CIV. 1 IK
COUR DE CASSATION
Audience publique du 20 mars 2013
Cassation partielle
M. PLUYETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt no 322 F-P+B+I
Pourvoi no U 11-16.345
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par Mme Elisabeth Z, domiciliée Voreppe,
contre l'arrêt rendu le 15 février 2011 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant à M. Robert Y, domicilié Moirans,
défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 février 2013, où étaient présents M. Pluyette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Savatier, conseiller rapporteur, Mme Bignon, conseiller, Mme Nguyen, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Savatier, conseiller, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme Z, l'avis de M. Jean, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la première branche du moyen unique
Vu l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article R. 221-5 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Z a acquis un terrain sur lequel a été édifié une maison achevée avant son mariage avec M. Y ; qu'au cours des opérations de liquidation et partage de leur communauté, dissoute par le prononcé de leur divorce, elle a poursuivi devant le tribunal d'instance l'expulsion de ce dernier qui occupe l'immeuble ;
Attendu que, pour la débouter de cette demande, l'arrêt relève qu'il n'appartient pas à la cour d'appel, statuant sur l'appel du jugement du tribunal d'instance ayant ordonné l'expulsion, de s'interroger sur la propriété de l'immeuble, seule la décision du tribunal de grande instance à intervenir permettant de déterminer les droits de chacun des époux sur le terrain et la maison, et en déduit qu'il n'est pas établi que M. Y est occupant sans droit ni titre ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir rejeté l'exception de litispendance soulevée par M. Y en retenant que l'objet et la cause du litige tendant à l'expulsion pour occupation sans droit ni titre pendant devant elle étaient différents de ceux de l'instance en liquidation-partage des droits pécuniaires des anciens époux dont était saisi le tribunal de grande instance, la cour d'appel, qui était tenue de statuer sur le moyen de défense tiré de la revendication de la propriété du bien litigieux présenté par l'occupant, a violé par refus d'application le second texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la preuve que M. Y serait occupant sans droit ni titre n'est pas rapportée et débouté Mme Z de sa demande d'expulsion, l'arrêt rendu le 15 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. Y aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y à payer à Mme Z une somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme Z
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté que la preuve n'était pas rapportée que Monsieur Y serait occupant sans droit ni titre de la maison d'AVOIR débouté Madame Z de sa demande d'expulsion ;
AUX MOTIFS QUE l'expulsion ne peut être ordonnée que s'il est établi que Monsieur Y est occupant sans droit ni titre ; que contrairement à ce que prétend Madame Z, Monsieur Y n'a pas renoncé à se prévaloir de la propriété de l'immeuble litigieux
- l'aveu judiciaire prévu à l'article 1356 du Code civil ne peut en aucun cas porter sur un point de droit ;
- l'accord des parties au moment de l'ouverture des opérations de liquidationpartage aux termes duquel il était prévu que Madame Z reprendrait possession de la maison n'a pas perduré, puisqu'il résulte expressément du PV de difficultés établi par le notaire que Madame Z se plaint de ce que son ex-époux ne veut pas quitter le domicile, ce qui empêche la vente de l'immeuble et par là-même la liquidation ; que Monsieur Y a conclu le 27 août 2010 devant le Tribunal de grande instance qu'il demandait l'attribution de l'immeuble de Moirans dans le cadre des opérations de liquidation-partage, s'estimant propriétaire du terrain acquis grâce à ses deniers propres et par là même en vertu de l'article 552 du Code civil, propriétaire de la maison, ou à tout le moins propriétaire de la seule maison en vertu des dispositions de l'article 553 du Code civil ; qu'il n'appartient pas à la Cour, saisie de l'appel du jugement du Tribunal d'instance qui a prononcé l'expulsion, de s'interroger sur le point de savoir qui a la qualité de propriétaire de l'immeuble litigieux ; que seule la décision à intervenir du Tribunal de grande instance permettra de connaître les droits de chacun des époux sur le terrain et la maison ; que tant que cette décision n'est pas rendue, il est impossible d'affirmer que Monsieur ... ... est occupant sans droit ni titre de l'immeuble de Moirans ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a constaté que Monsieur Y était occupant sans droit ni titre de la maison et ordonné son expulsion ; que la demande d'expulsion formée par Madame Z sera rejetée ;
1o) ALORS QUE le juge qui écarte l'exception de litispendance doit trancher le litige dont il est saisi ; qu'en affirmant, pour débouter Madame Z de sa demande tendant à l'expulsion de Monsieur Y, son ancien conjoint, qu'il ne lui appartenait pas de s'interroger sur le point de savoir qui avait la qualité de propriétaire de l'immeuble litigieux (arrêt p. 5, in fine), bien qu'elle ait préalablement écarté l'exception de litispendance tirée de ce qu'une autre juridiction serait déjà saisie de cette question et se soit déclarée compétente (arrêt p. 4 in fine), la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile, ensemble l'article R. 221-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
2o) ALORS QUE, s'agissant d'un bien propre, un époux peut intenter une action tendant à l'expulsion de l'autre époux, occupant sans droit ni titre un bien qui lui est propre, même si une instance ayant pour objet la liquidation de la communauté précédemment dissoute est pendante ; qu'en affirmant, pour débouter Madame Z de sa demande tendant à l'expulsion de Monsieur Y, son ancien conjoint, qu'il ne lui appartenait pas de s'interroger sur le point de savoir qui avait la qualité de propriétaire de l'immeuble litigieux (arrêt p. 5 in fine), quand Madame Z soutenait que le bien constituait un propre (conclusions de Madame Z, en date du 15 octobre 2010, p. 3, § 4) et quand il lui appartenait de déterminer si tel était le cas, la Cour d'appel a violé l'article R. 221-5 du Code de l'organisation judiciaire.