Jurisprudence : Cass. civ. 2, 28-03-2013, n° 11-18.025, FS-P+B+R+I, Rejet

Cass. civ. 2, 28-03-2013, n° 11-18.025, FS-P+B+R+I, Rejet

A2643KBI

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:C200474

Identifiant Legifrance : JURITEXT000027251761

Référence

Cass. civ. 2, 28-03-2013, n° 11-18.025, FS-P+B+R+I, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8052124-cass-civ-2-28032013-n-1118025-fsp-b-r-i-rejet
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Abstract

Si le recours à la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) permet aux victimes de certaines infractions dommageables d'obtenir la réparation intégrale des préjudices consécutifs à un dommage corporel, c'est à la condition que le fait dommageable, d'une part, présente le caractère matériel d'une infraction et, d'autre part, qu'il ne relève pas d'un régime spécifique. L'existence d'un contexte politique ayant présidé la commission d'une infraction amène à considérer que l'infraction n'est pas une simple infraction de droit commun, de sorte que la victime n'est pas recevable à former une demande d'indemnisation devant la CIVI.



CIV. 2 CB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 28 mars 2013
Rejet
Mme FLISE, président
Arrêt no 474 FS-P+B+R+I
Pourvoi no V 11-18.025
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Guillaume Z, domicilié Angoulême,
contre l'arrêt rendu le 2 février 2011 par la cour d'appel de Bordeaux (5e chambre civile), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est Vincennes cedex,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 février 2013, où étaient présents Mme Flise, président, M. Adida-Canac, conseiller référendaire rapporteur, M. Bizot, conseiller doyen, Mme Aldigé, MM. Breillat, Kriegk, Grellier, Taillefer, conseillers, M. Chaumont, Mme Fontaine, conseillers référendaires, M. Maître, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Adida-Canac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat de M. Z, de la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, l'avis de M. Maître, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 février 2011) et les productions, que des troupes françaises présentes, en vertu d'accords bilatéraux d'assistance technique, sur le territoire de la république de Côte d'Ivoire, alors siège d'une guerre civile entre l'armée régulière ivoirienne et des citoyens ivoiriens désignés comme "rebelles", ont été engagées dans une mission de maintien de la paix dénommée "Licorne" dans le cadre de "l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire" sous l'égide d'une résolution de l'Organisation des Nations Unies du 27 février 2004 ; que le 6 novembre 2004, des avions de chasse de l'armée régulière ivoirienne ayant bombardé une base de l'armée française, y provoquant des morts et des blessés, le Président de la République française a ordonné alors la destruction de tous les moyens aériens militaires de la Côte d'Ivoire ; que M. Z, militaire français cantonné sur cette base, blessé lors de ce bombardement, a bénéficié d'une pension versée au titre du régime d'indemnisation des victimes de guerre ; que le 19 janvier 2005, un juge d'instruction des armées a été saisi d'une information sur ces faits des chefs d'assassinat, tentative d'assassinat et destruction de biens, toujours en cours ; que le 18 novembre 2008, M. Z a saisi une commission d'indemnisation des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (CIVI) d'une demande d'indemnisation ;

