CIV.3 CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 4 avril 2013
Rejet
M. TERRIER, président
Arrêt no 368 FS-P+B
Pourvoi no Y 12-15.663
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par
1o/ M. Hervé Z,
2o/ Mme Laurence YZ, épouse YZ,
tous deux domiciliés Nogent-Sermiers,
contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2011 par la cour d'appel de Reims
(chambre civile, 1re section), dans le litige les opposant
1o/ à la société Atradius crédit Insurance NV, venant aux droits de la société Gerling Namu assurances du crédit, dont le siège est Compiègne,
2o/ à la Caisse de garantie immobilière du bâtiment (CGIB), venant aux droits de la société Garantie financière de l'immobilier (GFIM) dont le siège est Paris cedex 16,
3o/ à la société Construction rénovations immobilières champenoises (CORIC), société à responsabilité limitée, dont le siège est Witry-lès-Reims,
défenderesses à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 février 2013, où étaient présents M. Terrier, président, M. Pronier, conseiller rapporteur, M. Mas, conseiller doyen, MM. Jardel, Nivôse, conseillers, Mmes Vérité, Abgrall, Guillaudier, Georget, Renard, conseillers référendaires, M. Petit, avocat général, Mme Bordeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Pronier, conseiller, les observations de la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat des époux Z, ... ... SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat des sociétés Atradius crédit Insurance NV et Caisse de garantie immobilière du bâtiment, l'avis de M. Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 6 décembre 2011), statuant sur renvoi après cassation (Civile 3 - 3 novembre 2009 - No 08-19.741), que, le 31 mars 2000, la société Construction rénovations immobilières champenoises (société CORIC) et les époux Z ont conclu un contrat de construction de maison individuelle, prévoyant un délai d'exécution de vingt mois ouvrés à compter de la date d'ouverture du chantier ; qu'une garantie de livraison a été délivrée par les sociétés Garantie financière de l'immobilier et Gerling Namur assurance du crédit, aux droits desquelles se trouvent les sociétés Caisse de garantie immobilière du bâtiment (société CGIB) et Atradius crédit Insurance NV (société Atradius) ; qu'au cours de l'exécution du chantier, des désordres et des malfaçons ayant été constatés, une expertise a été ordonnée le 18 juin 2003 ; que les travaux interrompus le 17 juillet 2003 n'ayant pas repris, les époux Z ont, après dépôt du rapport de l'expert, le 28 octobre 2004, assigné la société CORIC en résiliation du contrat à ses torts et en indemnisation de leurs préjudices, et les sociétés CGBI et Atradius en paiement de pénalités de retard ;
Attendu que les époux Z font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande en paiement des pénalités de retard, alors, selon le moyen
1o/ que la résiliation du contrat de construction, qui n'a pas d'effet rétroactif, n'éteint pas les obligations du garant de livraison à prix et délai convenus et ne fait pas obstacle à la demande du maître d'ouvrage tendant au paiement des pénalités contractuelles dues en cas de retard, lequel s'apprécie au regard de la date de livraison de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, pour débouter les époux Z de leur demande tendant au paiement de pénalités de retard arrêtées au 31 mai 2005, la cour d'appel a estimé que la livraison de leur maison aurait dû intervenir le 17 juillet 2003 et que cette date était également celle de la résiliation du contrat de construction du 31 mars 2000 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, dès lors que les obligations du garant concernant les pénalités dues en cas de retard de livraison n'étaient pas éteintes du fait de la résiliation du contrat, la date à laquelle la livraison était effectivement intervenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 232-1 et L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ;
2o/ que le maître d'ouvrage qui cesse de payer des factures au regard des non-façons, malfaçons et désordres dont est affecté l'ouvrage et qui sont d'une importance telle qu'ils justifient la résiliation du contrat de construction de maison individuelle aux torts de l'entrepreneur ne peut se voir opposer cette circonstance pour faire échec à sa demande tendant au paiement des pénalités dues en cas de retard de livraison ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit fondée, pour rejeter la demande formée par les époux Z au titre des pénalités de retard dues jusqu'au 31 mai 2005 en exécution du contrat de construction de maison individuelle conclu le 31 mars 2000, sur le fait que les travaux ont été suspendus le 17 juillet 2003 après mise en demeure de la société CORIC pour non-paiement de trois factures, alors qu'il était constant et non contesté que l'ouvrage était atteint de nombreux désordres et que le contrat de construction de maison individuelle avait été résilié de ce chef aux torts du constructeur à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1184 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucun retard n'était constitué à la date de résiliation du contrat et qu'à cette date les époux Z n'avaient pas sollicité la poursuite des travaux par le garant de livraison, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que la demande de paiement de pénalités de retard pour la période postérieure à la résiliation devait être rejetée, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour les époux Z
