COMM. CH.B
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 mars 2013
Cassation
M. ESPEL, président
Arrêt no 331 FS-P+B
Pourvoi no K 11-27.423
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE,
FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par M. Jean-Claude Z des Grottes, domicilié Le Lamentin,
contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2011 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à la société Négociations achat créances contentieuses (NACC), société par actions simplifiée, dont le siège est Paris,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 février 2013, où étaient présents M. Espel, président, Mme Robert-Nicoud, conseiller référendaire rapporteur, M. Gérard, conseiller doyen, Mmes Canivet-Beuzit, Levon-Guérin, M. Rémery, Mme Jacques, M. Laborde, Mme Wallon, M. Zanoto, conseillers, Mme Guillou, MM. Lecaroz, Arbellot, Mmes Schmidt, Texier, conseillers référendaires, M. Le Mesle, premier avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Robert-Nicoud, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de M. Z des Grottes, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société NACC, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Vu l'article 1699 du code civil ;
Attendu que si le retrayant doit avoir la qualité de défendeur à l'instance en contestation de la créance, il peut exercer son droit au retrait litigieux sans forme particulière, au besoin par une action engagée à cette fin ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Banque française commerciale de l'Océan indien-BFCOI (la banque) a consenti à la Société mascarine de commerce - SOMACO (la SOMACO) deux prêts, pour lesquels son gérant, M. Z des Grottes (la caution), s'est rendu caution personnelle et solidaire pour un montant limité ; que la SOMACO ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance ; que par jugement du 26 juin 2004, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France du 31 mars 2006, la caution a été condamnée, au titre de ces deux engagements de caution, à payer diverses sommes à la banque ; que celle-ci a, par acte du 12 octobre 2007, réitéré en la forme authentique le 20 novembre 2007, cédé à la société Négociations achat créances contentieuses - NACC (la société NACC) un portefeuille de créances sur la société SOMACO, dont les deux créances susvisées, cette cession étant signifiée à la caution le 31 mars 2008 ; que la caution a informé, par lettre du 30 octobre 2008, la société NACC qu'elle entendait exercer le retrait litigieux ; que celle-ci l'ayant refusé, la caution l'a, le 13 mars 2009, assignée afin d'obtenir la production d'éléments permettant de calculer le prix de cession et de lui donner acte de son offre de rembourser le prix réel de la cession avec les frais, loyaux coûts et intérêts du jour du paiement du prix de cession ; que le 3 juin 2009, le pourvoi qu'elle avait formé contre l'arrêt du 31 mars 2006 a été déclaré non admis ;
Attendu que pour déclarer irrecevables ces demandes, l'arrêt retient que le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que par un défendeur à l'instance qui conteste le droit litigieux et qu'en l'espèce, l'instance ayant été introduite par la caution, celle-ci n'a pas la qualité exigée par la loi ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la caution était défenderesse à l'instance qui avait pour objet la contestation du droit litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Négociations achat créances contentieuses - NACC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Z des Grottes la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour M. Z des Grottes.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement rendu le 24 novembre 2010 par le tribunal de commerce de Paris et déclaré irrecevables les demandes de Monsieur Jean-Claude Z des Grottes aux fins de voir dire qu'il est fondé à exercer le retrait litigieux de la créance résultant de l'arrêt rendu contre lui par la cour d'appel de Fort-de-France le 31 mars 2006, fixer le prix de la créance litigieuse, déclarer satisfactoire son offre de paiement et dire libératoire la consignation constatée par procès-verbal d'huissier de justice du 9 juin 2011,
AUX MOTIFS QU'"en application des articles 1699 et 1700 du Code civil, le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que par un défendeur à l'instance qui conteste le droit litigieux ; Or que, l'instance ayant été introduite suivant acte d'huissier de justice du 13 mars 2009 à la requête de M. Z des Grottes, celui-ci n'a pas la qualité exigée par la loi ; qu'il s'évince de ces constatations, tous autres arguments des parties étant surabondants ou inopérants, que le jugement entrepris doit être infirmé et la demande de M. Z des Grottes en exercice du retrait litigieux déclarée irrecevable ; que les demandes formées par M. Z des Grottes en cause d'appel tendant à voir fixer le prix de la créance litigieuse, déclarer satisfactoire son offre de paiement et dire libératoire la consignation qu'il a faite, constatée par procès-verbal d'huissier de justice du 9 juin 2011, sont, en conséquence, irrecevables" (arrêt, p. 5),
ALORS QUE celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le concessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite ; que le retrait peut être exercé par le défendeur à l'instance qui conteste le droit litigieux, c'est-à-dire à l'instance ayant pour objet de faire reconnaître la validité et l'étendue des droits cédés ;
Qu'en l'espèce, il est constant que, par acte en date du 4 novembre 2002, la Banque française du commerce de l'Océan indien a assigné Monsieur Jean-Claude Z des Grottes devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France en exécution de son engagement de caution de la société Somaco (en liquidation judiciaire depuis mai 2002), en paiement d'une somme en principal de 569.830,97 euros ; que, par arrêt en date du 31 mars 2006, la cour d'appel de Fort-de-France a rejeté la contestation formée par la caution de l'étendue de son engagement ; qu'alors qu'un pourvoi en cassation avait été formé contre cet arrêt, Monsieur Z des Grottes a reçu le 1er juillet 2008 de la société NACC une lettre l'informant qu'elle avait acquis la créance de la BFCOI par acte de cession de créances en date du 12 octobre 2007, qu'elle se trouvait désormais subrogée dans les droits de la BFCOI et qu'en conséquence, elle le mettait en demeure de régler les sommes dues ; qu'alors que le pourvoi était toujours pendant devant la Cour de cassation, si bien que la créance était toujours litigieuse au sens de l'article 1700 du code civil, Monsieur Z des Grottes a, par lettre recommandée en date du 30 octobre 2008, fait savoir à la société NACC qu'il entendait exercer le retrait litigieux conformément aux dispositions de l'article 1699 du code civil ; que la société NACC ayant contesté le bien-fondé du retrait litigieux, Monsieur Z des Grottes a été contraint de saisir, le 13 mars 2009, le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement en date du 24 novembre 2010, a constaté que lors de la cession de créance du 12 octobre 2007, le litige opposant la BFCOI et Monsieur Z des Grottes était toujours en cours et que celui-ci était bien défendeur à cette instance ;
Que, cependant, pour infirmer ce jugement et déclarer irrecevables les demandes de Monsieur Jean-Claude Z des Grottes aux fins de voir dire qu'il est fondé à exercer le retrait litigieux de la créance résultant de l'arrêt rendu contre lui par la cour d'appel de Fort-de-France le 31 mars 2006, fixer le prix de la créance litigieuse, déclarer satisfactoire son offre de paiement et dire libératoire la consignation constatée par procès-verbal d'huissier de justice du 9 juin 2011, la cour d'appel a relevé que, dans l'instance engagée le 13 mars 2009 par Monsieur Z des Grottes, celui-ci n'avait pas la qualité de défendeur ;
Qu'en confondant ainsi l'action en contestation du droit litigieux, dans laquelle il avait bien la qualité de défendeur, avec l'action en constatation du bien-fondé du retrait litigieux, la cour d'appel a violé les articles 1699 et 1700 du code civil.