Jurisprudence : CA Paris, 5, 9, 11-04-2013, n° 12/07286, Infirmation

CA Paris, 5, 9, 11-04-2013, n° 12/07286, Infirmation

A8701KBU

Référence

CA Paris, 5, 9, 11-04-2013, n° 12/07286, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8061978-ca-paris-5-9-11042013-n-1207286-infirmation
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Abstract

Dans un arrêt du 11 avril 2013, la cour d'appel de Paris s'est prononcée sur le non-respect d'une clause d'agrément par la société cessionnaire de ses propres actions et sur la sanction attachée au non-respect par cette dernière des règles prohibant le rachat par une société de ses propres actions (CA Paris, Pôle 5, 9ème ch., 11 avril 2013, n° 12/07286).



Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 9 ARRÊT DU 11 AVRIL 2013 (n°, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 12/07286
Décision déférée à la Cour Jugement du 10 Avril 2012 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - 1ère chambre - RG n° 2011F00749

APPELANT
Monsieur Philippe Z né le ..... à Paris (75010) de nationalité française
demeurant BRY SUR MARNE
représenté par la SCP PATRICK ATLAN (Me Patrick ...) (avocats au barreau de PARIS, toque P0006)
assisté de Me Yoni WEIZMAN (avocat au barreau de PARIS, toque P0006)
INTIMÉE
SAS BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE
ayant son siège social
GAGNY
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Me Nathalie LESENECHAL (avocat au barreau de PARIS, toque D2090)
assistée de Me Michel AZOULAY de la SELARL DORLEAC AZOULAY ASSOCIÉS (avocat au barreau de PARIS, toque R277)

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Mars 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François FRANCHI, Président, et Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur François ... dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Monsieur François FRANCHI, Président
Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller
Monsieur Joël BOYER, Conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats Monsieur Bruno REITZER,
MINISTÈRE PUBLIC L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRÊT
- contradictoire,
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur François FRANCHI, Président et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier présent lors du prononcé.

La société BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE a été créée en date du 11 mars 2005 sous forme de société par actions simplifiées et exerce ses activités, dans la vente, l'installation et la maintenance d'équipements biométriques (pièce n°1).
Son capital est composé de 5.000 actions de 10 euros chacune entièrement libérées réparti (pièce n°2) entre
Monsieur Philippe Z 2.000 actions. Monsieur Thierry ... 1.500 actions. Madame Christelle ... 1.500 actions.
La société est ainsi contrôlée majoritairement par les époux ..., Christelle étant présidente et Thierry ... dirigeant de fait.
Les statuts de la société comportent en article 12, une clause d'agrément qui précise que les actions ne peuvent être cédées y compris entre associés, qu'avec l'agrément préalable de la collectivité des associés statuant à la majorité des voix des associés disposant du droit de vote et précisant que la demande d'agrément doit être notifiée par lettre recommandée avec AR adressée au Président de la société.
L'article 15 précise que toutes les cessions effectuées notamment en violation des dispositions de l'article 12 Agrément sont nulles.
Des divergences de vue sur la conduite des affaires sociales apparues en 2007 conduisaient pour les uns à voir Monsieur Philippe Z tenter d'obtenir de ses associés les époux ... le rachat par la société BIOMETRIE de l'intégralité de ses titres et pour les autres les partenaires être d'accord pour une séparation, et pour tous à la rédaction par Monsieur Philippe Z d'un protocole daté du 22 novembre 2010 (pièce n°3 ) prévoyant la cession de ses 2.000 actions à la société pour la somme de 70.000euros qui devait être payée en 4 échéances soit 17.500euros les 30/11/2010, 30/12/2010, 31/01/2011 et 28/02/2011.
Le protocole était signé le 22 novembre par Mme Christelle ... et contresigné par Thierry ... et les 4 chèques de 17 500e émis sous la signature de celle-ci en sa qualité de présidente de la société BCC acquéreuse.
Le premier règlement a dûment été encaissé par Monsieur Z mais les trois autres chèques ont été rejetés par la banque pour défaut de provision suffisante (pièce n°4).
Malgré une lettre de mise en demeure du 23 mars 2011, la situation n'a pas été régularisée.
*
Suivant acte extrajudiciaire en date du 7 avril 2011, Monsieur Philippe Z a ainsi fait citer la société BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Bobigny aux fins de voir condamner BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE à payer à Monsieur Philippe Z la somme de 52.500euros, augmentée des intérêts au taux légal a compter de la date de la mise en demeure reçue le 26 mars 2011 et ce jusqu'à parfait paiement et condamner BIOMETRIECAPITAL CONTRÔLE à payer à Monsieur Philippe Z la somme de 3.000euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

