Références
Cour administrative d'appel de BordeauxN° 11BX01154Inédit au recueil Lebon
5ème chambre (formation à 3)lecture du mardi 12 mars 2013REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête enregistrée le 12 mai 2011 présentée pour la SCP Silvestri-Baudet, dont le siège est 23 rue du Chai des farines à Bordeaux (33000), agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la SARL Centre Informatique Arcachonnais par Me Zamour ;
La SCP Silvestri-Baudet demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703595-0703596 du 8 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquels la SARL Centre Informatique Arcachonnais a été assujettie au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, ainsi que la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 ;
2°) de faire droit à sa demande et de prononcer le non-lieu à statuer sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été notifiés au titre de l'année 2003, pour un montant de 5 975 euros ;
3°) de condamner l'Etat aux dépens et au versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 12 février 2013 :
- le rapport de Mme Florence Demurger, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL Centre Informatique Arcachonnais (CIA), qui a pour activité la distribution de logiciels, les prestations informatiques et l'activité internet à Arcachon et se trouve en situation de liquidation judiciaire depuis le 11 juin 2003, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ; qu'à l'issue du contrôle, la société s'est vu notifier des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 ; que la SCP Silvestri-Baudet, mandataire liquidateur agissant au nom de la société, interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge desdites impositions ;
Sur la recevabilité des conclusions d'appel :
2. Considérant que la SCP Silvestri-Baudet demande, dans sa requête introductive, que la cour prononce un non-lieu à statuer à hauteur de 5 975 euros relatif aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés au titre de l'année 2003 ; que, lesdites impositions n'étant pas en litige devant le tribunal administratif, ces conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de la charte du contribuable, dans sa rédaction applicable en l'espèce et dont les termes sont opposables à l'administration fiscale en application des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (...) 5 ... Si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaires par l'inspecteur principal. ... Si après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur (...) " ;
4. Considérant que, le 24 décembre 2003, le vérificateur a adressé à la SARL Centre informatique arcachonnais, sous couvert de Me Silvestri, une proposition de rectification portant sur l'exercice clos en 2000 ; que, le 27 janvier 2004, l'avocat de la société a présenté ses observations et sollicité une réunion avec l'interlocuteur départemental ; que, le 21 avril 2004, l'administration a, d'une part, confirmé les redressements notifiés le 24 décembre 2003 en prenant acte de la demande de rendez-vous avec l'interlocuteur, et d'autre part, adressé une proposition de rectification portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 ; que, par courrier du 18 mai 2004, le conseil de la SARL Centre informatique arcachonnais a demandé la saisine de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, ainsi que celles " des interlocuteurs visés par l'avis de vérification ", puis, par courriers des 21 et 24 mai 2004, a présenté des observations en réponse à la proposition de rectification du 21 avril 2004, auxquelles l'administration a répondu le 3 juin suivant ; que, le 29 juin 2004, la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, saisie à la demande de l'administration, a émis un avis concernant la détermination des résultats à comprendre dans les bases de l'impôt sur les sociétés dus au titre des exercices clos en 2000, 2001 et 2002, et celle du chiffre d'affaires effectivement réalisé pour la période du 1er janvier 2000 au 11 juin 2003 ; qu'enfin, le 5 juillet 2004, l'avocat de la SARL Centre Informatique Arcachonnais s'est entretenu avec l'interlocuteur départemental ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans son courrier du 27 janvier 2004, l'avocat de la SARL Centre informatique arcachonnais sollicitait une entrevue avec l' " interlocuteur départemental ", demande dont l'administration a pris acte par lettre du 21 avril 2004 et qui a donné lieu à un rendez-vous avec ledit interlocuteur le 5 juillet suivant ; que, si la requérante se prévaut d'un courrier du 18 mai 2004, au demeurant non versé aux débats, par lequel elle demandait la saisine " des interlocuteurs visés par l'avis de vérification ", ce courrier ne saurait, par sa formulation, être regardé comme tendant à ce que le différend opposant la société à l'administration fiscale soit porté devant l'inspecteur principal, avant que ne soit saisi l'interlocuteur départemental ; que, par suite, la requérante ne peut valablement soutenir que, en ne soumettant pas le litige à l'inspecteur principal avant l'entrevue avec l'interlocuteur départemental, l'administration l'aurait privée d'une garantie substantielle ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; qu'en vertu de l'article L. 59 du même livre, lorsque le désaccord persiste sur les redressements notifiés, l'administration soumet le litige à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de sa propre initiative ou sur la demande du contribuable ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration ne peut estimer qu'un désaccord subsiste, ni soumettre celui-ci à l'avis de la commission départementale, tant que le contribuable n'a pas reçu d'elle une réponse motivée, rejetant les observations qu'il a formulées dans le délai de trente jours