N° E 11-87.333 FS P+B N° 1380
CI/CV 3 AVRIL 2013
REJET
M. LOUVEL président,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur les pourvois formés par
- La société Olano Carla,
- M. Eric Y,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 8 septembre 2011, qui, pour infractions à la réglementation des conditions de travail dans les transports routiers, a condamné la première à cent-quatre-vingt-quatre amendes de 300 euros et vingt-et-une amendes de 135 euros et le second à cent-quatre-vingt-quatre amendes de 150 euros et vingt-et-une amendes de 100 euros ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 mars 2013 où étaient présents M. Louvel président, M. Maziau conseiller rapporteur, Mme Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort, Buisson conseillers de la chambre, Mme Divialle, MM. Barbier, Talabardon conseillers référendaires ;
Greffier de chambre M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire MAZIAU, les observations de la société civile professionnelle ROCHETEAU et UZAN-SARANO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MATHON ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 66 de la Constitution, 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et 78 du code de procédure pénale ;
"en ce que, l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité soulevées par la société Olano Carla et M. Y, les a déclarés coupables de cent-quatre-vingt-quatre contraventions de dépassement de la durée maximale de travail de nuit (contraventions de cinquième classe) et vingt-et-unes contraventions de dépassements de la durée quotidienne maximale du travail effectif (contravention de quatrième classe) et, en répression, a condamné M. Y à cent-quatre-vingt-quatre amendes de 150 euros et vingt-et-une amendes de 100 euros, et la société Olano Carla à cent-quatre-vingt-quatre amendes de 300 euros et vingt-et-unes amendes de 135 euros ;
"aux motifs que, sur la demande en nullité, le prévenu, personne physique, conteste les conditions de son audition par les services de police du commissariat de Bordeaux, pour ne s'être pas vu notifier son droit au silence, en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence européenne, qui disposent que les droits de la défense s'appliquent durant la phase d'enquête au cours de laquelle une personne peut notamment être placée en garde à vue et qui comporte le droit de garder le silence, le droit à l'assistance d'un avocat lors des interrogatoires et autres actes de l'enquête ; que la cour confirmera le rejet de cette exception par le tribunal, lequel s'évince de la formulation même de cette contestation, qui s'appuie sur le placement en garde à vue, mesure de contrainte qui n'est pas possible en matière de contravention, celle dont il s'agissait pour cette audition ;
"et aux motifs adoptés que, M. Y et la société Olano Carla soulèvent, in limine litis, deux exceptions ; qu'ils soutiennent d'une part, qu'il a été auditionné par les services de police le 15 décembre 2009 sans l'assistance d'un avocat, ce qui constitue une violation manifeste des droits de la défense qui est sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'homme que, d'autre part, l'action publique est éteinte ; que, toutefois M. Y n'a pas été placé en garde à vue et ne pouvait pas l'être à l'occasion d'une enquête concernant ces contraventions qu'il pouvait donc être interrogé par les services de police sans l'assistance d'un avocat ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter la première exception ainsi soulevée ;
"alors que, les dispositions de l'article 78 du code de procédure pénale sont contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au respect des droits de la défense qui découle de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et à la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution place sous la protection de l'autorité judiciaire, en ce qu'elles accordent aux officiers de police judiciaire la possibilité d'entendre, dans le cadre d'une enquête préliminaire, une personne suspectée d'avoir commis une ou plusieurs contraventions sans que lui soit notifié son droit au silence et son droit à ne pas s'auto-incriminer ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 78 du code de procédure pénale qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique" ;
Attendu que le moyen est devenu inopérant à la suite de la décision rendue le 18 juin 2012 par le Conseil constitutionnel ayant déclaré la disposition contestée conformé à la Constitution ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 78, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que, l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité soulevées par la société Olano Carla et M. Y, les a déclarés coupables de cent-quatre-vingt-quatre contraventions de dépassement de la durée maximale de travail de nuit (contraventions de cinquième classe) et vingt-et-une contraventions de dépassements de la durée quotidienne maximale du travail effectif (contravention de quatrième classe) et, en répression, a condamné M. Y à cent-quatre-vingt-quatre amendes de 150 euros et vingt-et-une amendes de 100 euros, et la société Olano Carla à cent-quatre-vingt-quatre amendes de 300 euros et vingt-et-une amendes de 135 euros ;