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement du tribunal de grande instance de REIMS du 31 mai 2005 en ce qu'il a condamné la société CORIC et la société ATRADIUS à payer à M. Hervé Z et Mme Laurence Y la somme de 80.754 euros au titre des pénalités forfaitaires de retard et de les avoir déboutés de leur demande formée à ce titre,
AUX MOTIFS QUE
"la société CORIC dit que la livraison théorique de l'ouvrage devait intervenir le 28 janvier 2003 sauf à augmenter ce délai des causes de prolongation prévues à l'article 17 du contrat, notamment pour tenir compte de la durée éventuelle d'intempéries pendant laquelle le travail serait arrêté au sens des articles L. 731-1 et suivants du code du travail, soit 146 jours, elle ajoute qu'il n'y a pas lieu à condamnation pour dépassement du délai de livraison car, à la date du 17 juillet 2003, le délai contractuel d'exécution des travaux n'était pas encore expiré;
Considérant que la CGIB et la société Atradius précisent que, compte-tenu de trois périodes de congés payés de 2001 à 2003, puisqu'il s'agit de mois ouvrés, la date de livraison devait être fixée au plus tôt le 21 août 2003;
Que monsieur Hervé Z et madame Laurence Y disent que le point de départ du délai d'exécution était le 25 mai 2001, les pénalités de retard étaient dues à compter du 24 mai 2003 en raison de 119 jours d'intempéries jusqu'au 31 mai 2005, soit la somme de 80.745,74 euros pour 737 jours;
Considérant que le contrat de construction de maison individuelle conclu le 31 mars 2000 entre les époux Z et la société CORIC stipulait un délai d'exécution des travaux sur 20 mois ouvrés à compter de l'ouverture du chantier qui est intervenue le 28 mai 2001 ainsi que cela résulte de la déclaration d'ouverture et des constatations du rapport d'expertise (p. 29), que le délai pouvait être, d'après le contrat, néanmoins prolongé de la durée des périodes d'intempéries pendant lesquelles le travail est arrêté conformément aux dispositions des articles L. 731-1 et suivants du code du travail;
Que le délai de vingt mois, conformément à ce qui était contractuellement prévu, a ainsi, comme il n'est pas sérieusement contesté, été repoussé de cent dix-neuf jours pour intempéries ainsi que l'a noté l'expert judiciaire (p. 19 du rapport), soit à la date du 27 mai 2003;
Qu'il convient en outre de tenir compte des congés payés, soit un mois et vingt jours, la date étant alors celle du 17 juillet 2003;
Considérant qu'il est constant que les travaux ont été suspendus le 17 juillet 2003 après mise en demeure par la société CORIC des époux Z pour non-paiement de trois factures;
Que d'après l'article 18 du contrat, une pénalité de retard s'applique en cas de retard dans l'achèvement des travaux non justifié dans les conditions de l'article 17, mais que le délai expirant le jour même où les travaux ont cessé, le 17 juillet étant également la date de résiliation du contrat du 31 mars 2000 ainsi que cela est définitivement jugé dans l'arrêt du 15 octobre 2007, il convient, infirmant le jugement du 31 mai 2005, de rejeter la demande de pénalités des époux Z, sans qu'il y ait lieu non plus d'accueillir la demande de la société Atradius et de la CGIB de restituer les sommes éventuellement perçues, avec intérêts, qui n'est pas justifiée" (arrêt p. 3) ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la résiliation du contrat de construction, qui n'a pas d'effet rétroactif, n'éteint pas les obligations du garant de livraison à prix et délai convenus et ne fait pas obstacle à la demande du maître d'ouvrage tendant au paiement des pénalités contractuelles dues en cas de retard, lequel s'apprécie au regard de la date de livraison de l'ouvrage; qu'en l'espèce, pour débouter les époux Z de leur demande tendant au paiement de pénalités de retard arrêtées au 31 mai 2005, la cour d'appel a estimé que la livraison de leur maison aurait dû intervenir le 17 juillet 2003 et que cette date était également celle de la résiliation du contrat de construction du 31 mars 2000; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, dès lors que les obligations du garant concernant les pénalités dues en cas de retard de livraison n'étaient pas éteintes du fait de la résiliation du contrat, la date à laquelle la livraison était effectivement intervenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 232-1 et L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le maître d'ouvrage qui cesse de payer des factures au regard des non-façons, malfaçons et désordres dont est affecté l'ouvrage et qui sont d'une importance telle qu'ils justifient la résiliation du contrat de construction de maison individuelle aux torts de l'entrepreneur ne peut se voir opposer cette circonstance pour faire échec à sa demande tendant au paiement des pénalités dues en cas de retard de livraison ; qu'à supposer que la cour d'appel se soit fondée, pour rejeter la demande formée par les époux Z au titre des pénalités de retard dues jusqu'au 31 mai 2005 en exécution du contrat de construction de maison individuelle conclu le 31 mars 2000, sur le fait que les travaux ont été suspendus le 17 juillet 2003 après mise en demeure de la société CORIC pour non-paiement de trois factures, alors qu'il était constant et non contesté que l'ouvrage était atteint de nombreux désordres et que le contrat de construction de maison individuelle avait été résilié de ce chef aux torts du constructeur à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1184 du code civil.