suivant la réception de la notification de redressement ; que, toutefois, lorsque l'administration, au vu des observations du contribuable, a saisi la commission avant que sa réponse motivée ne soit parvenue à ce dernier, une telle erreur n'entache d'irrégularité la procédure d'imposition que lorsqu'elle a eu pour effet de priver le contribuable de l'une des garanties de procédure dont il était en droit de bénéficier ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a envoyé sa réponse aux observations du contribuable le 21 avril 2004, en ce qui concerne les impositions relatives à l'exercice 2000, et le 3 juin 2004, en ce qui concerne les impositions relatives aux exercices 2001 et 2002 ; que la circonstance que la convocation à la commission départementale des impôts ait été adressée à la société requérante le 27 mai 2004, soit une semaine avant l'envoi de la réponse aux observations du contribuable relative aux exercices 2001 et 2002, n'a pas eu pour effet de priver le contribuable d'une garantie de procédure dont il était en droit de bénéficier, dès lors que la société a été prévenue de cette saisine plus d'un mois avant la date de la réunion ;
8. Considérant, enfin, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par suite, le moyen tiré par la SCP Silvestri-Baudet de ce qu'elle aurait reçu la convocation à la réunion de la commission départementale des impôts devant examiner son dossier vingt-deux jours avant la date de la réunion, en contravention avec l'article R* 60-1 du livre des procédures fiscales, qui prévoit un délai minimum de trente jours, est inopérant au soutien de sa demande en décharge des impositions en litige ;
Sur le bien-fondé des impositions :
9. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par les différences entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissement et les provisions justifiés " ; que, pour l'application de ces dispositions, le résultat d'études ou de recherches ou la maîtrise d'un procédé technique, lorsqu'il a été acquis par l'entreprise en vue d'être utilisé pour les besoins de son exploitation durant plusieurs exercices, doit être regardé, même s'il ne bénéficie d'aucune protection juridique particulière, comme un élément incorporel de l'actif immobilisé ; qu'à ce titre, il doit être inscrit à l'actif pour son prix de revient et y être maintenu tant qu'il est utilisable, mais peut faire l'objet d'amortissements s'il est normalement prévisible qu'il cessera nécessairement d'être utilisable à une date déterminée ; que tel est le cas d'un programme informatique qu'une entreprise a acheté à un tiers et qu'elle met en oeuvre soit pour sa propre production ou sa gestion, soit en le mettant à la disposition de sa clientèle à titre de prestation de services ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL Centre Informatique Arcachonnais a acquis les droits d'utilisation et de commercialisation de programmes informatiques de paye, de comptabilité et de gestion auprès de la société anonyme Arcachonnaise de comptabilité, en vue d'utiliser lesdits logiciels pour ses besoins propres durant plusieurs exercices ; qu'ainsi, les redevances versées annuellement en vertu du contrat de cession des droits d'utilisation et de commercialisation de ces programmes doivent être regardées comme le prix de revient d'éléments incorporels de l'actif immobilisé, pouvant faire l'objet d'une dotation à un compte d'amortissement ; qu'en se bornant à soutenir que les redevances litigieuses avaient pour contrepartie le bénéfice d'un apport technologique courant et que la SARL Centre Informatique Arcachonnais ne pouvait céder les droits acquis auprès de la société Arcachonnaise de comptabilité, la SCP Silvestri-Baudet n'établit pas que lesdites redevances auraient la nature de charges d'exploitation déductibles du résultat de l'entreprise ;
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1. Considérant que, pour rejeter l'argumentation de la requérante relative à la cession de créance consentie à la société Arcachonnaise de comptabilité, le tribunal a ainsi motivé sa décision : " Considérant que, par décision de l'assemblée générale du 30 juillet 1999, la société Centre Informatique Arcachonnais a été autorisée à céder à la société anonyme Arcachonnaise de comptabilité la créance de 1 400 000 francs HT qu'elle détenait à l'encontre de plusieurs clients ; qu'au titre de l'exercice clos en 1999, ce montant a été enregistré au crédit d'un compte de produits en contrepartie du débit d'un compte de tiers ; que, si la SCP Silvestri-Baudet soutient que cette cession a été annulée, elle ne l'établit pas ; que dans ces conditions, les écritures constatées au titre de l'exercice clos en 2000, ayant eu pour effet d'annuler les recettes procurées par cette cession par le débit du compte de produits et l'émission le 1er janvier 2000 d'un avoir au profit de la société anonyme Arcachonnaise de comptabilité doivent être regardées comme présentant le caractère d'une libéralité constitutive d'un acte anormal de gestion ; que c'est à bon droit que le montant en cause a été réintégré aux résultats de la société Centre Informatique Arcachonnais au titre de l'exercice clos en 2000 " ;
12. Considérant que la société requérante se borne à reprendre en appel son argumentation de première instance ; qu'elle n'invoque aucun moyen ni ne produit aucun élément de nature à remettre en cause les motifs par lesquels le tribunal administratif a écarté, à bon droit, le moyen qu'elle lui avait soumis ; qu'il y a lieu, dès lors, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, d'écarter ledit moyen ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCP Silvestri-Baudet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la SCP Silvestri-Baudet la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;