Y, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, ne justifie pas avoir exposé des frais non couverts par les dépens distincts de ceux pris en charge dans le cadre de l'aide juridictionnelle. Il sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le Crédit Agricole succombe à l'instance d'appel, il doit en conséquence supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme en toutes dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'ALBI en date du 6 mai 2011,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande de nullité du contrat d'apprentissage,
Constate le manquement de l'employeur dans son obligation essentielle de formation,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat d'apprentissage liant la caisse régionale de crédit agricole Nord Pyrénées à M. Y aux torts de l'employeur,
Condamne la caisse régionale de crédit agricole Nord Pyrénées à payer à monsieur Guillaume Y la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
Déboute M. Y des autres demandes,
Déboute la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Pyrénées de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Pyrénées aux dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.
Le présent arrêt a été signé par B. ..., président, et H. ..., greffier.
Le greffier Le président
H. ... B. ...
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