Attendu que M. Z fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors, selon le moyen
1o/ que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne ; que l'existence d'un contexte politique ayant présidé la commission de tels faits dommageables ne leur enlève pas le caractère délictueux, ni ne prive les victimes de leur droit à réparation des
conséquences qui en résultent pour leur personne, peu important les suites de l'instruction éventuellement ouverte en vue d'une action répressive ; qu'en jugeant l'inverse et retenant que les événements du 6 novembre 2004 entrent dans un contexte politique qui ne permet pas de les considérer comme une simple infraction de droit commun dont les victimes seraient fondées à demander réparation de leurs dommages devant la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
2o/ que, lors de l'attaque au cours de laquelle M. Z était blessé le 6 novembre 2004, son unité stationnait en Côte d'Ivoire comme composante des forces de maintien de la paix aux cotés de l'opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire et des soldats de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, sous mandat de l'Organisation des Nations Unies, mandatées par l'Organisation des Nations Unies, et n'était point engagée dans une guerre contre le pays hôte, de sorte que les attaques lancées contre elle par certains éléments de l'armée ivoirienne s'analysait en une infraction de droit commun ; qu'en retenant l'inverse et en rejetant la demande d'indemnisation de M. Z, la cour d'appel a encore violé l'article 706-3 du code de procédure pénale par refus d'application ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles 706-3 du code de procédure pénale, L. 4111-1, D. 4122-7 et L. 4123-4 du code de la défense nationale, que les militaires blessés ou tués en service, y compris lorsqu'ils participent à des opérations extérieures, sont éligibles tant aux dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qu'aux modalités d'indemnisation complémentaires fondées sur la responsabilité de l'Etat relevant de la compétence exclusive de la juridiction administrative, de sorte qu'est nécessairement exclue, dans un tel cas, une indemnisation par une CIVI ;
Et attendu que l'arrêt retient que l'ouverture d'une information pénale, dont l'issue n'est pas précisée par le requérant, ne peut être prise en considération pour caractériser l'apparence d'infraction ; que selon un article de presse produit, l'attaque du 6 novembre 2004 a donné lieu à une riposte armée ordonnée par le Président de la République française ; que les événements du 6 novembre 2004 entrent donc dans un contexte politique qui ne permet pas de les considérer comme une simple infraction de droit commun, ce qui rend l'article 706-3 du code de procédure pénale inapplicable ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui a fait ressortir que les faits à l'origine des blessures de M. Z relevaient d'une opération extérieure au cours de laquelle ce militaire était en service, a exactement déduit que la demande d'indemnisation formée devant la CIVI était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. Z
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Monsieur Z irrecevable en sa demande de provision et d'institution d'une expertise médicale;
AUX MOTIFS QUE, la seule réserve à l'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale est constituée par la qualification des faits qu'il convient de retenir, le FONDS DE GARANTIE soutenant qu'il s'agit de faits de guerre et Monsieur Z qu'il s'agit d'une infraction pénale reconnue par d'autres commissions et se déduisant de l'ouverture d'une information pénale et des circonstances dans lesquelles l'attaque litigieuse a été menée ; qu'en l'absence d'une décision émanant d'une juridiction pénale ayant autorité de chose jugée quant à la qualification des faits, il revient à la cour de déterminer si les faits dont Monsieur Z a été victime constituent une infraction; qu'à cet égard, l'ouverture d'une information pénale dont l'issue n'est pas précisée par le requérant, ne peut être prise en considération; que, contrairement à ce qu'affirme Monsieur Z, aucune des décisions qu'il cite n'a fait droit à une demande identique à la sienne, mais a considéré qu'en l'état le caractère matériel d'une infraction n'était pas démontré (Paris 26 juin et 9 octobre 2008, Rochefort 20 juillet 2005); que par ailleurs, il faut relever que selon un article de presse produit par le FONDS DE GARANTIE, l'attaque du 06 novembre 2004 a donné lieu à une riposte armée ordonnée par le Président de la République Jacques ...; que les événements du 06 novembre 2004 entrent donc dans un contexte politique qui ne permet pas de les considérer comme une simple infraction de droit commun; les articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale sont donc inapplicables et la requête de Monsieur Z doit être déclarée irrecevable; que le jugement du 03 juin 2009 sera donc infirmé en toutes ses dispositions frappées d'appel ;
ALORS D'UNE PART QUE, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne; que l'existence d'un contexte politique ayant présidé la commission de tels faits dommageables ne leur enlève pas le caractère délictueux, ni ne prive les victimes de leur droit à réparation des conséquences qui en résultent pour leur personne, peu important les suites de l'instruction éventuellement ouverte en vue d'une action répressive; qu'en jugeant l'inverse et retenant que les événements du 06 novembre 2004 entrent dans un contexte politique qui ne permet pas de les considérer comme une simple infraction de droit commun dont les victimes seraient fondées à demander réparation de leurs dommages devant la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, la cour d'appel a violé l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
ALORS D'AUTRE PART QUE, lors de l'attaque au cours de laquelle Monsieur Z était blessé le 06 novembre 2004, son unité stationnait en Cote d'Ivoire comme composante des forces de maintien de la paix aux cotés de l'Opération des Nations Unies en Cote d'Ivoire (ONUCI) et des soldats de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), sous mandat de l'Organisation des Nations Unies mandatées par l'Organisation des Nations Unies, et n'était point engagée dans une guerre contre le pays hôte, de sorte que les attaques lancées contre elle par certains éléments de l'armée Ivoirienne s'analysait en une infraction de droit commun; qu'en retenant l'inverse et en rejetant la demande d'indemnisation de Monsieur Z, la cour d'appel a encore violé l'article 706-3 du code de procédure pénale par refus d'application.

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