"aux motifs que, sur la demande en nullité, le prévenu, personne physique, conteste les conditions de son audition par les services de police du commissariat de Bordeaux, pour ne s'être pas vu notifier son droit au silence, en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence européenne, qui disposent que les droits de la défense s'appliquent durant la phase d'enquête au cours de laquelle une personne peut notamment être placée en garde à vue et qui comporte le droit de garder le silence, le droit à l'assistance d'un avocat lors des interrogatoires et autres actes de l'enquête ; que la cour confirmera le rejet de cette exception par le tribunal, lequel s'évince de la formulation même de cette contestation, qui s'appuie sur le placement en garde à vue, mesure de contrainte qui n'est pas possible en matière de contravention, celle dont il s'agissait pour cette audition ;
"et aux motifs adoptés que, M. Y et la société Olano Carla soulèvent in limine litis deux exceptions ; qu'ils soutiennent d'une part, qu'il a été auditionné par les services de police le 15 décembre 2009 sans l'assistance d'un avocat, ce qui constitue une violation manifeste des droits de la défense qui est sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'homme que, d'autre part, l'action publique est éteinte ; que, toutefois que M. Y n'a pas été placé en garde à vue et ne pouvait pas l'être à l'occasion d'une enquête concernant ces contraventions qu'il pouvait donc être interrogé par les services de police sans l'assistance d'un avocat ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter la première exception ainsi soulevée ;
"1o) "alors que, toute personne suspectée d'avoir commis une contravention qui est entendue par un officier de police judiciaire dans le cadre d'une enquête préliminaire, doit se voir notifier son droit au silence et voir respecter son droit à ne pas s'auto-incriminer ; qu'à l'appui de leur demande de nullité de la procédure, M. Y et la société Olano Carla soutenaient que leur droit au silence et à ne pas s'auto-incriminer n'avaient pas été respectés lors de leur audition le 15 décembre 2009 par l'officier de police judiciaire ; qu'en rejetant la nullité au motif que la garde à vue était impossible en matière contraventionnelle, la cour a violé les textes susvisés ;
"2o) "alors que, la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce, il résulte des termes de l'arrêt que le prévenu, personne physique, conteste les conditions de son audition par les services de police du commissariat de Bordeaux, pour ne s'être pas vu notifier son droit au silence, en violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence européenne qui disposent que les droits de la défense s'appliquent durant la phase d'enquête au cours de laquelle une personne peut notamment être placée en garde à vue et qui comporte le droit de garder le silence, le droit à l'assistance d'un avocat lors des interrogatoires et autres actes de l'enquête ; qu'il résulte ainsi de la formulation de la contestation telle que reproduite par la cour que le prévenu ne soutenait nullement que le droit au silence invoqué n'existait que lorsque la personne peut être placée en garde à vue, mais notamment lorsque c'était le cas ; qu'en affirmant néanmoins que le rejet de l'exception s'évince de la formulation même de cette contestation, qui s'appuie sur le placement en garde à vue, mesure de contrainte qui n'est pas possible en matière de contravention, celle dont il s'agissait pour cette audition, la cour a entaché sa décision de contradiction de motifs" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Eric Y, responsable logistique de la société Olano Carla, a été entendu, le 15 décembre 2009, par les services de police de Saint-Jean-de-Luz, à la suite d'un procès-verbal dressé conformément à l'article L. 8113-7 du code du travail par un contrôleur du travail dans les transports ayant relevé diverses infractions à la réglementation du travail commises entre janvier et mars 2008, au sein de la société ; qu'avec la société Olano Carla, il a été cité à comparaître devant le tribunal de police, pour avoir enfreint les règles relatives à la durée du travail dans les
transports routiers ; que, selon le jugement, les prévenus ont soulevé, in limine litis, une exception de nullité prise de la violation des droits de la défense, ainsi qu'une exception de prescription de l'action publique ; qu'après avoir écarté ces exceptions, le tribunal les a déclarés coupables des faits reprochés et les a condamnés au paiement d'amendes ; que les prévenus ont interjeté appel ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, après avoir écarté d'une part, l'exception de nullité de l'audition de M. Y, prise de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les prévenus soutenant que les droits de la défense s'appliquent également durant la phase d'enquête au cours de laquelle une personne peut notamment être placée en garde à vue et qui comportent le droit de garder le silence, le droit à l'assistance d'un avocat lors des interrogatoires et autres actes de l'enquête et d'autre part, l'exception de prescription, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans violer l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que la notification du droit de se taire et de ne pas s'accuser, n'est reconnue qu'aux personnes placées en garde à vue ou faisant l'objet d'une mesure de rétention douanière ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois avril deux mille treize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;