Selon ordonnance de référé en date du 10 mai 2011, le Tribunal a dit n'y avoir lieu à référé en raison des contestations sérieuses soulevées parla Société BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE et notamment le non respect de la clause d'agrément statutaire par Monsieur Z mais également l'impossibilité pour la Société de racheter ses propres actions, renvoyant cette affaire au fond.
Par jugement du 10 04 2012, le tribunal de commerce de BOBIGNY a prononcé la nullité de la cession des actions et ordonné à la SAS BCC de modifier les statuts et registres de transferts d'actions - débouter Monsieur Philippe Z de l'ensemble de ses demandes, le condamnant à restituer à la SAS BCC la somme de 17 500euros et les 3 chèques impayés et aux dépens.
Pour prononcer la nullité de la cession litigieuse, le Tribunal a donc considéré qu'au jour de ladite cession (22 novembre 2010), le montant de l'acquisition (70.000euros) était déjà supérieur au montant des réserves à prendre en considération conformément à l'article L 225-210 du code de commerce si bien que l'acquisition projetée avait pour effet d'entraîner une détention par BCC de ses propres actions très largement supérieure au maximum de 10% prévu par le même article et il ajoutait qu'au jour de l'assemblée générale appelée à statuer sur les comptes au 31 mars 2011, le capital et les réserves avaient été entièrement absorbés par les pertes de l'exercice, que les capitaux propres étaient très largement négatifs et que le commissaire aux comptes avait même demandé la convocation s'une assemblée générale pour statuer sur la procédure d'alerte qu'il avait déclenchée et pour laquelle il considérait ne pas avoir reçu de réponse satisfaisante.

Monsieur Philippe Z a interjeté appel du jugement.
*
Monsieur Philippe Z.
1- Sur le rachat de ses propres actions par une société
Il soutient qu'une SAS peut racheter ses propres actions dans la limite de 10% des actions composant son capital social, sous réserve que cette acquisition n'ait pas pour effet d'abaisser les capitaux propres à un montant inférieur à celui du capital augmenté des réserves non distribuables et que la violation de ces conditions n'est pas sanctionnée par la nullité de l'acte d'acquisition litigieux, mais oblige la société à revendre les actions
excédentaires acquises dans le délai d'un an ou, passé ce délai, à les annuler. Dès lors, en procédant à l'acquisition des 2000 actions de Monsieur Z, soit 40% de son capital, la société BCC s'est donc mise en situation de devoir revendre les actions excédentaires dans le délai d'un an ou de les annuler. Mais la nullité prononcée n'est pas une sanction prévue par la loi.
Au surplus, à la date de l'acte litigieux (22 novembre 2010), les capitaux propres de la société BCC n'étaient pas négatifs puisqu'ils ressortaient à 108 681 euros à l'arrêté des comptes au 31 mars précèdent et la procédure d'alerte était enclenché par le commissaire aux comptes un an plus tard.
2- Sur l'agrément à la cession des titres Il considère que
2/1- seuls les actionnaires peuvent invoquer la violation d'une clause statutaire et la société BCC n'a ni qualité ni intérêt à agir.
2/2- aucune des actionnaires n'a demandé le respect de la clause d'agrément, les deux parties ayant de fait renoncé à son respect car il ne peut y avoir de doute sur le consentement des époux ... à la cession.
Il maintient ainsi ses trois demandes, à savoir
- en premier lieu, au visa de l'article 1134 du Code civil, le versement par la société BCC de la somme de 52.500 euros qui lui reste due en vertu du protocole de cession de titres du 22 novembre 2010, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 mars 2011 conformément à l' article 1153 du même code, et capitalisation des intérêts de plus d'un an en application de l'article 1154 ;
- en deuxième lieu, la condamnation de la société BCC à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement,
- en troisième lieu, la condamnation de la société BCC à lui verser une somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu' aux dépens.
*
La société BCC demande à la cour de confirmer le principe de la décision en prononçant la nullité de la cession intervenue entre Monsieur Philippe Z et la société BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE, confirmant la restitution par Monsieur Philippe Z de la somme de 17.500 euros ainsi que les trois chèques impayés et déboutant Monsieur Philippe Z I de l'intégralité de ses fins et demandes.
1- Sur la nullité de la cession des 2000 parts de la SAS
Elle renvoie aux articles 12 et 15 des statuts mais aussi à l'article 20 en tant que celui-ci prévoir que c'est la collectivité des associés qui est seule compétente pour prendre la décision d'agrément des cessions d'actions, observant qu'aucune demande d'agrément n'avait eu lieu et que les parties ne s'étaient pas mutuellement dispensées du respect de cette formalité au motif que l'acquéreur n'était pas un tiers, d'autant que l'article 12 des statuts visent également ce cas et que l'article L 227-15 du code de commerce prévoit que toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle.
2- Sur son intérêt à agir
Elle soutient que s'il est de jurisprudence constante que les actionnaires dont l'agrément est requis pour autoriser une cession d'actions, peuvent invoquer la nullité de la cession qui peut résulter de l'irrégularité de l'agrément, la société le peut aussi.
3- Sur la possibilité d'achat par une société de ses propres actions
Elle considère que l'article L225-206 du code de commerce prévoit certes le principe d'une autorisation d'achat par une société de ses propres actions, mais seulement dans les cas prévus par les articles L 225-207 à 17 du dit code.
4- Sur la levée de l'opposition sur 3 chèques émis par la société
Elle observe que la société BC n'ayant pas fait opposition au paiement des trois chèques, lesquels ont été rejetés par la BRED pour défaut de provision, il n'y a lieu.
A titre subsidiaire, la société BCC forme une demande de délai de paiement de 24 mois en ce qu'elle justifie de difficultés financières et d'une bonne foi, de la perte de son crédit bailleur mobilier lors de l'exercice 20 septembre 2010 et de l'existence d'inscriptions de privilèges (pièce 7 Privilèges SÉCURITÉ SOCIALE et régimes complémentaires 101.424 euros Privilèges du TRESOR 56.581 euros).
Elle sollicite enfin la condamnation de Monsieur Philippe Z à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l''article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens.
*

SUR CE,
La cour observe que deux questions se trouvent posées à elle
La question des conditions de cession de ses actions par Monsieur Philippe Z,
La question du rachat des actions en cause.
1- Sur les conditions de la cession des actions
La cour observe en premier lieu que les actionnaires dont l'agrément préalable était requis pour autoriser une cession d'actions n'ont pas requis la nullité de la cession pouvant résulter du non respect ou de l'irrégularité de cet agrément.
Elle observe encore que si la société acquéreuse est recevable à invoquer également cette nullité, ce qu'elle fait, elle se trouve non fondée à le faire pour plusieurs raisons
- Elle en saurait faire valoir aucun grief puisqu'elle est la bénéficiaire de l'opération, au motif qu'il n'y a pas eu lettre recommandée avec AR adressée au président de la société.
- Elle a donné son accord à l'opération en signant par le biais de sa présidente l'acte de cession et les chèques de paiement des titres et n'a remis en cause l'opération que dans le cadre de l'assignation à fin de paiement du cédant, lequel aurait sans doute été plus vite à poursuivre le recouvrement du chèque demeuré impayé.
Le but de la demande d'agrément posé par la loi et/ou les statuts se trouve rempli dès lors que la cession a de facto permis le contrôle du 'nouvel' actionnaire, le capital étant devenant détenu à 100% par les actionnaires majoritaires de cette fermée.
2- Sur le rachat des actions
Si la cour observe que le schéma de sortie de Monsieur Philippe Z de la société BCC mis en place a consisté non dans le rachat de ses actions par les deux autres associés, ce qui eut été logique, mais par leur rachat indirect de celles-ci par leur acquisition par la société qui se trouvait dès lors racheter ses propres actions malgré la prohibition légale, elle observe que
- La sanction d'un rachat par une société de ses propres actions en dehors des exceptions prévues par le législateur n'est pas la nullité, dès lors que l'on ne se trouve pas dans la violation d'une disposition impérative de livre II du code de commerce ou des lois régissant les contrats mais celle de l'article L225-14 du code de commerce.
- La prohibition et les conséquences applicables concernent non le cédant mais le cessionnaire qui, en agissant par le biais de ses associés subsistant et de sa gérante, cherche à échapper aux conséquences du contrat signé entre les parties, et que l'on ne saurait opposer à l'associé minoritaire et non gérant les obstacles au rachat par la société de ses propres actions,
- La bonne foi devant présider à l'exécution des engagements contractuels existe d'autant moins en l'espèce que si l'existence de la personnalité morale de la société BCC interpose l'écran sociétal entre les époux ... détenteur de 100% du capital social de BCC et Monsieur Philippe Z, cet écran leur permet surtout d'éviter de se voir opposer leur propre turpitude.
La cour infirmera donc le jugement en condamnant la société BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE à verser à Monsieur Philippe Z la somme de la somme de 52.500euros, augmentée des intérêts au taux légal a compter de la date de la mise en demeure reçue le 26 mars 2011 et ce jusqu'à parfait paiement.
La cour rejettera les autres moyens comme inopérants, y compris la demande de délai de paiement de la société BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE, dès lors que le protocole en cause remonte à l'année 2005.
Elle fera droit au regard des considérations susvisées à la demande de condamnation à la somme de 10.000euros formulée par Monsieur Philippe Z à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement,
La cour ne fera droit qu'à la demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de Monsieur Philippe Z à hauteur de 8.000euros,
Elle condamnera également la société BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE aux dépens.

PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en date du 10 avril 2012 rendu par le tribunal de commerce de BOBIGNY. Condamne la société BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE à verser à Monsieur
Philippe Z
- La somme de 52.500euros, augmentée des intérêts au taux légal a compter de la date de la mise en demeure reçue le 26 mars 2011 et ce jusqu'à parfait paiement.
- La somme de 10.000euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement, - La somme de 8.000euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne la société BIOMETRIE CAPITAL CONTRÔLE aux dépens lesquels seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, B. REITZER F. FRANCHI

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